La gifle fuse, sèche et brusque. Les reins coincés contre la carrosserie, j'me r'trouve forcé à subir le discours d'April. J'passe une main sur ma joue, masse doucement ma mâchoire ; ça aurait pu être le geste de ma mère. Tout comme ses mots. Et j'sais bien, la fuite précipitée n'aurait peut-être pas été plus glorieuse. J'sais, mais putain, un "peut-être" aurait mieux valu que... ça. J'refuse de m'confronter à son regard, bien trop à bout pour subir encore quelque peine que ce soit. J'en ai marre. Ça m'dépasse, putain. Ça m'épuise, de courir, de me battre, de perdre, d'échouer, de n'être qu'un impuissant aux ambitions d'un héros raté. April monte le ton et j'fais mon possible pour rester stoïque, sans y parvenir complètement. Difficile de lutter efficacement contre les larmes qui trouvent dans la douleur une échappatoire jusqu'aux coins de mes yeux.

J'décolle simplement le dos de la voiture quand elle se décide à m'lâcher. C'pas sans une dernière pique qui fait mouche, blesse et m'tord encore un peu plus vers mon point de rupture. Filer en douce, ouais... J'ai un rictus nerveux, rapidement plombé. Ecoeuré qu'elle trouve à mettre mon escapade en lien avec la situation actuelle, j'souffle, plus bas et amer, "Va t'faire..." Mais je n'trouve ni le temps ni la foi de finir ma phrase, coupée net par la voix de Roza.

De Roza, merde. J'rouvre grand les yeux vers elle, encaisse le soulagement qui vient relever d'un coup tout le poids qui pèse sur mes poumons. Au moins, s'engueuler avec la vieille aura eu son utilité. Elle nous a rapidement retrouvés. J'ai à peine le temps d'lui poser une main sur l'épaule qu'elle se dérobe et s'engouffre dans la voiture. J'fais de même, en me calant également à l'arrière, Calypso glissée entre nous deux. Mark reprend le volant, aux côtés d'April que j'ignore du mieux que je le peux.

"Tu nous as encore sauvé la mise, Roza... T'en fais pas." La russe semble déjà céder à l'appel de Morphée. J'tends l'bras gauche jusqu'à elle, en travers de l'éditrice pour poser la main sur son genoux, l'agripper faiblement, à la recherche instinctive du contact de mes deux amies. Puis, le moteur démarre, nous remue encore une fois dans cette affreuse nausée. On avance. Les yeux levés sur un Seattle mort, je fixe vaguement le nuage de fumée s'éloigner. Un bout d'histoire se décrocher. S'évaporer.

Spoiler:

Tout se bouscule, tout s'enchaîne. Roza part faire diversion alors qu'Eli Et moi couvrons les arrières de Mark qui aide April à se déplacer. Nous entrons dans un hôtel pour pouvoir s'habituer pendant quelques instants. Eli Et moi faisons le ménage pendant qu'April tente de soigner ses blessures. Nous ne nous éternisons pas, il faut absolument retrouver ma poupée russe qui a choisi de partir seule contre ces enfoirés.

Nous sortons de l'hôtel en espérant croiser Roza ou de simplement la retrouver à notre point de rendez-vous. L'image de Jacks ne quitte pas mon esprit, il faut absolument qu'on les retrouve ce n'est pas vivable sans lui. Alors que nous avançons dans la rue, les manifestations d'Eli me sortent de mes pensées. Je me tourne vers la fumée noire qui s'échappe de notre lycée et la c'est juste l'élément de trop. La goutte d'eau qui fait déborder le vase. Je suis juste incapable de gueule comme le fait mon meilleur ami, je me contente de craquer en silence et de laisser couler mes larmes.

Visiblement les propos du mexicain ne plaisent pas à l'aînée du groupe qui le plaque contre la voiture qu'il vient de dégoter. J'ouvre les yeux en grand gave à la claque qu'elle lui assigne, j'peux pas la laisser faire ça. Mais arrête ! Laisse le ! Je suis en train de la tenir par son bras valide, si elle recommence c'est moi qui lui mettrai une. Allé allons nous... mais j'suis coupée dans ma phrase par ma russe qui nous a retrouvé. Je me rue vers elle pour l'aider à se déplacer et l'installe dans la voiture. Je monte à ses côtés et ne me retiens pas de pleurer, toujours en silence.

Je suis entre mes deux amis, les plus fidèles, oublie tout ce qui a pu nous séparer. Le mexicain vient poser sa main sur son genou et par réflexe je pose ma main sur la sienne. Je la sers fermement et pose ma tête sur l'épaule d'Eli en pleurant. Je veux juste le retrouver.

Résumé: