« J'ai droit à une autre tasse, pretty please? » que je lâche rapidement, tendant mon breuvage vide vers elle. Je la coupe presque, oui, quand elle parle de souffrance et de colère. Parce que je sais très bien ce que c'est, quand le diable en moi ose prendre le dessus. Je sais où ça me mène. Et je ne suis plus la même, depuis que ces petits démons ne cessent de jacasser à mon épaule. Enfin, Quinn affirme que ça viendra. Je ne sais pas si elle parle de pardon ou de guérison, mais je n'arrive à imaginer aucun des deux, de toute façon. Je soupire, chassant cette sensation désagréable qui me donne l'impression de tourner en rond dans mon crâne. Je relève les cils sur mon amie quand elle parle de nuances de gris - ne pouvant qu'être complètement de son avis, tristement.

Sauf qu'elle pose des questions, et elle désire des réponses, visiblement. Mes éternelles énigmes ne sont plus suffisantes. Je viens hausser les épaules, ne sachant pas trop ce que je dois dire, ce que je dois omettre. Ce qu'elle désire peut-être entendre. « Parler ne règle rien, tu sais. Je ne sais pas par où commencer. Je - » Nouveau soupir. « Je me doute que tu m'en veux aussi, et je suis assez grande pour accepter ça, mais - » Les mots me manquent. Et c'est exactement pour cette raison que je déteste parler.

« Mais je n'ai jamais voulu causer tout ça. Je ne sais pas pourquoi tout le monde semble penser le contraire. Pourquoi on me prête des intentions qui ne sont pas les miennes. Je voulais - je voulais juste faire partie de quelque chose, pour une fois. Et pour une bonne cause. Jamais je n'ai voulu semer la pagaille. » Je m'arrête pour réfléchir, avant de rectifier. « Enfin, foutre la merde était le plan, mais pas au point de créer une pagaille pareille. Je - je n'ai pas craqué sous la torture pour protéger le putain de camp, Quinn - je n'ai pas craqué. » que je répète gravement, les larmes aux yeux.

Je passe une main dans mes mèches rousses, inspirant un bon coup, avant de continuer. « Sauf qu'à un moment, je ne pouvais plus reculer. Et je n'en avais pas envie non plus. J'avais envie de verser du sang. De les faire payer. Et c'est ce que j'ai fait. Parce que c'est comme ça que tout fonctionne aujourd'hui, non? C'est tout ce qu'ils savaient faire, eux - verser notre sang. » Mes traits se déforment sous la haine qui s'imprime à mon visage, dorénavant.

« Est-ce que ça fait de moi un monstre? »

Autant que tu le souhaites. Lui confirme la rouquine non sans un sourire amusé. Harper la coupe, semble cherche à esquiver un dialogue qui peut-être l'effraie, ou la dérange. Restant silencieuse pour la laisser épancher ce qu'elle veut bien admettre, fronçant brièvement les sourcils. Tu me connais si peu pour savoir que tu ne serai pas ici, si je t'en voulais réellement ? S'enquit finalement l'ex interne en avisant son amie, sourcils légèrement froncés. J'ai découvert trop tard que certains de mes amis avaient rejoint les Scarecrow. Pour ne pas dire que Joe l'avait... kidnappé, en un sens. Parfois, les pires choses de cette terre ont été faite avec les meilleures intentions. Ca ne veut pas dire que tu as mal agi, seulement que tu avais des idéaux, et que certaines personnes en ont profité pour en tirer leur avantage. Sans doute était-ce pour ça qu'elle ne l'incriminait pas autant que d'autres. Les Scarecrow ont fait des choses horribles, en prenant les masques de prédécesseurs qui nous ont persécuté par le passé. Ca ne pouvait pas aider à les voir d'un oeil bienveillant... Et elle n'oubliait pas, comment ils avaient manqué de la laisser aux mains de New Eden. Mais les larmes dans le regard d'Harper l'amènent à poser une main douce sur l'épaule de la rouquine, l'incitant à s'apaiser. Je te crois. Et tu as déjà eu un procès, non ? Pourquoi s'acharner à en refaire un désormais ?

