D'ici quelques minutes, ils seront rentrés chez eux. Otis est au volant de l'unique véhicule qu'ils ont pu sauver et le voyage du retour n'a pas été de tout repos. Avec Hope et Derek lourdement blessé, Leonard qui a décidé de ne pas rentrer, Alex et Aaron restés en arrière pour qu'ils puissent s'en sortir... Ils ne sont que trois sur le chemin du retour.

Lorsque le métis aperçoit finalement l'entrée du campement, il prévient ses amis. « On est arrivé. » Et si c'est un soulagement pour lui, il sait qu'il sera de courte durée. Il craint les réactions des autres, évidemment. Cette mission leur a coûté beaucoup et il redoute d'annoncer l'absence de leurs amis, disparus.

La voiture ralentit et le dessinateur aperçoit Chase et Anatole s'approcher. En sortant de la voiture, il leur fait signe avant de leur souffler « Il faut emmener Hope et Derek à l'infirmerie. Je... Je vous expliquerai... Et... Prévenez Connor... Je... Je dois lui parler. » Les deux hommes s'exécutent. L'artiste, bien décidé à s'entretenir avec leur chef, voit alors Daemon arriver à son tour. L'homme l'interpelle déjà et Otis craint déjà sa réaction...

L’attente avait été interminable. Daemon avait compté les jours, se demandant encore pourquoi ce n’était pas lui qui était parti à la place de son épouse, qui serait restée surveiller les enfants. Il était d’ailleurs entouré de ces derniers, ainsi que de Gemma et Isha lorsqu’un bruit de moteur lui parvint aux oreilles.

Alerte, tel un bon chien de garde aux aguets, le maçon se redressa et déposa Ducky dans les bras de Isha, sans lui demander son avis.  

- Elle est revenue, j’en suis sûr ! dit-il, un grand sourire aux lèvres avant de s’éclipser sans attendre de réponse du brun.  

Pressant son pas, il talonna presque Chase et Anatole qui le devançaient de quelques mètres. Le brun finit par apercevoir Otis, dont le visage était marqué. Alors, à mesure qu’il s’avançait et que son regard clair ne pouvait distinguer la silhouette de la femme de sa vie, son sourire s’effaça ; laissant place à une mine grave. D’un pas décidé, il arriva. Ses yeux balayèrent la voiture.  

- Otis ! lâcha-t-il en s’approchant encore plus

La joie de revoir le jeune métisse n’était pas assez forte pour contrebalancer le fait que son épouse semblait ne pas être présente.  

- Elle est où ? demanda-t-il, la voix emplie d’inquiétude alors que son regard n’avait toujours pas croisé celui d’Otis, tant il continuait à scruter frénétiquement la voiture

Otis soutient le regard du brun quelques instants avant de baisser les yeux. Comment peut-il lui annoncer que sa femme n'est pas revenue et qu'il n'a aucune idée d'où elle se trouve ? La question de Daemon résonne pourtant et il va bien falloir qu'il lui réponde. Le métis sent une boule se former dans sa gorge. Il trouve pourtant le courage de relever les yeux vers son aînée, affichant une mine peinée.  « Elle... » Ses lèvres tremblent légèrement alors que ses yeux deviennent un peu plus humide.

Il ouvre la bouche mais aucun son n'en sort. Il finit par secouer la tête avant de souffler quelques mots au mari d'Alex  « Je... Je suis désolé Daemon. On a été obligé de se séparer. Aaron et Alex sont restés la-bas... Je sais pas si... » Il n'a pas la force d'en dire plus. Il ignore si ses amis ont pu s'en sortir.

À l’instant même où le dessinateur murmura son premier mot, Daemon posa enfin son regard sur lui, plongeant dans son regard où l’inquiétude qui le gagnait semblait se répercuter dans la détresse des yeux foncés.  

Le maçon fronça les sourcils, son pied commençait à taper nerveusement le sol. Il avait envie de secouer Otis, de le faire parler rapidement. Mais le métis était son ami alors, il n’en fit rien. Jusqu’à ce que le couperet ne tombe. L’espace d’un instant, le monde s’arrêta de tourner et le cœur du maçon sembla se dérober à son devoir. Il se figea, reculant d’un pas.  

- Non... tu... bredouilla-t-il péniblement avant de se précipiter vers la voiture.

Il en ouvrit une porte, regarda frénétiquement à l’intérieur, ignorant les deux autres expendables.  

- Tu...

Soudainement, sans pouvoir le contrôler, un rire nerveux lui échappa, secouant son corps.  

