Difficile de ne pas remarquer le numéro de contorsionniste de Seb qui jetait des regards réguliers à l’arrière de crainte qu’elle n’accouche sur les pieds d’Olivia au moindre nid de poule sur la route. Elle roula des yeux, se contenta d’un regard entendu échangé avec sa voisine. Si le chef d’entreprise ne se montrait pas très généreux en détails sur ses aventures, la grecque savait que la jeune femme passait suffisamment de temps avec l’aîné Brody pour le connaître assez maintenant. On ne le changerait sûrement pas…

Elena écarquilla les yeux quand Olivia évoqua son entretien avec Faith. « Alors… non, je ne parlais pas de ce bâton-là. Bien qu’il ait failli être employé de la même manière plus d’une fois c’est vrai. » Peter n’était pas très original. Après l’avoir brisé quelques fois, il avait trouvé une autre menace à brandir à chaque fois que Faith organisait une session de bâton des sentiments. Et curieusement, la dernière remontait à longtemps…

La brune rit doucement, les lèvres étirées à mi-chemin entre l’amusement que suscitait la véracité des propos d’Olivia, et la tendresse absolue qu’elle éprouvait pour chacun des membres de son groupe. Aussi étranges pouvaient-ils être. « Legolas est le pire, assurément. » renchérit-elle, taquine.

Elle hocha la tête silencieusement quand il annonça le plan pour annoncer leur arrivée à leurs alliés et amis. « Le bateau aurait sans doute été plus adapté, c’est vrai. » Enfin, surtout maintenant que les nausées avaient disparu. « Seb ne t’a pas parlé de ses gros bateaux ? » se moqua gentiment la brune, bien trop à l’aise dans l’exercice. C’est qu’elle avait trouvé une complice de choix. « Non, mais avec les indications de Val et les précisions d’Alex, on devrait s’y retrouver. » La régisseuse avait passé du temps là-bas, pour aider aux travaux, et bien sûr, elle ne s’était pas contentée de vagues explications. Ils avaient eu le droit au plan annoté et commenté.

La jeune femme fronça les sourcils tout à coup. Loin d’elle l’envie de casser l’ambiance, mais quelque chose la tracassait depuis leur arrivée. « Et si… Si Reese ne veut pas retourner voir le Professeur Chourave, vous pensez qu’elle serait en mesure de se venger réellement ? » Parce que pour l'instant, son mode opératoire ressemblait à celui d'une araignée réfugiée dans son nid qui se contentait de saigner les proies qui se prenaient dans sa toile. Mais s'ils ne s'y aventuraient plus jamais ?

Je n’écoute que d’une oreille discrète le joyeux babillage des jeunes femmes derrière moi, préférant rester attentif a la route et notre environnement. Je n’oublie pas que la liste des mauvaises rencontres possible est plus longue que la moustache de Roman dans ses pires moments. J’ai mon arme a portée de main et l’œil ouvert. Cela ne m’empêche pas de rétorquer, avec un ton que j’espère léger :

« Il n’y a que des nains jaloux pour ne pas aimé Legolas… et encore, mêmes eux l’adulent en secret, j’en suis sur. »

Je me ferme dès qu’Elena parle de ma belle-sœur. Elle et le conjoint de Faith restent portées disparus, les chances de les retrouver vivants frôle le 0. Si Faith semble réussir a tenir le coup, mon frère est au plus mal sans que je sache faire quoique ce soit pour lui. J’essaye de rebondir sur la conversation :

« Professeur chourave ? Rien que ca ? Si Reese ne veut pas y retourner, elle n’y retournera pas et on réfléchira a une solution pour la sortir de son « contrat » en même temps que nous. Je ne suis pas convaincu qu’elle soit si implantée qu’elle voulait le montrer. J’ai échappé a son radar assez longtemps pour que nous ayons une marge de manœuvre, qui plus ai, on a les noms de plusieurs de ses adeptes qui pourraient nous aider malgré elles si on doit jouer la carte de la désinformation. »

J’ai déjà commencé a y penser. Les nuits sont courtes depuis que nous sommes rentrés. J’essaye d’ajouter avec un peu d’humour :

« Regardez-moi, pour un mort, je me porte plutôt pas mal. »

C'est qui que tu traites de naine, là ? Je plisse les yeux en le regardant, la tête pencher sur le côté avec un air défiant : Parce que moi, mon mètre cinquante-sept et mon trente-cinq fillette, on ne reculera devant rien pour te botter le cul selon ce que tu dis, la menace est on ne peut plus claire, il ne peut pas y couper : Et je peux demander à Elena de se mettre en formation tortue pour te rouler dessus si tu insistes ! Si avec ça, il ne tremble pas sur ses appuis, je ne vois pas ce qui pourrait le faire vaciller !

