Bon. Visiblement, Yulia et moi on est globalement sur l’même longueur d’onde. Elle s’rait ok pour que j’bute ces enfoirés d’fils de putes, et même, elle s’rait ok pour m’plan afin d’y arriver : l’dessiner, ou l’prendre en photos. J’dois dire qu’au début, tout ça, ça m’fait bizarre : d’ordinaire on s’fou un peu sur la gueule avant d’prendre toutes ces décisions… Mais pas là. Et en vrai, ça m’plaît. C’comme si qu’on était un vrai couple, et qu’on s’complétait sur pas mal d’choses.

L’preuve : elle est d’accord avec mon plan, et on s’dirige vers l’coin d’où qu’on entend l’bordel. Un bruit d’tronçonneuse d’plus en plus concret… D’l’activité humaine, et pas qu’un peu… On tombe sur une barricade de merde, mais suffisamment efficace pour nous faire bin’ chier… Yulia voit quedal à travers l’planches, et si elle parvient passer, c’pas sans mal… J’dois dire qu’ça n’présage rien d’bon : j’dois dire 3x plus gros qu’elle… Donc bon…

« Ouais… J’vois deux gars… Un qu’utilise la tronçonneuse, un aut’ qu’semble débiter d’trucs à la hachette… » mais j’vois pas d’visages… J’vois juste deux bonhommes qu’préparent des trucs quoi donc bon…

A mon tour, j’balance armes et trucs d’l’autres côté et j’passe par-dessous. Bon, niveau discrétion, j’dois dire qu’c’est pas trop mal mais niveau infiltration c’bof… L’traces d’not’ passage sont plus qu’évidentes… Faudrait camoufler ça mais j’sais pas trop comment faire, pour l’instant… M’enfin, ça m’semble n’pas être l’plus urgent là, tout d’suite, maint’nant… « J’espère qu’ces fils d’putes n’verront pas c’qu’on a fait à leur foutue barricade… Sinon, ç’risque d’partir en couille très vite. »

J’temporise qu’ques secondes. J’regarde autour d’moi. L’deux types continuent à faire leur boucan, donc… On doit être safe j’pense. L’terrain est un peu grand, et on a d’la végétation pour pouvoir s’planquer derrière ou quoi… Mais va falloir avancer en étant pliés en deux quoi, histoire d’s’infiltrer tranquillement. Mais j’dois dire qu’si je n’vois pas d’armes à proximité d’ces deux fils de putes, l’fait qu’ils aient une hachette et une foutue tronçonneuse ça m’plaît pas des masses quoi.

« T’les reconnais ces bouseux ou pas ? » Que j’demande, en avançant dans un foutu buisson bien touffu histoire d’se cacher. « On chauffe ? Ou on r’froidis ? »

Résumé:

Les gars qu’sont face à nous n’sont sans doute pas des anges… Mais à défaut, on dirait qu’ils restent qu’que chose d’humain en eux. J’veux dire, si on doit croire c’qu’ils disent quoi. Si ça s’trouve ces fils d’putes nous pipotent pas mal et ils vont nous foutre un couteau dans l’cul dès qu’on aura l’dos tourné ou qu’on commencera a pu s’méfier… Mais j’crois qu’j’pourrais encaisser c’qu’ils pourraient faire pour ensuite leur exploser la cervelle sans sourciller. Ils n’sont pas d’saints, mais pas d’monstres ? Dommage, moi j’en suis un d’puis bin’ plus longtemps qu’toute cette merde ambiante.

« J’crois qu’on a pô b’soin d’vous faire un dessin : c’genre d’mec, c’typiquement c’qui fait que j’vous fais pô confiance et qu’j’serais prêt à vous foutre un pruneau dans l’caisson au moindre pet d’travers. C’est aussi l’genre d’fils de putes qu’fait qu’plus personne n’se fait confiance, sinon lorsqu’il s’agit d’négocier des vivres. J’le r’dis… » J’sais, j’insiste, j’insiste, mais faut qu’ils comprennent que j’déconne pas et qu’j’ai bin’ envie d’buter des gens aujourd’hui. « J’aurais aucune difficulté à vous buter, ça m’empêchera pô d’dormir ce soir. Mais si on vient à négocier d’la boustifaille pour une semaine chacun, ça change la donne : soit vous êtes avec nous, et c’cool ; soit vous aidez c’fils de pute, et j’vous cane, et les deux s’maines de vivres sont à nous. »

