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Re: Summertime sadness

Sam 16 Sep 2017 - 16:17

Summertime sadness
Washington – Tacoma | Issaquah Ranch
27 Juin 2017

Il ne prétendait pas détenir les capacités pour la faire changer d'avis. Pas plus qu'il n'attendait d'elle qu'elle ouvre les yeux à la suite d'une simple excursion en tête à tête. Tout ce qu'il cherchait à produire était un impact suffisamment violent pour que ses paroles la fassent réfléchir. Qu'elle ressasse dans deux jours cette conversation qu'ils avaient eu sur la route. Qu'elle comprenne qu'outre les apparences, elle était loin d'être seule et ne le serait jamais malgré tout le mal qu'elle se donnait actuellement pour l'être. Bien qu'il était toujours désagréable d'essuyer un échec, Nolan avait conscience qu'il ne s'agissait aujourd'hui que d'une bataille de plus. Un duel qu'il ne pouvait remporter, mais qui ne l'écartait pas pour autant de la victoire de cette guerre dans laquelle ils s'étaient tous deux lancés.

« Il faut bien que quelqu'un le fasse. » S'épuiser. Reprit-il mot pour mot la phrase qu'elle lui avait proposé un peu plus tôt en gage d'explications. Peut-être, dans le but de lui montrer à quel point ces derniers étaient navrants dans leur façon de contourner un problème. Des deux, elle était bien celle qui s'épuisait le plus à repousser les autres. « Puisque que personne ne semble se soucier de ton traumatisme post-incendie à part Ludwig ou moi. Finalement, je ne suis peut-être pas le plus détesté du groupe d'Evergreen. » dit-il, un ourlet de mépris envers ce groupe bien visible aux coins de ses lèvres pincées. Bien qu'ils l'avaient recueilli, Nolan ne s'était jamais réellement intégré à ce groupe de Tacoma. Il était par ailleurs, encore aujourd'hui, perçu comme un vulgaire paria dont il fallait grandement se méfier. Connor avait bien évidement un rôle à jouer là-dedans, mais pas uniquement. Jamais Nolan n'avait cherché à se faire apprécier pour ce qu'il n'était pas. Jamais il n'avait cherché à étouffer les rumeurs qui l'entouraient injustement. L’hypocrisie n'était pas quelque chose qu'il cautionnait, aussi continuait-il de se comporter de la meilleure façon qui soit, à ses yeux, avec une honnêteté horripilante. Il n'y avait donc que Ludwig et Elena d'assez bêtes pour ne pas l'envoyer paître comme les autres. Enfin... Plus que Ludwig à présent. La Grecque se décidant finalement à s'attaquer à un sujet sur lequel Nolan ne plaisanterait jamais. Ruth.

