Il faut nuit noire quand j’arrive. Une fois de plus c’est épuisé et précipitamment que je rentre au domaine alors que je suis partie aux aurores seulement ce matin. Je devais faire un aller-retour a Providence, passé une nuit et revenir le lendemain.

Je suis sale, il a fallu que je dégage mon chemin dans des vieilles carcasse de morts avant de savoir reprendre le chemin du château ou j’ai élu domicile quand je ne suis pas en vadrouille. J’ai mon regard des mauvais jours et nul sourire sur mon visage quand je sors de la voiture et avance d’un bon pas vers la maison de Peter. Ce que j’ai à lui annoncer ne sait pas attendre qu’il se réveille, que je me repose ou même que je me débarbouille tant cela me parait important.

Je me retourne, la main sur l’arme quand je pense voir une ombre qui me suit avant de me raviser : c’est Elena. Avec sa grossesse, elle ne sort plus beaucoup et, même si j’essaye de la distraire au mieux quand je suis ici, son ventre ventre rond est un cruel rappel de ce que j’ai perdu qui m’oblige a prendre sur moi, tout en me donnant envie de repartir en mission plus rapidement. Le temps commence a faire son œuvre, les choses sont moins douloureuses et j’ai moins a me forcer pour être l’ami dont elle a besoin. Même si je suis pressé, je n’ai jamais dérogé au fait que j’avais toujours un peu de temps pour elle.

« Tu ne devrais pas être en train de te reposer ? Ca va ? »

Mon ton n’est pas aussi léger que je le voudrais et mon éternel demi sourire est resté a Providence.

Elena esquissa un bref sourire à peine perceptible dans la pénombre alors que le chef d’entreprise renonçait à empoigner son arme en la reconnaissant. « C’est vrai que la ressemblance avec un pirate bedonnant porte à confusion. » Elle passa machinalement la paume de sa main sur l’arrondi de son ventre sous son large manteau qui coupait tout juste les morsures du froid. La légèreté quitta immédiatement le visage de la grecque lorsque ses orbes scrutèrent avec inspection l’allure inhabituellement négligée de son ancien compagnon. Elle balaya sa remarque d’un geste de la main, comme si elle chassait une mouche particulièrement agaçante. « Si je me repose une seconde de plus je risque bien de ne jamais plus me réveiller. »

Un pli soucieux creusa un sillon sur son front. « Qu’est-ce qu’il se passe ? » Elle s’avança pour dévorer la distance et évaluer avec inquiétude l’ancien Oblivion. Le sang séché qui le recouvrait ne semblait pas lui appartenir. Il trahissait néanmoins quelques troubles inattendus. « On ne t’attendait que demain matin. » releva-t-elle en sentant un mauvais pressentiment lui parcourir l’échine. Sa présence avancée et cet air grave sur son visage n’auguraient rien de bon. Et hors de question de se défiler, la grecque n’avait pas l’intention de le laisser filer. Elle était lassée d’être constamment laissée sur la touche ces derniers mois. Ses bras encore fins s’enroulèrent contre sa poitrine tandis qu’elle scrutait le brun dans l’attente de réponses.

« Tu ressembles surtout a une personne qui m’a surprise. »

J’essaye de mettre un peu de douceur dans ma façon de dire les choses. Je sais que sa situation lui pèse, sans mauvais jeux de mots. Je n’ai vraiment pas envie de cette conversation, ni maintenant, ni avec personne… mais surement encore plus en cet instant avec elle. Je sens bien son regard couler sur tous les petits détails qui prouvent que les choses ne se sont pas passées comme elles le devraient et qu’il n’y aura pas moyen de passer au travers cette conversation avec une pirouette.

« Dans peu de temps tu pleuras que tu rêves de te reposer d’après ce que j’ai compris. »

La conversation légère est presque surnaturelle vue la situation et ressemble plus a des formalités courtoises pour ne pas sauter directement dans le vif du sujet. D’ailleurs elle ne tarde pas a cesser de tourner autour du pot. Je sais déjà que si je lui rappelle son état pour me défiler, le domaine risque de ne pas s’en relever.

« J’espérais ne rentrer que demain soir pour être plus précis. »

Je lance un dernier regard vers la maison de Peter, comme si cela pouvait l’invoquer pour faire une diversion avant de soupirer devant l’air buté d’Elena. Resigné, je préfère me souvenir qu’elle est autant leadeur que Peter pour finir par lâcher :

« La vraie réponse a ta question est je ne sais pas ce qui se passe, ou plutôt ce qui s’est passé, mais Providence est tombée. Il n’y a plus rien que des vieux morts qui ont colonisé la zone... Plus rien d’autres. »

Un vague malaise enveloppa la brune. Sans qu’elle ne sache l’expliquer, elle se sentait toujours étrangement embarrassée en compagnie du chef d’entreprise. Le temps faisait certes son office, mais il n’était pas toujours aisé de feindre l’indifférence ou d’ignorer certaines évidences comme celle qui poussait sous son pull. Instinctivement, elle réajusta la veste comme pour essayer de cacher un peu plus ce ventre qui n’en finissait plus de s’arrondir.

« Je n’ai jamais eu beaucoup de sommeil. » rappela la grecque avant de diriger tout son intérêt sur ce qui lui échappait encore. Il se passait quelque chose. La jeune femme avait partagé suffisamment de temps avec Sebastian pour lire clairement à travers ses prunelles sombres. Et l’homme ne tarda pas à cracher le morceau.

