Tout ça avançait plutôt bien, de toute façon on ne savait pas trop faire dans la dentelle, les différents aller-retour dans les marches n’avaient pas eu raison de ma jambe et doucement je gagnais en assurance. J’étais content de pouvoir continuer de crapahuter dans les escaliers et de me prouver à moi-même que tout allait bien. On aurait presque dit que j’étais un enfant qui avait le droit de se rouler dans la boue et de faire n’importe quoi. J’avais un sourire sur le visage alors que la dernière caisse était finalement déposée dans la voiture. Il était donc tant de passer à notre connard que Jason était fier de déplacer à coup de pied. Je regardais l’horreur contre nature qu’on avait au sol en me promettant que je le tuerais avant de partir d’ici, il ne méritait pas de rester comme ça. Il avait le droit au repos éternel comme tous ceux qui étaient véritablement morts. Je serais les dents alors qu’il parlait d’aller ailleurs. Je ne comprenais pas vraiment où il voulait en venir surtout que pour moi c’était évident qu’on devait rester ici.

- Bah on n’est pas mal dans le coin. Pourquoi on se ferait chier à bouger plus ? Si on le déplace trop on pourrait le casser en plus et il faudra en trouver un autre et tout.

Si on lui faisait sauter un bras, ce n’était pas grand-chose, mais si on lui déchirait le ventre ça serait tout de même bien plus embêtant. Je soupirais en regard l’être difforme au sol. On devrait sans doute le faire boire, laisser un peu de temps à l’alcool pour agir et revenir vers lui pour voir dans quel état il serait à partir de là. C’était un plan qui devrait sans doute marcher, il n’y avait pas de raison que cela échoue. Je regardais alors mon frère pour lui faire part de ce que j’avais en tête.

- On devrait lui faire boire et ensuite fouiller un peu dans le coin. On laissera le temps à l’alcool d’agir comme ça.

Mon regard se posa sur la pièce où on était encore, il y aurait sans doute des placards à fouiller ou ce genre de truc. L’avenir me le dirait bien assez tôt. Je serais la bouteille que j’avais gardée entre les mains alors que Jason était content d’avoir trouvé l’entonnoir. Je me tournais vers lui alors que je commençais à la déboucher doucement. Il fallait qu’il mette l’objet dans la bouche du connard s’il voulait que je puisse le verser dans sa bouche, je n’étais pas enchanté à l’idée de devoir le faire moi-même. Déjà que je ne comprenais pas vraiment pourquoi Jason avait trouvé ça intéressant de le bâillonner, il n’était plus capable de bouger alors il ne pourrait pas mordre grand-chose, sauf si on était tombé sur lui, mais étant donné qu’il n’était pas dans le chemin que nous empruntions pour aller à la voiture. Bref, je ne pus m’empêcher de faire la remarque à mon frère.

- Par contre, je ne sais pas pourquoi tu t’es dit que c’était une bonne idée de le bâillonner, mais je refuse de me mettre ma main dans sa bouche.

C’était à lui de gérer sa merde, je n’avais pas envie de savoir de quoi il était question. Je le regardais faire avec un sourire tordu sur le visage. Finalement, je pus mettre le liquide dans la bouche du connard qui n’avait pas l’air de réagir plus que ça à cet alcool qui devait avoir le gout de javel bon marché. J’étais presque déçu de ne pas le voir crachoter. J’avais totalement vidé la bouteille dans l’entonnoir ce qui aurait sans doute tué un être humain normal. Il était maintenant temps de savoir si la situation évoluerait ou non, mais objectivement je me doutais que ce ne serait pas vraiment le cas et que je serais bien déçu finalement.

