Cette fois-ci, les morts ne se relèveront pas. Les rues étaient jonchées de cadavres, car ce n’était plus que ça, non plus des monstres, des dangerosités ambulantes, mais juste des corps anonymes. Ils n’étaient plus que des corps, humains, qui avant d’en arriver là étaient comme eux ; des personnes avec un passé, une famille, des amis, une vie. Et alors qu’Ela mettait à terre le dernier cadavre encore debout, cette évidence la percuta de plein fouet. C’était terminé, les militaires pouvaient faire le tour des maisons sans eux, c’était terminé, le plus gros du danger était passé. C’était fini. Le Fort devrait alors se reconstruire, nettoyer ses rues, panser ses plaies et se relever. C’était ça désormais, leur vie. Et dehors, dehors les gens étaient fous. En témoignait les méthodes de ces fanatiques à l’hôpital. De ce moment terrible qu’elle avait passé seule, dans cette pièce sombre en très mauvaise compagnie. Le monde en dehors de cette île tournait fou, rares étaient ceux qui méritaient de survivre avec eux. Et tous ces gens, tous ces morts. Parmi eux, des civils du Fort, qui ne rentreraient pas chez eux.

Merl les abandonna, se dirigeant vers les maisons. C’était fini. Et tout le poids de cette journée lui tombait sur les épaules. Elle laissa les militaires s’occuper des derniers cadavres alors qu’elle sentait les émotions lui enserrer la gorge, mais elle ne pouvait pas faire ça ici. Pas dehors. Elle voulait être chez elle, disparaitre. Son regard se posa sur Aaron, non loin d’elle. Elle fit quelques pas en sa direction, et ces pas étaient difficiles, c’était comme si elle avait une bombe à retardement à l’intérieur d’elle qui menaçait d’exploser au moindre geste brusque. « Aaron… » Elle ne le regardait pas, fixait un point invisible sur l’horizon. Elle commença à trembler, d’abord les mains alors qu’elle rangeait son couteau à sa ceinture. Elle s’approcha encore, pour qu’il soit le seul à l’entendre. « Aaron, il faut que tu me ramènes chez moi… » Elle se força à lever les yeux vers lui, pour qu’il puisse lire la détresse dans son regard. Elle avait honte de lui montrer cela, terriblement honte. Mais à trop parler, elle risquait de déclencher la crise à tout moment. « Il faut que je rentre, je ne peux pas… Pas ici. » Et il n’avait pas intérêt à se payer sa tête, elle n’était pas en état. Pas du tout. S’il voulait éviter qu’elle lui tombe dans les bras – en larmes – devant tout le monde, il avait intérêt à tenir sa langue, encore quelques minutes.

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Elle perdait de force, de ténacité, au grès des secondes, l'espace entre sa joue et les crocs du parasite s'amoindrissait. Son cœur pompait, encore et encore, sa tête lui infligeait douleurs et regrets. Il ne saurait pas si elle mourrait. Si elle crevait après tout ça, le Fort pourrait bien s'écrouler qu'elle ne serait plus d'aucune utilité. Ses mâchoires craquaient presque tant elle serrait. Les plaies se rouvraient, elle les sentait se déformer, gagner de territoire sur elle, comme la créature qui grognait inlassablement au dessus d'elle et puis....

Plus rien sinon la libération soudaine. Plus de pression, plus de griffes enfoncées dans la cuir qui couvrait ses bras. Rouvrant subitement les yeux, Joann vit la créature dégager de son corps, sans sommation aucune, et Elias lui servir sa tête de profond connard soûlé par la situation. Un rictus soulagé glissa sur ses lèvres, quand il l'aida à se relever d'une poigne ferme. Elle pouvait compter sur lui, il pouvait compter sur elle, même si lors de leur première rencontre les choses ne s'étaient pas passées de la sorte. Peu importait, il fallait nettoyer, repousser les créatures encore. Tous s'agitaient, ils y parviendraient s'ils ne relâchaient pas la pression malsaine qui voguait dans leurs tripes. C'en serait fini bientôt, ne restait plus qu'à « le » trouver, ne restait plus qu'à savoir si Casey et Stanley allaient bien et ce serait terminé.

