Opérations réussies, heureusement pour eux, Nate aurait pu leur défoncer la gueule si l'un des siens n'était pas revenu du bloc. Mais Zack, Vic et May étaient là. Groggy encore, mais bien là. Morgan se remettait doucettement, cependant Will n'arrivait pas tirer grand chose d'elle …. Alors le temps où il pourrait la tirer tout court était loin, vachement loin. L'idée lui fit émettre un rictus alors qu'il glissait la main sur le front d'une May endormie avant de redresser le nez sur l'agitation soudaine dans le dispensaire.

Place des discours blablabla.... Un coup d’œil vers la rouquine, pour remarquer que Will était plus dans le coin et le journaliste suivit le mouvement sans grand enthousiasme. Ils faisaient des discours dans cette putain d'île, y avait genre une reine ou des clampins, investis par dieu savait qui, pour les endoctriner ? Certes il n'était pas objectif, pourtant valait mieux se tenir au courant car, visiblement, ils allaient pas foutre le camp de ce Fort avant un bail, s'ils pouvaient le faire d'ailleurs. Sur place, Fuller tarda plus à repérer Mayfield et colla la main sur son épaule. Ce type était nerveux dès qu'un truc venait interférer dans son quotidien, un peu comme la rouquine, autant rester avec lui parmi tous les grouillots aux oreilles tendues et langues plus pendues encore.

- C'quoi ces habitudes, c'genre comme quand Zack et Mo' nous conviaient dans l'salon d'la baraque ? Ses yeux croisèrent ceux du blond puis filèrent vers un type, un grand brun assez fermé, vers lequel tous les regards se dirigeaient. C'était qui lui ? Il l'avait bien vu sur la plage en compagnie de la rousse glaciale mais pour le reste, il avait pas la moindre idée du rôle que tenait ce mec dans le Fort. J'peux juste t'parier qu'c'est un dirigeant, z'ont tous la même gueule, 'fin, font tous la gueule. Plaisanterie pour détendre l'atmosphère.

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Autant dire que ni la perte d'une trentaine des leurs ni la présence de leurs alliés de Renton n'avait perturbé le quotidien du virologue. Ça ne lui avait fait littéralement ni chaud ni froid ce qui ne l'empêchait cependant pas d'avoir un avis réel sur ce qu'il s'était déroulé là-bas et la manière dont les choses avaient été gérées. Mais ça n'influençaient en rien son travail au labo ni ses petites habitudes. D'autant plus qu'il avait des choses bien plus importantes à gérer que les pertes des uns et des autres.

Au cours de l'après-midi, trois jours après le retour de ce qu'il restait des troupes, le quarantenaire, accompagné de Chad, ressortait d'une réunion qu'il avait tenue avec Phelbs concernant leurs dernières avancées. Tous deux étaient tombés d'accord sur le fait que l'information était suffisamment importante et prometteuse pour en référer aux habitants de l'île. Alpaguant Sacha il l'envoya prévenir les autres qu'un discours allait se tenir en place publique.

Quelques minutes après il s'y trouvait, avisant de ses prunelles glacées toutes les personnes présentes, percevant tout au fond des membres de ce groupe qui se faisait appeler ''American Dream''. Sûr qu'ils ne l'avaient pas atteint, ce rêve, sinon ils ne seraient pas là, la moitié des leurs encore au dispensaire. Chad, Savannah et Sacha étaient un peu plus en retrait, derrière lui, tous trois faisant partis des acteurs directs de cette avancée.

Jetant un bref coup d’œil à Phelbs,  il s'avança un peu, attendant que les bavardages se taisent dans l'assemblée. « Bonjour à tous. Il y a quelques mois, nous avions découvert avec grand étonnement l'immunité de Buchanan. Nous avions également émis la possibilité d'une avancée considérable et après tous ces mois de recherche nous sommes arrivés à des résultats plus que concluants » avait-il commencé, laissant alors planer un silence pour bien capter l'attention de tout le monde. Sa voix restait professionnelle, aucune émotion peinée n'y transparaissait, ni pour ceux qui étaient morts quelques jours à peine plus tôt, ni pour tous ceux qui avaient été sacrifiés pour ces expériences mais ça, les survivants ne le savaient pas. « Nous avions développé au début de l'année un sérum permettant de repousser la mort à six jours. Grâce aux prélèvements sur l'immunisé nous avons mis en place un nouveau sérum, le Z9. » Nouveau silence alors qu'un éclair de fierté était perceptible dans son regard. « L'estimation de survie après une morsure est désormais d'environ sept semaines. » Inutile sans doute d'en expliquer d'avantage, ils ne comprendraient rien aux termes scientifiques. « Évidemment nous n'allons pas nous arrêter là et avons bien l'intention de trouver le moyen d'enrailler l'activation du virus de manière définitive. » Il faudrait du temps, encore, mais cette avancée était déjà un pas considérable.