Jason était en train de chercher le meilleur moyen pour hisser le rôdeur à l'arrière du pick-up lorsque son frère lui proposa simplement de rester sur place. Pendant un instant, il resta sans rien dire avec la bouche entrouverte comme un poisson sorti de l'eau. Il était surtout pris au dépourvu, car il n'avait pas envisagé la chose sous cet angle. Avant de répondre, son regard se promena sur l'ancien restaurant qui se dressait derrière eux, puis sur la rue environnante. Ce n'était pas un axe fréquenté, surtout en ce moment. Ils ne risquaient pas d'être trop dérangés. Seulement, il avait imaginé qu'ils iraient se fourrer dans un endroit encore plus reculé pour être sûrs d'avoir la paix. Il n'avait aucune envie d'avoir à partager ses trouvailles. Même une bagarre ne lui semblait pas aussi intéressante que leur expérience hautement scientifique. L'un dans l'autre, il n'auraient certes pas le meilleur cadre mais ils n'auraient plus à bouger d'ici et ils auraient un accès direct à ce qui pouvait encore les intéresser. Après tout, ils n'avaient pas fait le tour de l'alcool avec un peu de chance, et il devait rester de la nourriture bonne à consommer.

« Ouais, t'as pas tort. C'est juste que c'est pas le plus bel endroit. Mais bon ça fera bien l'affaire.

Le blond haussa les épaules en cédant à son frère. Avant toute autre chose, ils devaient trouver un endroit où attacher leur prise ce qui sous entendait qu'ils devaient sortir. Sans effort apparent, il se baissa pour empoigner la créature avec fermeté, la redressant d'un coup sur ses pieds comme s'il ne s'était agi que d'un enfant. Le mort-vivant se mit bien à gesticuler vainement, son regard mort et laiteux posé sur ces proies qu'il n'atteindrait jamais, mais il ne pouvait strictement rien leur faire. Le programme de Merl emporta l'adhésion pleine et entière. C'était simple, concis, facile à retenir. Tout ce qu'il fallait à un plan pour être un bon plan à ses yeux.

- On fait ça. Avec du bol on trouvera de quoi manger en plus de l'alcool à picoler. J'commence à avoir faim.

Dans le fond, le jeune homme avait toujours un peu faim. Autant dire qu'il suffisait de le lancer sur la piste de nourriture potentielle pour le motiver. Sans rien ajouter, il se mit à tirer le rôdeur à sa suite jusqu'à l'extérieur. Ils allaient le laisser macérer un moment dans l'alcool qu'il aurait ingurgiter, autant ne pas être gêné par sa présence à l'intérieur du restaurant. Ayant repéré un arbre qui ferait parfaitement l'affaire, Jason alla coller le monstre dos au tronc avant de rectifier ses liens de telle sorte qu'il soit saucissonné à l'arbre. Maintenant qu'il ne pouvait plus bouger et qu'il tenait debout tout seul, il n'y avait plus qu'à tenter l'expérience. La créature continuait à agiter la tête avec fureur, sans doute rendue frénétique par la proximité de chair fraîche. Dommage pour elle, elle était parfaitement impuissante.
À la remarque de son aîné sur le bâillon, le blond se contenta de hausser les épaules avec indifférence. Il avait voulu jouer de prudence et éviter toute morsure pendant leurs investigations ou à la manipulation. Ce fut sans crainte qu'il tira d'un coup sur le morceau de tissu en libérant momentanément la mâchoire du rôdeur. Ce ne fut que de courte durée, puisqu'il l'attrapa par le menton et lui maintint aisément la bouche ouverte le temps que Merl enfonce l'entonnoir entre ses mandibules avant de verser tout le contenu d'une bouteille d'alcool remplie de vers de bonne taille. Si le monstre ne sembla trouver aucun intérêt à cette beuverie, il n'eut pas l'air plus perturbé que ça. Tout au plus se mit-il à râler de manière plus gargouillante.

- Putain, il a une sacrée descente. Il a gobé les asticots avec. Ça a pas l'air de trop le gêner, hein ? Ecoute, je lui colle une bouteille d'alcool de scorpion dans le gosier et ensuite on va chercher à bouffer ? »

Après tout, il n'y avait pas de raison que son frère soit le seul à s'amuser. Jason patienta le temps que Merl tienne la bouche du rôdeur ouverte, puis il l'imita en lui mettant l'entonnoir dans la bouche pour lui vider le contenu d'une autre bouteille dans la gorge. À sa grande déception, le scorpion se montra trop gros pour passer dans le trou. Il se rattrapa en le lui mettant tout simplement directement dans la bouche après avoir retiré l'entonnoir. Puisqu'il s'agissait désormais de laisser mariner leur cobaye, le blond lança l'entonnoir dans la caisse de bouteilles restantes et commença à s'éloigner pour rejoindre le bâtiment. Il adressa un regard au rôdeur comme pour voir si l'alcool commençait à faire effet, puis il attendit que son frère l'ait rejoint pour entrer.

