Chacun avait commencé à dégager le pont, suffisamment pour que nos véhicules puissent passer ; inutile de s'encombrer à ôter ce qui traînait sur les côtés, tant que nous parvenions à passer le reste n'avait pas d'importance. Nous ne devions surtout pas traîner là trop longtemps, avec toute cette neige nous ne pourrions voir qu'au dernier moment une potentielle horde et au vu du bruit que nous faisions dans le calme environnant, ça pouvait sans doute en attirer d'autres.

    Quelques curieux étaient d'ailleurs déjà arrivés jusqu'à nous mais chacun s'en chargeait relativement vite, suffisamment pour que nous ne nous retrouvions pas pris de court et débordés. Observant Kassandra et Jeff déplacer une planche en bois, puis Marcus, Jake et Ethan une voiture, je me dirigeais un peu plus en avant remarquant des masses au milieu du chemin.

    M'avançant prudemment, mes doigts se crispant un peu plus autour du manche de mon arme pour finalement me détendre légèrement. Des valises, de simples valises. L'une d'elle était déjà ouverte et complètement vide, l'autre fermée. L'ouvrant rapidement, je me rendis rapidement compte qu'elle était tout aussi vide que la première. Soupirant, je m'en saisis pour les mettre sur le côté, dégageant ainsi un peu plus la voie.

    Il y avait encore à faire, et surtout espérer que le reste du pont n'était pas dans le même état si nous ne voulions pas perdre l'après-midi à faire cela. D'autant plus que rester là trop longtemps, dans ce froid, n'était bon pour personne, encore moins pour la fille d'Abel et Tam qui n'avait que quelques jours.

Je n’arrivais pas à croire tout ce qui venait de se passer. J’avais vécu tant de choses récemment, au fond de moi, je me demandais par quel miracle j’étais encore envié. Je n’étais absolument pas capable de comprendre, mais je m’en fichais. Il fallait que je me rende à l’évidence que dans le fond, il y avait une justice et que la vie ne pouvait pas faire que nous prendre. J’avais entre mes bras une magnifique petite fille que j’avais pu présenter à Abel quand il était revenu à la maison. J’étais heureuse de pouvoir lui mettre dans les bras. Malgré la fatiguée, la faim et tout le reste, j’avais vu son visage s’illuminer. Elie et moi étions vivants et c’était justement le plus important.

Au fond de moi, j’avais l’impression d’être saisi d’une nouvelle vague de courage. Je comprenais ce que c’était que d’avoir un enfant, le sien. J’étais prête à beaucoup de choses pour elle, même si évidemment, j’avais surtout eu besoin de dormir et de prendre des forces. Je passerais les détails absolument pas glamour d’une femme qui devient mère puisque de toute façon ce n’est pas le plus important ici. Non, ce qui comptait c’était le reste. Le fait que nous avions décidé de partir d’Evergreen et de cette montagne pour prendre la route. Il avait trouvé un endroit où s’établir, quelque chose de mieux que là où nous vivions jusqu’à présent. J’avais une confiance aveugle en eux tous et j’étais prêt à suivre malgré la fatigue. Je serais là et je garderais la tête haute même si j’étais fatigué et que j’avais le visage creusé. Il fallait que je récupère mon ventre plat maintenant que j’étais plus en cloque après tout…

J’avais ouvert la bouche quand Abel m’avait demandé de rester à l’intérieur de la voiture, j’aurais voulu répliquer, mais j’avais préféré me taire après tout, il y avait peut-être du danger dehors alors, je préférais attendre de voir et analyser un peu plus la situation. Après tout, je n’étais pas encore remise et même si j’avais ma dague à la ceinture, je ne savais pas si j’avais ce qu’il fallait pour me rendre utile. Finalement après quelques minutes de réflexion, je me tournais vers Izzy pour lui confier ma plus belle création avant de la remercier chaleureusement. Il ne me fallut pas longtemps pour ajouter à Victoria de rester avec les deux femmes. Je savais qu’Abel ne serait pas content de me voir sur mes pieds et je décidais donc de ne pas partir en sa direction, mais plutôt du côté de Kassandra et Jefferson.

- Dites, je peux me rendre utile ? Je ne peux pas rester dans la voiture à contempler ma choupette, enfin si en théorie je pourrais, mais j’ai envie de me rendre utile un peu quand même.

J’accompagnais ma remarque d’un grand sourire.

Avec l'aide de Marcus et Jake, le véhicule ne tarda pas à bouger. Il ne fallait pas se mentir, cela prit un peu de temps et demanda un certain nombre d'efforts. Les freins grinçaient comme des bêtes blessées en montant dans les aigus alors que la voiture était poussée centimètre par centimètre. Les roues presque totalement bloquées par le gel tournaient suffisamment pour que leurs efforts paient, mais tout juste. Ethan sentit bien vite des gouttes de sueur perler à son front. Ses pieds patinaient sur le sol recouvert de neige, et il manqua de glisser une ou deux fois avant que la voie soit libre. Heureusement, leurs efforts conjoints payèrent, et une portion de route suffisante au passage du convoi fut libérée. En se redressant et en passant le revers de sa main sur son front, le jeune homme adressa un signe de tête aux deux autres.