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Le discours était probablement la chose la plus attendue au campement. Pas de la part de Lawrence cependant, pas pour Casey en tout cas. Ce qu'il pouvait faire dans son laboratoire ne la concernait pas vraiment, au point même de la laisser indifférente notamment parce qu'elle n'y comprenait rien. si elle avait arrêté ses études au plus vite, ça n'était pas pour rien. Au moins s'inquiéta-t-elle pour Sacha : la rouquine semblait fatiguée, et ça s'entendait. Pourtant, ça ne semblait pas être le problème de Lawrence.

Son blabla passé, la blonde resta muette. D'accord. Donc il avait un vaccin qui offrait un sursis de sept semaines. C'était ce qu'elle comprenait. Et le reste ? Renton ? Ce qu'il y avait à dire là-dessus ? N'était-ce pas ce qui importait à tout le monde actuellement ? La venue et les déclarations de Lawrence ressemblait davantage à un os à ronger pour un chien vraiment enragé.

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Elle était pas restée là bas, à quoi bon au juste ? Ca servait à rien de faire le pied de grue auprès des malades, y avait bien que le groupe de Renton qui campait au dispensaire. Eux et Floyd. Elle l'avait pas vu passer la porte la veille, Tim avait même zieuté par la fenêtre un bout de temps, à croire qu'il aimait bien la présence du militaire chez eux. Elle avait aidé le gamin à se vêtir avant d'être prévenue qu'un discours se donnerait d'ici peu. Law qui parlait, ça valait le détour, c'était suffisamment important pour que Davis desserre les dents face à la populace. Veste enfilée, le manteau sur le dos du mioche, Joann lui engloba la main et le fit doucement cavaler jusqu'au dispensaire pour y trouver le tatoué, à morfle sur une chaise. Un soupir fila ses lèvres. Le nain de jardin n'avait pas repris connaissance.

- Y a un truc important sur la place. Lâcha-t-elle. C'était peut-être pas convainquant, peut-être qu'il avait pas envie de quitter le chevet de mère Térésa. Donnie ? T'vas pas rester là … Viens au moins prendre l'air t'griller une clope enfin ... Un autre soupir passa le seuil de ses pétales. J'y vais, si tu viens, tu seras pas seul.

La brune tourna les talons et mit peu de temps pour rejoindre l'assemblée. Tim l'observait elle, sans cesse, il serrait sa main comme si, d'une seconde à l'autre, il serait foutu de se perdre dans la foule qui le forçait à se coller à sa jambe. Puis Law annonça la couleur sans fioriture, droit au but pour les crânes de piafs sans doute. Ils avaient tiré quelque chose du sang de l'autre bœuf sous hormones. Bien, c'était déjà ça au moins le scientifique ne faisait pas d'insomnies pour que-dalle. Sept semaines pour muter. Il cherchait encore pour totalement enrayer l'infection. Pas de question pour elle, elle avait pas besoin de public pour l'interroger plus tard, quand ils seraient tranquilles, du moins s'il désirait en parler sans quoi, elle apprendrait au même moment que les autres. Un coup d’œil aux gens autour d'elle et le gamin l'attira vers une petit blonde qu'elle connaissait bien. Casey.

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Pour l’occasion, June avait mis un manteau noir élégamment serré à la taille par-dessus une longue robe sombre qui tombait jusqu’à masquer ses pieds. Les cheveux impeccablement tirés en arrière, le maintien aussi droit qu’à son habitude, elle observait la foule rassemblée sur la place. Hormis les blessés en rémission, pratiquement tout le monde était là, y compris certains des survivants de Renton. Elle avait laissé son collègue prendre la parole en premier, savourant intérieurement cette petite victoire sur l’adversité. Une victoire pour une défaite. Suite à la conclusion de Lawrence, elle avait appuyé un léger hochement de tête. A son tour alors, elle s’approcha pour se mettre à hauteur du responsable du pôle scientifique.

