C'était comme voir un fantôme revenir après des mois d'absence. Avisant Zachary d'un bref sourire alors que l'afro américain prenait sa matinée, en profitant pour observer Harper encore profondément endormie. Au moins Hakan était-il avec son père pour la matinée, lui permettant de terminer une décoction pour la pneumonie de la rouquine. Ne revenant dans la chambre qu'en entendant de brefs mouvements, signes que l'ancienne fugitive était éveillée, lui accordant un timide sourire. Bien dormi ? Qu'elle s'enquit avec douceur, refermant la porte dans son dos pour lui permettre une meilleure intimité. Je prends le relais. Explique t-elle brièvement, lissant rapidement les pans de sa robe noire avant de se rapprocher de son chevet, lui tendant le bol encore fumant. Tiens. Un mélange de thym et de primevère, ça devrait te soulager un peu au niveau respiratoire. Ca n'aurait pas l'effet miraculeux d'un antibiotique, mais ça aurait le mérite de calmer un peu ses poumons contrits par la pneumonie.

Ca fait .... Un drôle d'effet, de te retrouver. Finit-elle par lâcher dans un souffle, non sans un sourire. Aux dernières nouvelles, Joachim lui avait assuré rentrer des scarecrown avec Harper. Aurait-elle été arrêtée elle aussi, si elle avait tardé à rester sur place après son kidnapping improvisé ?

Je me demande vraiment combien de temps je vais mettre à guérir, parfois. Enfin, je sais que ma jambe est sans espoir, mais la pneumonie est vraiment ce qui m'empêche de fonctionner, le plus souvent. Je ne vais pas mentir, cette impression acide de manquer d'air n'est pas sans me rappeler la torture quotidienne de New Eden. Et j'ai bien peur de l'admettre, mais je suis vachement plus nerveuse qu'avant. C'est ridicule. Enfin, je me réveille à l'infirmerie - agitée, comme à chaque fois que j'entends le moindre bruit. J'ai dû m'endormir pendant mes traitements. Je soupire longuement, reprenant mes esprits pour chasser les sombres images que j'ai dans le crâne.

Mais quand je la vois entrer, je ne peux pas m'empêcher de sourire. Quinn, ce putain d'ange sur cette planète à la con. Elle me manque. Je la regarde en haussant les épaules quand elle me demande si j'ai bien dormi, avant de me redresser dans mon lit. J'imagine qu'elle se doute que je ne suis pas très en forme, d'ailleurs, puisqu'elle m'offre sa petite potion magique sans hésiter.

« Tu parles comme si j'avais la moindre idée de ce que tu peux bien mettre là-dedans. » Mais je m'en balance. Si elle affirme que ça pourrait m'aider à mieux respirer, je ne vais certainement pas argumenter avec elle. Elle pourrait me dire de boire du poison pour me sauver la vie que je l'écouterait sans me poser de questions. J'ose goûter la boisson encore fumante - et je me brûle évidemment en le faisant. « Ça fait drôle d'être ici, crois-moi. » Je rigole un peu en toussant légèrement, lui faisant une petite place dans le lit. « J'ai l'impression d'être une étrangère, je vais pas te mentir. » que je lâche en baissant les cils. Une étrangère que tous déteste, le pire.

« Mais j'ai cru entendre quelques rumeurs, à propos de toi & Tucker. » Je la regarde d'un sourire amusé, lui présentant ma main gauche comme si je la laissais me passer la bague au doigt. Je pense qu'on a beaucoup de choses à se raconter, elle et moi. J'espère seulement qu'elle ne m'en veut pas, comme tous les autres.

Et bien, disons qu'au moins tu auras une idée du goût avant de tousser bruyemment. Un sourire espiègle au coin des lèvres, habituée à ce que les malades ne finissent par tousser face aux remèdes que Jennifael avait pris soin de lui apprendre. Désagréable, mais utiles à terme. Ne pouvant qu'imaginer à quel point ce devait être étrange d'atterrir ici après ses péripéties, pinçant brièvement les lèvres à à l'idée. La route à été longue ? Qu'elle s'enquit néanmoins avec douceur, alors qu'elle évoque la sensation d'être une étrangère. Harper. Ca fait près d'un an que tu n'as plus été parmi nous. Comment pourrais tu te sentir autrement, au juste ? Ca ne pouvait pas être différent, non. Pas après tout ce temps sans savoir ce qu'il avait bien pu advenir d'elle, depuis que Joachim avait assuré qu'il attendrait son retour - sans succès -. Laisse toi le temps. Sahale sait mettre les gens à l'aise, rapidement tu te sentiras à nouveau bien dans la réserve. Et d'évoquer le vieux chaman lui arrache un sourire attendri, qui ne peut que s'agrandir à la question de la rouquine. Seulement quelques rumeurs ? Lui tendant finalement sa main pour lui montrer sa bague de fiançailles et son alliance. On s'est mariés sous le rite natif. C'est Sahale, qui nous à unis. Précise t-elle pour la forme, avant d'esquisser un sourire timide. Et ... On à également le tout premier bébé de la tribu, depuis des années Des bonnes nouvelles, en somme. Et son ventre encore arrondi en disait long sur la véracité de ses propos, reprenant néanmoins. Mais c'est à toi qu'il faut demander ce qu'il s'est passé tous ces mois durant, tu ne crois pas ?

