C’est Alan qui prit la suite, j’avais l’impression d’être comme ses suicidaires qu’on ne devait pas laisser seule avec un objet tranchant quelconque, enfin je suppose que c’était normal, tout le monde voulait dire au revoir à Abel. J’avais l’impression que chacun d’entre eux était bien plus touché que moi par cette mort. Je veux dire, tout le monde avait les larmes aux yeux et moi j’étais toujours aussi droite que ce que mon corps me le permettait, aucune larme n’était présente, certes j’avais le teint extrême pale et la mine fermée, mais je ne pleurer pas. Est-ce que ça faisait de moi quelqu’un de mauvais ? Non sans doute pas.

J’avais déjà l’impression que les mots se ressemblaient avec les autres qui étaient déjà passés. En même temps que dire de plus ? Je n’avais pas trouvé la force d’en dire plus à Lilou quand elle avait perdu Edwin, je ne pouvais pas leur en vouloir non plus de ne pas trouver quoi dire de plus. Mon regard croisa celui d’Alan et je me contentais de lui répondre dans un souffle la même chose qu’a tout le monde. C’était un mot simple qui était facile à comprendre, de toute façon, je pense que personne ne me tiendrait véritablement rigueur de ce que je dirais à ce moment-là. Il savait très bien que j’étais incapable de véritablement réfléchir parce que personne n’était vraiment capable de le faire.

- Merci.

Une fois dehors, c’est Ludwig qui entra dans la pièce, je ne m’attendais pas à le voir ici, mais j’étais profondément touché. Je le voyais comme un ami assez comique comme un enfant même par moment. Victoria l’appréciait aussi, mais elle était de toute façon trop occupée pour voir sa présence. Mon visage se tourna vers lui, ce dernier était toujours aussi dénué d’émotion et pourtant dans le fond, j’étais attendri par Ludwig. Je n’aurais vraiment pas cru le voir ici pourtant. Je finis par me lever et avec une démarche raide aller contre lui pour le prendre dans mes bras. Je le consolais. Oui, j’étais en train de le consoler… C’était sans doute très étrange comme situation, mais c’était clairement ce qui était en train de se passer.

- Tu n’y es pour rien Ludwig. Tu n’étais même pas là-bas avec lui…

J’avais envie de lui dire tout ce qu’il avait fait pour le groupe lorsque nous défendions la grille, mais je n’y arrivais absolument pas. J’avais déjà fait beaucoup de toute façon. Je finis par le relâcher et lui rendre sa liberté. Finalement, ce câlin m’avait tout de même fait du bien. J’avais toujours tiré ma force du contact humain et même si je ne montrais rien, j’en avais besoin, le plus possible. Au fond j’étais détruite, même si je faisais encore la fière debout au milieu des ruines.

Chaque personne qui sortait de cette pièce impliquait qu’une nouvelle était susceptible de rentrer, j’en avais marre. Au fond, j’avais envie de me mettre contre cette porte et ne plus laisser personne entré, c’était égoïste, mais j’avais envie de profiter de ses derniers instants, il ne tiendrait pas la nuit, je le savais. Est-ce que seulement Victoria le savait ? Je ne sais pas, mais je n’avais pas le courage de lui dire. En même temps, je n’allais pas la regarder dans les yeux pour lui dire ce genre de chose. Elle avait bien compris que son père allait mourir, pas la peine de lui remettre encore plus la pression.

Finalement, je regardais la nourriture qu’Arthur avait laissée à côté de moi et tenta de faire rentrer une bouché dans ma bouche. C’était la première et surtout la dernière qui franchirait mes lèvres, je l’avais gardé pendant quelques minutes dans la bouche tirant au cœur. J’étais incapable de manger, c’était horrible, je finis péniblement par avaler et décider que j’attendrais pour retenter, même si Elie devrait manger un jour et que pour cela je devrais me nourrir, mais pour le moment ça attendrait comme tout le reste. J’avais l’impression que ma vie entière était entre parenthèses en ce moment précis. Finalement, on toqua à la porte encore une fois.

- Entrez.