« Quoi ? » hoqueta Elena, le regard arrondi de stupeur. « Tu… » Elle s’interrompit, ses orbes de cuivre fuyant vers la plage à l’horizon, arrimés sur la surface brillante de l’eau. Sous ses mèches brunes, les hypothèses fusaient, les questions s’entrechoquaient, de même que les réflexions qui généraient des conclusions hâtives mais non moins graves. « Comment ? Qu’est-ce que tu as vu ? » Qui avait pu faire ça ? Un combat s’était-il tenu dans le cœur de la ville ? Y-avait-il des survivants ? Sous sa poitrine, son cœur martelait férocement ses côtes à présent.

Le moment n’est pas propice à une joute ou une conversation posée dans cette nuit aussi fraîche que les nouvelles que j’ai apportées avec moi. Je ne suis pas sûr que ce que je suis en train de lui dire va beaucoup l’aider a trouver le sommeil. De toute façon, impossible de me dérober, surtout qu’elle finira forcement par l’apprendre tôt au tard, j’aurais juste aimé que cela soit dans d’autres circonstances.

« Il n’y a plus rien Elena… juste des hordes errantes qui hantent les lieux. Ceux qui ont fait ca n’ont pas laissé un seul bâtiment debout et je n’ai vu aucun zombie frais. Je n’ai pas pu m’approcher autant que je le voudrais de la zone pour avoir plus de détails.»

Trop de mort grouillant, j’ai déjà eu du mal a se défaire de ceux qui ont failli me piéger et m’empêcher de reprendre la route.

« Il n’y a pas grand monde capable de faire une chose d’une telle ampleur, si on exclu le fait que les NE soient autodestructeurs ou que ca manquait de décoration a la gloire du GM, il ne reste plus grand monde sur l’échiquier des puissances que nous connaissons. »

En espérant que cela ne soit pas un nouveau groupe qui vient d’entrer dans la danse. Toujours est il que ce basculement de force nécessite beaucoup d’attention, surtout que je ne pense pas que l’alliance de Kitsap ait été consulter d’une façon ou d’une autre si mes présomptions sont justes. Qui plus est, cela ouvre un autre sujet qui me préoccupe d’autant plus.

« Je crains qu’il n’y ait plus grands choses entre nous et les Oblivions maintenant… »

Un charnier géant. Voilà tout ce qu’il restait de l’ancien No Man’s land qui avait jadis prospéré dans la ville. L’annonce lui fit l’effet d’un coup dans le thorax, lui coupant momentanément le souffle. Désarçonnée, troublée, la grecque avait l’étrange et désagréable impression que le sol se dérobait sous ses jambes fébriles tout à coup. Elle porta les doigts contre son ventre douloureux, un rictus inconscient déformant ses lèvres.

« Qu’ont-ils fait… » murmura-t-elle, le souffle tiède de sa voix s’évanouissant dans les limbes obscures de la nuit. Entre ses tempes bourdonnantes, une symphonie disgracieuse s’emportait. Les combinaisons n’étaient plus bonnes. Les probabilités balayées, soufflées à la manière des immeubles détruits. Les cartes venaient d’être redistribuées en leur défaveur sans qu’elle n’ait rien vu venir. Phelbs avait fait cavalière seule sur ce coup-ci. Une véritable stratégie ficelée ou un coup de poker ? Impossible à dire, isolée qu’était la grecque. La seule certitude qui faisait vibrer ses tympans, c’était qu’ils venaient de perdre leur bouclier contre la menace du sud.

« Il n’y a plus rien ni personne pour les dissuader de passer à l’attaque à présent… » déplora-t-elle, l’air médusé, épouvanté. Son cerveau semblait sur le point d’exploser. « Tu dois… Tu dois emmener Camila loin d’ici et… » Elle se pinça l’arête du nez pour souffler un moment. Elle devait réfléchir. Elle avait besoin de réfléchir et prioriser. « Il faut que je vois Valérian et les autres. Au plus vite. »

« Tu es sure que ca va bien ? »

Dès que je la vois poser sa main sur son ventre, je ne fais plus rien pour essayer de cacher mon inquiétude et regrette amèrement de ne pas avoir su éviter cette rencontre avec Elena. Je sens bien qu’elle est sous le choc malgré le calme que j’ai essayé de garder pour annoncer la nouvelle. Même si je reconnais qu’il y a matière à y voir du mauvais, il faut aussi se dire que la menace NE recule. Kitsap n’aura pas été d’une grande aide au final, surtout si c’est bien le groupe auquel je pense qui a rasé Providence. Ils auraient surement pu gérer cela plus rapidement.

J’ai du mal à mesurer mes enjeux qui se cache sous ces décisions, celle d’attendre, ou celle d’attaquer, mais c’est évident qu’il y a du y avoir un déclencheur et la réaction d’Elena me laisse supposer qu’elle sait peut être des choses que j’ignore.  Mais ce n’est pas le moment ni le lieu. Je la vois s’emballer et essayer de tempérer ce tourbillon surement peu recommander dans son état.  

« Elena… tu vas trop vite. Pour le moment nous ne faisons que spéculer. Je vais essayer de me renseigner et si c’est bien les TR qui ont agis, il est fort possible qu’un groupe comme les Oblivions les incommodes au moins autant que des fanatiques. »

Sans compter qu’ils sont certains ressortissants qui ont déjà gouter des joies de l’hospitalité de Portland.

« Je vais essayer de joindre un contact de TR pour en savoir plus mais en attendant l’heure n’est pas encore a la panique ou a la fuite. Ne va pas affoler tout le monde tant qu’on à pas de certitudes. »

Je n’ose lui parler des incidents avec Ana Lucia ou les trouvailles d’Olivia. Effectivement l’heure n’est plus a la fuite, on a dépassé ce moment depuis trop longtemps maintenant.