12 juillet 2020 - Capitol Hill

Dans quelle galère s’est-il encore fourré ? Otis fait brusquement volte-face lorsque deux silhouettes chancelantes apparaissent au détour d’une ruelle. Sûrement qu’en faisant un léger détour il parviendra à les semer. Du moins c’est ce qu’il pense. Malheureusement, en traversant l’une des rues parallèles, il tombe sur un groupe de rôdeurs bien plus conséquent. Et si certains sont occupés à dévorer une pauvre victime, les autres sont alertés par l’écho de sa course effrénée. Un premier monstre se retourne dans sa direction, puis un deuxième, un troisième… Jusqu’à ce qu’un groupe d’une dizaine de créatures s’intéresse à lui. Le métis se fige alors, cherchant une issue pour fuir. Mais en rebroussant chemin, il s’aperçoit que les premières immondices qu’il a tenté de semer lui bloquent le chemin.

Il déglutit difficilement. Son rythme cardiaque s’accélère, l’adrénaline commence à monter et déjà des perles de sueurs apparaissent sur son front. Sa respiration se fait plus forte, il fait de son mieux pour ne pas suffoquer. Evitant de justesse les mains décharnées qui tentent de l’attraper, il parvient à se hisser sur le capot d’une vieille fourgonnette. Il hurle cependant en sentant qu’on lui agrippe la cheville. Il tente de se dégager, donnant un violent coup de pied de sa jambe libre. Malheureusement, cela ne fonctionne pas. Une autre main vient lui saisir la jambe. Il entend les claquements de mâchoire autour de lui. D’autres mains essayent de l’attraper, il parvient finalement à se défaire de leur emprise d’un coup de couteau dans leurs crânes.

Dire que cela devait être une simple sortie de ravitaillement. Le voilà sur le toit de ce véhicule à la merci des morts dont les râles vont certainement attirer la charogne qui rôde alentours. Le dessinateur regarde avec désespoir ses deux sacs qui jonchent à présent le sol à quelques mètres de là. Ses trouvailles du jour dont il ne pourra jamais profiter. Sans compter ce qu’il avait trouvé pour payer sa future visite au motel, dans l’espoir de pouvoir revoir Lucy. Il se contente de rester là, assis, faisant de son mieux pour se concentrer sur sa respiration. Il murmure quelques mots, qu’il répète encore et encore dans l’espoir d’apaiser cette sensation d’étouffement qui gonfle peu à peu dans sa poitrine. Comment pourrait-il s’en sortir cette fois ?

Il est pris au piège. Il ne cherche même pas à trouver un moyen de s’en sortir. C’est la fin cette fois. Il pourrait tenter de prendre un peu d’élan et sauter par-dessus la masse grouillante mais il n’en est pas capable. Ses jambes tremblent, il n’ose pas bouger par crainte de se faire attraper. Il finit par fermer les yeux pour essayer d’oublier le spectacle macabre qui se trame autour de lui. Le grognement des morts, leurs râles sourds, leur puanteur, ils sont bien trop agités pour que le dessinateur parvienne à oublier tout ça. La peur se fait plus oppressante, son angoisse s’intensifie encore un peu plus. Bientôt il arrivera à peine à respirer correctement.

C’est alors qu’un cri retentit non loin de là. Les paupières du métis se rouvrent brusquement. Ses yeux se posent sur la silhouette imposante d’un homme à quelques mètres de là. Il se met à charger vers l’armée de macchabés, sans sourciller. Le jeune homme ignore comment mais le géant parvient à éliminer toutes les créatures qui entouraient la fourgonnette. A coups de club de golf, les corps s’écroulent chacun leur tour au sol. Bientôt, les grognements cessent, plus aucun râle ou claquements de mâchoire. Décontenancé par l’improbable scène qui se joue devant ses yeux, l’artiste reste complètement immobile, se contentant de fixer l’inconnu avec de grands yeux étonnés.

Et s’il prend peur quand l’homme approche, il est surpris que ce dernier l’interpelle avec autant d’enthousiasme. Il se présente avant de lui conseiller de descendre, préférant ne pas rester dans le coin. Toujours perché sur le toit du véhicule, le dessinateur acquiesce de la tête avant de saisir l’immense main qu’on lui tend pour l’aider à descendre. Une fois la terre ferme retrouvée, il peine à rester debout à cause de ses jambes flageolantes. Mais la voix rassurante de l’homme l’apaise et il finit par se calmer un peu. « Moi c’est Otis. » Il lui offre un sourire forcé, pas encore remis de ses émotions. « Merci. » Il tourne alors la tête, à la recherche de quelque chose. Son regard s’arrête ensuite sur le sol, sur les sacs qu’il a été contraint d’abandonner plus tôt. Il s’éloigne pour aller les ramasser. Puis en revenant vers Bruce, il les lui tends « Tiens. Tu peux tout prendre. Pour… Pour ton aide. »