Ma voix était froide sans émotion et toujours aussi éraillé, je regardais la porte s’ouvrir avec un regard morne. C’était Hope, je hochais la tête en la voyant comme pour lui confirmer qu’elle avait sa place parmi nous. Il n’était pas question de faire une scène maintenant concernant sa présence de toute façon. On ne s’aimait pas à cause de Dante, mais il y avait le reste, ses derniers jours j’avais pu compter sur elle à plusieurs reprises alors je n’allais pas la mettre dehors maintenant. Victoria m’avait parlé de la petite Cooper à plusieurs reprises et je savais qu’elles s'appréciaient alors rien que pour ça elle avait une place ici. J’écoutais ce qui se disait sans trouver la force d’ajouter quoi que ce soit. Je n’avais pas bougé de ma place, je savais que mes forces diminuaient doucement sans que véritablement je ne m’en rende compte. Il faudrait que je me repose un jour, mais pas maintenant.

Elles ne restèrent pas longtemps, mais c’était suffisant pour moi. Je comprenais bien que nous étions une famille. Mais je n’en avais plus envie aujourd’hui. Je voulais pouvoir compter sur Abel être le père d’Elie, mon mari et tout le reste… Mais ce n’était plus possible… Je ne voulais pas de la sécurité de cet endroit, je voulais retourner mourir sur la montagne. La porte se referma doucement, me laissant à nouveau seul avec les miens. Je soupirais un coup. Est-ce que mon masque commençait à craquer ? Non ! Je ne devais pas ! Pas maintenant, c’était trop tôt encore.

J’avais fini par lâcher Abel pour poser mes deux mains sur les frêles épaules de Victoria. J’essuyais alors ses yeux pleins de larmes avec un mouchoir. Je m’étais délibérément détourné d’Abel pour m’autoriser un break. J’avais besoin de reprendre mon souffle, j’étais profondément déterminé à ne pas craquer. La petite n’avait pas besoin de ça en plus. C’était déjà suffisamment dur pour elle, il n’était pas question d’en rajouter une couche. Oui, je faisais passer le bonheur de cette enfant avant le mien, cela avait toujours été et ce n’était pas aujourd’hui que cela allait changer. J’étais également contente de voir que les gens me laisser l’occasion de souffler quelques instants. Peut-être que Hope avait fait passer le mot, je ne savais pas et je ne saurais sans doute probablement jamais.

Finalement quelques minutes passèrent et avant que quelqu’un vienne se présenter à eux. C’était Connor, je restais aussi froide avec lui qu’avec les autres, ce qui devait sans doute être d’autant plus impressionnant quand on me connaissait un peu. Cependant, il était différent des autres, lui ne venait pas pleurer la mort de l’homme que j’aimais non. Il venait essayer de nous redonner de la force et je crois même que cela aurait presque pu marcher. J’étais presque triste de ne pas réentendre pour la énième fois sa blague sur la saucisse, mais enfin il était venu, avait dit un mot et s’était montré agréable. Mon regard se posait sur lui avant qu’il fasse demi-tour pour repartir comme il était venu.

- T’es con…

C’était les mots que je lui avais prononcés alors qu’il sortait de la pièce. Ce n’était pas méchant, vraiment pas. Ce n’était pas le but de le blesser, j’aurais voulu lui dire merci, mais je n’en avais pas la force à ce moment-là. J’espère qu’il comprendrait bien que je ne lui en voudrais pas pour ça, au contraire, c’était peut-être la chose qui m’aurait le plus marqué aujourd’hui. J’avais besoin de croire que je pourrais encore rire un jour et c’était ce genre de chose que j’aimais entendre, après tout j’étais quelqu’un de profondément joyeux à la base, il parait.

Lorsqu’il sortit, je finis par me lever et me penchait sur le lit où Abel était. J’avais besoin de faire une chose, un truc que je n’avais jusqu’à présent pas été capable de faire, pourquoi est-ce que maintenant cela semblait si important ? Je n’en savais strictement rien, je ne savais même pas s’il comprendrait les mots qui sortaient de ma bouche. Je me penchais sur lui pour l’embrasser tendrement avant de me pencher à son oreille et pour pouvoir lui murmurer ce que j’avais à dire.

- Je t’aime Abel.

Prononcés ses mots avaient été extrêmement dur pour moi et je sentais une larme qui coulait le long de ma joue. Je m’en voulais de craquer maintenant, mais c’était trop dur. Je venais de me mettre à nue devant un homme qui allait mourir, je venais enfin d’admettre que j’étais amoureuse parce qu’il allait mourir… Nous aurions pu passer temps de temps heureux ensemble si j’avais eu le courage de l’admettre avant. J’étais la dernière des connes… Je me détestais peut-être même plus que le mob qui l’avait mordu.