Il fallait y aller, coûte que coûte. Pourtant, la voix alerte de la femme lui fit tourner la tête vers l'énième danger qui se dessinait devant eux. Une dizaine de rôdeurs leurs barraient la route et il était évident qu'elles n'y parviendront pas à deux. Rien à faire, elle devait abandonner l'idée de rejoindre les véhicules qui en file un indienne, courait vers la sortie. Leur seul moyen de s'échapper vite d'ici était en train de s'envoler en fumer, et Kassandra sentait ce monde s'écrouler. La voix de Daphne la rappela à l'ordre alors qu'elle forçait ses yeux à voir des visages connus dans la fumée. Elle ne voyait rien, c'était un voile de fumée qui se dressait devant elle. Où était ses amis, s'en était-il sortie ? Elle n'avait même pas eu le temps de voir Tamara s'engouffrer dans l'un des véhicules, la fumée était trop dense, les rôdeurs de plus en plus nombreux. On n'a plus le choix. Lâcha t-elle dubitative en se détournant pour suivre les indications de Daphne. Ce duo improbable... Jamais elle n'aurait cru devoir être avec cette fille, elle ne lui faisait pas confiance, et pourtant elle suivait ses indications comme si c'était la parole de dieu. En réalité, c'était une parole sensée, et c'était pour cette unique raison qu'elle écoutait. Les morts venaient à eux et... avant de se détourner du sentier et de ces flammes qui léchaient toutes les maisons une à une, l'effondrement de la maison des McLeod mit un terme à ses espoirs. Alors avant de courir jusqu'à la palissade pour aider Daphne à monter la blondinette en premier, elle hurla à pleins poumons comme si ce son pouvait transpercer ce déluge : TAMAAARAAAA ! BLAAAAKE ! D'autres noms lui venaient en tête, mais elle n'en dit pas davantage. Désespéré, elle devait avancer, pour survivre, pour ne pas que la roue s'arrête. Le sort s'acharnait, mais ce n'était pas pour autant qu'il fallait baisser les bras. La route... Rejoindre la route. Elle y croyait sincèrement. Pourtant, avec la mort de Dante, elle était sûr que tout ce qui lui restait d'espoir avait été aspiré par le néant. On essaiera, on va courir. Mais lorsqu'elle fut en haut, elle vit que ce ne serait pas si simple. Des tâches noires dans son champ de vision, mouvantes et grouillantes, allaient sur eux. Elle adressa un regard déterminée à Daphne, mais une simple idée effleura son esprit : et si cette mystérieuse femme décidait de l'utiliser comme bouclier ? Sa gorge se noua mais elle mit un pied à terre de l'autre coté. Elle ferait attention, elle garderait ses distances. Dans cette course folle, elle essaierait du moins. Elle pensa à sa meilleure amie, à tout ce qu'elle était en train de perdre en partant. Mais c'était ça ou une mort assurée, dehors, elle aurait peut être une chance de les retrouver... Peut être.

Jeff avait grimpé les premiers dans la voiture, Plutarch avait eut un peu plus de mal à rattraper le véhicule. Un rodeur était venu lui faire un câlin - d'adieu sûrement – l'empêchant de prendre le taxi tout de suite. Brooke ne pouvait pas immobiliser la voiture longtemps, il en était conscient. Mais il avait dut se débattre avec son nouveau pote, avant de parvenir à la mettre enfin à terre. Le sang noir de l'homme affamé avait ruiné le t-shirt de Plutarch. C'était sans doute minime dans une situation pareil mais ça le faisait bien chier tout de même.

Hors de question qu'il reste en plan ici, alors il prit ses jambes à son cou pour rejoindre la voiture. La main sur la poignée alors qu'elle roulait assez lentement, il se jeta à l’intérieur, écrasant un peu au passage Jefferson. Mais c'était bien peu face à tout ce qu'ils venaient de vivre. Et aux cicatrices que ça allaient laisser. Le souffle court, sifflant, toussant parfois, Melvin avait l'impression d'avoir fumer trois paquets de clopes en même temps ! Il passa une main devant ses yeux pour en virer les larmes qui l'aveuglaient presque. Maudite fumée.