Dès lors qu'elle prononça cette simple phrase, Nolan fit abstraction du reste. Ce qu'elle rajouterait par la suite pour mieux faire passer la pilule, ou non, n'aurait aucune importance. Le mal avait été fait dès l'instant où elle s'était servie de sa confiance pour mieux lui faire du tort. D'un sens, Nolan était le fautif de l'histoire. L'être naïf qui avait offert le couteau pour donner l'opportunité aux autres de le blesser. Il avait eu foi et se retrouvait aujourd'hui à devoir panser une plaie qu'il n'aurait jamais imaginé devoir subir de la langue aiguisée d'Elena. Le visage décomposé, Nolan ne savait plus réellement comment se placer dans cette conversation. Cet égarement pouvait d'ailleurs se lire sans mal à travers son regard assombri d'un voile de déception qu'il gardait accroché sur le profil de la Grecque. Elle, qui s'obstinait encore à garder son intérêt glacial sur la route. « Je ne te jugerai plus, si c'est ce que tu attends vraiment de moi. Je peux quand même me permettre de te donner un dernier conseil avisé ? » Question parfaitement réthorique tant il ne prit le temps que d'une courte inspiration avant de poursuivre sur sa lancée : « Tu ne devrais pas évoquer sous forme d'affirmations solennelles des faits dont tu ignores tout. Et encore moins, lorsqu'il s'agissait d'une marque de confiance comme celle que je t'avais accordé. » Au risque de la briser. A tout jamais. Si ce n'était pas déjà le cas. S'était-il assuré de lui transmettre à travers son regard appuyé et dénué de tout clignement de paupières. « C'était la dernière fois, que tu énonçais ce prénom avec une telle inflexion de dédain. » Qu'elle interprète sa mise en garde comme une véritable menace, ne lui procurerait pas la moindre once de remord. « C'est pas tant l'image que tu cherches à donner qui me déçoit. » Mais plus ce qu'il était en train de découvrir en dessous. De la manière dont elle manœuvrait sournoisement pour chercher à le repousser, à le blesser. Car c'était ce qu'elle avait voulu en abordant volontairement le sujet de Ruth qu'elle savait parfaitement sensible. Quand elle daigna enfin lui adresser un regard, ajoutant qu'ils n'avaient pas besoin d'elle, la rancœur de Nolan en fut décuplé. D'un soupire à gorge dégagée, qui s'apparentait à un rire jaune, il ouvrit la portière du côté passager. « Encore une fois, tu te trompes. On a toujours besoin de quelqu'un d’exécrable pour nous rappeler ô combien on est insignifiant. C'est une sensation vraiment unique. Surtout quand ça vient de la bouche d'une personne qu'on tenait en estime. Je te souhaite de connaître ça un jour. » lâcha-t-il de son ton empreint d'une amertume saisissante. Blessé, déçu, trahi, par une des rares personnes qu'il voyait comme son égal. Enfilant son sac à dos et récupérant ses armes avant de claquer la portière, il alla ouvrir à Khan qui se trouvait encore sur la banquette arrière.

« Du coup, qu'est-ce qu'on est venus chercher ? J'ai pas spécialement envie de perdre mon temps à enjamber les corps inertes de tes camardes regrettés. On a mieux à foutre. » cracha-t-il en refermant la seconde portière pour passer à l'avant du véhicule après un bref regard en direction de leur ancien camp en ruine. « Je propose qu'on se sépare pour couvrir plus de terrain. Je vais faire une copie de ta liste. » dit-il d'une intonation parfaitement monocorde alors qu'il dégainait déjà un stylo et une feuille de son sac à dos pour les poser sur le capot du véhicule en question. Totalement las, de cette situation qui commençait à le consumer sans qu'il ne parvienne à s'en protéger. Se retrouvant à son tour, à vouloir mettre de la distance avec ses compères.

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Re: Summertime sadness

Sam 16 Sep 2017 - 17:33

Il n'y avait rien de plus étrange que cette sensation curieuse de vide infini qui vous creuse la poitrine. La grecque n'était qu'une ombre filante sur laquelle nul n'avait plus d'emprise. Elle s'employait à glisser entre leurs doigts, leur échapper, les fuir encore et encore pour ne pas avoir à leur imposer ce froid terrible qui s'engouffre comme un poison dans les poumons. Ses yeux semblaient figés à jamais dans une sorte de marbre incassable, et elle n'écoutait plus. La lionne meurtrie qui s'était laissée apprivoiser un jour avait retrouvé son état sauvage. Il n'était plus question de côtoyer l'humain qui n'amenait que souffrance et désillusion. Plus question de ressentir un mal si grand qu'il vous lacérait l'âme de mille plaies qui ne cicatrisaient jamais. Son cœur était tapissé d'hématomes, d'entailles si profondes... Les mots autant tranchants pouvaient-ils être de Nolan semblaient si doux à côté.

