On ne va pas se mentir, ça fait bizarre de ne plus être là-bas. A devoir galérer pour avoir ne serait-ce qu'un petit peu d'eau pour se désaltérer, pour espérer faire un brin de toilette et ne pas simplement se retrouver à pourrir dans ses propres excréments. Oh, je ne m'en plains pas hein. Pas le moins du monde, au contraire. Je suis soulagée d'avoir retrouvé Billie et de voir qu'elle va bien. C'était la seule chose qui comptait pour moi. Tout ce qui m'a permis de tenir là-bas.

Rejoignant la cabine de notre capitaine et cheffe de groupe, après qu'elle m'ait demandé de le faire quand j'aurai le temps, je frappe à la porte et entre après qu'elle m'y ait autorisée. Glissant ma main dans mes cheveux, j'observe un temps Thaïs avant d'aller m'installer sur la chaise en face de son bureau. Tu voulais me voir pour quelque chose en particulier ? Contrairement à ce que beaucoup doivent se dire, non je ne suis pas traumatisée par ce que j'ai vécu là-bas. En d'autres circonstances, je dois dire que j'aurais certainement pris un certain plaisir à les rejoindre et à faire subir ce genre de choses à d'autres. Simplement pour m'assurer de rester en vie en étant du côté des forts. Mais à l'évidence, j'ai plutôt bien choisi mon côté en rejoignant les GB finalement. Si c'est pour savoir comment je vais, ne t'en fais pas, je vais très bien maintenant que je ne suis plus là-bas. J'ai un petit sourire aux lèvres, pour accentuer encore davantage la chose. J'avoue qu'ils ont pris leur temps pour venir. Mais l'essentiel est qu'ils l'aient fait, n'est-ce pas ?

Dans un geste réflexe, je viens passer mes doigts sur la cicatrice ornant ma gorge, bien trop large et visible pour espérer qu'elle soit passée inaperçue depuis mon retour. Un léger ricanement pourtant sans joie m'échappe à la remarque de Thaïs. Je penche la tête sur le côté, un léger sourire au coin des lèvres. On t'a dit ? Reese, j'imagine ? Oui, si elle n'avait pas été là j'aurais certainement fini par me vider de mon sang sur ce sol après que Ulrich me soit passé dessus. Mais je suis toujours en vie. Et je ne suis pas du genre à craindre le passé mais plutôt à en faire une force.

Je remercie la brune d'un léger signe de tête lorsqu'elle me tend son paquet de clopes, ne me faisant pas prier pour en saisir une et la porter à mes lèvres pour l'allumer. La brûlure dans ma gorge est désagréable mais à la fois si apaisante. Une sorte de mélange doux-amer qu'on déteste autant qu'on peut l'adorer. Prenant un instant pour savourer la nicotine, fermant les yeux en gardant la fumée nocive en moi avant de la relâcher par mes narines, je rouvre les yeux et les pose sur la cheffe du groupe.

En résumé, je vais bien, rassure-toi. Mais j'imagine que ce n'est pas la seule raison pour laquelle tu m'as fait venir, si ? J'ai remarqué que certaines personnes n'étaient pas présentes. Lee, par exemple. Aamir également. Pour d'autres, peut-être que leur absence m'a échappé ou simplement que je n'ai jamais fait attention particulièrement à leur présence auparavant. Comment se sont passées les choses, à Telve? Je parle de ça d'un ton froid, une expression sérieuse au visage. C'est moi qui ai donné leur emplacement à Ulrich. Je n'avais pas le choix. J'imagine qu'il vaut mieux que l'information vienne de moi, plutôt que de quelqu'un d'autre. On ne sait jamais. Et puis, qui sait ce que cet enfoiré a bien pu balancer, puisqu'il n'était jamais revenu sur la plateforme.

Un rire mauvais, soufflé par le nez, m'échappe à la mention du fait que Ulrich lui-même soit à l'origine de ce que Thaïs sait à propos de ce que j'ai vécu là-bas. Cet enfoiré s'est bien vanté devant toi, j'imagine? Fier comme il l'est de tout ce qu'il fait, enfin était, ça ne m'étonnerait absolument pas. Mais je tente de garder mon calme, revenant tirer sur ma cigarette pour plutôt passer mes nerfs sur ça à la place.

Un long soupir m'échappe et je hausse les épaules, grimaçant malgré tout à la douleur irradiant de ma plaie à l'épaule blessée par balle sur la plateforme. Saloperie. J'ai bien essayé de leur vendre les Remnants avant, mais disons que Ulrich a pas trop apprécié. J'ai dû faire un choix.

Je l'écoute me parler de ce qu'il s'est passé à Telve, hochant légèrement la tête avant de froncer les sourcils en apprenant la mort de Lee et Aamir. Un Devil's de moins. Dommage. Mais j'imagine que c'était inévitable. Tant que ce n'est pas Billie, dans le fond, je m'en fiche un peu. Désolée pour ta perte. Je sais que vous étiez proches, Aamir et toi. Et pour ce qui est de Orpheus, je t'avoue que je n'ai pas spécialement fait attention, non. Mais j'imagine que tu as décidé de le garder avec nous pour une raison, je me trompe ? Puis je penche légèrement la tête, venant tapoter ma cigarette au-dessus du cendrier pour faire tomber la cendre dedans avant de tirer une nouvelle fois dessus. C'est pour ça que tu m'as demandé de venir? Pour que je lui parle de ce type ?

En toute sincérité, une part de moi appréhendait mon retour ici. Les représailles et les reproches que je pourrais avoir, pour avoir vendu l'adresse du refuge d'un groupe allié. Pire encore, en découvrant maintenant que je suis techniquement responsable de la mort du bras droit et ami de Thaïs. Non pas que j'ai mauvaise conscience de l'avoir fait, plutôt que je craignais de me voir jetée dehors à peine sortie de cet endroit. Et pourtant, je découvre avec une pointe de surprise que je parviens à dissimuler parfaitement que ce n'est pas le cas. Qu'au contraire, la militaire se montre parfaitement compréhensive. J'imagine que son ancien métier doit aider sur ce plan là. C'est un avantage pour moi.

Je hoche la tête à la remarque sur le fait que cet Orpheus soit capable de nous créer de nouveaux vêtements. Effectivement, je ne dis jamais non à de nouveaux habits. Le shopping a toujours été mon péché mignon. Entre autres choses. Mais ce n'est qu'un détail. Une nouvelle fois, je tire sur la cigarette portée à mes lèvres avant de subitement me figer face à l'annonce de la brune.

Cette fois, je suis bien incapable de cacher ma surprise. Car je ne m'attendais absolument pas à une telle proposition. Il me faut bien quelques secondes pour reprendre le dessus et je cligne quelques fois des yeux avant de me redresser dans mon siège, soufflant ma fumée par le nez et me raclant la gorge juste après. Et bien, si c'est ce que tu souhaites, j'accepte. Évidemment, je ferai de mon mieux pour te seconder. Et je suis flattée que tu aies pensé à moi pour ce rôle. Tu peux me faire confiance. Après tout, j'ai été transparente avec toi dès le début. Tu sais tout ce qu'il y a à savoir sur moi. Ou presque. Mais personne n'a besoin de tout savoir après tout. Surtout pas au sujet de l'Autre.

Je suis prête à la rencontrer, quand tu le souhaiteras. Comment pourrais-je être assez stupide pour refuser ? Une place de choix, dans un groupe qui a l'air de me convenir assez bien finalement, qui s'assure de la sécurité de ma sœur... Je n'ai pas besoin de plus.