Et la haine dans le regard d'Harper peut se comprendre. Après ce qu'elle à pu potentiellement vivre, la-bas. Ses yeux clairs ancrés sur sa silhouette, se laissant le temps avant de secouer doucement la tête à sa dernière question. Non. Ca ne faisait pas d'elle un monstre. Pas de la manière dont elle semblait l'imaginer. Je pense seulement que des gens ont profité de ton envie de vengeance pour assouvir la leur. Et que tu en as payé les frais en t'étant faite prendre. Que ce soit New Eden, ou sa survie en extérieur.

Ça fait juste de toi un être humain. Qui faisait des erreurs, comme eux tous. Les monstres... Ce sont plutôt ceux qui nous entourent en ce moment. Ackles, le sort qu'ils avaient réservé à certains des leurs. Et de l'évoquer lui fait perdre une courte seconde son sourire, avant de revenir à Harper. Le principal, c'est que tu sois revenue. Et qu'on fasse en sorte que tu reprennes doucement tes marques, petit à petit. Tu ne crois pas ?

J'imagine qu'elle a raison, oui. Personne ne me laisserait rester ici, si le conseil n'avait pas approuvé mon retour. Et Quinn ne viendrait pas me visiter, m'aider à me remettre sur pieds, si elle était autant en colère contre moi. Ça n'efface pas tous mes doutes, mais je réalise quand même qu'elle marque un point. Je baisse les cils, l'écoutant continuer pour me dire que les meilleures intentions peuvent parfois mener aux pires désastres. Je viens hocher de la tête en soupirant, bien consciente de cette réalité. « Je ne sais pas comment j'ai pu être aussi aveugle. Ce n'est pas mon genre d'agir avec autant d'impulsivité. » Mais elle pose la main à mon épaule, quand elle affirme qu'elle ose me croire, par rapport à la torture et à la protection du camp. Et le simple fait de l'entendre confirmer une telle chose me soulage au plus haut point. Je pourrais m'écraser par terre tant la sensation me libère.

« Enfin, un procès que j'étais destinée à perdre, mais certes. » que je souffle ensuite, en osant rire un peu. Sauf que la réponse tombe enfin, quand je demande si je suis un monstre. Non. Je pourrais me perdre dans ses yeux pâles, sur le coup, fronçant un peu les sourcils en écoutant ses explications - qui font tellement de sens que ça pourrait presque me faire peur. Elle semble souvent me connaître mieux que moi-même, cette petite Quinn. Je ne suis qu'un être humain, comme elle dit. Je tente d'avancer dans un monde qui est amené à changer à tout moment, pour le meilleur et surtout pour le pire. Et même si je n'ai pas eu le choix de grandir dans ce chaos, il semble que j'ai encore du mal à m'adapter, de temps en temps.

Je note le changement sur ses traits, n'empêche, quand elle mentionne plutôt les montres qui viennent rôder autour de nous. Je me doute qu'elle parle de ceux que j'ai croisé sur ma route, et qui, selon ma discussion avec Nima & Andrea, n'ont pas fait de moi leur seule victime. Je prends à nouveau une gorgée, tandis que la rousse affirme que le plus important, c'est que je puisse être ici, là, tout de suite. Chez moi. Et que je prenne le temps qu'il faut pour me retrouver. Je pose ma tasse sur la petite table basse, à côté de mon lit, avant de venir lui sauter dans les bras. Et pas qu'un peu. Je fais tous les efforts du monde pour ne pas tousser, étouffée par l'émotion, tandis que je murmure encore quelques mots.

« Merci tellement d'être là. Merci de me soutenir constamment. Je ne mérite rien de tel, après toutes mes bourdes. Mais je ne sais pas ce que je ferais sans toi. »

Parfois, l'être humain est assez ... Compliqué. C'est en tout cas tout ce qu'elle en avait retenu. Des horreurs qu'ils étaient capable de commettre, à leurs actions irréfléchies. Par volonté de bien faire, par amour, par amitié. On fait tous des actions irréfléchies pour des causes qu'on estime nobles. Ou les gens qu'on aime. Sauter dans un gouffre immergé pour sauver Tucker et Vi, faire exploser un campement d'Oblivion pour espérer aider Liv... La liste était déjà bien assez longue pour oser donner des exemples. Je peux largement plaider coupable sur la question. Et elle ne risquait pas de le nier.