Comment savoir qui était en sécurité dans les voitures ? Comment savoir qui était où et dans quel état ? Rien n'avait été fait dans l'ordre, ça avait été la panique et le bordel. Il n'y avait plus que l'espoir, cet espoir fou qui permettait de croire que tous ce qui leurs étaient chers se trouvaient eux aussi dans un des véhicule qui allaient quitté le quartier complètement prit par les flammes. La voix de Connor, cette demande à la limite de la question mais aussi de la supplication. « -j'l'ai pas vu, mais elle est sûrement dans une voiture. » ça se voulait rassurant s'en l'être. Comment lui assurer que Quinn était en sécurité alors qu'il n'en savait rien. Melvin posa son regard son colocataire de chambré. « -fais lui confiance, elle est dans une voiture, en sécurité. » Qu'il le veuille ou non Quinn était assez grande pour s'occuper d'elle même. Alors il devait se calmer et s'accrocher à l'espoir qu'elle était dans le convoie. Après ces quelques mots Plutarch l'espérait vraiment, sinon il ne payait pas cher de sa peau face à la rage et la douleur de Connor.

Son regard se posa sur Alan lorsqu'ils passèrent la grille. Il le détourna avant de passer une main sur son visage, fatigué… Et maintenant ils allaient où ?

Au moment où Elena avait interpellé le couple, Ethan avait pris une décision. S'il s'agissait de mettre les voiles, il fallait préparer les voitures. Et même si tout son être tendait à aller vérifier si les McLeod étaient toujours en vie, ou s'il pouvait prêter main-forte à ceux qui prenaient à parti les rôdeurs, il décida d'aller contre son instinct, et de faire demi-tour pour retourner aux voitures. Les paroles de Brooke le confortèrent dans ce sens. Il fallait faire vite. Le couple fonça donc vers les véhicules stationnés, même si en cours de route le jeune homme entendit sa femme lui désigner Plutarch. Il acquiesça, mais ne dévia pas de son objectif. S'il ne cessait de papillonner entre ce qu'il devait et ce qu'il voulait faire, alors il n'arriverait à rien.
Alors que son épouse montait dans une voiture, lui-même choisit sans vraiment le faire une voiture bleue. Voyant que la jauge d'essence avait connu des jours meilleurs, il alla ouvrir le coffre, où se trouvait un jerrycan contenant du carburant. Généralement, il y avait un peu de réserve pour faire le plein en cas de pépin sur la route. Il était plutôt content que ce soit le cas avec ce véhicule-ci.

Une fois le plein fait, il entendit une énorme détonation, et se retourna vers la maison des McLeod. L'armurerie venait d'exploser, réduisant à néant les chances de trouver des survivants. Un poing glacé lui plongea dans l'estomac, alors qu'il sentit sa gorge se serrer et la nausée l'envahir. Il dut s'ébrouer pour se ressaisir, s'installa au volant puis démarra. Alors que peu à peu tous les véhicules se mettaient en route pour attraper au passage les survivants, il suivit la voiture de Brooke. L'agent fédéral distingua sans trop de peine les véhicules de Tam et Elena. La première transportait avec elle tout le reste de sa famille, et il fit taire le sentiment d'angoisse qui le tiraillait. Tout irait bien, ils étaient entre de bonnes mains.
Peu à peu, les véhicules s'arrêtaient rapidement pour prendre en stop les survivants qui fuyaient. Ethan ne distingua pas tout le monde, il en vit certains monter, d'autres non. La fumée envahissait tout, et les rôdeurs entraient par le portail ouvert, guidés par le brasier qui flambait toujours plus haut. En roulant, bien qu'à allure modérée, il en percuta un avec le côté de son pare-chocs. Le bruit fut sourd, mais il n'y eut aucun problème à relever. À la suite des autres véhicules, le jeune homme s'apprêta à passer le portail, gardant une allure modérée pour permettre aux fuyards restants de monter à bord et d'occuper les places libres. Il avait toujours les véhicules d'Elena, de Tam et de Brooke dans son champ de vision. Hors de question de les perdre de vue.

