Dix jours… Dix p’tains d’jours… Dix p’tains d’jours, qu’la boss elle a donné à ces foutus enfoirés d’enculés d’New Eden. Ces fils d’putes qu’on combat d’puis des années maintenant, qu’nous ont pris trop d’bons gars, d’nanas exceptionnelles… C’fils d’putes qu’nous butons d’puis tell’ment d’temps… Et qu’butent quiconque n’va pas dans leur foutu sens. P’tains d’nazis religieux d’merdes, j’les supportes pas.

Et on leur laisse dix p’tains d’jours avant d’se prendre les enfers sur l’gueule ?! P’tain… Parachutez-moi derrière leurs lignes avec d’quoi t’nir 1 mois en bouffe, et d’l’explosif et tout, et j’vous fait une guérilla d’malade et j’bute tous ces enfoirés qu’passent à ma putain d’portée ! Ouaip ! J’vais d’mander à m’faire parachuter, n’t’inquiète même pas ! Bande d’fils d’putes…

En attendant, l’boss a décrétée l’état d’urgence, ou j’sais plus qu’elle aut’ connerie d’ce foutu genre. Les patrouilles sont doublées, y’a des exercices d’évacuations… Y’a d’quoi faire quoi. L’ciel, on l’surveille H24… L’tours d’guets sont occupées tout l’temps, et moi, j’alterne entre patrouilles, entraîn’ments, exercices et tout c’bordel en vue d’la guerre qu’on va tout déchaîner p’tain d’merde !

Aujourd’hui, j’suis d’faction dans Fort Ward. On n’sait tellement pas c’que ces fils d’putes peuvent nous envoyer… D’nageurs ? D’parachutistes ?! Alors, au cas où, n’t’inquiète pas qu’j’vais accueillir n’importe quel enfoiré d’enfant d’putains, si jamais ils s’présentent à moi. On est aussi là pour aider tout l’monde s’besoin… L’climat est tendu : les civils n’peuvent pas sortir comme ils veulent, ils n’peuvent plus bouffer comme ils veulent non plus… Y’a du rationnement, d’la tension dans l’air, bref, y’a d’quoi s’inquiéter ou péter une pile.

D’coup, not’ rôle à patrouiller dans la vie, autrement qu’de buter n’importe quel enfoiré d’fils de putes qu’pourrait s’présenter, c’est d’donner un coup d’main. M’voyez ? Bon, bah voilà.

Et là, j’vois qui ?! Maddie ! J’me souviens qu’y’a plusieurs semaines, quand on était à Crescent Bay, elle était blessée et pas qu’un peu… Visiblement, ça à l’air d’aller mieux… Mais v’là, elle a un gosse. Et t’nir l’gosse dans les mains et faire c’qu’elle doit faire en tant que… Maman… Hum… Bah, ça n’doit pas être facile… Et puis j’me rends compte d’un truc… P’t’être qu’elle saura m’dire un peu comment faire avec un gosse, justement ? Histoire d’me… Hmm… M’informer ? Ou m’rassurer ? Ou… Oh et merde.

« Salut Madd’ ! » J’m’approche d’elle en accélérant la cadence. J’en oublie qu’j’suis outillé d’la tête au pied en mode grosse guerre et que j’dois sans doute faire peur, armé comme ça… « T’as b’soin d’un coup d’main ? Ou… Enfin… D’quelque chose ? »

Accueillir autant de nouvelles personnes d’un coup a été un véritable défi. Gérer les entretiens, attribuer les logements, les postes de travail, m’assurer que personne ne manque de rien ; je n’ai fait que ça depuis mon retour d’expédition. Mes journées sont chargées et je jongle comme je peux entre mon rôle de responsable et mon rôle de maman. D’autant plus ces derniers jours… C’est de nouveau l’effervescence à cause de la menace qui pèse sur nos épaules. Un état d’urgence qui ne doit pas être pris à la légère ; mais, qui ne doit pas non plus nous faire perdre notre sang froid.

J’ai passé une bonne partie de la nuit à boucler les différents protocoles de sécurité en cas d’attaque. Des exercices d’évacuation auront lieu dans les prochains jours, pour que les nouveaux habitants de Fort Ward puissent être capable de réagir en cas de problème. Le but est surtout d’éviter la panique et le chaos au sein du camp ; de pouvoir mettre un maximum de civils à l’abri si notre ennemi venait à frapper.

En ce début de matinée, j’affiche une mine particulièrement fatiguée. Rafaël dans les bras, nous nous rendons à la garderie lorsque la voix de Logan m’interpelle. J’accueille le militaire avec un grand sourire malgré le manque de sommeil. « Bonjour Logan ! » L’homme nous rejoint et Rafaël l’observe d’un regard intrigué. « Tu dis bonjour ? » Le petit garçon affiche un sourire timide avant de se blottir contre moi. « Il est toujours un peu impressionné quand il ne connaît pas… » Que j’explique à l’homme avant de répondre à sa question. « Oh… Je dois déposer Rafaël à la garderie. Tu peux nous accompagner si tu veux ? » Il y en a pour quelques minutes de marche, l’occasion de discuter un peu avec le militaire.