« Génial. » que je lâche avec un brin de sarcasme, à propos de cette éternelle toux qui ne voudra plus me quitter. « Plus que longue. » que j'ajoute ensuite, à propos de la route jusqu'ici. Ma réponse est immédiate - et sombre. Je ne pense pas qu'un mot existe vraiment, pour décrire à quel point c'était pénible. Je lève d'ailleurs le regard sur mon amie, quand elle me fait soudainement réaliser l'état des choses. Effectivement, je ne vois pas comment je pourrais me sentir autrement, après autant de temps dehors, loin de ce qui était jadis mon groupe. Je lui offre un sourire en soufflant du nez, acceptant bien vite qu'elle a raison, une fois de plus.

Elle me demande de me laisser le temps, et je ne peux que passer une main dans mes mèches, un peu confuse. Je veux bien tenter, mais ce n'est si facile. Quinn parle de ce vieux chaman que je n'ai même pas encore rencontré, et semble s'illuminer en faisant référence à celui-ci. Je dois dire que je ne capte pas trop ce qui peut la mettre dans cet état - mais elle me nargue déjà, de toute façon, à propos de ces rumeurs dont je parle. Je regarde ce qui brille à son doigt en riant, la félicitant du regard. « Je suis désolée de ne pas avoir été là. » Je le suis, oui. Même si je ne comprend pas tout à fait ces histoires de promesses, de mariage & de bébés, pour être honnête. Enfin, si elle est heureuse, c'est tout ce qui importe.

Je suis un peu mal à l'aise, pourtant, quand elle me demande de raconter ce qui s'est passé pendant tout ce temps. Je ravale ma salive, les yeux bien bas.

« Tu veux commencer par quoi? Nos grandes idées à la con, nos plans voués à l'échec? Être jugée à un procès perdu d'avance? Non non, attends - se faire prendre, se faire torturer jour et nuit, ne rien lâcher pour ne pas mettre le camp en danger... mais surprise, le camp manque de se faire raser quand même? Mieux encore, vivre dans un bordel où la seule option est de vendre du sexe, dans un bidonville où tu ne peux faire confiance à rien ni personne? Manquer de crever pour revenir ici, retrouver mon monde, seulement pour - » Je soupire lourdement, m'arrêtant enfin de parler, avant de reprendre d'une petite voix.

« Seulement pour réaliser que tout le monde me déteste et que les choses seraient drôlement plus simples, finalement, si j'étais morte là-bas, dès le premier jour. »

Plus que longue, donc. L'idée lui arrache une moue compréhensive, hochant brièvement la tête. La route auarait été sinueuse, et parsemée d'embûches pour elles deux en sommes. Chacune avec son lot de mort et de souffrances en prime... Esquissant un sourire rassurant à ses excuses, secouant doucement la tête. Le principal c'est que tu sois ici maintenant, non ? En vie, et prête à se remettre sitôt que cette maladie serait guérie. Et comme si elle avait appuyé sur l'ouverture des vannes, Harper parle. S'exprime, déblaye une avalanche de mots qui s'enchaînent avec une violence sous jacente, alors qu'elle reste silencieuse, lèvres pincées. L'avisant sans mot dire, alors qu'elle évoque la chute de Nisqually ou sa propre survie dans un bordel, jusqu'à l'amertume de réaliser que certaines relations avaient évoluées en son absence. Et visiblement ... Pas en bien.

Tout le monde ne te déteste pas. Reprends t-elle avec douceur, venant effleurer l'épaule de la rouquine du bout des doigts pour l'inviter à croiser son regard. On à tous souffert, d'une manière différente. Les Scarecrow ... Disons qu'ils n'ont pas fait que des choses bien, même s'ils étaient persuadés d'agir pour la bonne cause. Ça ne veut pas dire pour autant que tu es une pestiférée ici. Sinon, jamais n'aurait-elle pu rejoindre la réserve. Le Conseil l'aurait laissé dehors, condamnée à l'exil, mais pas entre leurs murs.

