En un mois qui était pourtant passé excessivement vite, les choses avaient considérablement changées au sein du groupe et dans leur vie au phare. Si Morgan s’était calmée un peu depuis son arrivée, elle était redevenue ingérable depuis que le chef et le plus jeune étaient revenus avec Neil. Sans doute que si l’ancien homme d’affaire avait su que la rouquine nourrissait une telle haine envers le métis, il ne l’aurait pas emmené chez eux, mais une fois que c’était fait, une fois qu’il avait repensé à sa sœur, à ce qu’elle aurait dit, il n’y avait plus eu de retour en arrière possible. Quoi que l’affaire n’était assurément pas close : il lui donnait une chance de rester parmi eux, de trouver sa place, mais au moindre faux pas, il s’en débarrasserait purement et simplement. Bien sûr, il pourrait tout aussi bien juste le laisser dehors avec son foutu poney, mais personne ne quittait le groupe ; un seul individu extérieur au phare et qui savait où ils étaient représentait une menace que le trentenaire n’avait clairement pas envie de prendre en charge.

S’en était suivi l’arrivée d’Aodhan qui n’avait pas non plus été de tout repos. Entre surveillance régulière du phare, devoir lui apporter à manger et autres conneries, tout le monde avait dû mettre du sien et sacrifier un peu de sommeil pourtant si précieux. Le professeur les avait désormais rejoint après plus d’une dizaine de jours enfermé dans le phare ; s’il restait toujours sous la surveillance d’au moins un membre du groupe, il n’était plus coincé là-bas comme un animal en cage. Des piques entre chaque membre étaient toutefois constamment lancées qui, même si elles étaient la plupart du temps sans menace claire, avaient le don de taper sur le système du trentenaire ; tous n’avaient plus qu’à prier pour qu’il ne rentre pas une nouvelle fois dans cette rage comme quand il avait vu les dégâts causés par la jeune femme et le latino dans la maison principale. Une fois, pas deux.

Au cours de la matinée, Zack était parti avec Ansel afin de faire un bon tour du par cet s’assurer qu’aucune horde ou aucun vivant ne traînaient dans le coin. L’avantage du doc, c’est qu’il ne parlait pas pour ne rien dire et même si depuis le temps, ils avaient tous deux appris à bien se connaître, ils ne tapaient que rarement la discute juste pour le plaisir de causer. Evoluant ainsi pendant plusieurs heures dans l’entièreté du parc, les deux hommes s’en retournèrent finalement au phare, se séparant pour rejoindre chacun leur maison. Rapidement, le trentenaire avait rejoint sa chambre, déposant au passage sa veste sur le porte-manteau de l’entrée. A peine avait-il posé un pied dans la chambre qu’il partageait avec son compagnon qu’il remarqua le petit mot au sol. Fronçant les sourcils, il s’abaissa pour le récupérer, lisant d’un air agacé les quelques mots écrits.

Il soupira avant de redescendre, rejoindre la seconde maison, et se diriger vers la porte de la chambre de Neil. Là, il entra sans même prendre la peine de frapper, ne se formalisant pas du fait que son cadet était apparemment sur le point de l’endormir. Jetant un regard mauvais au poney qui embaumait la pièce de son odeur… spéciale, il darda finalement ses deux orbes clairs sur le métisse. « C’est quoi ça ? » avait-il demandé en agitant légèrement le papier. « "J’ai besoin de graines", tu crois qu’on est à ton service peut-être ? » Bien sûr que l’idée n’était pas mauvaise, que le trentenaire pourrait sortir chercher des graines, mais la moindre des choses était de venir lui demander clairement, et pas de glisser un foutu mot sous la porte. S’approchant encore un peu de Neil, le blond déposa calmement la feuille sur la petite table de chevet bien que son ton restait tout aussi supérieur. « Si tu veux des graines, tu vas toi aussi te bouger, hors de question de l’un de nous fasse tout le boulot et que tu attendes bêtement. » Sans doute qu’il aurait pu lui parler autrement, lui dire que oui, l’idée était bonne et qu’il l’accompagnerait, mais il n’allait pas non plus lui mâcher le travail, le plus jeune n’avait qu’à lire entre les lignes.

Si Zack avait remarqué l’air complètement fermé et impuissant de Neil ? Bien sûr. S’en formalisait-il ? Pas le moins du monde. Si son cadet prenait la mouche pour un rien c’était son problème, il n’allait pas encore s’amuser à prendre des pincettes pour le ménager ; il n’était ni dans un camp de vacances, ni chez maman, alors il avait tout intérêt à se bouger. Se décalant un peu lorsque le métis se leva, le trentenaire resta toutefois dans l'encadrement de la porte, le toisant de cet air froid qui était le sien. À la question de son cadet, il leva les yeux au ciel, se retenant de lui balancer que non, il n'avait qu'à sortir sans arme et se débrouiller à mains nues. Quelle question con, franchement. « Tu peux. » Il marqua un nouveau silence, observant Neil qui enfilait son sac à dos et le poney qui s'agitait. « Je vais venir avec toi, mais laisse ta bête ici » avait-il ajouté d'une voix limite indifférente avant de s'éloigner de la porte pour retourner dans la maison principale chercher ses affaires. Hors de question que l'équidé soit de la partie, trop de risque, pas assez de discrétion, et le blond jugeait l'animal bien trop imprévisible en cas de danger ; il n'en n'était pas encore à s'amuser à risquer sa vie pour un cheval.