J'ai un sourire moqueur, et au surnom d'Elena ne peut m'empêcher de rire doucement. Le coeur n'y est pas pour Sebastian cependant, je le sens plus inquiet que ce qu'il ne devrait : Eh bien déjà, retrouvons cette Reese, c'est la première étape. Et tirons ça au clair avec elle, j'imagine que c'est un début et ça ne sert à rien de faire des plans sur la comète pour l'instant, je suis du genre à préférer éviter de me monter la tête : Au pire elle ne veut pas revoir Manbo, et elle est en sécurité où elle se trouve actuellement, de toute façon.

Mais à la remarque d'Elena, je hoche la tête : je pense cette femme suffisamment dangereuse pour réussir à lui nuire d'une manière ou d'une autre. A la place de la serveuse, je crois que c'est une personne que je préfèrerais ne pas avoir comme ennemie. Tu dis quand tu veux que je prenne le relai, que je souffle à Sebastian d'ailleurs. On parie combien qu'il va neiger ? Que j'ajoute avec un sourire amusé.

« Les nains ? » s’offusqua la grecque en synchronie avec Olivia.  Ces grossiers personnages, vulgaires et inélégants ? « Tu n’y vas pas du dos de la cuillère, dis-donc. » Elle ne voyait absolument aucune ressemblance. Sauf peut-être leur amour partagé pour la bouteille, éventuellement. Et son ventre bedonnant à la rigueur.

La grecque se pinça les lèvres douloureusement quand elle remarqua le changement d’expression chez Sebastian à la mention de leurs deux amis disparus. Pour elle, l’espoir ne cessait d’incendier son cœur comme une balise en pleine tempête. Jamais Connor et Daemon ne baisseraient les bras, elle le savait.

Elena ne fut pas vraiment surprise par la réponse du chef d’entreprise au sujet de Reese ; il était sans doute le dernier homme sur terre à forcer une femme à aller à l’encontre de sa volonté. Néanmoins, elle fut quelque peu soulagée par la confirmation de ce qu’elle n’avait fait que déduire : leur curieuse amatrice de champignons des bois n’avait sans doute pas l’influence qu’elle se prêtait dans la région. « Des adeptes que l’on connait ? » s’étonna toutefois la brune. Elle avait du mal à imaginer qui que ce soit s’engager dans le sillage d’une désaxée aussi dangereuse sans être lui-même au moins un peu atteint. Elle était véritablement curieuse d’en apprendre plus de la bouche de Reese à ce propos.

« Je trouve ça quand même curieux quand on y pense. Elle te déteste, elle était prête à faire des guirlandes pour les fêtes avec tes entrailles, et elle a juste changé d’avis en exigeant le retour de Reese ? » Pardon, mais ça n’avait aucun sens. Si elle était si maline, elle aurait sans doute pu la retrouver elle-même. Et c’était tout de même une sacrée prise de risque de le laisser filer après ce qu’elle lui avait fait.  Il y avait tout de même une zone d’ombre que la grecque ne s’expliquait pas.

« Oh non, pas de neige, pitié. Je donnerais cher pour retrouver le soleil méditerranéen. » soupira-t-elle, un peu dépitée.

« Ce n'est pas parce que je suis un demi elfe que je dois faire dans la demi mesure... et puis, ce n’était peut être pas pour la taille que je vous comparais aux nains...  »

Je leur fais un clin d’œil taquin m'attendant a une réplique. Amateur de livre d'heroic fantasy je connais assez l'univers de Tolkien pour venir les taquiner avec. Entre leur sens de l'humour, leur caractère entiers, pour ne pas dire autre, ou leur capacité a lever le coude ou leur appétit, certaines similitudes ne pouvaient qu’être mises en relief pour embêter les passagères. Je cesse rapidement le jeu quand on aborde le réseau prétendu de la Manbo:


« Elle a cité Quinn et Cassidy…. Après je ne sais pas comment se passe les recrutements et sa façon de parler du retour de Reese, même si elle n’en avait pas envie, me laisse imaginer le pire une fois que tu as signer pour être « de ses ouailles » ».