Il ne faut pas beaucoup de temps à Brooke pour rejoindre la première voiture qu’elle aperçoit. Une blanche. Elle grimpe à l’intérieur pour allumer le moteur et vérifier le niveau de l’essence, qui visiblement est presque rempli. Pour le moment cela fera l’affaire surtout qu’il ne manque pas grand-chose à l’intérieur. Lorsque Brooke vient à fermer la portière, elle entendit le bruit d’une explosion qui la fit sursauter. Il ne va surement pas falloir tarder cette fois ! Lorsque les premiers véhicules commencèrent à prendre la route, Brooke en fit de même.

Elle aperçut la voiture d’Elena devant celle de Tam. Maintenant, reste juste à sortir de cet enfer ! La brune avance doucement en direction de la sortie. Mais, elle se stoppa lorsqu’elle entendit la voix de Melvin crié son prénom. Celui-ci était en compagnie de Jefferson, elle attendit qu’ils arrivent à grimper tous les deux dans la voiture. Puis Connor se joint aussi au petit groupe de la voiture blanche. Brooke ne perdit pas beaucoup de temps avant de reprendre la route. Il est hors de question d’être séparé des autres survivants.

« Je n’ai pas vu Quinn mais, comme dit Melvin elle est surement dans une des autres voitures. »

Dit Brooke sur un ton qui se veut rassurant mais, la vérité c’est qu’elle n’a pas vu du tout la sœur de Connor. Elle espère qu’elle a réussi à trouver refuge dans l'une des premières voitures comme les autres habitants de ce quartier. Lorsque la voiture passe le portail, Brooke pose quelques secondes son regard sur Alan, lui fit un signe de tête pour le remercier.

Une fois sur la route, Brooke jette un coup d’œil au rétroviseur pour s’assurer que la voiture d’Ethan est bien en train de les suivre. En espérant que ce soit bien lui mais, Brooke n’a pas de doute. Même si la brune ne montre rien, ce départ précipiter de cet endroit l’affecte. Elle se plaisait bien ici et la tombe de ses parents était dans les parages. Puis, maintenant la question est : *Où est-ce que l’on va aller ?* Et surtout est-ce que tout le monde va bien ? Brooke soupira puis se concentra sur la route.

« Vous n’êtes pas blessé ? » Demande Brooke aux personnes présente dans le véhicule.

Le feu crépitait autour d’eux, avalant progressivement les maisons une par une. Et la fumée, épaisse, commençait à les étouffer. Piquant leurs yeux. Brouillant leurs vues. Faisant abstraction de James, qui avait de nouveau crié son prénom, Christina déchiffra l’expression du visage de Caroline. Elle vit son malaise. Ça n’annonçait rien de bon et elle sentit sa poitrine se compresser.

- Où est-il ? Répéta-t-elle sur un ton anormalement calme pour la situation.

La jeune femme se devait de le lui dire. Elle balbutia quelques mots, sous-entendant le pire, sans parvenir réellement à l’exprimer. L’ancienne hôtesse de l’air pinça les lèvres et inspira un bon coup. Au même moment, Ludwig apparut, s’étant extrait du véhicule qui le protégeait. James s’était lui aussi hissé dans le camion, alors que la voiture d’Ethan avait pris à son tour la route. Il ne resterait pas en arrière pour des fous. Il avança l’engin, arrivant au niveau des trois survivants.

- Si vous voulez monter, c’est maintenant ! Leur brailla-t-il, implorant Caro, Lud’ et Christy de se grouiller.

