Ça la dépassait totalement, certes elle n'avait jamais eu la fibre politique, ni même à véritablement se soucier de ce que le leader en place faisait pour eux ou non, mais à l'instant présent, Evelyn se sentit – comme beaucoup d'autres présents – trahis. Monsieur Lawrence avait sans doute lancé ça par agacement, cependant l’approbation de Donovan la poussa à froncer les sourcils. Qu'aurait-elle pu ajouter de plus qu'Ela ou l'avocate n'appuyaient déjà pas suffisamment ? Absolument rien. L'air du changement tonnait dans la salle, même Stanley se fit entendre en grimpant sur une table. Tous étaient d'accord sur le fait qu'il fallait évincer Chambers, néanmoins comment pouvaient-ils faire ? Ils avaient sans doute l'avantage du nombre pour eux, débarquer en masse et exiger qu'il cède la place ? Mais le sénateur abdiquerait-il si facilement ? Des tas de choses lui passaient en tête, mais Evelyn n'avait aucune remarque pertinente à faire. Non, elle écouta tous ces gens, tous ceux qui, avant elle, avaient quitté les murs pour subvenir aux besoins des plus faibles d'entre eux. Ces gens que ne tarda plus à évoquer Phelbs à l'en faire rosir et se décaler légèrement derrière le chef des militaires.

Personne ne la jugeait d'avoir été faible un temps, du moins personne ne l'accusait ouvertement de faire parti de ceux n'ayant trouvé judicieux que de jouer les profiteurs sans se secouer, mais la honte la couvrait des pieds à la tête. Ce ne fut que lorsque d'autres évoquèrent qui choisir, cette question encore sans réponse valable, que ses prunelles brunes s'attardèrent sur la silhouette de Maverick. Quelqu'un se détacherait du lot, un chef, un vrai leader. Il n'avait pas tort néanmoins quand elle entendit quelques propos violents quittaient des paires de lèvres, dont celles de Merl, la jeune fille reprit un inspiration sifflante avant de suivre Phelbs qui s'approchait du jeune militaire pour l'accompagné sur l'estrade improvisé. La brutalité ne changerait rien, elle ne les rendrait guère meilleurs que ceux qu'ils accusaient tous ici bas. Elle avait raison, mais comment envisager les choses alors ? Si ça tournait mal ? Parce qu'évidemment, et en croisant les faciès de bon nombre de personnes présentes ici, la gamine imaginait forcément que certains en viendraient aux mains si, toutefois, le sénateur ne lâchait guère les rennes sous sous la contrainte orale.

- Nous avons l'avantage du nombre. Lâcha-t-elle subitement avant de fixer Ela, puis Donovan qui semblait d'accord avec l’Israélienne plus tôt. Si nous sommes suffisamment unis et réclamons qu'il cède la place.... sans doute obtiendrons nous gain de cause. Mais ils ont raison, la violence ne sert à rien. Ça n'nous rendra pas meilleur que lui, et même si c'est cliché de dire ça, il ne faut pas oublier que tout le monde fait des erreurs, certes le Sénateur en est visiblement coutumier mais, l'être Humain fait des erreurs. La brutalité en est une, ça ne nous fera pas évoluer dans le bon sens.

Sa voix tremblait quelque peu, sans doute la prendrait-on pour une crétine trop idéaliste, mais qu'importait, de toute évidence elle ne serait guère l'une de ceux qui les mèneraient à l'avenir.

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Ce qui était en train de se passer était important, les habitants du Fort prenaient un virage à 180 degrés, et c’était à celui qui se ferait le mieux entendre. Stanley se démarquait des autres, prenant la table pour estrade, assenant aux personnes présentes un discours empreint de mots qui sonnaient justes, qui sonnaient durs. Ravivait la flamme, justifiait cette rébellion… Mais attisait également la nervosité, la colère et la rancune de certains. Ela craignait la révolte, la violence d’un renversement de pouvoir. L’israélienne n’était visiblement pas la seule à le penser car la voix de June s’éleva à côté d’elle, jusqu’à l’inciter à la suivre vers Stanley. Se retrouvant peu à peu, de vieux réflexes lui revenaient alors qu’elle marchait digne vers le centre de l’agitation, et ce, toujours avec la chemise de Merl sur le dos et son Stetson entre les mains. Elle ne s’en séparerait pour rien au monde, quand bien même elle n’avait que peu conscience de l’objet qu’elle avait entre les mains. Sur un certain point, Merl avait raison, il lui avait donné le courage qu’il lui fallait pour se lever et entrer dans l’arène. June grimpa sur la table, en compagnie de Stan. Ela jugea plus prudent de rester sur la terre ferme ; droite et digne, dans le regard cette assurance sage, qui n’invitait qu’au calme.