La remarque de Jason concernant la bouffe ne m’étonnait même pas, ce type était un ventre sur patte, à côté de lui j’avais l’impression d’avoir un appétit d’oiseau alors que pour le coup j’étais quelqu’un qui mangeait plutôt beaucoup à l’origine, il était doué pour me faire passer pour un petit joueur à côté de lui que ce soit par rapport à la nourriture, ou la taille, ou la force. Y avait qu’en matière de kilo en trois que j’avais l’impression de dominer, mais c’était plus vraiment le cas c’est dernier temps vu qu’on ne mangeait plus aussi bien qu’avant. Même si pour le coup on ne mourait pas non plus de faim, il ne fallait pas déconner. Je lui souriais doucement avant de lui répondre d’une petite pique avec un sourire sur le visage.

- En même temps, tu as toujours faim et ne vas pas me dire le contraire, je ne te croirais tout simplement pas.

De toute façon, si on partait chercher à manger, je n’allais pas m’en plaindre non plus et j’avais bien l’intention d’en profiter. Je regardais mon frère attacher le connard contre son arbre alors qu’il le préparer à recevoir ce liquide rempli de vers absolument ignoble, personne ne m’aurait fait boire une horreur. Du moins moi vivant à part sous la contrainte je ne toucherais pas un truc comme ça. Dans le fond je n’en avais rien à foutre de ses putains d’asticot, mais je ne comprenais pas ou était l’amusement dans le fait de boire des trucs comme ça. En tout cas, je descendais tout dans la gueule du rodeur en décomposition d’un coup. Une fois la bouteille finie je regardais mon frère avec un air un peu déçut. Il voulait lui faire descendre une autre bouteille, vu l’engin qu’on avait devant nous je ne pouvais qu’approuver cette idée. Il aurait assez d’alcool dans le ventre pour assommer un bon buveur.

- Fais-toi plaisir.

Je lui tenais l’entonnoir le temps qu’il fasse ce qu’il avait prévu avant de finir par m’éloigner, j’avais souri en le voyant mettre le scorpion dans la bouche du rodeur, j’aurais presque voulu voir ça avec un scorpion vivant, mais je gardais mon idée dans un coin de mon cerveau. Ce ne serait pas pour tout de suite évidemment vu qu’il n’y avait pas ce genre de bestiole dans le coin et on n’était pas vraiment décidé à redescendre du côté du Mexique pour faire un truc comme ça. J’étais parti en premier pour retourner dans le bâtiment. Je n’avais pas la moindre idée de par où commencer à chercher, mais ça devait être trouvable sans trop de problèmes. Je m’étais tout de même arrêté au pick-up pour vérifier que tout était bien en place et finalement quand je me retournais mon frère était en train de m’attendre.

- Il ne se mettra pas à tanguer en trente secondes et il n’arrêtera pas en 5 minutes vu tout ce qu’on lui a foutu dans la gueule. On peut fouiller tranquille aller.

Ma main se posa sur l’épaule de mon frère alors que je l’invitais à se rendre à l’intérieur. Ce serait encore un peu long à attendre, mais ce n’était pas si grave que ça. Je me dirigeais vers des portes qu’on n’avait pas encore fouillées et je tombais sur des vêtements exotiques, en même temps vus le thème du restaurant ce n’était pas si étonnant que ça. Je me tournais alors vers mon frère avec une chemise hawaïenne entre les mains. Même pour moi ce n’était pas beau, je me demandais presque comment quelqu’un pouvait porter ça. Je suppose que ce n’était pas ici que je trouvais ma réponse vu qu’il n’y avait plus de vivant, mais tout de même.

- Je crois qu’ils manquaient vraiment de bon gout dans le coin.

J’avais toujours un sourire en coin alors que je lâchais la chemise que j’avais entre les mains et qui finissait son chemin au sol.