- Tu te fous de ma gueule, c’est ça? dit-il en faisant volte-face  

Son pas le guida, avec un peu trop de détermination, vers Otis. Son rire s’envola, aussi vite qu’il était arrivé et son visage se parât de colère. Sa main se referma sur le col du métis, serrant sans doute un peu trop fermement.  

- Comment ça ils sont restés là-bas ? Comment tu as pu la laisser ? ELLE EST OÙ ?

Impuissant, Otis regarde son ami se ruer vers la voiture, à la recherche d'Alex. Son coeur s'emballe dans sa poitrine alors qu'il ressent la colère de Daemon monter. Et si ce dernier semble se contenir, il finit par exploser. « Non... Je... » C'est tout ce que le métis parvient à souffler alors que l'autre lui demande s'il se moque de lui. Bien sûr que non... Comment pourrait-il jouer avec ça ?

Quand Daemon l'attrape vivement pas le col de son pull, Otis se recroqueville sur lui-même par réflexe. Secoué, il entend à nouveau la voix de son ami l'interpeller. Et s'il comprend son énervement, il est incapable d'aligner deux mots. Son regard devient brillant, profondément touché par la détresse de l'autre homme. Il ne revient pas avec de bonnes nouvelles... Et s'il s'en veut déjà terriblement d'être revenu sans Alex et Aaron, la culpabilité le rattrape lorsqu'il réalise qu'il n'est même pas fichu d'expliquer ce qu'il s'est passé... « Hope... Et... Et Derek... Blessés... Et... On a dû partir... Alex... Alex... C'est elle... Qui... » Une boule se forme dans sa gorge alors qu'il relève les yeux vers Daemon, honteux. Il aimerait pouvoir l'expliquer mais il craint tellement les réactions du brun, à cet instant, qu'il ne fait que bafouiller...

La logique le quittait à mesure que son appréhension montait. Daemon, depuis le décès de sa sœur, n’avait jamais réussi à devenir le maître de ses propres émotions. Il ne parvenait pas à les gérer, pas à la contrôler. Il vivait tout, trop intensément. C’était ses émotions qui le régentaient, qui régnaient finalement en maître sur son esprit. Alors, il ne trouvait pas d’autres moyens de lutter contre son angoisse, contre la peur d’avoir perdu Alex que de répondre par la colère. Sa bien trop fidèle amie qui explosait à la moindre émotion trop forte.

Et aujourd’hui, c’était à Otis d’en payer le prix. Le maçon sentait son esprit bouillir, tout comme le sang dans ses veines bien trop chaud. Plus rien n’avait de sens si on lui enlevait sa véritable raison de vivre et d’être alors, quand bien même il n’était que le messager, c’était le métis qui serait aux premières loges et très probablement désigné comme coupable le temps que Daemon ne retrouve ses esprits.

- Elle quoi Otis putain ? ELLE QUOI ?!

Il avait envie de le secouer, le plus fort qu’il pouvait.

- Parle moi ! Explique moi ! Elle est où putain ? Où est Alex ?? vociféra-t-il

Le pauvre Otis est incapable d'aligner deux mots. Il sent pourtant que la pression se resserre sur le col de sa veste. Daemon attend des réponses et il n'est pas fichu de lui répondre sans bafouiller. Cela agace logiquement son ami qui s'impatiente. Malheureusement, le métis n'a jamais été capable de gérer ce genre de pression. Il sent son coeur battre à tout rompre dans sa poitrine, il en tremblerait presque. Ses yeux, grands ouverts, fixent le mari d'Alex et s'il tente de se reprendre c'est un échec cuisant.

Daemon finit par lui hurler dessus. Le dessinateur ferme les yeux, sa gorge se serre et il a du mal à respirer. Il ne va quand même pas faire une crise d'angoisse, là, maintenant. Il ne peut pas. Il renifle bruyamment avant de relever un regard brillant vers son ami. « Je... Je vais tout... Tout t'expliquer... Mais... Mais... S'il te plaît, lâche moi... » Supplie-t-il avant de poursuivre, craignant l'impatience du maçon. « Derek, Hope étaient grièvement blessés. On ne pouvait pas rester là bas. Et... Il... Il fallait que quelqu'un fasse diversion pour qu'on puisse partir de là... » Son discours est saccadé mais il prend sur lui pour ne pas craquer « Aaron et Alex... Ils ont décidé de rester pour nous donner une chance de partir. C'est... C'est tout ce que je sais. » Il lance un regard désolé à l'autre homme, craignant encore une fois sa réaction...