J’étais doucement au bout du rouleau. Ce n’était même pas étonnant vu les efforts que je devais faire. Les efforts que chacun d’entre nous devions faire en ce moment présent. Nous avions traversé tant de choses, il était simplement hors de question de s’arrêter maintenant. Si j’avais survécu au stade, si j’avais affronté la mort de June, le départ de Rose et le changement qu’il y avait eu dans ce maudit chalet ce n’était pas pour tomber maintenant. Le combat était dur, mais tant de choses positives allaient nous arriver après. J’en étais intimement convaincu, je ne vois pas comment cela pourrait en être autrement de toute façon. J’avais le cœur lourd, des rêves pleins la tête et des étoiles plein les yeux (et même à côté de mon œil gauche si on en croyait mes tatouages…)

Il était question de se battre pour rester en vie, un combat que chacun d’entre nous avions réussi à mener à la perfection jusqu’à maintenant. C’était ça la différence entre la vie et la mort, notre capacité à nous adapter, à nous dépasser et à pouvoir nous entraider. Il n’y avait plus de rivalité, seulement un groupe de personne qui avait évolué main dans la main jusqu’à maintenant. Je ne m’attendais pas vraiment à ce que Elena me propose de prendre ma place le temps que je me repose quelques minutes, mais j’acceptais avec plaisir.

- Merci. Je te relaie après.

Je lui fis alors une petite place pour qu’elle s’appuie à son tour de tout son poids sur cette maudite grille. J’ai vraiment l’impression de la voir plier plus le temps dur. Comment allons-nous faire pour les virer de la ? Nous ne pourrions sans doute pas tous les tuer et il faudrait trouver le moyen de faire diversion, dès les entrainer plus loin… Je n’en savais trop rien, mais pour le moment nous ne pouvions pas faire grand-chose de plus que de nous démener pour y arriver.

- Je suis la seule à avoir l’impression qu’on affronte un mauvais remake de l’histoire de l’hydre de Lerne ? Il n’y a personne qui veut jouer Hercule ?

Sourire crispé alors qu’à mon tour je tue un mob en lui plantant ma dague dans la tête. Je soupirais alors que je retirer ma lame. J’en pouvais plus de faire ces mouvements-là. J’allais vraiment fini par m’écrouler de fatigue tellement cela demandait d’énergie.

Rentrer en sécurité derrière les grilles avait été un supplice. Ethan n'avait plus qu'une seule idée en tête : foncer jusqu'à l'arrière du convoi et porter secours à ses beaux-parents. Une part de lui-même le savait pertinemment : il n'y avait sans doute plus rien à sauver. Mais il devait s'en assurer. Il était peut-être encore possible d'agir. Malgré tout, il n'avait rien pu faire d'autre que de suivre le mouvement et de se replier. Une véritable tornade faisait rage en lui. La tristesse le disputait à la colère, à la frustration et à la culpabilité. Tremblant sans plus savoir quoi faire, il resta quelques instants devant la grille, contemplant les rôdeurs qui s'y pressaient en râlant. Le reste de sa famille était à l'abri. C'était le plus important. Mais il n'osait même plus croiser le regard de sa femme. Il aurait dû s'assurer que rien ne venait vers le convoi, au lieu de foncer porter la pince à l'avant. La rage contenue finit par prendre le dessus. Ceux qui avaient déjà exploré les alentours voulaient aller nettoyer la plus grande maison pour leur offrir un abri. Il n'hésita pas, et se joignit au groupe. Il savait que Brooke, sa mère, ses fils et même ses compagnons à quatre pattes ne risqueraient rien sous l'oeil du reste du groupe, notamment d'Arthur. Et il avait besoin de trouver un exutoire à cette culpabilité qui le rongeait déjà tel un acide délétère.

L'agent fédéral conserva un silence maussade tout en avançant avec les autres. La fatigue et la lassitude se voyaient sur les visages. Il était temps d'arriver, d'être enfin en sécurité. De pleurer les morts. Lorsqu'ils arrivèrent à la bâtisse, rien ne semblait particulier, mis à part le calme ambiant, presque surnaturel. Cela prit fin lorsque la porte du garage fut ouvert. Un flot de morts-vivants se déversa vers eux, décidés à les dévorer. Encore. Alors que l'action d'Abel sauva probablement Alan d'une morsure, Ethan resserra une prise tremblante de rage sur le manche de son couteau de combat, et se porta en avant.
Avec un grognement de rage qu'on ne lui connaissait pas, le jeune homme attrapa d'une main l'épaule d'une créature qui fonçait vers lui. Resserrant sa prise à s'en faire mal aux doigts, il tira la chose vers lui avant de lui planter la lame dans le crâne. Le rôdeur crachota avant de mourir comme on souffle la flamme d'une bougie. L'agent fédéral tira énergiquement sa lame de la tête de sa victime, avant de la laisser choir à ses pieds. Le regard flamboyant, il avisa une nouvelle créature, qui connut quelques instants plus tard le même sort que son congénère. À chaque nouveau coup porté, Ethan avait l'impression d'exorciser la peine qu'il ressentait. Mais cela n'apaiserait ses tourments que temporairement.

Les mains sur les cuisses, les genoux fléchis, le buste légèrement penché vers l'avant, Blake tentait de retrouver une vue stable. Depuis qu'elle s'était mise à courir en direction des membres du groupe encore à l'extérieur, son corps ne lui obéissait plus. Prise de vertiges, elle grimaça et secoua la tête. Tout se passait dans la tête. On lui avait répété et même hurlé dessus lors de ses classes. Elle devait tenir le coup.

