Pour la première fois, les yeux de Jared semblaient inquiets. Ian avait toujours pensé que son fils ne l’aimerait probablement jamais, alors qu’il était en train de lui prouver le contraire. Il voulait visiblement que son père reste en vie. L’urgentiste le regarda une nouvelle fois dans les yeux avec un regard froid et déterminé. « Sauve-toi ! Va trouver quelqu’un pour m’aider, mais ne reste pas avec moi. Ne t’inquiète pas pour moi. Si les militaires ne me trouvent pas, ma blessure n’est qu’un détail. » Enfin, un détail qui l’empêchait de se relever ce qui était déjà pas mal. On ne parle même pas de marcher ni même de courir. Il savait très bien que s’il se relevait, il deviendrait une cible facile pour les militaires, alors autant rester immobile ici. Peut-être qu’en se faisant assez discret il passerait inaperçu.

Les militaires étaient toujours là, il n’arrivait pas à estimer le nombre qu’ils étaient, ni même si Drew et les autres avaient réussi à en tuer. Il observait son fils s’enfuir dans la direction opposée. Sa petite taille semblait jouer en sa faveur puisque dans le raffut personne ne semblait le remarquer. Ian espérait qu’il pourrait informer quelqu’un de la position délicate dans laquelle il était. Un couple de jeunes parents, Lans et Jill, venait alors dans sa direction. Ian les connaissait bien, il avait examiné leur garçon une fois. Dan qu’il s’appelait. Il ne remarqua pas tout de suite que le père tenait leurs progénitures dans les bras. Il ne savait pas si c’était Jared qui leurs avait indiqué la route ou simplement si l’avait aperçu de là où ils étaient.

La jeune femme l’observait de la tête au pied avec un air sévère et négatif avant dire avec un air de défis et un peu méchant. « Vous êtes urgentiste pourquoi vous n’aidez pas les gens. » Ian était peiné par une telle agressivité. S’il pouvait aider les gens, il le ferait et même sans hésiter plus d’une seconde. Il était estomaqué par la connerie humaine et finit par répondre avec un air triste. « Ma jambe est cassée, je ne peux pas bouger. » Il n’ajouta pas que son fils était parti à la recherche de quelqu’un. Après tout, ce n’est pas vraiment important là, maintenant tout de suite.

Encore des coups de feu, le mari resté en retrait tomba d’une balle en pleine tête, sa femme hurla si fort qu’il avait l’impression que ses pimpants aller rendre l’âme. Le gosse était également en train de brailler, mais avant que la mère n’ait pu dire quoi que ce soit un militaire l’acheva sauvagement. Ian était révolté de ce qu’il venait de voir, mais il savait très bien que vu son état il ne pouvait rien faire. Sauf attendre que la situation se décante un peu. Il avait besoin d’aide. Il attrapa la brune par l’épaule avant de la tourné violemment vers lui. « La vie n’est pas finie, vous pouvez vous en sortir. C’est très simple ! Allez près du corps de votre mari et tachez-vous de son sang et faites le mort ! » Ce n’était pas compliqué dans les faits. Mais en réalité cela demandait énormément de courage. La femme s’exécuta un peu sans rien dire comme si elle n’avait pas le choix. Elle remplit un linge de sang qu’elle tendit ensuite à Ian pour qu’il fasse de même. L’odeur ne le dérangeait pas plus que ça, il avait l’habitude, il salit donc volontairement, ses vêtements et son visage espérant que ça suffirait pour se faire passer pour mort.

L'enfer se déchaînait sur eux. De loin, elle vit brièvement Anya, une petite russe tenter de rejoindre ses parents avant d'être fauchée par une balle alors que sa mère hurlait son nom, avant de se taire définitivement à son tour. A croire que la patrie décorait les militaires pour avoir la mort de leur propres civils.
Elle devait se concentrer. Ignorer Dmitri, le dernier survivant de la famille se ruer sur le militaire avant d'être jeté au sol puis exécuté d'une balle en pleine tête.
Elle devait tout ignorer, et se concentrer sur les demandes d'Emerson.

Fermant les yeux un instant, elle appuya sur la plaie de toute ses forces, obligeant le sang à rester sur place pour coaguler un minimum.

On peut l'faire. Dit-elle entre ses dents serrées, se donnant du courage comme elle pouvait.

