Lorsque mon regard se posa sur Abel qui venait en ma direction, je pris peur. Il était évidant que je ne voulais pas me retrouver une fois de plus cantonné à la voiture. Il était hors de question que je reste en retrait une fois de plus, j’allais ouvrir la bouche pour me défendre mais déjà il prenait la parole pour me dire le fond de sa pensée. J’étais rassuré de voir qu’il avait évolué et qu’il n’était pas en train de me condamner à retourner derrière. Mon regard se posa sur lui quelques secondes avant de lui répondre.

- Merci. Fais en sorte qu’il ne t’arrive rien non plus…

J’aurais pu refaire la blague que j’avais faite à Kass en disant que je le tuerais, mais je ne savais pas vraiment s’il l’aurait bien pris et puis je n’étais pas vraiment d’humeur pour le coup. Trop de morts, je n’avais plus l’envie de rigoler avec cette dernière, elle avait fait trop de carnage parmi le groupe, mes amis et cette Terre de manière générale. Alors que je plantais un mob qui venait à ma portée, je remarquais un peu plus loin Ludwig en compagnie de Voltaire, j’étais assez inquiète pour les deux même si au fond, pour ce que j’avais compris c’est plutôt pour Ludwig que j’aurais dû m’inquiéter. J’ajoutais en sa direction avec un petit sourire.

- Ludwig, tu devrais prendre ton canard et le jeter de l’autre côté de la grille. Au moins, il serait en sécurité et toi un peu plus rassuré.

Je savais que Voltaire serait en sécurité de l’autre côté du moins en théorie. Il avait des ailes et ne se ferais donc pas de mal. À voir ce que Ludwig avait envie de faire avec son animal de compagnie, ça ne me regardait pas plus que ça. Je voyais un peu plus sur ma gauche Jefferson en mauvaise position et c’est naturellement que je partais alors à son encontre en tuant un second mob sur la route. Il y en avait partout, c’était tout simplement une horreur. Je me plantais devant lui avant de crier un peu plus fort que je le voulais.

- Fuyez pauvres fous !

Oui, c’était un peu un cri de guerre, je voulais me donner du courage et j’avais plutôt réussi en vrai. Je tuais une mob supplémentaire. J’aurais certainement de quoi passer au niveau suivant à la fin du niveau en tout cas. Je tendais alors une main en direction de mon ami pour lui permettre de revenir sur ses pieds plus rapidement.

La pince mordait le métal rouillé de l'épaisse chaîne qui retenait le portail. Mais la tâche s'avérait malaisée. L'outil, peut-être moins tranchant et efficace que s'il avait été flambant neuf, tardait à remplir son office. Ethan y mettait tout son cœur, sa rage, sa hâte de permettre le passage au groupe. Et pourtant, le résultat se faisait attendre. Il sentait des gouttes de sueur perler à son front alors qu'il s'escrimait sur la pince, et il avant les mâchoires serrées et les sourcils froncés par l'effort. Il fut interrompu par des cris qui le glacèrent jusqu'à l'os. Le jeune homme se figea, livide, l'expression soudain décomposée. Malgré le timbre d'horreur et d'agonie qui s'y discernait, il avait reconnu sans mal la voix de ses beaux-parents. Il y eut bien un coup de feu, sans doute tiré par Henry... mais rien de plus. Avec l'impression d'avoir un bloc de glace qui venait de lui tomber au fond de l'estomac, il se retint de justesse de tout lâcher et de courir en arrière du convoi. Autour de lui, les membres du groupe formaient un cordon de sécurité pour lui permettre d'ouvrir le portail. Pourtant, ses pensées volèrent vers sa famille. Il voulait à tout prix leur porter secours. Qu'était-il arrivé à sa mère, sa femme, ses enfants ?
L'agent fédéral avait toutefois appris à servir, et il était pétri d'une discipline qui l'aida à tenir. Même s'il avait l'impression qu'il allait devenir fou de peur, il se força à reprendre ses efforts, non sans jeter fréquemment des regards par-dessus son épaule en direction des véhicules. Il finit par voir apparaître Brooke et Abbigail, en compagnie de Connor et Christina. Celle-ci tenait Owen tandis que Nolan se trouvait dans les bras de sa mère. Abbigail tenait en laisse Strife et Gaia qui poussaient des grognements de fauve et aboyaient furieusement à l'adresse des rôdeurs. Cela rassura temporairement Ethan. Suffisamment pour qu'il redouble d'efforts et se concentre davantage. Ludwig fut bientôt près de lui, lui proposant son aide pour casser la chaîne. Le jeune homme opina.