Je jette un œil à mon fils, amusée de le voir fixer Logan. Ce dernier a l’air d’attiser sa curiosité mais je remarque qu’il doit également l’impressionner un peu. Cela me fait sourire et je souffle finalement quelques mots à mon ancien partenaire d’expédition « Tu as pu te remettre de notre dernière sortie ? »

Qu’est-ce qu’il m’veut c’morveux ? Pourquoi qu’il m’regarde comme ça, à moitié comme si qu’il voulait m’poser une question d’une importance monumentale… A moitié comme si il voulait s’barrer d’peur… Si ça s’trouve, j’lui donne envie d’se chier dessus alors qu’moi, j’veux juste parler à Maddie quoi… M’enfin, ça doit être ça qu’d’avoir un chiard dans les pattes… J’essaie d’lui sourire, mais j’dois ressembler à un p’tain d’démon qu’est constipé et qu’veux vomir des flammes… M’enfin…

« Heum… Ouais, ouais. » J’avoue que j’sais pas trop quoi en penser d’c’te proposition, mais j’ai besoin d’parler à une mère. J’veux dire… J’pense qu’le fait qu’on a pris cher ensemble, y’a quelques semaines, ça nous a fait nous rapprocher… Et… Bon, voilà quoi. Vous m’comprenez. « J’t’accompagne. J’suis en faction, t’vois… Alors… Au lieu d’regarder qu’les écureuils chient bien sur l’putain d’pavé, autant qu’je m’rende utile. »

D’coup, j’me déplace dans l’sens qu’Maddie impose. Après tout, c’est elle qu’sait quoi faire et où aller pour pouvoir déposer le p’tiot. J’regarde quand même un peu partout, autour d’moi… On n’sait jamais. J’dois avouer qu’sachant qu’tout c’danger nous tourne autour d’puis quelques temps, j’prends ma mission très au sérieux… J’veux dire… On n’sait jamais quoi. Si ces fils d’putes déboulent en balançant des bombes, faut mettre en place l’plan d’évacuation. Et s’ils… J’sais pas… S’ils s’parachutent par exemple, faut carrément qu’je sois là pour tous les buter avant même qu’ils n’touchent le sol. Ouais… Un bain d’sang… Un bain d’viscères…

« Euh, ouais ça va. » J’sais pas trop pourquoi qu’elle m’demande ça. « T’sais c’n’était qu’une expédition d’plus. C’était même plutôt cool. Fin’… » Ouais j’sais qu’on a eu des blessés mais bon. « C’était pas la pire quoi t’vois ? Survie, combat, c’tait cool. Pour moi en tout cas. »

Ouais j’sais que j’passe pour un type ultra chelou… Moi qu’arrête pas d’dire qu’j’ai peur d’passer pour un monstre auprès d’mon gosse… Ou d’ma gosse… Bref, de c’que j’vais avoir avec une folle d’Ruskov quoi… M’voyez. « Et toi ? Comment t’t’en sors ? » Elle était blessée elle aussi et tout… « T’t’en es remise ? Pas trop choquée ? »

Ouais parce qu’je sais qu’c’est pas vraiment une combattante donc bon, faut pas non plus oublier qu’tout ça, ça peut lui faire du mal…

J'ignore qui de Rafael ou de Logan est le plus gêné par la situation. Le militaire tente de sourire à mon fils mais je vois bien qu'il ne doit pas avoir l’habitude de côtoyer des enfants. De son côté, le petit garçon s’accroche à moi, encore un peu plus. Je l'embrasse sur le front avant de rassurer « Logan est un ami de maman. Il est très gentil. Tu n'as pas à avoir peur. » Quelques mots soufflés pour le rassurer et qui ne tardent pas à faire leur effet ; bientôt, le petit blond adresse un signe de la main à Logan, semblant moins craintif. « Il t’aime bien on dirait. » Un sourire à l’attention de l’homme étire mes lèvres.

Logan accepte de nous accompagner, j’explique alors à mon fils « Logan nous accompagne jusqu’à la garderie, d'accord ? » Le garçon acquiesce timidement avant de sourire au militaire. L'homme n'a pas l’air grand-chose à faire, l’atmosphère est plutôt calme en ce début de journée. J’ai du mal à retenir un sourire amusé quand il m'explique – avec ses mots - qu'il s’ennuie. Visiblement, il ne fait pas vraiment attention à ses mots devant un enfant. Mais je ne lui en tiens pas rigueur.

