J’sais pas trop combin d’temps qu’ça nous à prit à tous les deux, Yu et moi, mais nous v’là donc d’côté d’Tacoma. Tout ça pour une foutue prime… Bon, en vrai, j’devrais pas m’plaindre : Valérian m’laisse sortir, j’suis plus en quarantaine, et j’ai assez fait mes preuves auprès d’lui et d’toutes ses ouailles pour montrer qu’j’suis pas l’premier des baltringues quoi. J’ai quand même buté des rôdeurs dans not’ foutue camp, et pas une p’tite ! Merde !

Bref, l’temps est à la chasse. J’sais pas trop comment qu’Yu à réussi à mettre la main là-d’ssus, mais c’t’une chasse à la prime ! Comme dans les anciens temps ouaip… J’dois dire qu’ça m’plaisait moyen d’faire ça au début : j’suis un soldat, pas un p’tain d’chasseur endimanché qu’essaie d’se donner un peu d’adrénaline en chassant d’autres humains qu’savent même pas qu’t’arrive sur leurs foutues tronches de merde… Mais c’la vie maintenant.

En quittant les Remnants, j’savais qu’tout allait changer. D’jà, la mort d’June mettait à mal mon envie d’faire partie d’sa garde rapprochée et d’son fer de lance. J’étais – avec Levi – l’meilleur soldat d’tout l’groupe, et ça, bah ça m’donnait envie d’aller encore plus loin dans l’délire du super soldat bin’ fidèle quoi… Mais ensuite, l’délire d’la peste rouge là… C’était carrément l’coup d’grâce quoi.

J’savais bin qu’chez les Exilés, l’choses seraient pas pareilles. D’toute manière, c’pas pour rien qu’ils n’pouvaient pas piffrer les Remnants, et qu’nous on n’pouvait pas les piffrer non plus… Mais j’suis r’venu pour Yulia, et ma fille. J’crèverais pour ces deux nanas p’tain… J’sais pas quelles saloperies j’pourrais faire pour pouvoir les garder en sécurité… Ouais, j’pense qu’si nécessaire, j’massacrerais une ville entière s’il le fallait. M’bref !

« Nous v’là à Tacoma. » L’panneau d’circulations sont tombés d’puis longtemps, mais j’reconnais la ville. « J’espère qu’le retour s’passera aussi bin’ qu’l’allée. » Mais j’avoue n’pas trop y croire… M’enfin, ça, ç’mon côté pessimiste quoi. « T’as quoi comme infos sur la cible ? Ou les cibles ? J’avoue qu’j’ai pas vraiment lu l’bouzin… »

A voir quoi. D’toute manière on est qu’deux mais j’suis armé comme un p’tain d’bidasse prêt à aller à la guerre !

Je me concentre, j'essaie. La route a été silencieuse la majorité du temps, et je cache comme je peux l'inquiétude qui me ronge au sujet de Dana. Le fait qu'elle ait été confronté dernièrement à ce qui a été pendant longtemps son quotidien et un cauchemar sans nom, ça me fait mal au ventre. J'ai pas réussi à en parler aux autres pour l'instant, et je crois pas qu'elle en ait eu l'envie ou l'occasion. Il faudra bien que je me décide à le faire de toute façon, mais pour l'instant, j'attends surtout de rassembler mon courage.

Pour ça que partir en amoureux sur cette chasse à la prime, c'est l'occasion pour me changer les idées. Si on parvient à ramener les ressources liées à la traque, alors on sera pas trop mal pour la suite. Je soupire, essayant de... Je sais pas trop. De relativiser un truc qui peut pas l'être pourtant. Je relève le nez vers Logan alors qu'on passe le panneau de Tacoma : Mais t'as rien écouté en fait ! Bordel, il est infernal. Et t'as quand même dit que tu venais, t'es vraiment pas croyable, que j'ajoute en secouant la tête.

Vraiment, il me dépite. Y'en a qu'un, que je lui précise pour faire le recap. A nouveau, je sors de la poche arrière de mon sac mon carnet : Mais il est avec deux autres mecs, je peux pas dire s'ils le protègent, ni s'ils sont au courant d'avec qui ils trainent, je relis mes notes, en russe, j'ai pris ce réflexe dernièrement, je sais pas trop pourquoi. Sans doute que si je le perds, au moins, tout le monde pourra pas l'exploiter. C'est une aubaine quoi.