« Merci. On sera pas trop de deux. Le temps presse.

Ensemble, ils eurent encore à lutter un moment. La résistance du métal était incroyable. Pourtant, millimètre par millimètre, les mâchoires d'acier de la pince finirent par s'enfoncer, traçant leur chemin dans les maillons épais qu'elle tranchait. Finalement, sur un dernier effort, un bruit sec se fit entendre, suivi par le fracas métallique de la chaîne qui se déroulait et qui tombait au sol.

- Ca y est ! »

Ethan se retourna d'un bloc après avoir repoussé les grilles. Il n'y avait plus qu'à les ouvrir totalement. Abandonnant la pince dans les mains de Ludwig, il fonça vers sa famille, prenant sa femme en pleurs dans ses bras, remerciant fébrilement Connor et Christina de les avoir tirés de là. Les retrouvailles ne furent que de courte durée, car il repoussa ses proches derrière lui en tirant son couteau, voyant trois rôdeurs s'approcher. Ils leur avaient déjà trop pris. Pris d'un accès de rage envers les cadavres ambulants, le jeune homme leur fonça dessus. Il les abattit sans peine, alors que derrière lui ses chiens continuaient d'aboyer comme des forcenés au bout de la laisse que sa mère tenait.

Une fois de plus, la Mort était venue les trouver pour réclamer son dû. Et une fois de plus, le décès d’un des membres du groupe avait laissé John de marbre. De tous, le garçon au sabre figurait parmi ceux dont la vie importait le moins pour le trentenaire. Sans doute que le militaire se serait fendu d’un haussement d’épaule s’il n’avait pas été occupé à tuer les rôdeurs ayant surpris leur convoi. Et encore. Outre l’état de leurs tympans détériorés par les cris de son italienne de bonne femme, le plus dommageable dans sa mort était encore la perte de son katana. L’arme nippone aurait pu être un atout de taille dans la situation où le groupe se trouvait présentement. Coincé devant les portes de ce qui devait être leur nouveau sanctuaire, l’armée de morts dans leur dos. L’escalader n’était même pas une solution. Ils auraient dû laisser derrière eux tant les véhicules que le peu d’affaires qu’ils avaient emportées et les maigres rations récupérées pendant le trajet. Rien ne garantissait qu’ils trouvent de quoi manger dans les placards des maisons du quartier résidentiel qu’ils s’apprêtaient à investir. Restait la possibilité de défoncer les grilles avec la bagnole d’Arthur mais à quoi bon à part ouvrir une voie royale aux morts menant tout droit dans la résidence ? La fuite ? Et pour aller où exactement ?

Même pas cinq minutes. Ce n’était même pas ce qu’il avait fallu aux morts pour faire en sorte que, dans quelques temps, quatre nouvelles personnes viennent grossir leur rang. Ils avaient beau avoir été les proches de certains, il fallait s’occuper de leur cervelle avant qu’ils ne se relèvent. Son MPK Mission en main, John, comme beaucoup, affrontait les rôdeurs pendant que l’agent fédéral s’évertuait à faire céder la chaîne qui maintenait le portail clos et les retenaient tous ici. Si la mort des uns et des autres ne l’affectait guère trop, ce n’était pas malheureusement pas le cas de tous autour de lui. Un rôdeur tombait raid mort à ses pieds lorsque le sergent de première classe releva les yeux vers Alan. Le presque quinqua paraissait être pris de torpeur. Tuant un infecté qui se rapprochait dangereusement du Karlson, Callaghan posa une main sur son épaule et le secoua pour le forcer à réagir.

