D'un même geste, les trois ombres s'étaient redressés. Les questions vinrent après cette peur glacée alors que Wade m'était déjà la main sur son arme. Sally en faisait de même et le jeunot les regardait interloqué. Bordel, qu'est-ce que c'était ? Un cri qui s'était vite éteint, perdue en écho dans le couloir. Le son était tellement proche que l'américain avait été à deux doigts de ne pas ouvrir. C'était risquer que la chose inconnue ne pénètre dans leur cocon si elle était réellement si proche. Il ne tira sur la porte que lorsqu'il fut sûr que rien ne se trouvait à coté de leur pièce. Des bruits de pas, des soupires de surprise et des murmures de désarroi emplissaient dores et déjà le couloir nord.

'Vaut mieux que vous restiez enfermé, barricadez-vous. Son ton était grave alors qu'il refermait la porte derrière lui. Protestation. Sa femme manqua de le suivre, mais il insista, il fallait à tout prix qu'une personne reste avec le gamin. Trop curieux, il était capable d'aller se promener tout seul dans les couloirs devenues hostiles. Rien que pour voir...
Le corps sanguinolent reposait à quelques mètres. Dans l'ombre un regard jaune et brillant disparaissait. Là.
Comment affrontait-on ce genre de bête ? Le faisceau lumineux lui permettait de ne voir que le stricte minimum, il prenait les battements de son coeur pour les pas de la bête.
Allait-il pouvoir viser juste pour éliminer la menace ? Il se forçait à ne pas regarder le corps et le regard vitreux du jeune. N'avaient-ils pas assez à faire avec les marcheurs ? Il fallait que le zoo rapplique ici et qu'ils soient totalement impuissants. Regarder l'école s'effondrer n'était pas dans ses projets et l'insécurité n'en finissait plus de grandir... Les lèvres pincés, il bifurqua avec un petit groupe dans le couloir adjacent, laissant Alex s'occuper du corps... avec Ian. Malaise. Une part de lui ne pouvait s'empêcher d'y voir d'autres visages, celui de ses proches à l'agonie. Comme dans un flash info désagréable... Il plissa les yeux, sentit quelques gouttes de sueur perler sur son front alors qu'il s'aventurait dans une salle de classe vide un peu plus loin, ne quittant pas le couloir des yeux.
La porte était entrouverte mais la salle semblait vide. Pas de lueur. Pas de mouvement. Mais un pelage moucheté venait de passer dans le couloir à croisement, au fond. Là. Elle est partie vers là haut. Le souffle court, sa voix s'était éteinte en même temps que le faisceau de sa lampe qui trembla. Plus de pile. Quelle veine. Ça ne l'empêcha pas de s'avancer avec le petit groupe de survivant. Au même rythme, sur le fil, prêt à tomber ou prêt à tirer ?

Nouvelle pièce, nouvelle chasse. Ici aussi l'endroit semblait désert, et pourtant.

Wade ?

L'infime bruissement dans la pièce obscure l'avait faite tressaillir, alors qu'elle s'était retournée vivement pour ne rien voir.

Ian ?

Le silence, à nouveau. Elle était pourtant sûre d'avoir entendu quelque chose. Et effectivement, un infime grondement lui fit rater un battement de coeur, alors qu'elle sentait une présence dans son dos. Faisant volte face, elle ne put s'empêcher de hurler en voyant le jaguar à quelques pas d'elle rugir en la fixant, alors qu'elle braquait son arme dans un réflexe presque surhumain, tirant sans même essayer de viser. Uniquement pour que cette sale bête ne recule, ne s'éloigne d'elle et ne fasse pas d'elle un amas de chaire sanguinolente comme le corps de Michael qu'elle avait aidée à déplacer.
Le coup de feu parti, alors que le jaguar disparaissait de son champ de vision et que son dos heurtait une table, manquant de la renverser.

Pourquoi paniquait-elle là, maintenant ? Alors qu'elle aurait pu réussir à toucher cette sale bête ? Un juron s'échappa de ses lèvres alors qu'elle se forçait à reprendre contenance comme elle pouvait, préférant tout de même quitter les lieux immédiatement.

Depuis près d'un mois, tous les habitants du lycée semblaient à fleur de peau. D'abord l'invasion des chimpanzés, puis l'arrivée du gorille, et maintenant on parlait d'une bête mangeuse d'homme ; la galloise ne doutait pas que s'ils la trouvaient, elle écoperait du même sort que les autres animaux. Elle avait eu vent de la mort de Drew et Holly et, même si elle n'était pas spécialement proche d'eux, elle peinait à accepter cette idée. N'y avait-il pas suffisamment de risques là-dehors pour que d'autres facteurs n'entrent pas en plus en compte ? Elle n'avait pu par ailleurs s'empêcher de se demander comment ces animaux avaient fait pour être encore en vie après tout ces mois ; comment avaient-ils fait pour ne pas être mordus par les malades ? Les chimpanzés étaient rapides, certes, mais le gorille ? La jeune femme s'était posée de nombreuses questions sur le sujet avant de finalement laisser tomber ; qui aurait les réponses à ses questions ? Personne n'en savait rien.