Bref, le type est accusé d'avoir dépouiller des gens avec son ancien groupe, et d'autres trucs pas très clean... que je précise en relisant ce que j'ai écrit : Genre, tu profites d'une position dominante pour tabasser des gars ou en abuser, genre, sexuellement quoi. C'est un peu sa came de s'en prendre à des nanas faibles pour passer le temps. On dit de lui qu'il est plutôt tordu dans ses kinks, et sadique quand il s'y met, que j'ajoute. Il sait utiliser une arme et se battre, je sais pas trop ce qu'il en est des deux qui l'accompagnent, si y'a moyen de les convaincre de nous le livrer, ça serait le pied, voilà.

« Bah quoi ? » que j’lui demande. Qu’est-ce qu’ça peut lui foutre qu’j’ai pas écouté et que j’sois venu quand même ? P’tain d’merde, elle va quand même pas commencer à m’faire chier ?!

Mais apparemment non. Elle sort son foutu carnet écrit en Ruskov qu’j’y comprends quedal, et ensuite elle m’refait l’topo : une seule cible, qu’aurait deux gars avec lui mais eux n’font pas parti d’la prime et on n’sait pas vraiment s’ils sont dangereux, ou s’ils savent qu’l’autre fils d’pute à une tirelire qui lui pend au-dessus d’son foutu crâne de merde. L’fils de pute est accusé d’piller d’gens avec un ancien groupe à lui, plus d’aut’ trucs qu’doivent pas être jouasses… J’suis sûr qu’ça doit encore tourner autour du trou d’balle tout ça.

Et j’ai raison. Un mec aux délires chelous… Aux envies bizarres… Qu’aime bin’ prendre de haut et l’ascendant sur tout l’monde, pour l’moment qu’il est pas tout seul, et qu’il a sans doute l’plus d’forces ou d’puissance d’feu. J’sais pas. Il peut même être sadique ! P’tain… L’combo gagnant j’dois dire… Et en plus il sait s’battre ? Bien ! J’crois qu’j’vais aimer l’buter ! Ou l’torturer… Ou les deux ?

« Ok, ok. » Que j’lui dis. J’réajuste m’sangle d’sac, et d’mon flingue. Mon foutu HK-G28 m’démange, j’n’ai qu’une vie : tirer sur quelqu’un et l’buter. M’enfin, j’crois qu’c’est pas encore l’bon moment pour faire ça, d’autant qu’Yulia veut essayer d’voir avec les accompagnants d’la cible, histoire d’voir s’ils n’peuvent pas nous l’livrer. « Mort ? Ou… Vif ? »

J’avoue que j’préfèrerais mort. On prend une photo, ou on lui coupe la bite, ou les doigts, bref un truc qu’on ramène pour preuve d’sa mort et puis voilà. « On sait où qu’il était c’fils d’pute pour la dernière fois ? Il a un campement qu’on pourrait choper ? Ou j’sais pas… Une échoppe ? Un truc ? » J’en sais rien…

J’sais qu’à l’époque d’la cage et du No Man’s Land, y’avait carrément d’marchés à ciel ouvert d’magasins d’où qu’on pouvait s’réapprovisionner et tout… Comme une vraie ville, mais plus sauvage quoi… M’enfin. « Comment tu t’sens ? »

Bah quoi ? Dis-le si j'te saoule quand j'parle ! Non mais on croit rêver ici, c'est hallucinant. J'soupire et essaie d'pas m'en formaliser, au moins il m'écoute pour le reste, il note et pose des questions. Genre, au moins des questions pertinentes hein, sinon ça me casserait bien les glaouis : On ramassera plus s'il est vivant, en tout cas, c'est ce qui a été négocié. Le commanditaire entend qu'c'est pas aussi simple que ça, mais saura se montrer généreux si on le lui ramène.

Apparemment, il détiendrait des trucs qui ont de la valeur à leurs yeux, donc s'il peut causer pour dire où ça s'trouve, c'est pour le mieux. Même si franchement, j'sais pas trop si on parviendra à trouver ça. Les circonstances peuvent faire qu'on aura pas le temps d'creuser, juste d'se planter. J'ajuste mon gilet pare-balle rapidement : Apparemment, il a fâché suffisamment d'gens pour éviter de se faire voir dans des lieux fréquentés, j'imagine qu'il est pas totalement con et qu'il sait qu'à plusieurs contre lui, il fera pas le poids, enfin, je croise les doigts pour lui.