Lorsque l'autre refuse de prendre ses trouvailles du jour comme récompense, Otis sourcille légèrement, étonné face à cet air si catégorique. C'est pourtant comme cela que ça fonctionne d'habitude, non ? Le dessinateur ne sait pas quoi penser, prêt à lui demander s'il veut autre chose. Mais visiblement le dénommé Bruce ne souhaite rien en retour. Pour lui c'est tout à fait normal de venir en aide aux gens. « Merci encore.  » Répète le plus jeune, se sentant à présent honteux de l'avoir entraîné là-dedans. « Tu n'étais pas obligé de le faire… Tu as pris des risques pour moi. Et… Je...  » Voilà que le géant écale un œuf dur devant le métis, ce dernier étant complètement abasourdi par la scène. Il met quelque instant à réaliser que ce maigre repas lui est destiné. Il loucherait presque dessus une fois qu'il l'a dans les mains. Son regard dérive de l'œuf à Bruce, circonspect, il n'ose pas y toucher. Il se contente de lui expliquer, en réponse à sa question « Je fouillais les environs quand ils me sont tombés dessus… J'ai voulu les semer mais je n'ai pas réussi.  » Aller jouer à chat perché sur le toit d'une voiture n'était vraiment pas une bonne idée, il le reconnaît…

Encouragé par Bruce, il referme ses dents sur l’œuf pour en prendre un morceau. Depuis combien de temps n'a-t-il pas mangé quelque chose d'aussi bon ? Et s'il s'agit d'un simple œuf dur c'est toujours mieux que ses biscuits rassis ou ses haricots en conserve qu'il mange froids. Mais quand son sauveur lui explique qu'il va le ramener au No Man's Land, il grimace un peu. A-t-il vraiment envie d'y retourner ? Il le faudra bien s'il veut trouver de quoi manger… Mais cette idée l'angoisse terriblement, même s'il y est allé les jours d'avant.

Cependant, il n'a pas envie d'ennuyer Bruce avec ça. Parler de ses angoisses il préfère éviter, c'est toujours mieux, pour lui comme pour les autres. Alors quand on lui demande de parler un peu de lui, il n'hésite pas vraiment. Ça lui changera certainement les idées. « En fait… Je travaille à la Taverne… Enfin, j'aide surtout à gérer les stocks, le service ce n'est pas vraiment mon truc…  » Il essaye de montrer un peu d'enthousiasme mais il est très mauvais menteur. Non pas que le boulot ne lui plaise pas mais… Il ne s'y sent pas vraiment bien… Alors il passe à toute autre chose, histoire de dissimuler ses craintes « Avant j'étais dessinateur. Je dessinais des bandes dessinées.  »

Bruce semble quelqu’un de très enthousiaste et sa bonne humeur est communicative. Malgré sa carrure imposante, Otis n’est aucunement apeuré. Cet homme ne lui veut pas de mal, le dessinateur le sens. C’est rare d’ailleurs, qu’il se sente aussi bien en compagnie d’un inconnu. Lui même s'en étonne. « Mon père m’avait appris à utiliser une arme, avant... Et à me battre aussi. Mais… Je suis pas fait pour ça.  » Il avoue d’un simple haussement d’épaule, se sentant un peu bête. Pourtant c’est vrai. Le métis n’a jamais été un grand combattant. C’est tout juste s’il arrive à se débarrasser d’une poignée de rôdeurs. Généralement cela devient compliqué pour lui lorsqu’il y en a plus de deux ou trois. Pour ce qui est de se battre contre les vivants… Il doit dire qu’il a eu de la chance jusque-là… Soit il est parvenu à fuir, soit il a été secouru par des âmes charitables. Courageux, lui ? Vraiment pas.

Otis se détend un peu plus quand le géant lui parle de la Taverne, mentionnant Vaughn. Cela le fait sourire quand il dit qu’il est gentil mais que ce n’est pas un grand combattant. Cependant, quand son aîné lui demande ce qu’il comptait faire avec autant de ressources, une moue gênée étire le coin de ses lèvres. « Oh… La plupart des choses sont pour moi. Mais il y a aussi des trucs que j’ai récupéré pour une fille… Enfin, tu vois…  » Lucy. Il y a des choses pour elle. Il n’en dit pas plus, Bruce comprendra ce qu’il voudra…

Puis quand il parle de son ancien métier, l’homme s’exclame encore un peu plus, expliquant qu’il connaît des amateurs de bandes-dessinées. Le dessinateur sourit encore avant de lui demander, curieux « Vous avez des enfants dans votre groupe ?  » Il serait heureux de faire plaisir à des plus jeunes que lui. L’homme est prêt à lui donner d’autres œufs et de l’aider à trouver d’autres ressources. « Je ne sais pas… Mais… Si tu veux oui. Je pourrais lui dessiner ce qu’il veut…  »

Finalement, il ne tarde pas à lui proposer de venir travailler pour son groupe. Otis arque un sourcil, étonné qu’on puisse l’accueillir aussi rapidement. Mais en y repensant… Mallowe l’a accepté à la Taverne très rapidement. Il lui en a été très reconnaissant d’ailleurs. Mais il fait bien qu’il se fasse une raison, il ne s’y sent pas aussi bien qu’il aimerait… Alors, méfiant tout de même, il questionne le sportif  « Tu veux dire ? Venir avec toi ? Dans ton camp ?  »