Visiblement j'mérite pas de félicitations. Tout au plus, des regards indifférents. Genre j'ai l'impression d'être un moucheron pour madame Phelbs. Un truc qu'elle entend bourdonner sans vraiment s'en inquiéter parce qu'il lui semble invisible. Un bourdon du coup ? Bah non, elle gesticule pas des bras pour me faire dégager. J'en sais foutre rien mais bon. J'me sens un peu comme un cafard qu'on écrase pas parce qu'on sait que ça en attire d'autres.
Pas de félicitations non plus de la part de Preacher qui s'permet même de se foutre de ma gueule. C'est pas cool ça mon gars ! Mais en même temps, il semblerait que tout le monde a repéré mon petit manège. Même Melinda en rit dans ses moustaches, si elle croit que je l'ai pas vu. Qu'elle se méfie. Parce qu'à défaut de croquer une rouquine de pouvoir, j'peux très bien me rabattre sur elle ce soir et elle rira moins dans mon plumard celle là.

- Quoi ? Que ? Je voulais pas. J'fais juste mon boulot m'sieur mais ok, reçu.

Merde. Qu'est-ce qu'il disait déjà le chef Floyd sur mon cas ? Que je suis un bon élément mais que parfois, j'devrais apprendre à fermer ma grande gueule ? Bah, là, pour le coup, j'm'en rends compte et c'est moi qui ait envie de boucler mes lèvres comme le zip d'un coupe-vent. Il a bien raison.
Parce que là, je panique un peu. June nous rappelle des choses que j'sais déjà. Ouais, j'ai pas l'air très intelligent comme ça mais au départ de cette merde, on a été les premiers confrontés à cette nouvelle menace et vu que j'suis encore en vie là où des soldats plus expérimentés ont clamsé dans les premiers mois, c'est parce que j'ai retenu les leçons. Ca m'empêche pas de baliser, légèrement. La tête qui recouvre le hublot m'empêche d'aviser de nouveau la totalité de la pièce et du nombres de ses congénères à l'intérieur.
Si on se retrouve débordé là dedans et qu'il y a aucune autre porte de sortie à l'intérieur alors là. Ça serait bien la merde. Ce bloc finirait par devenir aussi notre tombeau.
Mais j'suis un bon soldat, habile, carré dans mon boulot. Alors il suffit juste d'écouter celui qui fait office de supérieur en ce jour et tout devrait bien se passer. Preacher est pareil en ce sens. Alors j'lui fais confiance. Un dernier coup d'oeil entendu au marshall, la main prête à ouvrir la boîte à saloperies.

- Compris.

Preacher me fait un décompte silencieux sur les doigts. 3, 2, il va ouvrir cette foutue porte coupe-feu et j'vais devoir liquider la première mocheté qui est venue se coller au hublot avant de pouvoir distinguer les autres, 1, il ouvre et j'entre en éclatant la première cervelle défraîchie d'un coup net et propre, ma lame charcute sa peau dégueulasse aussi facilement qu'elle en ressort. Je progresse doucement en détaillant la pièce de tous les côtés, en repoussant un autre en arrière pour en liquider un troisième le temps que Denis se charge de celui que je lui ai envoyé.
Le collègue dans mon dos se décale vers ma droite en me signant encore avec les doigts de rester dos face à notre sortie, ils sont qu'une petite dizaine à l'intérieur. Et comme Phelbs l'a signalé, bien que j'sois déjà au courant, ces machins étaient carrément plus lent que ceux du dehors à force d'avoir tourné en rond dans cette cellule morbide.

- J'm'en sors bien m'sieur ?

Bien sûr que je m'en sors bien, seulement, il est trop silencieux. Et moi j'ai besoin d'ordre. Et aussi de blablater. Surtout qu'on sait pas ce qui se passe pour les deux princesses à l'extérieur. Et ça c'est pas super.

Ce « gamin » avait du potentiel c’était certains. Mais il avait aussi une grande gueule c’était tout aussi certains. Le Marshal en avait connu plus d’un comme cela, jeunes, beaux, sûr d’eux, qui partaient au front avec l’intime conviction qu’ils étaient invincibles, se prenant pour Iron Man où Dieu sait quel autre de ces héros Marvel de l’ancienne époque. Seulement dans la majorité des cas, Denis les avaient vu rentrer du front amochés, parfois salement. Bon nombre était parti en Afghanistan ou en Irak pour « casser du terroriste », musique à fond dans les oreilles, drogues dans le sang et maintenant ils étaient au mieux infimes et au pire … morts. Dwayne ressemblait un peu à ces gosses que le Marshal avait connus, mais il avait un quelque chose en plus qui le rendait différent. Ce quelque chose, c’était le talent. Il était indéniable que Dwayne connaissait son boulot et bien que son attitude fût d’une nonchalance qui n’était plus à démontrer, il faisait preuve d’une application sans faille dans les moments critiques. A le voir entrer dans ce bloc opératoire et en finir avec plusieurs macchabés sans y mettre plus d’effort que cela était bien la preuve qu’il avait du potentiel pour devenir un excellent soldat.

Denis n’avait pas eu grand-chose à faire pour assurer ses arrières, il avait simplement immobilisé un rôdeur au sol en le maintenant avec le pied avant de lui exploser la boite crânienne d’un coup de talon, Dwayne s’était chargé de tous les autres avec efficacité. Une fois la salle nettoyée de toute menace le Marshal avait donné une tape amicale sur l’épaule du jeune militaire.

- Parfait le travail Dwayne. Propre et efficace.

Le Marshal n’était pas très doué pour les félicitations mais Dwayne semblait en attente de quelques mots de reconnaissance sur son travail et c’était le minimum que Denis pouvait lui donner après l’avoir lâché dans la fosse aux lions de la sorte.

- Vois si tu peux trouver quelque chose d’utile pour nous, je vais chercher Madame Phelps et Melinda.

Se retournant pour sortir de la pièce, le Marshal faisait signe à June et Melinda que l’endroit était « sûr » et qu’elles pouvaient venir vérifier si le matériel présent était encore en état et surtout s’il valait vraiment la peine que soit envisagée une plus grosse expédition pour le déplacer. Déjà dans la tête de Denis virevoltait le casse-tête de la sécurité si l’avocate prenait la décision de rapatrier ce matériel au camp. Il faudrait des camions, plusieurs, et surtout le dispositif de sécurité qui va avec. Soldats en extérieur pour protéger le convoi, soldats à l’intérieur pour protéger le personnel qui déplacerait les machines, cela avait tout l’air d’une expédition risquée, le genre où on a une énorme cible dessinée sur le dos … mais ils n’en étaient pas encore là, il fallait déjà voir si tout ce matériel était opérationnel.

Se retournant à nouveau vers Dwayne, le Marshal lui fit signe de le rejoindre dans le couloir alors que les deux femmes seraient dans le bloc.

- On va laisser ces dames estimer si le matériel est en état, nous on va sécuriser ce niveau, le premier qui trouve les escaliers vers l’étage vient chercher l’autre okay ?