Sinon, ça veut dire qu'il est furieusement con, et si c'est une aubaine pour nous, ça serait étonnant. J'veux dire qu'on survit pas tout ce temps en étant un complet demeuré, mais après c'est peut-être moi qui pense de travers. On sait juste qu'il vit à Tacoma, c'est là où il a le plus frappé, en tout cas dans les alentours, que j'explique à Logan : Comme il a apparemment pas d'caisses, et que l'essence a un coût, j'pense qu'il évite de se déplacer de trop pour pas gaspiller, donc sa planque doit être dans le coin, en gros, y'a la logistique qui fait sens : Bref, il a sa zone de chasse si on lit entre les lignes, que je souffle : T'as une carte ? J'peux lui pointer facilement du doigt les endroits concernés.

« Commence pas à m’briser les couilles sérieux ! » que j’lui dis. P’tain, elle commence d’jà à m’les briser alors qu’on arrive à peine sur l’lieux d’la foutue mission bordel de merde ! Tout ça pour quoi ? Parce qu’j’ai répondu « Ok, ok » ?! Merde ! Elle est pire qu’une foutue gamine qu’aurait pas r’çu d’émoticon en réponse SMS quoi ! Fait chier ! Pas qu’ça à foutre bordel de merde de saloperie d’sa race !

Mais bon, au moins, elle m’réponds et elle continue d’dire des trucs intéressants. J’imagine qu’ça veut dire qu’on… Bah qu’on est sur la même longueur d’onde quoi. Et ça, ça m’va !

Elle m’dépeint donc tout c’que j’dois savoir, d’puis son foutu carnet écrit en hiéroglyphes ou j’sais pas quoi encore. P’tain d’Ruskovs d’merde, pas foutus d’écrire comme tout l’monde… C’comme les arabes ça aussi, on n’peut pas les comprendre ni essayer d’les lires… P’tain. Foutus étrangers ! J’suis pas racistes hein ! Juste ils m’brisent facilement les couilles…

« Ouaip ! » J’farfouille dans l’intérieur d’ma veste tactique, sous mon gilet. J’trouve la carte, bien pliée. « Tiens. » J’la lui file du coup. C’serait con qu’on s’reprenne la tête pour quedal et qu’on finisse par s’faire choper par l’autre fils de pute comme des gros cons… « Ok… Donc, soit on à l’cul bordé d’nouilles et on tombe rapidos sur l’coin où qu’il crèche… Soit on en a pas, et va falloir l’pister. L’must, c’serait qu’on puisse trouver une zone d’pièges, ou alors d’traces fraîches quoi. »

J’manipule mon fusil, canon pointé vers l’bas, et j’tire l’culasse qu’arme le chien. L’bruit cristallin m’ferait presque bander p’tain… L’bruit du fusil qu’on arme pour pouvoir semer la mort, c’est clairement cool !

« Donc… Si j’comprends bin’ c’que tu m’dis et si j’me base sur l’carte, on arrive par l’endroit qu’serait presque l’plus utilisé… Il s’ra donc pô là, et pô dans l’coin direct. Pourquoi n’pas fouiller l’quartiers Ouest ? C’sont l’coins l’moins éclairés à c’que j’vois, y’a pas d’fumées d’feux d’camps ou quoi… S’il veut être discret, c’sera p’t’être par là. »

J'en fais c'que je veux de tes couilles, et si t'es pas content, c'est le même traitement ! Non mais merde, on est où, là ? Je soupire d'plus belle et alors qu'on fait le point sur notre situation, je lève les yeux au ciel en réfléchissant. Je suis pas ultra douée pour le pistage, mais j'peux m'en sortir quand même, enfin, moyennement. Suffit d'ouvrir l'oeil, et le bon, pour voir des détails qui ont de l'importance, j'imagine. Bon, quand il s'agit d'faire ça avec des passages d'être humain, c'est tout de suite plus compliqué, mais peu importe. J'sais pas si t'es plus apte que moi en revanche, on apprend ça chez les SEALs ? J'ai comme un doute, bizarrement.