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La nouvelle commençait à se répandre dans le camp et était sur toutes les langues. Une fois que les maisons et les zones plus boisées seraient contrôlées, ils pourraient tous souffler. Et ils n'avaient pas ménagé leur tâche ! Tellement de corps jonchaient le sol, des personnes qui un jour, étaient peut-être des amis, des voisins... Il avait d'ailleurs à peine remarqué les deux dépouilles que semblaient déplorer le jeune Shigeru. Y a pas à dire, la pression avait retombé et ça fichait un sacré coup au moral tout à coup ! C'était répugnant, déprimant même. Aussi, son cerveau s'était empressé de se mettre en mode OFF , « A plus les Rogers... » avait-t-il dit à Merl, qui tout comme son frère, s'éloignèrent. Le blond fit un bref signe à Clay avant de regarder une dernière fois Ela et décider de prendre congé.

Aaron s'était longuement étiré les bras tout en initiant quelques pas vers le camp, il allait s'empresser d'aller se décrasser un peu et retrouver Happy avant de voir s'il pourrait capter Josh, espérant quand même qu'il n'aurait pas été assez con pour faire une connerie. Tiens, étrange : La dame de glace avait pas bougé, encore plus étrange, elle se dirigeait vers lui et l'appelait ! " Ouais ? ... "  le coursier marqua un temps d'arrêt, l'écoutant. La ramener ? Sérieusement ? " Hein ? Ça peut pas att..." et puis, il finit par se retourner  pour la découvrir tremblante, semblant au bord de la crise... Merde, sa détresse était aussi palpable que troublante " O-ok c'est bon... J'te raccompagne." avait-il bredouillé.

Maladroitement, il avait alors tendu la main, peut-être pour la pousser un peu ? Ou venir la poser sur son épaule et la soutenir ? Toujours est-il qu'il se ravisa au dernier moment en secouant négativement la tête. Même s'il ne comprenait pas très bien de quoi il en retournait, il allait se contenter de répondre favorablement à la requête de la demoiselle, -à qui il emboîtait désormais le pas- avant de tirer un trait sur ces deux foutus jours maudits, et ce serait bon. Ouais, d'ici une heure, ils n'en riraient peut-être pas, mais il était bien décidé à ne pas trop se formaliser vis-à-vis de tout ça et rejoindre ses potes, ils avaient échappé de peu au pire, c'était une victoire de plus. Et puis, vu le travail qui les attendaient tous encore...

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Alors que je partais chercher ma pelle, j’avais trouvé un garage ouvert. Je savais que cette histoire puait un peu, mais je n’étais plus vraiment à ça prêt… J’avais arrêté de compter le nombre de connards que j’avais mis à terre aujourd’hui et je n’étais définitivement plus à un prêt. Je soupirais doucement alors que j’entrais dans le garage. Il y avait cette puanteur que je connaissais trop bien et qui m’indiquait qu’un connard était définitivement dans le coin. Tant pis s’il était dans la pénombre, je le défoncerais sans hésiter la moindre seconde. Je m’approchais du râtelier au fond de la pièce.

Pour le moment, mon chemin se passait bien et c’est au moment où je posais la main sur ma la pelle qu’un râle se fit entendre puis un second. Bien… J’en avais deux à gérer parce qu’un ne suffisait pas… Je poussais un nouveau soupir arrachant la pelle du mur avant de l’envoyer violemment en direction du bruit. J’entendais alors un bruit dégueulasse sous-entendant que j’avais sans doute touché le premier connard à la tête. J’avais encore toutes mes capacités d’autodéfense même si l’envie n’y était plus. Le deuxième se trouvait derrière moi et me saisit à l’épaule gauche, une grimace apparut sur mon visage et un grognement sorti de mes lèvres, il fallait définitivement arrêter avec mon bras parce que ça allait plus vraiment être gérable. Je fis un coup de coude à la bestiole avant de laisser échapper un cri de douleur. En tout cas, c’était suffisant pour le faire tomber. Une fois au sol, je l’achevais sans hésiter avec un coup de pelle. Je venais de lui découper la tête en deux et c’était presque marrant.

- Tu aurais presque pu m’avoir.

Un dernier regard détaché à la bestiole avant de partir et de rejoindre Takeo pour de bon. Creuser avec un bras meurtri allait sans doute être compliqué, mais p’pa m’avait toujours dit que c’était la douleur qui nous rendait plus fort et qu’il n’y avait que les femmes pour se plaindre. Mon bras était encore attaché à mon corps et je pouvais le bouger, il n’y avait pas de raison que je ne puisse pas creuser un foutu trou, même deux pour le coup…

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