La perspective d'être détestée de tous n'était pas une mauvaise nouvelle en plus. La brune détacha un fragment de secondes son regard du bitume qui se déroulait avec allure devant eux pour étudier le ciel qui s'assombrissait silencieusement pour le moment. La température était lourde, elle lui rappelait ces journées chaudes d'été en Europe. Les nuages noirs et gonflés à bloc s'épousaient avec une patience providentielle, dévorant gloutonnement l'azur. La grecque fit glisser sa paume contre le volant pour venir enclencher le mécanisme activant les phares, ignorant encore le trouble qu'elle avait causé chez son voisin. Ce sursaut de colère, de déception et de douleur qui se soulevait dans l'esprit courroucé du jeune homme. Celui-là même qu'elle avait délibérément provoqué. Elle rompit d'ailleurs la placidité impeccable de son visage en courbant un sourcil interrogateur lorsqu'il lui suggéra un dernier conseil. Autant se montrer un tant soit peu réceptive si cela pouvait lui offrir la paix tant convoitée par la suite. Autant lui offrir un ersatz de ce qu'il souhaitait.

Comme elle s'en était doutée lorsqu'elle avait choisi de mêler Ruth à cette histoire, elle l'avait piqué exactement là où il fallait. Les mots aussi insignifiants pouvaient-il paraître étaient des armes redoutables lorsqu'on savait les manier. Cette fois, Elena avait appuyé là où ça faisait mal. Elle avait sciemment bafoué les règles tacites qui régissaient leur relation, profanant la confiance instinctive établie entre eux au motif évident de briser la détermination de Nolan. Et il semblait qu'elle soit parvenue à ses fins, au détriment des sentiments inexplicables, puissants, et parfaitement platoniques qu'elle avait immédiatement ressenti pour le brun. En quelques minutes elle venait d'altérer cette complicité vouée aux plus grands desseins parce que c'était mieux pour lui, tentait-elle de se persuader. Elle n'avait pas besoin de croiser son regard probablement débordant d'amertume pour le comprendre. Ainsi, elle ne réagit pas plus face aux fades menaces qu'il énonça. Peu de risque qu'elle prononce de nouveau le prénom de sa blonde, puisqu'elle comptait bien sur lui pour ne plus chercher à dialoguer avec elle désormais.

Quand le moteur cessa de grogner, ce fut au tour d'un grondement nettement plus rauque et plus noble de perturber le tête à tête charmant des deux survivants. L'orage arrivait. Un regard intuitif vers le ciel sombre, et elle consentit finalement à le poser sur Nolan qui riait à présent sans cacher son dégoût. Encore une fois, Elena sut qu'elle lui avait fait du mal. Qu'elle l'avait fait volontairement en plus. Elle regrettait d'en être arrivée à pareilles méthodes pour parvenir à ses fins. Elle aurait tout le temps de se blâmer pour son attitude plus tard, lorsqu'elle aurait retrouver la quiétude de sa solitude. Elle pourrait sans doute ressasser cette conversation, songer à la blessure qu'elle lui avait infligé. Pour le moment, aucune place au doute, elle ne changerait pas sa position. Elle lui offrit un regard apathique pour toute consolation. Qu'y avait-il à répondre de toute manière ? Rien.

Elle soupira brièvement quand il émit l'idée de se séparer. Non pas que l'idée de mettre un terme à leur « cohabitation » lui déplaisait, mais en dépit du climat tendu qui régnait entre eux, elle se refusait à prendre des décisions hâtives qui pourraient avoir de réelles conséquences.

« Prend Khan dans ce cas. » trancha la brune sans attendre de protestation en retour. Elle plongea sa main dans la poche latérale de son sac pour trouver la liste qu'elle tendit à Nolan.