Lorsque j’évoque notre dernière mission, il me répond d'un air plutôt détaché. En tant que militaire, il doit avoir l’habitude. Une chose que j'admire d'ailleurs. Personnellement, j'ai sûrement été plus touchée. Mais c'est normal j'imagine. « Je vais bien. Ma cheville est encore douloureuse parfois mais j'ai eu de la chance d’après les médecins. » Je dois faire attention mais cela ne m’a pas empêcher de reprendre l’entraînement. De toute façon la rééducation est nécessaire pour renforcer ma cheville. Et si je dois être honnête avec moi-même, ce ne sont pas les blessures qui m’ont marquée le plus. « Sinon, je ne vais pas te cacher que ça m'a un peu chamboulée, j'y ai beaucoup pensé les jours qui ont suivi notre retour ici. Mais je vais mieux maintenant. » Je parle évidemment de notre tête à tête avec cet homme qui nous a attaqué, que nous avons essayé de faire parler. « Ce n'est pas mon genre de faire du mal à quelqu’un. Mais c’était nécessaire dans cette situation. Même si au final ça n'a pas été très concluant. » De pas avoir réussi à lui soutirer des informations m’a laissé un goût amer, que j’ai encore du mal à accepter aujourd’hui…

P’tain, c’comme ça qu’faut parler à un gosse ? En vrai ? Faut tout lui expliquer ? Qui qu’on est ? Pourquoi qu’on suit leur p’tain d’parent ? Pourquoi qu’on est là ? Qu’on fait c’qu’on fait ? J’sais pas… J’sens qu’ça m’casserait les couilles avant même que j’puisse ouvrir la bouche pour lui explique qui est qui et pourquoi qu’j’en ai rien à foutre d’ses états d’âmes. Ou… P’t’être qu’j’en aurais pas rien à foutre ? D’après Yu… Une fois qu’t’es parent, c’pas possible qu’t’en ai rien à foutre d’ton enfant. De c’qu’il veut… De c’qu’il demande… De c’qu’il a envie… D’ce dont il a besoin… Mouais… Mouais, mouais, mouais… « Heu… Ouais, ouais… » P’tain pourquoi qu’il m’regarde comme ça lui ? « Un ami… » Et puis quoi ? Il m’aime bien ? Genre… Il est con ou quoi ?! P’tain mais si j’avais son âge, j’me détesterait, moi, l’type qu’y s’trouve face à lui est qu’est pas foutu d’foutre un pied d’vant l’autre avant d’insulter l’monde entier. Qu’est-ce qu’c’est con un gosse p’tain… « Ah… Heu… T’es… T’es gentil. » P’tain d’merde…

Et elle lui demande son avis pour que j’les accompagnent ?! P’tain, j’n’y cromprends quedal à tout ça… Quedal. QUE-DAL… Mais… Bon… Soit.

Bref, elle reprend la parole. C’vrai qu’sa cheville était bien bousillée avec tout ça. J’crois qu’vraiment, elle a eu d’la chance. D’ailleurs, d’après c’qu’elle m’dit, et les médecins, elle a bin’ eu d’la chance ouais. J’la comprends… Dans toutes mes merdes, au final, j’suis toujours entier et en vie… M’enfin... « Ouais… C’genre d’trucs, ça titille pas mal. J’veux dire… ça va t’faire mal encore qu’ques temps mais ça s’passera bien. » Enfin j’crois… J’sais pas. J’n’ai jamais eu c’qu’elle a eu elle… Bref.

« Heu… Ouais, j’te comprends. » J’crois. J’veux dire, ma première mission, j’ai lis d’temps à m’en remettre. Bon, elle, c’n’était pas sa première j’crois. Enfin, ça n’pouvait pas l’être. Avec les Skagits et tout, j’crois qu’elle a dû voir des trucs et en entendre d’autres aussi, m’voyez ? « Mais malheureusement, c’eux ou nous. Et c’pas évident, ça n’l’est jamais quand on est normal… C’qu’il faut qu’tu t’dises, c’est qu’t’as fait c’que t’avais à faire pour qu’tout l’monde rentre en vie. Et pour qu’on puisse avancer dans c’te survie d’merde qu’est la nôtre, t’vois ? »

Ouais… Dans l’genre discours d’encouragement, peux mieux faire j’sais bin’. M’enfin… Heu… Hmm… « C’pas grave qu’t’ai pas réussi. C’genre d’types n’semblaient d’toute manière pas coopératifs. C’rien… T’as d’jà bin’ fait. T’prends pas la tête ok ? »