Le départ de Nisqually à ici à été ... Difficile. Explique t-elle brièvement, baissant un instant le regard. On à perdu beaucoup de personnes en cours de route, entre ceux qui ont décidé d'aller à Talequah et ceux qui ont décidé de venir ici. Les blessures étaient encore en voie de cicatrisation, malgré toute la bonne volonté des natifs; Tu viens à peine d'arriver Harper. Laisse toi le temps de reprendre tes marques, comme ils ont besoin de temps eux aussi. Ca viendrait, petit à petit. Je doute fortement que Vi aurait apprécié d'apprendre ta mort. En fait ... Je doute que qui que ce soit l'aurait apprécié.

J'aimerais bien pouvoir la croire. Mais ce serait plutôt naïf, sûrement. « Je ne sais même pas pourquoi ça me dérange à ce point. Je n'ai rien à faire de qui m'apprécie ou pas, c'est - c'est - » C'est quoi, à la fin? « C'est qu'ils pensent savoir, ils pensent pouvoir comprendre. Ils ne savent rien du tout. » C'est ce qui ne cesse de nourrir cette colère, non? J'ai l'impression qu'on vole ma vérité. Je soupire, dans un élan de frustration, jusqu'à croiser son regard si doux. Trop doux pour moi, j'imagine. J'ai l'impression que je pourrais la briser en un seul coup d'oeil. Alors je me calme - un peu.

Quinn parle de souffrance et de bonnes intentions, tandis que je fronce un peu plus les sourcils. Je ne fais qu'hausser les épaules, parce que c'est exactement comme ça qu'ils me voient - une pestiférée. Je n'ose rien dire, pour le reste, puisqu'elle enchaîne avec le récit de Nisqually et du départ précipité du groupe. Ce départ causé par nos erreurs, j'imagine. C'est à mon tour de baisser les billes, du coup. Même quand c'est mon amie qui parle de ces événements là, j'ai encore l'impression de manger des reproches en pleine gueule. C'est mérité, je le sais.

Je plonge dans ma tête, en l'écoutant pourtant attentivement. À nouveau, elle parle de difficultés et du temps qui passe - ce précieux temps.  J'ai l'impression d'être si loin d'elle, si loin de tout. Comme si j'étais... vide. Peut-être que je ne suis pas prête à affronter cette discussion, finalement. « Enfin, Vi n'est jamais contente de rien. » que je lâche à la blague en venant prendre une autre gorgée. Je fais de mon mieux pour ne pas me laisser envahir par cette froideur qui semble vouloir prendre le dessus.

« La ligne est mince, entre le bien et le mal, parfois. Agir pour la bonne cause est souvent... compliqué. Et pervers. » Oui. J'ose revenir là-dessus. J'imagine que je n'arrive pas à la fermer, quand il est question d'idéaux et de culpabilité.

Ce qui te dérange, c'est que tu as aussi souffert de ton côté. Que la souffrance ne se mesure pas dans un verre doseur, et que parfois la colère et la rancoeur peuvent prendre le dessus sur tout le reste. Elle me savait, mieux que personne. Quand les Remnants avaient laissé dans leur sillage un un tas de cendre, massacré des visages alliés et ennemis. Son coeur brisé l'avait aussi amené à en vouloir à la terre entière, un temps. Et son regard clair s'assombrit d'y songer, quoi qu'elle ne cache ses fêlures derrière un simple sourire qu'elle lui offre.

Laisse toi un peu de temps. Laisse leur un peu de temps. Ca viendra, petit à petit. Le temps que certaines plaies cicatrisent, et que la neige ne vienne endormir les braises des reproches. L'avisant en silence alors qu'elle évoque à nouveau la ligne du bien et du mal, ne pouvant s'empêcher de lâcher un soupir à l'idée. Pour un peu, se serait-elle vue avoir cette discussion avec Jennifael, quelques mois en arrière lors de leurs derniers échanges. Les nuances de gris sont les plus difficiles à juger, de toute manière.

Combien de litre de sang versés, pour protéger les leurs ? Combien de litres de sang perdus, pour en venir à réclamer que le sang soit vengé par le sang ? Et si tu m'en parlais, au lieu de répondre par énigmes ? Propose t-elle avec douceur, lui offrant un sourire encourageant.