- Alan ! lança le brun d’une voie forte pour couvrir le tumulte ambiant. John chercha son épouse du regard. Elle aussi luttait à plusieurs mètres de là. On risque de pas avoir le temps de faire rentrer tous les véhicules, reprit-il. Le portail ne tiendra pas face à eux ! Si on veut le faire tenir plus de cinq minutes, il va falloir coller le cul du camion contre dès qu’il sera fermé. Tu peux le faire ? demanda le californien en abattant un autre rôdeur. Si certains pensaient que remettre le suédois derrière un volant après l’accident sur le pont n’était pas une bonne idée, le militaire savait que les compétences du conducteur n’étaient nullement en cause. Je te guiderai pour la marche arrière, rajouta tout de même l’homme.

La manœuvre devait quand même être millimétrée. S’il reculait trop, ce qui était censé renforcer la grille aurait l’effet complètement inverse. John jeta un autre regard vers Blake. Il ne savait si sa compagne avait déjà formulé des directives différentes aux autres mais aux yeux de l’époux Callaghan, ils n’avaient pas trente-six milles solutions. Et puis il fallait qu’ils les rentrent à l’intérieur, ces véhicules. Un bref coup d’œil vers le portail, ouvert à présent.

- Vas-y maintenant ! fit John, un peu plus pressant.

    Toujours à genoux dans la neige à côté de Nara qui n'avait de cesse de pleurer sur le corps mort de son compagnon, j'étais figé, incapable de bouger. J'avais comme le sentiment que je ne pouvais plus respirer, qu'une fois encore tout était perdu. Je n'avais pas su être là pour protéger mon propre enfant, pour le préserver de toutes ces horreurs, et voilà que même quand j'étais là... je n'étais pas capable de sauver ceux qui comptaient encore pour moi. Des pertes de plus à encaisser, trop de pertes qui me rendait incapable d'y voir clair, de me donner une raison d'aller de l'avant.

    Les nouveaux cris plus loin, suivis de coups de feu, ne parvinrent pas réellement à mes oreilles. J'étais bien trop ailleurs, paralysé par ce qui se jouait devant moi, pour réellement faire attention à tout ce qui se jouait autour. Les potentiels Coyotes étaient devenus secondaires et le fait qu'aucun ne soit encore parvenu jusqu'à moi ne me semblait même pas bizarre. Relevant le visage d'un air un peu perdu, je remarquais que chacun essayait de gagner du temps, le temps nécessaire pour que nous puissions entrer dans le quartier probablement. Mon regard plein d'une impuissance douloureuse à porter croisa rapidement celui de Christina, avant que je n'entende la voix de John tout près ainsi que sa main secouant mon épaule, me sortant de ma torpeur.

    Si ses mots n'avaient pas percuté dans mon esprit au départ, je compris rapidement qu'il fallait bouger, et vite. Que la situation devenait de plus en plus grave. Un rapide coup d’œil autour ainsi que le mort juste derrière moi me suffit. Me relevant en grimaçant, évitant soigneusement de prêter attention au sang qui teintait mon pantalon et ma veste, je me contentais de hocher la tête à la question de John, posant rapidement une main sur son avant bras pour l'enserrer doucement -autant pour le remercier de m'avoir sauvé la mise que pour lui dire qu'il pouvait compter sur moi- avant de m'éloigner vers le camion. Mettre mes émotions de côté, au moins le temps que nous soyons dans une situation moins compliquée.

    Sur le chemin pour rejoindre le camion, je tombais nez-à-nez avec un Coyote sorti de derrière une voiture, m'agrippant le bras pour essayer de m'avoir, alors qu'un deuxième arrivait juste devant. Il n'y avait plus de temps à perdre et de toute façon tous les rôdeurs du coin avaient dû être attirés ; nous n'étions plus à quelques détonations près. Sortant le Glock, je les gratifiais tous deux d'au moins une balle bien logée dans le crâne, avant de me remettre rapidement en route. Enfin arrivé à hauteur de la portière conducteur, je fus surpris par un nouveau mort qui écopa du même sort que les autres.

    Ne pas traîner, ne pas penser, simplement agir et faire ce qu'il y avait de mieux pour le groupe. Entrant dans l'habitacle, je pris une profonde inspiration, démarrant le véhicule avant de poser mon regard sur John dans le rétroviseur ; il prenait des risques en restant comme ça à me guider. L'entendant, je commençais à reculer, prenant garde à chaque personne qui évoluait encore aux alentours même si la plupart étaient entrés dans le quartier ; deux d'entre eux se dirigeaient déjà vers les véhicules de tête pour les rentrer dans la residence.

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