« Notre installation nécessite quelques aménagements au ranch. » expliqua formellement la jeune femme en laissant son camarade prendre connaissance des éléments inscrits sur la feuille. « Il nous faudrait du matériel pour bricoler un peu. » Des outils, pas forcément spécifiques mais de quoi se composer une boite à outils pour réparer quelques armoires abîmées, des sommiers démontés, et puis pour installer de nouveaux pièges. « Lorsqu'on s'est installé ici, on avait aménagé quelques avants-postes. Des lieux plus ou moins stratégiques dans lesquels on aurait pu se retrouver en cas de pépin, dans lesquels on avait planqué des vivres et d'autres bricoles. » expliqua la brune en remettant son sac sur son dos. Ces « planques » elles avaient bien sûr été fouillées juste après la chute de l'incendie, avant qu'ils ne s'engagent sur les routes de Renton. Les vivres avaient été raflés, mais les outils y avaient été laissés. Nolan avait bonne mémoire, il devait s'en souvenir, d'ailleurs elle ne s'étonnerait pas s'il avait mémorisé les emplacements. La brune jeta brièvement un coup d'œil sur la liste, réfléchissant aux endroits où elle pourrait chercher les éléments "bonus". Ce que certains membres du groupe demandaient. Elle adopta une moue dubitative, alors qu'elle attendait patiemment que le brun ait terminé sa copie.
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Re: Summertime sadness

Dim 24 Sep 2017 - 18:55

Summertime sadness
Washington – Tacoma | Issaquah Ranch
27 Juin 2017

Elena avait beau essayer de se soustraire ingénument de cette houleuse discussion en fixant la route de son regard débordant de conviction, tout effort pour y parvenir serait vain. Ignorer froidement ses quelques mots inquiets ou encore se montrer insensibles face à ses critiques n'y changerait rien. Nolan n'était pas dupe. Personne ne pouvait être aussi imperméable qu'elle prétendait l'être. Aucun survivant ne pouvait rester de marbre suite aux allégations qu'il proférait haut et fort. Et si rien ne semblait l'atteindre aujourd'hui, demain serait un nouveau combat pour elle. En agissant de la sorte, elle ne s'épargnait aucun chagrin. Elle repoussait simplement le conflit au lendemain. Et plus elle s’évertuera à refouler les mots cassants du brun et plus ces derniers gratteront la surface de sa carapace d'acier pour s'y infiltrer.

Quelque chose clochait pourtant, dans sa manière de procéder. A quoi s'était-elle réellement attendue en l'autorisant à l'accompagner lors de cette sortie ? Qu'il garde sa langue dans sa poche ? Elena le connaissait mieux que ça... C'était comme si la brune avait voulu que cette conversation tombe, sans pour autant l'accueillir de la meilleure façon qui soit. Voyant bien qu'il ne tirerait rien de plus de la Grecque, si ce n'était qu'un jeu de sourcils habiles dont il ne comprenait même plus la signification, Nolan se mura à son tour dans un silence tourmenté. A quoi bon s'épuiser, comme elle lui avait fait remarquer un peu plus tôt, cela ne servirait à rien d'insister. Au bout du compte elle avait entièrement raison, Nolan était le seul nigaud à se torturer l'esprit avec cette histoire de culpabilité. Ce n'était d'ailleurs pas la première fois qu'il prenait les choses bien trop à cœur la concernant.

Une fois le véhicule à l'arrêt et après les dernières répliques renfrognées de Nolan, le calme reprit peu à peu possession des lieux. Seul le ciel grondant rythmait à présent leur vague échange étrangement cordial. Prendre Khan avec lui pour ne pas y aller seul ? Il n'était pas celui en manque d'affection. « Hm ? Il ne m'écoutera pas... » dit-il distraitement tout en lisant en diagonale les objets listés sur le carnet qu'Elena venait à peine de lui confier. Nolan était assez grand pour se débrouiller tout seul. Il n'avait nul besoin de Khan pour ça. D'autant plus qu'il n'était pas certain que le canidé soit très friand de sa présence. « C'est toi qui a décidé de l'emmener, c'est ta responsabilité. » poursuivit-il d'une voix tout aussi traînante, l'esprit absorbé comme jamais par la liste de fournitures. A présent précairement installé sur le capot, il démarra d'un soupire la reproduction de leur objectif d’excursion. « Les planques, ok. » Bien qu'il n'avait arpenté les rues de ce camp que durant un malheureux mois, il visualisait sans mal de quoi elle voulait parler. « Je vais prendre les habitations du côté Est. » signifia-t-il d'un ton sans appel en lui retournant le carnet. Sachant pertinemment que la résidence de Blake se trouvait du côté Est. Ainsi espérait-il peut-être lui éviter le mal de croiser les décombres de leur ancien logis. « On reste en visuel. Tu as ta lampe torche ? » d'un léger geste, il activa deux fois de suite la lampe pour lui rappeler le code qu'ils s'étaient instaurés un mois plus tôt. « Fais attention à toi. » dernières paroles prononcées bien faiblement avant qu'il ne parte de son côté, seul, comme prévu.