Elle n'était pas toubib, ni même infirmière. Mais Emerson pouvait lui dicter quoi faire pour éviter de rallonger la liste des morts. Le sang semblait s'épancher un peu, alors qu'elle jetait le bandage de fortune pour en mettre un propre, continuant le point de compression. Elle pouvait au moins savoir comment réagir en cas de stress. Elle en avait bouffé de la mise en situation, elle pouvait bien supposer qu'ils se trouvaient sur une base sur Mars et que tout partait en vrille. Voilà, ça irait très bien.
Tout du moins, c'est ce qu'elle avait parvenu à faire jusqu'au moment ou elle avait relevé la tête pour croiser Drew, pile au moment ou une balle fusait vers son épaule gauche, et qu'elle avait le sentiment que le souffle quittait subitement ses poumons, l'asphyxiant à moitié.

DREW !

Inconsciemment, stupidement, elle s'était relevée de l'abri de fortune pour se jeter dans la mêlée. Il devait être en vie, il le fallait. Il ne pouvait pas être mort, c'était impossible. Mais elle n'eut pas vraiment le loisir de pouvoir en savoir plus. A peine avait-elle fait un mouvement pour sortir de l'abri de bois, qu'elle sentit une sensation des plus désagréables qui la fit basculer pour revenir au point de départ, aux côtés d'Emerson et sa fille.
L'étonnement d'abord. Puis la douleur. Cette douleur qui s'insinuait sournoisement le long de son ventre alors qu'elle baissait les yeux sur la fleur de sang qui naissait du côté droit de son ventre à quelques centimètres de son nombril. D'une main tremblante, elle parvint à poser ses doigts le long de la plaie avant de les retirer subitement, ayant l'impression de se vider de ses forces à une vitesse ahurissante.
Même le bruit des balles semblait lointain, là tout de suite. Le sang chaud maculait ses doigts glacés, lui offrant un contraste extrême, alors qu'elle ne sentait plus les chairs autour de l'impact. Est-ce que la balle était seulement ressortie ?

Emy...

Un murmure, à peine. Elle sentit des larmes de douleur perler à ses yeux alors qu'elle observait le sang quitter son corps, tentant d'appuyer fébrilement sur la plaie. Tant pis pour la douleur, à son stade, elle allait devoir faire avec. Elle n'osait même pas relever le t-shirt pour observer l'étendue des dégats. Ou alors, elle n'en avait pas la force. Elle ne savait pas tellement, alors qu'elle restait fébrile aux côtés de la jeune femme et Bernadette, respirant avec difficulté sous la douleur.

J'crois qu'on à un putain de problème. Parvint-elle à articuler malgré tout.

Il fallait les tuer, tous les tuer. Et elle n’avait pas d’autre choix que de se redresser une nouvelle fois et de tenter d’en tuer le plus possible. Anna continuait à s’occuper de Lysbeth en épongeant le sang de la rousse avec son propre gilet. En observant les alentours, ses yeux s’étaient arrêtés sur le cadavre du militaire qu’elle avait tué quelques secondes plus tôt. A quoi bon continuer de se battre ? Si ce n’était pas à cause des militaires, ça serait à cause des cadavres. Elle ignorait combien de temps il faudrait pour qu’ils reviennent à la vie mais d’après ses souvenirs, d’après ce que lui avait dit Jaden, ce n’était pas immédiat. Et, en tout cas, celui qu’elle avait tué ne se relèverait pas puisqu’elle lui avait tiré dans la tête.

D’un bond, elle se redressa, passant la tête et les bras par-dessus le lit. Une pression sur la détente, une deuxième, une troisième et toujours rien. Décidément, elle était la pire de toute. Pourtant, elle aurait pu l’avoir facilement, ce militaire qu’elle visait. Il ne l’avait même pas vu sortir de sa cachette, trop occupé à viser Julia et sa fille qu’elle tenait dans les bras. Toutes les deux s’écroulèrent sur le sol alors qu’elles se dirigeaient vers l’un des accès de secours. Si elle avait réussi son tir, la vie d’une mère et de son enfant aurait pu être épargnée.

Maxine se laissa glisser sur le sol, toujours cachée derrière le lit, et poussa un cri d’horreur.