Mouais… j’suis pas là pour ça à la base m’enfin…

Dans mes bras, Rafaël trépigne un peu. Il semble vouloir se dégourdir un peu les jambes. Je le pose par terre avant d’attraper sa main pour l’aider à marcher. Il se débrouille très bien tout seule mais il apprécie être proche de moi. C’est pareil lorsqu’il est avec Nathan ou May. Il est rare qu’il aille bien loin sans nous. Mais cette fois, il me surprend un peu en allant attraper la main du militaire. Le petit garçon lui accorde même un grand sourire avant de chercher mon regard. « Il t’aime vraiment tu vois ! » La réaction de mon fils m’amuse mais je vois bien que Logan n’est pas très à l’aide. « Tu me dis si ça te dérange hein ? Je le récupère si tu veux. ? » Nous poursuivons notre route et Rafaël serre toujours la main de Logan dans la sienne. Nous n’avançons pas très vite, nous adaptant au rythme du petit garçon.

Voyant que cela n’est pas forcément simple pour le militaire, je tends finalement la main vers mon fils pour le récupérer. Nous évoquons alors notre dernière sortie et Logan se veut encourageant. Il m’explique que j’ai fait de mon mieux et que je ne dois pas m’en vouloir. Une légère moue étire mes lèvres, ayant du mal à m’en convaincre. Je suis du genre à toujours faire de mon mieux et j’ai du mal à accepter ce genre « d’échecs » ; néanmoins, les paroles de l’homme me font du bien. Il a raison, je ne dois pas m’attarder sur tout ça. J’acquiesce d’un signe de la tête, le remerciant pour ses conseils.

« J’ai encore besoin d’apprendre, sûrement. J’ai beau faire de mon mieux lorsque je suis dehors, je ne suis pas vraiment à la hauteur dans ce genre de situations critiques. » Combien de fois ai-je été sortie d’affaires par les autres ? « Depuis la naissance de Rafaël, c’est encore plus important pour moi. Je ne peux pas me permettre de ne pas revenir. Il a besoin de moi. » J’accorde un sourire à mon fils avant de reprendre « J’essaye de m’entraîner autant que je peux, mais ce n’est pas encore ça… » Je ne suis pas une combattante, je suis bien plus douée pour la diplomatie et pour discuter avec les gens…

Putain… Qu’est-ce qu’il nous fait c’foutu gosse là ? Hein ? Il m’prends la main ? Sérieusement ? Mais… Pourquoi ?! Il n’voit pas qu’j’suis en uniforme et que j’portes un fusil qu’pourrait l’réduire en bouillie en deux coups d’feu ? Sérieux ? P’tain mais qu’est-ce qu’c’est con un gosse, sérieux… « Heu… Oui, oui… C’bien, t’es gentil. »

On dirait que j’suis face à un p’tain d’lion et qu’je n’sais pas s’il va m’mordre ou s’il veut m’ronronner au visage… P’tain, quelle idée d’faire des gosses, on devrait tous s’faire couper les couilles. L’monde part déjà en couille, justement, autant pas y foutre d’nouveaux gosses quoi, c’pas vrai… « Ouais, tu peux l’reprendre. » J’préfère, parce qu’putain… J’sais pas c’que j’vais en foutre de ce p’tiot moi. Oh et puis merde…

« J’crois qu’les gens comme toi, vous voyez l’bordel d’la mauvaise manière. » Logan… Oublie pas qu’tu dois la soutenir, pas l’enfoncer ou lui faire sentir qu’c’est d’la merde d’faire des gosses et d’espérer avoir une vie normale. « D’jà… Faire d’gosses, alors qu’tout est parti en couille, c’t’une vache d’mauvaise idée p’tain… M’enfin… C’trop tard. » Ouais, ça, c’dit. « Ensuite, c’te vie, maintenant qu’c’est la merde partout… Bah elle peut s’arrêter à tout moment. Et p’tain, c’pas en r’fusant d’se battre à cause d’un mioche qu’on va s’en sortir. Au final, si on s’bat pas parce qu’on veut r’voir l’chiard qu’on a eu au beau milieu de tout c’t’apocalyse… On s’condamne nous-même, et les autres. »

Voilà, c’dit… P’tain j’dois passer pour un véritable salopard ou j’sais pas quelles conneries encore. M’enfin… C’est c’que j’penses. J’n’aurais jamais dû baiser c’te folle… On va avoir un gosse dans c’t’environnement, et en plus, c’elle qu’va l’garder putain d’merde ! Son campement n’a même pas d’quoi bouffer tout un hiver, ou d’quoi s’protéger, merde ! Fait chier !

« Bref… T’as fait c’qu’il fallait. S’tu veux, y’a les entraînements qu’sont dispos pour tout l’monde. S’tu veux apprendre à t’battre et à faire tout c’qu’il faut pour survivre, j’serais disponible. Mais j’te préviens… S’tu retournes dehors, pour t’foutre sur la gueule avec nos ennemis… T’y vas à fond. J’veux pas d’gosses dans nos pattes. »