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Summertime sadness
Nolan's box-room | Issaquah Ranch
30 Juin 2017

Trois jours, qu'ils étaient revenus de leurs expéditions. Trois jours, qu'ils ne s'étaient plus réellement adressés la parole. Trois jours, que Nolan continuaient de broyer du noir vis à vis de Ruth. En voulait-il réellement à Elena pour avoir usé de cette fourberie dans le but de lui clouer le bec ? Pas vraiment... Nolan ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même. D'une part, pour avoir accordé aussi aisément sa confiance et d'autre part, pour avoir abandonné Ruth de son propre chef. Au final, bien qu'il avait été difficile de l'admettre, Elena avait eu raison sur toute la ligne. Elle aurait juste pu souligner ce fait d'une manière bien plus délicate. Nolan méritait, plus de délicatesse de sa part. Surtout après ce qu'il avait fait pour la Grecque. Allongé sur son flan droit, la couette de son lit retroussée jusque sous son menton et une mine parfaitement contrariée, Nolan tournait les pages de son polar. Une vaine tentative de distraction pour s'occuper l'esprit. Éclairé par la faible lueur d'une unique bougie, lire les petites lignes noires de ce livre l'épuisait de minute en minute. Fort heureusement, il avait aujourd'hui trouvé une paire de lunette qui convenait plus ou moins à sa vision altérée. De quoi soulager un tant soit peu ses migraines récurrentes.

« C'est pour quoi ? » grogna-t-il dans sa barbe alors qu'une personne venait volontairement briser son petit havre de paix dans lequel il s'évertuait de subsister à l'abri des brimades de ses compères. Se tournant rapidement sur le dos pour pouvoir observer la personne en question, il ne tarda pas à retourner dans sa position initiale qui le mettait ainsi dos à la porte, dos à Elena. Elle, qui avait subi la veille une altercation avec une autre survivante. Son visage portant encore à ce jour les stigmates de cet affrontement musclé. Et ce, malgré les réticences de Nolan à la voir partir en solitaire lors de ses missions. Mais encore une fois, les preuves étaient là : elle n'en avait rien à foutre de ses conseils. Elle ne l'écoutait jamais, alors pourquoi lui devrait-il se donner ce mal ? Le nez dans son livre, il ajouta sur la même nonchalance : « Je recommence à lire dans deux minutes. Je t'accorde autant de temps. » Qu'elle comprenne un peu ce que lui avait pu ressentir quelques jours plus tôt. A la différence que le brun ne la ménagerait pas le moins du monde.
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Re: Summertime sadness

Ven 29 Sep 2017 - 14:06

Le refus justement argumenté que lui renvoya sans détour le brun la crispa légèrement, lui arrachant un imperceptible tressaillement facial. Pour autant, elle ne lui répondit rien, trop pressée de mettre un terme à cette entrevue qui ne s'était que trop étirée à son goût, et qui menaçait la forteresse craquelée qu'elle s'efforçait de maintenir en rempart aux assauts violents de son (ex ?) ami.

« Comme tu voudras... » souffla-t-elle dans un murmure résigné, sifflant l'instant d'après le malinois.

Mécaniquement, elle reproduit le signal lumineux à l'aide de sa lampe avant de disparaître de son côté, en se faisant violence pour chasser les regrets qui la tiraillaient déjà. Il n'avait pas mérité sa hargne. Il n'avait pas mérité qu'elle lui ferme la porte comme s'il n'était qu'un vulgaire étranger. Il n'avait pas plus mérité qu'elle arbore avec lui ce masque froid et insensible. Non, il ne méritait pas sa faiblesse.