Une fois l'ensemble rapatrié à l'intérieur, le camion déplacé et le groupe destiné à abattre les rôdeurs devant le portail constitué, Blake prit la direction de la plus grosse maison.  « Oh merde, oh merde, OH MERDE. » Hurla elle progressivement en voyant le tas de rôdeur s'extirper du garage. Est-ce que cela prendrait fin un jour ? Ils allaient tous crever à ce rythme, c'était impossible. D'un rapide coup d’œil circulaire, elle vérifia sa troupe qui s'élançait déjà vers les morts pour les tuer définitivement.

Les dents serrées laissant seulement passer son grognement de rage, la militaire fonça sur le mort qui déambulait devant l'entrée de la maison. A deux mains, elle enfonça sa lame dans le crâne du mort aussi fort que ses dernières forces lui permirent. Une fois au sol, elle tira pour récupérer son bien, laissant un cri s'échapper de sa gorge. Titubant légèrement, la blonde se mit debout et d'un coup d'épaule bien plus mou qu'elle ne l'aurais espéré, elle fit tomber le rôdeur qui s'approchait un peu trop près de Joshua. Blake s'était un peu surestimée. En faisant cela, elle même perdit l'équilibre et alors qu'elle avait un genoux et une main au sol, un rôdeur saisit sa chance pour essayer de la mordre. Dans un réflexe, le Lieutenant réussit à lui maintenir les épaules à distance mais maintenant, elle était étalée dans la neige à se débattre avec un mort.

    Après tous ces jours de route, le manque de sommeil, et la faim qui nous forçait à puiser dans nos dernières ressources, la marrée de Coyotes qui était sortie du garage n'était qu'un coup de massue en plus. Probablement le coup en trop. C'était un pari bien trop risqué au vu des états de chacun, à la fois éreintés physiquement et à bout psychologiquement. Mais nous n'avions pas le choix ; il fallait nous battre encore et encore, pour sauver ceux qu'il y avait à sauver et retrouver un semblant de sécurité qui resterait toutefois bancale.

    Remis de l'étonnement de la masse qui avait manqué de me mordre, ne me figurant pas une seule seconde ce qui aurait pu se passer si ç'avait été le cas, je me dirigeais prestement vers un nouveau mort, apparemment lui aussi ravi à l'idée de me voir arriver. Plantant ma hache dans son crâne, je manquais de perdre l'équilibre en essayant d'y ôter mon arme, me rattrapant fébrilement à Garrett pour éviter que les dégâts ne soient encore pire. Lui adressant un petit regard désolé, je me retourne dans l'espoir de voir si les nôtres, restés au portail, s'en sortent. Mais je ne vois rien, ou presque.

    Blake, allongée dans la neige, coincée sur un Coyote qui est à deux doigts de l'avoir. Sans réfléchir, je me dirige rapidement vers elle, essayant de ne pas glisser bêtement et, quelques secondes plus tard, j'assène un violent coup de pied au mort qui s'échoue sur le côté. Enjambant la blonde, le cadavre se retrouve bel et bien hors d'état de nuire, inanimé dans la neige désormais parsemée de celle bile noirâtre qui, si elle me répugnait au début, ne me fait plus le moindre effet. Me tournant prestement vers notre cheffe, je posais sur elle un regard inquiet ; elle avait l'air à bout, épuisée, et pourtant elle se battait. Comme chacun de nous. J'osais espérer que cette entreprise ne serait pas qu'une pure folie.

« Tiens le coup Blake. »

    D'infimes secondes après m'être assuré qu'elle n'allait pas retomber à peine l'aurais-je lâché, je tente de lui adresser un regard encourageant, et me retournais vers les Coyotes. Si nous restions soudés nous y arriverions, il fallait y croire au moins un peu, pour eux, pour tous les nôtres.

Les bras tendus, Blake était incapable de pousser davantage. C'était comme si ses muscles étaient arrivés à bout. Qu'ils bloquaient et l'empêchaient d'éloigner la mâchoire putréfiée qui claquait des dents au dessus de son visage. Même avec les jambes, la blonde n'arrivait pas à s'en sortir. Trop concentrée à se débattre et à éviter que les dents de son agresseur ne lui arrache un morceau de peau, elle n'eut même pas le temps d'appeler à l'aide. Et elle n'eut pas besoin. Ce fut Alan qui la dégagea de là, envoyer un lourd coup de pied dans le rôdeur penché au dessus d'elle. Le sang brunâtre du rôdeur lui éclaboussa sur le visage tant ils étaient près l'un de l'autre. A bout de souffle, ses longs cheveux blonds en bataille et l'horrible sang sur le visage, Blake se redressa.

Les yeux rivés vers Alan, elle le remercia du bout des lèvres tout en grimaçant. « Alan. » Ce fut la seule chose qu'elle fut capable d'articuler. Mais pour elle ça voulait dire beaucoup de chose. Elle le remerciait d'être intervenu, de lui avoir sauvé la peau. Elle hocha la tête, serrant légèrement le bras de l'homme. Mais elle se dégagea rapidement et le laissa reprendre le combat. Après avoir déglutit sa salive, elle s'y remit elle aussi, faisant tourner sa lame avec une rotation de son poignet alors que ses pieds reprenaient leur appuis. D'un coup de pied au torse, elle fit tomber le premier et extermina le second, qui arrivait à sa droite. Elle n'eut qu'à se baisser pour planter sa lame dans celui étalé au sol.

Reprise de vertige, elle tituba encore une fois en se redressant. « KHAAAAAN. » Hurla-elle d'une voix éraillée, comme un ultime appel à l'aide dans une situation désespérée. Comme elle lui avait demandé, le chien était resté près des barrières mais là, elle avait besoin de lui.