De retour à la maison, il monta rapidement pour chercher un sweat gris qui devrait lui tenir suffisamment chaud pour cette sortie, ainsi que son Desert Eagle et son couteau ; le poing américain, lui, était toujours bien calé dans la poche avant gauche de son jean. Redescendant tout aussi rapidement, il patienta près de la tour radio que Neil arrive, ayant au passage prévenu Morgan qu'ils sortaient pour l'après-midi. Une chance que les jours se rallongeaient, sinon ils auraient dû reporter cette sortie au lendemain ; quoi qu'ils n'étaient pas à l'abri qu'il leur arrive une tuile et qu'ils aient à traverser la ville de nuit.

Après quelques minutes d'attente encore, le métis arriva enfin, la mine basse ; probablement qu'il avait été vexé par la réaction de l'aîné, ou que l'idée de sortir en ville avec lui ne l'enchantait pas, mais il n'avait pas l'air de savoir se débrouiller seul pour trouver ces graines alors autant qu'il soit accompagné. Ajouter à cela le fait que Zack connaissait particulièrement bien la ville et saurait sans doute plus rapidement où aller pour trouver ce que Monsieur le Jardinier avait en tête. Sans un mot de plus, l'ancien homme d'affaires se mit en route vers la sortie du Discovery Park, prenant toutefois la direction du Nord. En cours de route, il posa néanmoins son regard sur Neil. « On devrait en avoir pour une heure et demie ou deux heures de marche. » Est-ce que ce serait trop pour lui ? Qu'importait, ils n'avaient de toute façon pas d'autre moyen pour s'y rendre et prendre le fourgon juste pour ça semblait complètement idiot. Direction Ballard donc, le trentenaire se rappelait avoir déjà vu un magasin de jardinage par là-bas, restait plus qu'à espérer qu'il y ait encore quelque chose.

Le silence était de mise lors de le avancée mais ça n'importunait en rien l'homme d'affaires qui préférait de loin jouer la prudence plutôt que de taper une discussion sur la route. Que pouvait-il bien lui dire de toute façon ? Le métis avait bien compris que le sujet ''Molly'' était devenu plus qu'épineux, et en dehors de cela rien ne liait les deux hommes, alors autant ne pas se forcer à trouver quelque chose à dire, le silence était bien plus convenable. Et il était d'autant plus pratique pour repérer les moindres bruits anormaux qui surviendraient dans les environs, permettant à l'ancien homme d'affaires de rester bien alerte à tout ce qui se passait autour. S'il était depuis longtemps bien habitué à évoluer hors du phare, il ne fallait pas oublier que le monde restait tout aussi dangereux ; tout pouvait représenter un danger à dire vrai, les putrides, les vivants, et même les chiens,en témoignait sa sortie avec Stew pendant l'hiver.

Ils avaient marché près d'une heure dans un calme total avant de traverser le pont menant aux abords d'Old Ballard ; des vélos avaient été laissés à l'abandon çà et là, entre autres déchets qui étaient recouverts par endroits par la végétation. S'engouffrant dans les premières rues, le plus jeune sorti enfin de son mutisme, signalant que des putréfiés suivaient leurs traces. Se tournant pour jeter un coup d'oeil, Zack remarqua à son tour les trois silhouettes chancelantes et une quatrième un peu plus en retrait qui ne les avait apparemment pas encore repéré. Pas perturbé pour un sou, il récupéra le couteau de chasse fixé à sa ceinture et désigna les morts. « Tu peux t'en occuper de deux ? » A dire vrai, c'était plus un plan posé qu'une réelle question, le fait qu'il s'était mis à avancer dans leur direction le prouvait bien, mais si le métis n'était pas capable d'en gérer deux en même temps, il n'allait tout de même pas le regarder se faire bouffer.

Arrivé à hauteur du premier, l'aîné lui assena un coup de lame fatale dans la tempe, ne sourcillant pas lorsqu'il laissa retomber au sol le corps inerte. Déjà, le second s'amenait ; une adolescente qui avait dû perdre un bras en cours de route et dont la moitié du visage lacéré commençait sérieusement à montrer des signes de décomposition avancée. De la même manière que son comparse, la demoiselle se trouva rapidement figée sur le bitume sans plus aucun signe de vie pour l'animer. Remarquant qu'il ne restait plus que le putride le plus éloigné à tuer, le blond s'accroupit afin d'essuyer sa lame contre les vêtements du cadavre, laissant le soin à Neil de s'occuper du dernier. Peut-être que le métis détestait cela au fond, qu'il était angoissé, et franchement pas forcément doué, mais il ne parviendrait jamais à s'en sortir s'il vivait sans cesse aux crochets des autres alors oui, pour le coup il allait se débrouiller.

Le dernier mort abattu, Zack attendit que Neil revienne avant de ranger sa lame non sans avoir jeté un énième coup d’œil autour de lui. « C'est plus pratique que ta pelle hein. Je me demande vraiment comment t'as fait pour survivre si longtemps juste avec ça. » Si ses paroles pouvaient avoir une connotation désobligeante, son ton lui n'avait rien de moqueur, il énonçait simplement les faits, un questionnement qu'il était venu lui trotter dans la tête ; bien sûr, ce petit air hautain flottait toujours dans sa voix mais le plus jeune devait y être habitué à force.