Le discours de Stanley en avait échauffé certains, arrachant à Merl une remarque fort peu pertinente qui lui valut un regard désapprobateur de la part d’Ela. Ce n’était pas le moment d’attiser la colère des habitants, pas plus que de lever la main sur Chambers. Ils étaient à l’aube d’une ère nouvelle. « Personne ici ne souhaite que l’on se reconstruire sur une base de violence. » Assena-t-elle, en articulant méticuleusement chacun de ses mots pour qu’ils rentrent clairement dans les esprits des personnes ici présente. Autour de la table commençait déjà à se réunir un groupe soudé, composé de June, Stanley, Evelyn et elle. Amanda Davis rejoignait leur position diplomatique. Quelque chose était en train de se créer. L’israélienne n’usa pas de la position avantageuse de la table pour se faire remarquer, elle haussa simplement sa voix, toujours posée, et déterminée. « Nous devrions détacher quelques personnes pour démettre le Sénateur Chambers de ses fonctions. » Elle balaya l’assemblée du regard, elle savait déjà qui. « Je crois que la colère, les fourches et les torches ne seront pas nécessaires ici. » Elle avisa Clayton et ses questions pertinentes. « Et nous devrions tous avoir un droit de regard sur ce groupe décisionnaire qui appuiera ce nouveau leader, quel qu’il soit. Une fois le Sénateur relevé de ses fonctions, nous pourrions déterminer quelques personnes compétentes pour conseiller, et voter pour ces représentants. Afin que tout le monde ait son mot à dire. » Elle avait toujours rêvé d’une démocratie pour son propre pays, c’était une occasion à saisir. Elle jeta un coup d’œil à June et Stanley, avant de rajouter quelques mots : « Pour aller confronter le Sénateur, je pense à June Phelbs, Stanley Maverick, évidemment. Mais nous aurions également besoin de toi, Lawrence, pour représenter la communauté scientifique, ainsi que de Donovan pour le parti militaire. » Elle se tourna ensuite vers Merl et Clayton. « Voulez-vous en être, l’un des deux, pour représenter la partie civil ? » Elle n’avait pas la présomption de se proposer elle-même.

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La niaque que démontrait une partie de l’assemblée n’était pas du goût de tous. Elle avait pourtant son importance, car c’était ce qui les aiderait à rendre leur camp encore plus Grand ! Ainsi alors que June – rapidement suivie ensuite par d’autres – excluait évidemment la violence de cette action-là, Stan lâcha à ces rebelles en ébullition :

- Ouais, gardez votre énergie pour c’qui nous attend dehors ! On en aura besoin ! Il afficha un sourire en coin. Depuis ces derniers mois, sa réflexion sur les ambitions du groupe, et notamment côté militaire, avait évoluée. Elle était devenue limpide ! Et la passivité dont ils faisaient preuve jusqu’ici n’en faisait plus partie !

Il tendit une seconde plus tard la main en direction de la rouquine, pour la faire grimper à ses côtés. Sa relation avec la greluche de Chambers ne jouait pas en sa faveur, mais il fallait avouer qu’elle affichait un bel aplomb. Tout comme Ela, qui paraissait métamorphosée ! Les gens qu’elle proposait pour aller à la rencontre du sénateur étaient censés… enfin Merl mis à part. Il ne manquait certes pas de qualités, cependant la finesse et la diplomatie n’en faisaient pas partie.

- Donovan ne représente pas les militaires ! Corrigea toutefois Graham, quand il fut question d’inclure Floyd dans cette équipe. Il lui jeta un regard appuyé. Stan était d’accord avec ça. Mais pour le jeune homme sa présence dans cette entrevue restait importante.
- Oui rajoute toi à nous Ela, Clayton aussi, conclut le militaire, après que Merl et Clayton soient intervenus. Il n’envisageait pas une seconde de ne pas y participer lui-même. Et Donovan, ajouta-t-il, en perçant son supérieur du regard. Pour donner l’exemple. Si vous affirmez avec Davis remettre en jeu vos postes, Chambers ne pourra qu’en faire de même ! Car comme il l’avait dit, c’était une démission collective qu’il attendait. Table rase. Il jeta un regard de défi au tatoué. Les suivre dans cette entreprise, c’était définitivement quitter ses responsabilités ! Et ce point-là, ils devaient aussi dès à présent l’aborder. Les nouveaux responsables qu’on choisira, on l’fera sur leurs compétences. Ce sera à ceux qui évoluent dans l’milieu de trancher. D’évaluer ceux qu’ils trouvent les plus à même de les guider ! J’n’aurais aucun avis à émettre côté scientifique, par exemple ! De la même manière, tous les gens qui participent activement à la sécurité du camp pourront choisir le responsable qui leur parait le plus légitime ! Ils incluaient ainsi les civils actifs sur ces postes, et depuis longtemps ! Comme Joann, Swann, Aaron, Merl et bien d’autres ! On doit préparer le changement ! Aujourd’hui ! Ajouta-t-il en y ajoutant les gestes, pour les motiver. Car il y avait du boulot ! Pendant qu’on mettra Chambers face à l’évidence, les autres bosseront pour organiser les nominations des nouveaux responsables. Elles doivent se faire au plus vite ! Demain, après-d'main ! Et pour répandre dans toutes les maisons qu’une annonce officielle sera faite ce soir !

Avec ou sans l’accord du sénateur ! Puisqu’ils étaient d’accord sur la marche à suivre, il était temps d’y inclure enfin tout le monde ! Il n’était plus question de se réunir dans un salon, mais bien de communiquer à l’intégralité du groupe. Et les faire participer à leur tour !