Après, je compterais pas sur notre chance en général, c'est pas exactement par ça qu'on brille, que j'ajoute simplement en haussant les épaules. Un soupir m'échappe à nouveau, consciente que si on y met pas du notre, on va vite se retrouver à court d'idée. De toute façon, qu'on commence par un endroit où par un autre, autant qu'on se décide avant de se prendre une sauce, je dis ça en lui désignant cette chienne de météo des derniers temps. L'orage s'éternise depuis de nombreuses semaines : Le temps nous épargnera pas, à l'évidence. T'as pris un talkie si on s'retrouve séparé ?

Je défais une bretelle de mon sac pour chercher le mien : Je me dis- Et en ayant la main dessus, je réalise un truc : j'ai pas pris le bon : Oh merde, il a pris la flotte, pendant le déménagement sans doute, il est couvert de sel, de tartre, je sais pas ce qu'ils ont foutu avec mais ça saoule. Merde, prendre soin du matos, c'est le minimum quand on est en groupe ! Bon, bah on se retrouve pas séparés, ça sera plus simple, que j'ajoute en pestant contre les autres : Allons-y, ça sert à rien de persister ici. On s'met en route, et en regardant comment progresser vers l'Ouest, je nous amène direct dans un cul de sac.

Je m'excuse, et quelques mètres plus loin après un détour, on a droit à une zone inondée. Quand je disais que les dernières pluies épargnaient personne. Dans tous les cas, ça rallonge le trajet de nous, comme des autres. Mais on va pas poireauté quinze ans. Je prends la tête, et si j'ai de l'eau jusqu'aux genoux en traversant cette marre vaseuse, c'est avec de la chance de pas me faire chopper entre temps. J'entends un bruissement alors que de l'air remonte par une bouche d'égout. Raison d'plus pour être prudents.

Rhalala… C’te folle est une véritable pète burne… Comment qu’ça s’fait qu’j’ai pu la baiser ? Et lui faire un foutu gosse ?! P’tain… Elle m’brise les couilles, elle passe plus d’temps à m’gueuler d’ssus qu’à m’dire d’trucs sympas ou à passer d’bons temps… Mais elle a réussi un truc d’dingue : m’faire tomber amoureux… Alors bon… J’crois qu’j’n’ai rien à dire d’plus.

« L’pistage était pas not’ fort… On était pô d’foutus chasseurs… Mais j’sais r’connaître l’traces humaines, et surtout, j’saurais dire si c’qu’on voit est vieux ou pas. » Bref, j’pourrais dire si on est sur ch’min intéressant, mais pas si on est sur l’traces d’ce foutu enculé d’merde.

La nouvelle qu’nos talkies n’sont plus utilisables m’arrache une grimace… Merde. Si on s’retrouve séparés ou quoi, c’t’un coup à c’qu’il nous arrive une couille. Ouais… Une sacrée couille. Donc bon, ok on a pas d’chance en général, mais on arrive toujours à s’sortir les doigts d’cul. « C’clair qu’la chance est pô not’ fort… Mais on a quand même réussi à faire une p’tiote en bonne santé. Donc qu’que part… » J’essaie d’relativiser quoi.

Bref, on continue. On passe par un coin complètement sous la flotte… Bon, moi, ça va : j’n’ai d’l’eau qu’jusqu’au d’ssus d’mes chevilles, on a vu pire. Yu a d’jà un peu plus d’mal, mais s’en sort. L’sol est vaseux… ç’doit faire longtemps qu’c’te flotte est là… Mais bon, on avance. J’suis plutôt serein : si j’devais m’faire mordre, j’ai mes chaussures tactiques renforcées. Jamais une foutue quenotte réussira à passer à travers ! Et puis généralement, les rôdeurs qu’barbottent d’puis longtemps n’sont pas les plus voraces. Donc tranquille !

Mais c’vrai qu’y’a des bruits à droite et à gauche. J’garde l’œil ouvert, et l’bon ! Mais pas d’menaces pour l’moment… Par contre, faut qu’on arrive vraiment à s’trouver un début d’piste… D’cendres encore chaudes… D’débris d’bouffe… Une douille encore noircie… Bref, y’a d’trucs à rechercher quoi !

« T’vois qu’que chose ? » Que j’lui demande. J’pense qu’elle est comme moi : elle essaie d’pas tomber dans c’te boue vaseuse… « J’aime pô trop c’bruit dans l’bouches d’égouts… Surtout, fait gaffe à toi. » Logique, évidemment… « Faut qu’on s’trouve un coin en hauteur… On aurait plus d’chances d’trouver d’traces d’vies récentes. »