« Hm hm » je fais en secouant la tête quand Megara parvient finalement jusqu'à moi, profitant de la seconde de battement laissée par la mort de ma première victime. Je la détaille de la tête aux pieds, le sang qui tache ses vêtements n'est visiblement pas le sien. C'est déjà ça. Elle s'en sort mieux que la plupart, que la femme de Kendall, visiblement mal en point et vers laquelle elle se rue après m'avoir tapé sur l'épaule, sans se soucier de la pluie de balles qui la manquent par chance. Ma parole Meg, t'es tarée !
Mais puisqu'elle s'entête à secourir la famille du pompier, je n'ai pas d'autre choix qu'essayer de la couvrir avec quelques tirs supplémentaires. Pas le temps de viser, j'essaie juste de freiner l'avancée de nos ennemis, ne pas leur laisser le temps de réfléchir. L'astronaute regagne finalement l'abri, accompagnée de Kaycee et Emerson, dans un sale état. Cette dernière ne se laisse pas abattre pour autant et, sur tous les fronts en même temps, guide Megara tout en rassurant sa fille. C'est une femme courageuse, je pense. J'espère qu'elle s'en sortira. 
« Ça va aller, vous verrez. »

Quelqu'un hurle, une vieille personne qui vient d'être transpercée d'une balle entre les reins, bientôt suivie d'une seconde qui lui perfore crâne. Ne me reste alors qu'à reporter mon regard un peu plus loin pour apercevoir son assassin, ma prochaine cible. Du moins c'est ce que je crois au moment où je presse la détente. Mais il semble que le destin en a décidé autrement, puisque c'est précisément à ce moment là que son attention est prise ailleurs et qu'il fait un pas un avant, laissant ma balle se ficher dans le mur derrière lui. Je peste, et je n'en ai que plus envie d'en finir avec lui, irrité au plus haut point par mon tir raté. Bernadette ne rate pas.

Mais Bernadette est surtout distraite en entendant Megara crier derrière, elle. Est-ce qu'il y a un problème ? Visiblement. Et très vite, un second survient lorsque, distraite, je n'ai pas remarqué qu'on me vise en ce moment même. C'est la douleur qui me le fait remarquer, comme une brûlure soudaine à la partie droite de mon visage alors que le sang chaud coule déjà le long de ma mâchoire. Par réflexe, je porte la main à mon oreille, manquante, avant de même de penser à me cacher. Deuxième erreur, puisqu'un second projectile m'atteint, se fichant dans ladite main. Je serre les dents autant que je le peux, tentant d'étouffer un hurlement alors que les larmes me montent aux yeux tandis que, déséquilibré, je tombe en avant. Incapable de me réceptionner sur une seule main, je n'ai le temps que d'entendre un craquement sinistre avant de heurter le sol, bientôt suivi par un hurlement, le mien.

Au fur et à mesure que l'adrénaline diminuait, la douleur due à la blessure grimpait en flèche, à tel point que Sally n'arrivait plus à penser à autre chose que celle-ci. Pourtant, rester plantée sur place n'allait pas lui être d'une grande aide, bien au contraire, elle aurait toutes les chances de se faire abattre car elle faisait une cible bien trop facile. Elle devait réagir et bouger le plus rapidement possible, mais son corps répondait avec difficulté. Elle se laissa tomber sur les genoux afin de ramasser son arme et entendit une voix familière et lointaine l'interpeller. Il s'agissait de celle de Russell qui hurla « Maman ! » d'un ton apeuré et inquiet, certainement en voyant sa mère au sol. Ce fût le déclic pour la brune. Elle devait reprendre le dessus et avait l'obligation de bouger le plus rapidement possible afin d'aller le rejoindre car après tout, c'était lui qu'elle devait en priorité protéger, bien plus que quiconque et comme tout parent, elle ne s'imaginait pas perdre son fils et réussir à vivre.

Sortant de son abri de fortune en cherchant du regard son fils, elle se précipita la tête la première vers sa petite tête blonde et Thalia qui était toujours avec lui, tirant maladroitement en direction des militaires. Aucune balle ne fit mouche, mais ce n'était pas le plus important, elle était parvenue à les rejoindre sans être, une nouvelle fois, blessée. Serrant son enfant de son bras encore valide, elle ne put retenir ses larmes « Je suis désolée mon chéri, je ne te laisserai plus je te le promets ! » Elle déposa un baiser sur le front de Russell en lui souriant, tentant tant bien que mal de ne pas céder davantage à la panique.

Sally posa son regard pour remercier Thalia avant de prendre de ses nouvelles « Ca va ? Vous tenez le coup ? » Elle fixa un instant le ventre rond de la jeune femme, priant pour que ce futur bébé n'ait pas envie de pointer le bout de son nez, pas maintenant. Elle était heureuse de constater que son amie Rosaleen s'en sortait sans une égratignure, bien qu'elle semblait chamboulée, comme tout le monde. Puis, elle tourna son visage vers les autres civils, des petits groupes s'étaient formés et beaucoup semblaient être blessés, mais bien plus tombés sous les balles. En l'espace de quelques secondes, elle vit Alfonso s'écrouler alors qu'il se dirigeait vers son frère qui s'était écroulé un court instant plus tôt. On va tous crever, c'est pas possible.