Les deux frères abandonnèrent sans états d'âme leur cobaye attaché à son arbre, avec deux bouteilles d'alcool fort dans l'estomac. La créature n'aurait sûrement pas de gueule de bois, mais d'un autre côté elle n'avait sans doute pas non plus apprécié ce qu'elle avait bu. C'était donc plutôt à double tranchant. Jason aurait pu l'envier s'il avait été capable de savourer le goût de l'alcool, mais dans le fond il préférait avoir ce plaisir et devoir supporter les effets de l'ivresse. Pour l'heure, ils devaient trouver de quoi manger pour accompagner agréablement leur trouvaille, et le blond avait affiché un sourire des plus douteux alors que son aîné le traitait de ventre sur pattes. Ce n'était pas faux, mais il s'en fichait bien. Il fallait du carburant pour affronter chaque moment d'une journée. Pourtant, ce ne fut pas sur de la nourriture qu'ils tombèrent en premier en commençant leurs fouilles à l'intérieur du restaurant.
Merl avait trouvé des vêtements hawaïens et venait de brandir une chemise bariolée sous le nez de son cadet. Celui-ci arbora une moue pour le moins critique, ne sachant quoi penser d'une tenue si particulière. Pourtant, ils n'étaient pas forcément une ode au bon goût avec leurs vêtements de ranchers, et ils avaient toujours privilégié le pratique à l'esthétique. Mais là... ça dépassait leur entendement.

« Ouais, avec ce putain d'alcool de merde et ces fringues à la con... Ils servaient quoi comme bouffe, sérieux ?

De toute évidence, de la nourriture exotique venant d'Hawaï et des îles du Pacifique, entre autres choses. Il leur faudrait bien y trouver leur compte, puisque c'était leur potentielle source de nourriture de la journée. Après avoir mis la main sur quelques jupes hawaïennes bariolées et forcé son frère à en essayer une, Jason poursuivit les recherches dans d'autres parties du restaurant. Il gardait son arme prête à l'usage, mais pour l'heure aucun autre rôdeur ne s'était décidé à pointer le bout de son nez, ou de ce qu'il en restait. Après quelques fouilles infructueuses, le jeune homme finit par tomber sur un garde-manger visiblement dédié à la nourriture de longue conservation. Il y avait encore pas mal de boîtes diverses et de sachets entassés sur des étagères ou dans des cartons. Alors qu'il parcourait l'inventaire, il sortit quelques boîtes de conserve avant de faire une grimace prononcée. Il devait y avoir au moins plusieurs dizaines de boîtes du même type que celle qu'il avait en main.

- Bordel, on va se gaver d'ananas en boîte bro'.

Sans doute aurait-il pu être possible de discuter l'éthique d'un restaurant ayant autant d'ananas en boîte alors qu'il était préférable de proposer des produits frais, mais c'était à des milliers de kilomètres des considérations actuelles du blond. Sans oublier que dans le cas présent cela faisait plutôt leur affaire. Il n'avait rien de spécial contre l'ananas, mais il avait espéré trouver autre chose qu'une profusion de ces boîtes. Pour autant, il y avait encore bien d'autres denrées. Épices, sel, poivre, riz, ils avaient assurément de quoi faire. Ils pourraient même se faire cuire quelque chose en improvisant un feu au-dessus duquel ils installeraient une des nombreuses casseroles disponibles en cuisine. Heureusement pour eux, ils étaient débrouillards.
Jason était en train de poursuivre ses fouilles lorsqu'il entendit un bruit suspect en provenance d'une autre pièce, et qui résonnait jusque là. Se figeant, il échangea un regard avec son frère. Ils n'étaient pas seuls, ou ne l'étaient plus. Il y avait fort à parier qu'il s'agissait encore d'un rôdeur coincé quelque part, ce qui voulait dire qu'ils devaient lui régler son compte pour être sûrs d'avoir la paix.

