J'ai toujours eu ce caractère de merde mais avant, il était nuancé. Je ne l'employais pas à tout bout de champ. J'émettais des réserves quant au contexte. Le seul trait qui ne m'a jamais quitté, c'est ma franchise. Le fait de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Je n'avais pas beaucoup d'amis. Beaucoup de relations mais peu d'amis et ça m'allait plutôt bien. Aujourd'hui, alors qu'on ne peut faire confiance à personne, je suis comme un poisson dans l'eau. Mon caractère me tire vers le bas, vers la solitude, sans que je ne m'en rende réellement compte. Caroline est une fille bien, sympathique et plutôt mignonne. Un homme lambda, dans mon état, n'aurait aucune raison de refuser son invitation. Et moi, je le fais. « Je le sais mais comment je pourrais motiver une dizaine de personnes à me suivre alors que je ne sais même pas si elles sont encore en vie ? » lui lançais-je afin de clore le sujet. Avec ses yeux-là, elle serait capable de me faire changer d'avis et je déteste changer d'avis. C'est bien connu, il n'y a que les cons qui font ça et j'en suis un, assumé. « Eugene, au Sud. Je sais exactement où c'est puisque j'ai fait partie de ce camp. » C'est pas la porte à côté, c'est le cas de le dire. Une expédition là-bas s'étendrait sur plusieurs jours. En même temps, j'en profite pour lui lâcher une information. Le fait que j'eus fait partie du camp devrait l'aiguiller sur le fait que je ne veux plus de camp.

Au bout d'un petit instant, Caroline se lève et vient coller sa tronche contre la porte du vestiaire. Naturellement, je ne fais plus de bruit et je constate que les voisins n'en font plus non plus. Deux solutions. Soit ils sont partis. Soit, ils savent que nous sommes là et attendent tranquillement que l'on sorte pour nous cueillir. Doucement, je me lève de mon banc et je m'approche d'elle en posant ma main sur son épaule pour qu'elle me laisse passer. « J'y vais en premier. J'reviens te chercher si c'est clean. » Pour une fois, je prends les rennes. Je n'ai pas peur puisque je n'ai rien à perdre. Contrairement à elle. Je pousse la porte du bout des doigts et lorsque l'espace s'y prête, je me glisse entre le mur et cette dernière pour m'extirper de la salle. Ces deux gâteaux m'ont redonné un peu de jus et je compte bien le mettre à profit. Une fois dehors, j'accède à un petit couloir où je dégaine mon arme de son étui. Je la serre bien dans le creux de ma main, index sur le canon, et j'avance. Je parviens jusqu'au magasin où je prends le temps d'observer les flancs. Je me sens pas de parcourir tous les étages donc je saisis un débris assez costaud que je prends et balance loin, dans l'allée centrale. Par chance, il touche un étalage bancal qui se casse la gueule et s'affaisse au sol dans un grand bruit. Je tends l'oreille quelques secondes, peut-être une minute ou deux mais je n'entends plus rien si ce n'est le râle lointain de quelques rôdeurs. Bingo, nous sommes seuls. Je fais demi-tour et je retourne jusqu'au vestiaire. J'ouvre la porte et je trouve Caroline juste derrière avec des yeux prêts à m'écouter. C'est fou ce qu'elle a un beau regard. « Personne. On finit de faire les courses et on se... tu te tires. » À deux mots près, je lui redonnais l'espoir.