J’crois qu’ça dépeint pas mal c’que j’pense et l’peu d’choix qu’ils ont dans toute cette merde. J’sais bin’ qu’c’est pô juste : si ça s’trouve, ils n’sont pour rien dans tout ça et connaissent l’type que d’puis 1 mois et ont juste pô eu d’bols d’le croiser et d’survivre avec lui… J’m’en fou. L’fait est qu’aussi injuste qu’cela puisse être, c’la réalité du terrain. Faut juste qu’ils décident bin’, et vite. J’regarde Yulia : « Comment qu’tu t’sens ? Ta c’hville ? » P’tain, on commence à peine et d’jà un d’nous deux qu’est cassé… Si jamais ça part trop en couille, j’les butes. J’préfère passer mon après-midi à creuser deux tombes plutôt qu’à m’risquer qu’Yulia ait plus qu’une ch’ville douloureuse.

L’truc qui m’impressionnera toujours avec Yu, c’qu’elle est toujours prête à faire c’qu’il faut pour survivre, s’battre et pour pouvoir rester maître d’terrain. Elle propose d’rester à distance, et moi, ça m’va, j’vais pas mentir. Ça m’rassure un p’tit peu. « Ouais, bonne idée. On s’occupera d’ces pièges tout à l’heure. » Pis, à sa question, j’avoue avoir un p’tit mouvement d’questionnement… Pourquoi qu’j’irais pas bien ? « T’inquiète, ça va l’faire. » J’vois pas quoi lui répondre autrement qu’ça.

Pis, l’discussions reprennent. Moi ? J’suis clairement pas prêt à laisser pisser c’genre de trucs. J’suis toujours prêt à faire feu, et à leur foutre à tous les deux une bastos dans l’caisson. Ils discutent, et s’il y’en a un qu’à l’air d’être ok avec toute cette foutue démarche, et commence à comprendre qu’ce fils de pute qu’on traque est, en effet, un fils de pute. Et Yulia est plutôt doué pour remettre les choses dans leur contexte et c’qu’elle fait est plutôt fort, j’vais pas l’nier. Et, encore une fois, y’a un des mecs qu’nous soutiens et un aut’ qu’à l’air d’nier tout ça encore. J’avoue qu’là, j’n’ai qu’une envie : c’est d’le buter tout d’suite, maintenant. Et d’laisser au second l’choix d’être avec nous, ou avec un cadavre sanguinolant.

Mais bon, ce serait contre-productif. Car, comme Yulia l’explique, l’commanditaire veut pouvoir s’faire justice lui-même, et pour ça, on doit lui ramener l’autre fils de pute vivant, et entier. Et bon… J’suis à moitié d’accord avec c’te démarche, mais on à besoin d’vivres, et d’la récompense promise. Donc… Bon… J’vais éviter d’buter tout l’monde en deux temps trois mouvements, parce qu’on n’recevrait pas toute la récompense. Pis ça ternirait not’ réputation j’pense aussi… M’enfin.

« Elle vous a donné toutes les solutions à c’te problème. On est bin’ conscient qu’c’est probab’ment pas d’votre faute : vous êtes avec un salop, et v’n’avez pas fait l’mêmes saloperies qu’lui. Ainsi va la vie : mauvaises fréquentations, mauvais problèmes. » Que j’dis, histoire d’soutenir l’propos d’Yulia. « Malheureusement, z’êtes pris dans c’te tempête. Et l’façon dont vous v’comporterez aujourd’hui, définira si vous s’rez encore en vie c’soir ou pas. Toi ! » J’pointe l’mec qui est avec nous, enfin, qui comprends plus vite que l’autre. « T’as l’air moins con qu’l’autre. T’as l’air bin’ au courant de c’qui s’fait, et du fait qu’le monde est un endroit d’merde. J’serais tenter d’te faire confiance, et d’te laisser des vivres comme convenu. Et si t’nous aides, on pourrait p’t’être même te r’cruter dans not’ groupe : on à toujours b’soin d’gens qui savent s’défendre et survivre. Mais toi… ! » J’pointe l’aut, du coup. « T’as l’tête si profondément enfoncée dans ton cul qu’tu commences à en avoir des idées d’merde. Si tu vois pas qu’on a aut’ chose à foutre dans c’monde de merde, qu’de chasser un innocent, basé sur d’fausses accusations, alors j’sais pô comment qu’t’as fait pour survivre jusqu’ici. C’qui fait qu’tu commences à m’gonfler grave… » Voilà, c’dit.

« Alors, vous en dites quoi ? »