Les victimes font toujours les pires bourreaux. J’essaye de trouver un lien entre ses trois femmes mais je manque d’information entre la conjointe du docteur, la doctoresse et la serveuse. Mise a part leur sexe, je n’ai pas encore compris de dénominateur commun qui les auraient poussés a s’allier a une secte. Quoique…. On a été empoissé et soigné avec des herbes ? Le coté médical est évident pour au moins deux d'entres elles.

« Vous savez si Reese s’occupe d’herbes, de soin ou de poison ou a des intérêts quelconques pour les délires superstitieux ? »

Des trois c’est surement celle que j’ai le plus côtoyé. Je me souviens surtout de sa capacité a ne pas sourire et le seul amour des plante que je lui avais remarqué était pour celle qui se fument. Je jette un rapide coup d’œil a Olivia alors qu’Elena pose une question légitime. Je me contente d’un trait d’humour :

« Je suis déçu que tu n’envisages  pas que mon charme ravageur  et mis à nu de demi elfe n’ai pu lui faire changer d’avis. »

Je n’ai pas envie de mentir a Elena pas plus que je n’ai envie de l’inquiéter avec un accord qui tiens plus du risible qu’autre chose. Cela prouve bien, aussi que la dame des bois a quelques soucis avec elle-même. Qui plus est, c’est a Olivia seule de décider ce qu’elle a envie de dire, ou pas, sur cette situation.  Les préoccupations de sur la neige me permettent de vite rebondir sur un autre sujet, plus pragmatique.

« J’ai de quoi passer des tiges dans la calèche pour y attacher une bâche, ca devrait vous protéger et tant qu’on a moins que quelques cm sur la route, on pourra continuer. »

Si c'est pour leur caractère, dis-toi que ça n'est pas mieux ! Je lui offre un sourire complice avant de soupirer, tâchant de ne pas me formaliser du reste. J'écoute les échanges, sans trop intervenir : Disons que des réponses a propos de Reese sont plutôt un test pour voir si ça vaut la peine de travailler avec lui, que je réponds à Elena qui s'interroge sur comment il a réussi à s'en sortir. Inutile de lui préciser le reste des négociations, je me sens suffisamment idiote comme ça.

Elle arrive à attraper quelques Oblivions de passage pour elle, c'est un levier intéressant pour obtenir des informations sur la situation à Portland, même si elle ne les garde jamais très longtemps en vie, pas pour rien que sa rumeur commence à grossir de cette manière. Mais mes yeux se tournent vers notre conducteur : Ce n'est pas contre toi, chaton, mais je pense que si je ne la retenais pas, elle te transformait en porte manteaux, ou en descente de lit, selon.

De quoi couvrir la calèche ? Je tapote sur l'épaule de Sebastian : Ok, il va falloir le faire maintenant, simple question de bon sens. Et alors que le véhicule s'arrête, j'en profite pour m'extirper de mon siège pour venir aider l'homme à fixer tout ça. Il faut évidemment que je me pince les doigts dans le processus en lâchant un "Aie !" de circonstances. Une belle plaie mais rien de plus grave. Nous verrons plus tard si ça suffira.

Je me retourne quand on me tapote l’épaule et avise qu’effectivement, j’ai bien fait de prévoir de quoi nous couvrir.

« Les tiges sont dans le sac, Olivia tu pourrais t’occuper de passer les supports a droite pendant que je fais l’autre côté. Elena tu nous aides a sortir la bâche huilée ? »

Je prends les choses en mains et m’applique au mieux pour donner des allures de véhicule de la petite maison dans la prairie a notre chariot. Je m’arrête vivement quand Olivia cri que j’inspecte et me précipite inquiet de savoir ce qu’elle a réussi a se casser avant de lui prendre d’autorité la mains. Je finis par me détendre et lui annoncer, en souriant et en sortant un pansement de mon sac que je lui applique.

« On devrait s’en sortir sans plâtre ni atèle cette fois. Tu veux que je m’occupe de finir tes fixations ou ca va aller ? »

Rien qu’a son regard, je sens que c’était la question de trop et me ravise pour ne gérer que les miennes. A nous trois il faut peut de temps pour assurer un minimum de confort aux passagères. Je m’assure qu’Elena est correctement installé avant de reprendre la route. Je soupire peu de temps après en remarquant qu’Olivia a réussi le miracle a ne pas être abritée. Je m’arrête a nouveau pour lui tendre mon manteau :

« Et ne t’avise pas de refuser, sinon je m’arrête pour vérifier tes fixations et tout refaire… »

Je la connais assez qu’elle préfère tout a accepter une mise en échec. J’ai encore un pull mais le froid et l’humidité sont bels et bien là. Heureusement que je ne suis jamais malade.