- J’ai conscience que nous ne sommes pas dans les meilleures conditions pour apprécier ce qui est pourtant un progrès extraordinaire. Ne plus voir la morsure de rôdeur comme une fatalité, c’est reprendre un contrôle inestimable sur notre monde, ses doigts gantés s’entrecroisèrent sous son menton, lui donnant brièvement l’air de réfléchir, mais il y a eu l’événement de Renton et la perte de plusieurs d’entre nous, l’avocat ne se défilait pas, elle affrontait les regards levés sur elle avec la même assurance – ou la même distance – que d’ordinaire, je ne blâme pas nos alliés, parce que ce n’était pas leur rôle de superviser la situation sur place. C’était le nôtre. Nous étions plus nombreux, plus armés, plus organisés… mais avons laissé passer suffisamment de failles pour que le ranch prenne les armes, le résultat, ils le connaissaient tous désormais, inutile de le rappeler, je ne blâme pas non plus tous nos co-survivants qui étaient sur place. C’est un échec que je prends à titre personnel et je suis profondément désolée pour tous les proches que vous avez perdu.

A défaut d’avoir Ela sur l’estrade pour répondre elle-même de sa responsabilité, June le prenait sur ses épaules. Ce serait son fardeau qu’elle le veuille ou non. Autant qu’elle l’accepte délibérément. Ce n’était par ailleurs pas totalement un mensonge : elle était navrée de se voir spoliée de 15% de sa force vive ; c’était un véritable désastre pour la communauté en elle-même.

- Peut-être nous sommes-nous montrés trop raisonnables, ou trop patients ou trop laxistes. Quoiqu’il en soi, cela m’a fait prendre conscience d’une erreur fondamentale, elle marqua un bref silence, j’étais encore trop influencée par l’héritage de Benjamin Chambers et je pensais que la puissance de notre groupe viendrait d’abord de notre rayonnement à l’extérieur. La découverte de Lawrence ou encore l’énorme travail abattu par les volontaires coordonnées par Valentine m’ont fait prendre conscience que c’était l’inverse : c’est en renforçant nos acquis ici, à Fort Ward, qu’on deviendra le noyau d’une nouvelle civilisation.

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Si Stan avait toujours eu des doutes quant à l’approche effectuée à Renton, il avait voulu y croire. Depuis que Phelbs avait repris les rênes du groupe, il estimait effectivement ses décisions et il lui avait finalement accordé sa confiance. Il en résultait sur ce sujet un échec cuisant… et bien des morts… Parmi eux, Aaron, Takana et quelques autres que le jeune militaire estimait sincèrement. Des collègues, des amis. Bon sang, fallait-il systématiquement en passer par là ? Depuis quelques jours, il rongeait donc sa frustration, comme il le faisait généralement lorsqu’il se trouvait contrarié. Et il attendait d’en connaitre les répercutions. Il ne doutait pas que June n’assumerait pas l'entière responsabilité d’une telle bavure. Ne le lui avait-elle pas déjà dit ? Après tout, c'était facile, puisque Zack et Ela étaient ceux qui assumaient officiellement le commandement là-bas ces derniers mois...
 
Quand il eut vent de l’annonce qui allait se faire près du cœur scientifique, le garçon planta le travail en cours pour se dépêcher d’y assister, embarquant au passage celui qui travaillait avec lui. Ils arrivèrent en même temps que Davis, et ne purent se rapprocher de leurs connaissances. Il dévisagea Lawrence, Savannah, Chad, Sacha. Le virologue fut le premier à prendre la parole, pour leur annoncer une belle avancée dans leurs recherches sur le virus. Stanley fit une tape dans le dos de son voisin, les lèvres pincées dans ce qui pouvait ressembler à un sourire retenu. Il avait mis bien des espoirs dans l'immunité inattendue de Clayton, et déjà en quelques semaines, les professionnels dont ils attendaient des miracles depuis maintenant trois ans faisaient enfin une percée significative ! C'était effectivement prometteur.

Évidemment, il ne s'attendait pas à ce que le discours en reste là. Ça sonnait trop comme la bonne nouvelle pour amorcer la mauvaise. Et pour cause, aucune déclaration publique n'avait encore été faite quant aux évènements survenus au District ! Le jeune homme haussa toutefois un sourcil face au profil bas qu'afficha leur leader. Pour tout dire, Stan ne croyait pas que le fond du problème était leur trop grand laxisme. Il restait convaincu qu'il avaient payé le prix d'une approche encore trop frontale. Mais June le surprit en se rejetant pleinement la faute, avec presque sincérité. Puis elle affirma qu'ils devaient se concentrer sur ce qu'ils avaient, ce qu'ils étaient aujourd'hui, avant tout, pour abandonner la « conquête » qu'elle avait amorcée. Ce n'était peut-être que la continuité de ce qu'ils avaient effectué ces derniers mois sur l'île, mais c'était un revirement de situation qu'il n'avait pas anticipé.

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