- Attends, t'as pas entendu un truc ? »

Ayant obtenu confirmation de la part de Merl, le jeune homme ressortit de la pièce en abandonnant momentanément son butin. Se guidant aux bruits qu'il avait entendus, il finit par rejoindre une autre pièce du rez-de-chaussée. Là, il trouva une porte de service qui ne tenait plus fermée, mais au lieu du mort-vivant auquel il s'attendait il se retrouva plutôt devant... un chien. L'animal était en train de farfouiller dans des cartons entreposés par terre, et s'était à présent tapi dans un recoin de la pièce, l'air méfiant ou même apeuré. Il était plutôt maigre et n'avait sans doute pas mangé à sa faim depuis un certain temps. Pour le moment, mieux valait éviter de l'approcher car il grognait et montrait les dents, plus pour se défendre que parce qu'il était réellement agressif. Sans rien dire, Jason désigna sa trouvaille à son frère. Il était décidé à ne rien faire pour l'instant. L'animal n'était pas dangereux pour eux s'ils ne lui faisaient rien, et ils pouvaient sans doute le laisser tranquille et aller simplement se préparer leur repas. Il ne s'agissait pas d'un rôdeur après tout.

Cet endroit était définitivement étrange. Je n’approuvais rien de ce qu'on avait trouvé dans le coin. De l'alcool bizarre des vêtements qui à mon goût était définitivement trop coloré. Je le regardais avec une impression détestable sur le visage. Cet abruti, parce que pour le coup je n'avais pas meilleure expression pour le qualifier tant je le trouvais chiant et fatigant. Dans le fond, je savais qu'il obtiendrait gain de cause avec sa jupe en paille. Il fallait tout de même que je râle parce que si les choses étaient trop facilement acquises il gagnerait en confiance en lui et ce n'était pas comme si j'en avais envie…

- Mais pour l'amour de Dieu pourquoi tu veux me faire porter cette horreur. Tu ne m'aimes pas c'est ça? Tu peux le dire ça ira plus vite.

Même à Swann il ne ferait pas vivre un truc comme ça. L'expression qui aime bien châtie bien était en train de prendre tout son sens. Je finis par lui prendre l’objet des mains et à l’enfiler par-dessus mon jean avec une chemise dégueulasse que j’avais vaguement boutonnée avant de me tourner les bars écartés vers lui pour lui demander d’un regard s’il était heureux parce que moi pas. Je n’allais évidemment pas lui en vouloir pour ça, il s’agissait de mon frère, il n’était pas mauvais bougre, juste un peu con par moment. On était tous les deux cons en même temps et si ce n’était que par moment, c’était pas si mal que ça. En tout cas je le suivais alors qu’il était en train de fouiller ce qui semblait être une réserve. Il y avait tout un tas de conserves d’ananas que je dénigrais du coin de l’œil. Je n’étais pas spécialement intéressait par ça. En même temps tout ce qui était fruit exotique n’avait jamais été mon fort ça devait aider. Par contre, je remarquais de la viande séchée. C’était visiblement des saucisses ou un truc du genre. J’en attrapais une l’air de rien alors que je sortais mon canif de ma poche pour commencer à la couper. Sauf que bizarrement, c’est ce moment précis que choisit mon frère pour faire son intéressant. Je lui jetais un regard mauvais en coin.

J’avais aussi entendu, mais je n’avais pas vraiment envie que ce soit vrai. Je hochais la tête pour lui faire savoir que je voyais de quoi il parlait alors que je le suivais toujours mon saucisson à la main et incapable de couper un morceau parce que j’étais en mouvement. Le pire dans tout ça, c’est que pour l’instant je n’avais même pas faim. Heureusement pour nous, ce n’était pas un connard qui était dans le coin, mais un clebs qui avait fini ici on ne sait trop comment. Je regardais l’animal, il était agressif pour l’instant ce qui n’était pas vraiment étonnant vu que les humains qu’il avait croisés jusqu’à maintenant devaient être des connards qui avaient tenté de le bouffer. Jason semblait être partisan de faire demi-tour, mais je ne pouvais pas m’y résoudre de mon côté. Je jetais mon regard brillant à mon frère, puis en direction du chien et finalement du saucisson que j’avais entre les mains.

- On ne peut pas le laisser comme ça la pauvre bête. Je ne suis cependant pas certain qu'il bouffera de l'ananas.

On ne pouvait pas, c’était inhumain, et autant dire qu’être humain de nos jours n’était pas évident. Pratiquement tous les habitants du fort ne l’étaient plus, il y avait encore quelques rares exceptions et j’avais envie de croire que j’étais encore un être humain, il était tout simplement hors de question que je laisse ce chien mourir de faim. Je savais que mon frère ne serait pas vraiment contre. Je finis simplement par ajouter un peu triste de laisser ma saucisse.