« Merci pour le coup de main. »

À vrai dire, il n'aimait pas trop que le convoi soit immobilisé trop longtemps. Cela retardait le moment de leur arrivée, et ils avaient parmi eux des populations fragiles. Des enfants notamment, surtout la petite de Tam qui n'avait que quelques jours... Et puis, à rester englués de la sorte, ils étaient offerts à toute forme de danger. D'un autre côté, ce n'était pas comme s'ils avaient le choix... Leur seule solution, c'était de travailler rapidement. Il leva les yeux pour apercevoir Brooke et son père qui continuaient à évoluer entre les tentes et à faire place nette. Tout en se mettant en route pour les rejoindre et ajouter ses forces aux leurs, il aperçut des valises qui traînaient dans le chemin. Il les repoussa doucement sur le côté, jusqu'à ce qu'elles ne gênent plus, et il remarqua alors qu'elles n'étaient pas fermées, et qu'elles avaient déjà été fouillées. De la neige, des feuilles mortes et un peu de saleté du chemin s'étaient infiltrées à l'intérieur de certaines d'être elles. Plus par habitude qu'autre chose, il ouvrit du bout du pied le battant de l'une d'elles, histoire de voir s'il y avait quelque chose d'intéressant. Mais il n'avait aucunement l'intention de s'y attarder.

Intérieurement, j’étais déjà prête à sauter partout, mais en réalité, je ne pouvais pas. Je n’étais même pas sûr que qui que ce soit du groupe en soit capable. Il faut dire aussi que la fatigue et la faim amenuiser tout le monde et que j’avais eu un peu plus de mal à me remettre de ses derniers jours que d’autre, mais j’étais le rayon de soleil de beaucoup et la naissance de ma petite n’avait fait qu’augmenter ma dose de bonne humeur. Je ne voyais pas le côté negatif de la situation, même si je venais de quitter mon chez-moi pour un endroit que je ne connaissais pas. J’avais bon espoir que demain serait un jour meilleur.

J’avancer un petit peut essayant de trouver un truc pas trop lourd à déblayer, tout en restant caché du regard d’Abel. J’avais vu qu’il était un peu plus loin en train de virer une tente et de la laisser tomber dans la vide. Tant qu’il était par là, il n’était pas de mon côté et c’était tout ce que je demandais. Je me pris légèrement les pieds dans des débris aux sols, décidément, il fallait vraiment que je regarde ou je collais mes pieds. Je tombais nez à nez avec Plutarch, décidément, depuis l’accouchement, il était devenu comme mon petit toutou toujours coller à mes pompes et c’était rassurant d’avoir quelqu’un sur qui compter. Je le rassurer d’un sourire de plus avant de décidé qu’il fallait déplacer une des voitures, avec un peu de chance on pourrait la faire basculer dans le vide.

Je posais mes deux mains dessus et tenta de la pousser, mais rien. J’arrêtais un instant avant de m’adossais à la voiture et de forcer sur mes jambes cette fois-ci. Toujours rien… J’avais l’impression d’être le personnage principal d’un mauvais cartoon en réalité. J’aurais pu essayer encore et encore, après tout, on échoue que lorsqu’on arrête d’essayer, mais j’avais beau avoir la tête dure, il était temps pour moi de réclamer un peu d’aide.

- J’ai besoin d’un coup de main par ici !

C’était tout un concept de demander de l’aide tout en étant discrète pour ne pas se faire repérait par Abel. J’étais pourtant en train de secouer mes bras dans tous les sens pour attirer l’attention de quelqu’un. C’était un drôle de paradoxe quand même cette histoire, mais c’était ce qui faisait ma beauté non ?

    Me retournant pour m'assurer que les autres s'en sortaient tout aussi bien, espérant que certains étaient restés à l'arrière pour les assurer tout de même. Ethan et ses deux compagnons avaient terminé de pousser une voiture, dégageant un peu plus la voie et, alors que je m'avançais, je remarquais Tamara entrain d'agiter les bras pour attirer l'attention. Qu'est-ce qu'elle essayait de faire au juste ?

    M'avançant, je fronçais les sourcils en l'entendant parler de déplacer la voiture devant laquelle elle était. Sérieusement ? Soupirant doucement, je lançais un regard entendu à Buzz avant de poser une main calme sur son bras pour la décaler légèrement.

« Dante a raison, retournes dans le véhicule on va s'en occuper. Tu as besoin de forces, ne te fatigues pas inutilement. »

    Me tournant vers les deux jeunes hommes qui étaient déjà là, je repris d'un ton posé.

« Bruce, va à l'avant, mets la voiture au point mort et avec Dante on va la pousser. »

    Attendant qu'il s'exécute, je ne prêtais pas attention au regard un peu déçu de Tam ; qu'est-ce qu'elle croyait ? Qu'après quelques jours à peine après son accouchement nous allions la laisser gambader à nouveau comme une guerrière ?

    Entendant la validation de Buzz, je posais mes mains sur l'arrière de la voiture, attendant que le canadien en fasse de même. Grimaçant légèrement en commençant à pousser, je retins mon souffle pour y mettre toutes mes forces ; avec le manque de nourriture dont nous étions tous victime, sûr que dégager tout ce pont nous épuiserait encore plus.