Si tu avais perdu ton procès, tu aurai été exécutée sur la place publique. Emprisonnée n'était peut-être pas mieux, elle n'en doutait pas une seconde. Marlon à fait au mieux pour t'éviter la peine de mort à l'époque. Et l'avocat n'en avait pas moins été des plus amers sur le rendu final du procès. Lui offrant un sourire désolé, avant que la rouquine ne lui saute au cou. Riant sur le coup de la surprise avant de lui rendre son étreinte avec douceur, fermant un instant les yeux. Pour un peu en aurait-elle soupiré de soulagement, de retrouver enfin la cadette de Vi ici. En vie, et loin de l'ombre de New Eden. Tu n'as pas à me remercier de quoi que ce soit. souffle t-elle avec douceur en resserrant son étreinte, un sourire naissant à ses lèvres. Tu saurai te débrouiller avec brio, je n'en doute pas une seule seconde. Qu'elle soit présente ou non par ailleurs.

Tu as même su le faire pour revenir jusqu'ici sans mon aide je te ferai remarquer. Autant conserver le positif et ne pas penser au reste, quoi que son regard ne s'assombrisse légèrement. Tu as été un peu mise au fait des problèmes alentour, depuis ton arrivée ?

L'être humain est vachement compliqué, oui. Je le découvre un peu plus à chaque jour. Enfin, Quinn tente encore de défendre mes gestes, affirmant que nous sommes tous coupables d'excentricités, quand il est question des gens qu'on aime. J'ose sourire timidement, ne pouvant certainement pas m'opposer à cet argument, lorsque je pense à Vi et à mes copains. À ma famille, ici. Je baisse pourtant les yeux, au sujet de ce procès à la con. Je n'ose pas le lui dire, mais la douleur s'invite dans mes billes, quand elle en parle. Et je ne vais certainement pas lui avouer que j'ai carrément voulu être condamnée à mort, au lieu de pourrir au bidonville. Crever de faim sous un régime de terreur et de torture, loin de mon monde - très peu pour moi. Sauf qu'elle n'a pas besoin de savoir ça. « Tout un numéro, ce Marlon. Bien satisfaite de son boulot, au final. » que je lâche en riant. Oh, j'ai probablement été sa seule & unique cliente, depuis l'épidémie, mais j'imagine qu'on peut dire qu'il a plus ou moins gagné sa cause, ne serait-ce qu'en m'évitant de crever.

Je profite ensuite de son étreinte, me perdant un peu dans l'odeur familière de ses cheveux, que je retrouve probablement pour la première fois. Je me recule finalement, tenant ses mains dans les miennes, brièvement. Quinn affirme que je ne lui dois rien, que je me débrouille très bien sans elle. Sauf qu'elle ne sait pas à quel point cette béquille qu'elle m'offre toujours est si précieuse pour moi. « De peine et de misère, quand même. » que je réplique en haussant un peu les sourcils, quand elle parle du succès de mon retour. « Je suis heureuse de t'avoir dans ma vie, c'est tout. » C'est tout? Bordel, c'est loin d'être banal, pour la petite Jackson dysfonctionnelle que je suis.

Mais je me redresse un peu, plissant les yeux quand elle parle de ces problèmes qui affectent le camp. « Quels problèmes? Tu trouves pas que j'en ai déjà assez comme ça, des problèmes? » Oui, je tente de blaguer - parce que je suis hilarante, rien de moins. Je retrouve rapidement un air plus sérieux, n'empêche, venant jouer nerveusement avec mes propres doigts. « Les hommes d'Ackles? Ces - ces types qui voulaient me tuer? » Aussi bien dire les choses comme elles sont, quoi.

« Qu'est-ce qu'ils nous veulent, alors? »