- J'ai peut-être la solution d'ailleurs… Et le chien, j’ai le saucisson que tu as commandé. Tu as de la chance.

En quelques secondes, je coupais la ficelle de la viande que j’avais entre les mains avant de la couper en deux et de lancer un des morceaux dans sa direction. J’avais un peu peur de voir sa réaction, mais la viande serait sans doute vachement plus intéressante que nous au moment où il allait la sentir et au moins ça pourrait confirmer le fait qu’on pouvait la manger sans crainte même si elle était dure comme la justice.

Jason était plutôt partisan du fait de laisser le chien se calmer. Il avait beau adorer les animaux, il savait que celui-ci en avait bavé pour survivre et qu'une morsure de cet animal pouvait leur causer bien des soucis. Il n'avait pas forcément envie de laisser une main dans l'entreprise, même si ce chien lui faisait de la peine. Naturellement, c'était sans compter sur la bonté d'âme – et la faiblesse – de son frère. Celui-ci avait de la nourriture à la main et n'avait pas l'air d'être capable de tourner les talons en laissant la bête sur sa faim qui était pour le moins visible. Le blond pensait que la peur du chien se voyait bien plus que son état affamé, mais Merl avait de toute façon décidé à faire selon son bon vouloir.
Avant qu'il n'ait vraiment eu l'occasion de faire quoi que ce soit, son aîné avait séparé en deux la saucisse sèche qu'il tenait dans les mains, annonçant clairement au chien son intention de le nourrir. Le principal intéressé était apparemment peu enclin à se calmer. Pourtant, lorsque le morceau de nourriture roula vers lui, il s'apaisa très légèrement pour le renifler de loin, restant méfiant et apparemment décidé à ne pas bouger pour l'instant malgré sa faim.

« Tu sais que ces trucs là risquaient d'être pimentés ? Ca aurait pu lui cramer la gueule.

Le jeune homme avait jeté un œil à la saucisse que son frère avait coupée, et avait été rassuré de voir que la coloration de celle-ci n'était pas rouge. Il était très loin d'être un connaisseur en matière de nourriture exotique, mais il avait déjà goûté des choses à gauche et à droite par le passé. Il savait que la charcuterie des îles avait tendance à être pimentée et très relevée. En revanche, il n'aurait pu assurer à cent pour cent qu'il s'agissait des bonnes îles. Peu importait, puisque cette saucisse n'avait pas l'air plus pimentée que cela.
Au bout d'un moment qui sembla durer une éternité, le chien fit un pas en avant pour aller saisir la nourriture du bout des dents puis se replier dans son coin pour la manger. Il allait sans doute tout engloutir avant que quelqu'un puisse essayer de lui prendre sa pitance. Jason se sentait enclin à revenir à son plan d'origine, même si comme son aîné il avait envie d'aider l'animal.

- Bon, on devrait lui foutre la paix pour le moment. On le stresse. S'il a besoin d'un truc il saura nous trouver chui sûr.

Dans le fond, il réfléchissait déjà à ce qu'il pourrait lui donner s'il venait les rejoindre. De la nourriture bien entendu, mais aussi de l'eau. S'ils trouvaient un point d'eau fraîche, ils pourraient y remplir une poêle ou quelque chose dans ce genre afin de constituer une gamelle de fortune – ou un abreuvoir en fonction de la contenance du récipient – et de le laisser se désaltérer comme il le voulait. Dans la région, le climat était plutôt pluvieux et c'était une chance, mais il n'était pour autant pas toujours facile de trouver un point d'eau accessible.
Le blond entraîna son frère à sa suite en le tirant par le bras pour qu'ils aillent piocher tout ce qui leur serait utile dans le garde-manger. Il y avait des conserves diverses et le jeune homme ne rechigna devant rien, qu'il s'agisse de concentré de tomates ou de piments en boîte. Leur récolte n'était pas mauvaise et même si cela manquait de viande fraîche et décente, ils avaient là de quoi s'offrir un bon repas pour accompagner l'alcool qu'ils avaient trouvé.