Rosaleen ne dormait plus vraiment, s'endormant quelques minutes plus ou moins longues pour se réveiller peu de temps après. Elle peinait encore plus à trouver le sommeil maintenant qu'elle avait annoncé à Ian qu'ils ne pourraient pas continuer ensemble ; c'était certainement la meilleure solution, mais ce n'était pas la plus facile à digérer. Alors une fois de plus, elle était couché sur son matelas, regardant au plafond la faible lumière vacillante de la flamme de la bougie posée à côté d'elle. L'obscurité l'angoissait, elle craignait sans cesse de se trouver là dans le noir, de sentir une présence près d'elle et de ne pouvoir la voir ; mais elle était toujours seule, ce qui la rassurait autant que lui faisait parfois peur.

Quand le cri perçant retenti non loin du couloir où se trouvait la nouvelle pièce qu'elle avait investi. La galloise se leva sans réfléchir, ne prêtant pas réellement attention à ses muscles engourdis. Elle enfila par dessus son tee-shirt un gilet fin et sorti de sa chambre pieds-nus pour se diriger vers l'origine du bruit. Au détour du couloir, elle manqua de glisser et, arrivée sur place, quelques personnes étaient déjà agglutinées autour de ce qui semblait être un corps. Elle connaissait le jeune homme et avait déjà discuté avec lui quelques fois mais tout lui semblait si lointain ; bien sûr, elle se rendait compte qu'elle s'était coupée du reste du monde toute seule, comme une grande. S'approchant un peu plus, elle regarda d'un air horrifié le visage déconfit de Michael avant de balader son regard de Ian à Alex qui déplaçaient le corps. Que c'était-il passé ? Tirant sur les manches de son pull, la rousse hésita un instant à proposer son aide avant de juger qu'il valait mieux qu'elle ne croise pas Ian. La tête baissée, elle prit la direction de l'endroit où semblait venir Michael et, apercevant une porte ouverte où personne ne dormait, y passa la tête. Il n'y avait rien... Son cœur battait la chamade. Elle n'avait rien à faire ici, que pourrait-elle bien faire si elle tombait face à la menace ? Et un coup de feu retenti, la faisant se précipiter hors de la pièce.

Le cri d'Alex et son coup de feu l'alertèrent et il eut tout juste le temps de voir la bête disparaitre dans le couloir. Un bout de queue moucheté. Puis il avait déjà disparu. Cela n'avait rien à voir avec ce qu'ils avaient combattu jusqu'à maintenant.

Elle est trop rapide...

Ne manqua t-il pas de souligner, à moitié désespéré alors qu'il se rapprochait de la brune.

On devrait rester grouper, ne reste pas toute seule Alex. Elle sera plus prompte à attaquer une personne qu'un groupe.

Il supposait, vu comment elle avait détalé à plusieurs reprises devant ces dizaine de faisceaux lumineux braqués sur elle. La bête n'était pas stupide, elle bondirait au meilleur moment. Et quelle était le meilleur moment dans ce type de situation, dans ce contexte ? Ses yeux se fermèrent un court moment alors qu'il tapait sur la lampe qui rendait son dernier souffle. Il avait fallu qu'il prenne la seule lampe inefficace du lycée. Un énième soupire rythma son souffle. Le groupe devait attraper la bête au plus vite, avant qu'il n'y ait un blessé, ou... Ou un autre cadavre... Le corps crispé et déchiré du jeune lui revenait clairement en mémoire, il en déglutit presque de travers tellement il se sentit mal à l'aise. Ils devaient rapidement serrer cette bête... bête qui avait réussi sans problème à se glisser chez eux, à mettre une patte velu sur leur territoire.

Et, il semblerait que j'aurai besoin de ta lampe aussi, donc je te suis.

Il pouvait tout aussi bien demander à quelqu'un du groupe, mais c'était un bon prétexte pour qu'elle ne s'aventure pas trop loin. Ils feraient toutes les salles de classe en groupe. À nouveau il s'avança dans le couloir, chaque bruissement faisait trembler ses mains. Saleté de zoo... Saleté de bestiole... C'était une nouvelle belle merde qui leur tombait dessus.

Cette fois, quelqu'un venait bien de la rejoindre. Wade. Lançant un regard reconnaissant à l'homme alors qu'elle reprenait son souffle, elle hocha la tête quand il lui fit remarquer qu'il serait plus judicieux de rester groupé cette fois-ci.

Ouais... Je suis d'accord. Cette sale bête vient de foutre la peur de ma vie.

Et certainement que tout le lycée pourrait le confirmer, vu le hurlement qu'elle avait lâché en croisant le regard de l'animal... Sans compter que Wade ne semblait plus avoir de lampe viable pour continuer le chemin. Lui tendant la sienne alors qu'elle s'assurait de crisper à nouveau ses doigts sur son arme, la brune avança en première dans la pièce suivante, braquant son revolver comme une extension de son bras alors qu'elle incitait son corps à ne plus ressentir la tension et l'angoisse qui contractaient chacun de ses terminaisons nerveuses.