Pour la quinquagénaire, la situation était limpide. Alan allait mal. Peut-être s’était-il fait mordre. Peut-être était-il même déjà mort. Alors ce jour était arrivé ?  Elle hocha simplement la tête, signifiant à Caroline qu’elle avait compris. Il n’y aurait pas de crise de larmes et de désespoir. La femme s’était préparée à ce jour depuis plusieurs mois déjà. C’était ce qui l’avait aidé à se sortir du gouffre dans lequel l’avait plongée la mort de Sven. Tant qu’Alan vivrait, elle saurait se réjouir. Mais s’il venait à disparaitre, son destin était scellé…

- Je ne viendrai pas, dit-elle d’un voix posée. Montez, sauvez-vous. Elle plongea ses yeux noisette dans ceux bouleversés de Ludwig. Ça voulait dire « courez, mais surtout vivez ». Son air convainquit au moins l’ancien professeur qui appela après les deux autres. Il n’y aurait rien pour la convaincre, il la connaissait suffisamment. Où ? Demanda-t-elle une dernière fois à Caroline, avant de lui souffler un : bonne chance, en se détachant d’eux.

Ils avaient été ses amis. Ludwig presque un fils. Mais des fils, elle n’en avait jamais eu que deux. Et elle les avait depuis longtemps perdus.

Le camion prit le chemin de la sortie, dans un vrombissement impatient, fermant le convoi. Christina, son bâton de marche entre les mains, s’était mise à courir également vers les grilles, une main devant sa bouche et son visage. Autour d’elle - d’eux - le chaos. Les flammes, leur chaleur abominable et son air irrespirable. Les rôdeurs, partout. Christy se débarrassa de l’un d’entre eux, évoluant comme une machine. Elle parvint alors au niveau de la grille, là où résistaient encore John. Blake. Et Alan. Elle s’approcha d’eux et acheva tout près de son mari un rôdeur, de la pointe de son bâton. Ils échangèrent un regard. Celui de Christina, déterminé, lui disait clairement : « ne compte pas sur moi pour te laisser affronter ça sans moi ».

    Des gestes que nous répétions tous, encore et encore. Abattre les Coyotes pour permettre aux premiers véhicules qui arrivaient vers les grilles de s'en tirer ; qu'ils soient tous sains et saufs. Si je sentais que mon corps commençait déjà à fatiguer, une certaine froideur s'immiscer dans tout mon corps, j'étais plus que déterminé à ne pas me laisser prendre par la mort. Pas encore. Pas tant qu'ils ne seraient pas tous loin. Poussant vivement du bras un énième mort qui arrivait, je ne me formalisais pas le moins du monde de ses dents trop proches ; à quoi bon de toute façon ? J'étais déjà condamné. Les voitures passaient une à une mais il m'était impossible de savoir si mon épouse était dans l'un d'eux... je ne pouvais qu'espérer que Caroline et Ludwig aient fait le nécessaire pour l'emmener en sécurité, de force s'il le fallait.

    Jetant un regard à Blake et John, je m'apprêtais à ouvrir la bouche, leur hurler de rejoindre le dernier véhicule et de se tirer de là, qu'il n'y aurait plus rien d'autre à sauver, mais l'arrivée de Christina me bloqua net dans mon intention. Posant mon regard sombre et las dans le sien, je restais pantois quelques secondes ; s'il n'y avait rien de plus beau que d'avoir à ses côtés la personne qui comptait le plus, il n'y avait également rien de pire que de lire dans ses yeux la décision prise du sacrifice. Serrant les dents, je posais une main rapide sur la sienne.

« S'il te plaît... »

    Ne restes pas là, sauve ta vie. Je savais pertinemment que c'était inutile, que jamais elle ne monterait dans l'un de ces véhicules, qu'elle allait rester ici jusqu'à ce que nous soyons tous les deux emportés. Je le savais, et pourtant je ne pouvais l'accepter. Mon regard était lourd de peine, mais aussi d'excuses ; celles de ne pas avoir su faire plus attention, de ne pas avoir été capable de nous protéger de tout cela. Désolé de n'avoir pu lui offrir ce lendemain meilleur auquel elle aspirait tant.

    Serrant légèrement sa main, je déglutis difficilement avant de me remettre à ôter la seconde vie des Coyotes toujours aussi présents autour de nous. Nous ne pouvions pas nous accorder ce moment hors du temps où l'acceptation de ce destin funeste serait permise, pas encore. Quelques minutes de combat, jusqu'à ce que tous soient ailleurs ; les voitures, Blake, John.