- Tu sais ce qu'on devrait faire ? Se faire un plat en jetant ce qui nous paraît bon dans une de ces casseroles. On fait un feu, on le fout dessus et voilà ! »

Dans toute cette histoire, Jason avait presque oublié qu'ils avaient encore leur cobaye accroché à un arbre dehors, prêt à livrer les résultats de leur expérience. Pour le moment, le blond était plutôt en train de réfléchir à ce qu'ils pourraient essayer de faire comme mélange pour éviter de gâcher la nourriture. Ils n'étaient pas à proprement parler des gourmets, et l'apocalypse avait eu tendance à revoir encore à la baisse les prétentions culinaire des survivants... Toutefois, il était tout de même bon de garder à l'esprit la nécessité de consommer quelque chose de nutritif avec un goût au moins correct.

‘Tin, je n’en revenais pas Jason qui me faisait la morale pour de la merde. Si j’avais donné ma saucisse au chien c’était parce qu’il me faisait de la peine et clairement, il avait le nez vachement plus développé que moi. S’il y avait du piment, il était assez grand pour ne pas manger et si c’était juste un petit peu, ce n’était pas ça qui allait le tuer. Jason en faisait décidément beaucoup trop. Je soupirais pour essayer de ne pas lui rentrer dedans avec ses commentaires de merde. Il était évident que c’était les animaux qui avaient le meilleur odorat et sens de la survie que nous pauvres humains que nous étions. Oui, on avait été fait à l’image de Dieu, mais on était loin de lui arriver à la cheville. C’était une certitude qui me faisait souvent un peu mal surtout quand je voyais la bêtise humaine. Enfin, alors que je pouvais enfin bouffer un morceau de la saucisse que j’avais entre les mains et m’assurer par la même occasion que non elle ne piquait pas, tout en sachant dans le fond que la couleur ne changeait rien.

- Tu sais, c’est un chien si ça ne lui plait pas, il a qu’à ne pas manger…

Il était bien capable de se préserver un minimum. Je haussais les épaules l’air de rien en suivant mon frère qui semblait être prêt à faire ce qu’il avait envie. De toute façon, j’avais toujours été le suiveur du groupe plutôt que le décisionnaire et aujourd’hui n’allait pas faire exception. Il avait l’air de savoir exactement ce qu’il avait envie de faire et bien qu’il en soit ainsi. Je le regardais d’un air qui voulait bien dire que je lui laissais carte blanche. J’étais présent oui, mais mon esprit était ailleurs déjà parce qu’à cause de lui j’étais habillé comme une merde et surtout parce que mon esprit était encore à fond sur le chien qu’il avait trouvé l’instant d’avant. J’étais monotache, mais ce n’était pas comme si c’était vraiment nouveau. Voilà qu’il était en train de parler de faire à bouffer ce qui était un truc qu’il allait faire, je n’en doutais pas une seconde. J’avais cependant une objection à son histoire de bouffe.

- Je refuse que tu me fasses cuire de l’ananas, que ce soit dit. Après, je pense qu’avec les saucisses, le concentrer de tomate et un piment ou deux ça sera pas mal. C’est dommage qu’on n’ait pas trouvé de riz à mettre dedans, ça pourrait être sympa aussi.

Clairement, un peu de féculents, ça aurait été sympa. En attendant, j’allais m’occuper du feu. Il y avait plein de meubles qui ne servaient à rien dans le coin et qui étaient en bois. Je n’allais pas me faire chier à chercher du vrai bois. Tout ça marcherait très bien. J’attrapais une chaise commença à la casser pour pouvoir faire un feu de camp. Il faudrait aussi voir pour trouver des couverts parce que je ne savais pas lui, mais je n’en avais pas sur moi et manger avec les doigts ou simplement au couteau quelque chose de chaud ne me paraissait pas être une super idée. Ce ne serait sans doute pas la pire qu’on avait eue jusqu’à présent, mais tout de même. Il ne me fallait pas longtemps pour avoir un joli foyer pour mon feu et commencer à allumer le bois. Ce n’était pas évident à cause du traitement sur le bois des chaises, mais je finis sans trop de problèmes à avoir raison de ce dernier et de jolis flames commençaient alors à s’élever et à crépiter dans la pièce. On allait pouvoir faire à manger, mais je me demandais bien quel genre de chose Jason allait nous servir. La cuisine c’était souvent plus son truc que moi, mais je sentais que ça allait être marrant aujourd’hui.