Le halo de lumière de la lampe éclaira timidement l'obscurité de la pièce sans pour autant leur dévoiler une quelconque trace du jaguar.

Sally et ton fils sont en sécurité ?

Elle imaginait mal la femme de Wade et leur enfant en plein milieu de ce carnage tiens...
La fouille de la pièce dura quelques minutes tout au plus, sans qu'aucune ombre ne vienne leur coller une crise cardiaque. Ce qui n'empêchait pas la jeune femme d'à peine oser respirer, alors qu'elle baissait lentement son arme.

Rien ici non plus. Murmura t-elle à Wade. On tente une autre pièce.

En plein sommeil profond, Norman essayait de comprendre si les cris qu'il entendait parvenait de ses songes ou il se passait une nouvelle fois quelque chose dans le lycée. L'électricien se redressa et se laissa quelque instant avant de ce rallonger mais un hurlement épouvantable le crispa et le fit se lever d'un bon. Bordel quoi encore ? Il enfila ses vêtements en quatrième vitesse et attrapa le mossberg qui ne le quittait plus depuis la révolte.

Il souleva son oreiller de fortune et attrapa la lampe torche et son couteau qu'il rangea à l'arrière de son pantalon. Maintenant, il était équipé et prêt à agir s'il y avait une menace.Ouvrant la porte doucement, il passa son bras droit muni de la lampe pour éclairer le couloir bien sombre. R.A.S il pouvait bouger de sa pièce.

Il avançait doucement, il ne savait pas vraiment ce qu'il se passait. Il avait un doute, soit des rôdeurs, soit ce foutu gros chat qui avait réussi à rentrer dans l'enceinte du lycée. Le mossberg devant lui, prêt à faire feu si l'occasion se présentait. Il entendit des bruits de pas, Valeria et son fils David lui rentrèrent limite dedans. Norman baissa son fusil et demanda ce qu'il se passait dans le plus grand calme.

Apparemment, les doutes étaient bien confirmés, cette foutue bestiole s'était invitée. L'électricien, ouvrit la première porte qu'il trouva, sécurisa les lieux et demanda à Valeria de ne pas bouger et de faire rentrer le plus possible de monde si elle entendait des bruits de pas dans les couloirs. Un cri puis un coup de feu retentit à quelque couloir de là. Norman avait eu un sursaut et s'était baissé par réflexe, il vit la silhouette du jaguar passé dans le couloir adjacent à sa position.

Il avait arrêté de respirer, pendant une fraction de seconde et avança vers l'opposé. Au détour d'un couloir, Rosaleen fonça sur lui et Norman passa un bras autour d'elle pour ne pas qu'elle panique. "Pas par là...Tu vas droit sur elle" dit-il à voix basse "Tu sais où sont les autres ?"

Prise de panique, la galloise s'était engouffrée dans une autre pièce toute aussi vide que la première. L'agitation commençait à prendre le lycée, il n'y avait plus vraiment de doute quand au fait que la ''bête mangeuse d'hommes'' était dans le coin. Non armée, la jeune femme ne pourrait définitivement rien y faire, quoi que même avec une arme elle risquait sans doute d'être plus un poids qu'autre chose. Mais inconsciemment, la rousse se dirigeait vers l'origine des bruits, ne s'inquiétant plus pour une fois de tout ce monde qu'elle pourrait croiser dans le lycée et qui pourrait la faire se sentir mal à l'aise.

Mais alors qu'elle allait s'engouffrer dans un autre couloir, elle se cogna à quelqu'un, manquant de perdre l'équilibre. Sentant un bras passer autour d'elle, la rousse se crispa instantanément. Non, non, ce n'était pas un animal qui affolait la foule, c'était eux, ils étaient revenus la chercher, ils étaient là... Elle tenta légèrement de se détacher de la prise qu'on avait sur elle jusqu'à ce qu'elle reconnaisse la voix de Norman. Ne se décontractant pas pour autant, elle arrêta néanmoins de gigoter et l'écoutait en le regardant avec des yeux ronds. Comme revenant à la réalité, elle secoua la tête. Parle idiote ! Sermonna une petite voix à l'intérieur d'elle alors qu'elle cherchait ses mots et le courage de surmonter son mutisme.

« Michael il est... mort. Alex et Wade sont par là. »

Déglutissant difficilement, elle fit un signe de tête vers l'endroit où elle était sur le point de se diriger, la direction vers laquelle Norman lui avait intimé de ne pas aller. Avant qu'il ne parte, elle repris une profonde inspiration.

« Qu'est-ce que c'est ? »

Ils n'avaient certainement pas le temps de s'étendre sur le sujet, mais la galloise avait besoin de savoir. Parler ainsi lui coûtait, mais elle ne pouvait se permettre de se défiler et de signer, s'il ne la comprenait pas il perdrait du temps et peut-être que quelqu'un mourrait par sa faute ; elle devait faire cet effort. Serrant fort dans ses mains la lampe de poche qu'elle avait emporté de sa chambre, elle tremblait légèrement, s'attendant au pire.