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Le noir infini. Le confort d'un néant sans obstacles. Ce vaste univers abstrait qui vous tend ses bras capitonnés quand le corps est vidé de toute énergie. Elena était incroyablement légère, libérée du poids d'une culpabilité qui paraissait n'avoir jamais existé, libérée des tracas quotidiens, des obligations qui la liaient à un groupe ruiné moralement, défaite du joug d'un destin cruel qui s'amusait vicieusement avec son existence. Là, elle était l'oiseau libre qu'elle avait toujours souhaité être. Flottant dans un espace subconscient, il n'y avait pas l'ombre d'une pensée pour troubler cette quiétude immaculée. Seulement un immense manteau de jais pour noyer la réalité, la tenir à bonne distance mentale de ce fatras de souffrances et d'incompréhensions.

Et puis, sournoisement, un soubresaut de conscience dissipa son exquise léthargie.  

L'air était soudain plus lourd, brûlant lorsqu'il pénétrait ses poumons. La pièce semblait inondée d'une fulgurance flamboyante et les rais dorés perçant les voilages vinrent alors incendier le visage endormi de la grecque. Sous un froncement de sourcils ses paupières se soulevèrent difficilement, la clarté lui frappant la rétine instantanément. Ses yeux rougis se plissèrent dans un réflexe qui relevait de la survie. La cécité était de l'autre côté de ses pans de cils, à n'en pas douter. Ses draps humides harponnaient sa peau bouillante, lui collaient au corps comme un résidu poisseux. Le regard toujours abrité consentit après de longues minutes à confronter le jour, captant immédiatement la bouteille d'eau précautionneusement déposée sur la table de chevet le matin même. Comme on prévoit la boîte d'aspirines en prévision d'un lendemain d'une soirée arrosée.

La bouche sèche réclamait désespérément une gorgée salvatrice, alors que l'esprit conscient de toute la difficulté d'une manœuvre physique, tentait de se convaincre qu'une déshydratation n'était pas si terrible. Le liquide était pourtant là. Juste là. Les iris enflammés pouvaient même lire les minuscules indications inscrites sur l'étiquette. L'effort était minime en apparence, mais l'esquisse même d'un mouvement la décourageait avant même de s'y risquer. Jugeant alors plus sage dans un premier temps de ne rien tenter, Elena s'aventura plutôt à une étude appliquée de son environnement, maintenant que ses yeux semblaient s'être habitués au rayonnement dans lequel baignait sa chambre. Pour en souffrir sérieusement, le soleil devait s'épanouir, glorieux qu'il était toujours entre midi et quinze heures. Un rapide calcul décanta ses songes languissantes lui permettant d'estimer le temps de sommeil qu'elle s'était octroyée. Au dehors, le vrombissement lointain d'une vie qui s'agitait, quelques voix qui se démarquaient du lot parfois.

Des voix qui rappelaient à la brune qu'elles étaient son quotidien, sa chance et son fardeau. Une pensée l'amena alors à cogiter de nouveau sur sa dernière altercation avec celui qui, en dépit de tous ses efforts pour l'éloigner, était une véritable obsession. Nolan ressemblait à une hydre. Que l'on s'acharne à lui trancher la tête, deux autres surgiraient insolemment, et si Elena regrettait la déloyauté dont elle avait usé à travers ses propos contre lui, elle réprouvait davantage la ténacité dont il était pétri. Mais n'était-ce pas cet entêtement pareil au sien qui l'avait charmé de prime abord ? Un sourire ironique creusa ses joues, ravivant alors une douleur diffuse contre sa joue droite. Machinalement, la jeune femme vint à la rencontre de sa mâchoire, l'effleurant du bout des doigts, en même temps que son esprit frôlait les souvenirs de sa rencontre musclée avec Roza. Là aussi, un pli s'imprima sur son visage marbré.

Comme avec la russe, la confrontation avec son ami était inévitable. Elle était nécessaire. Trois jours s'étaient égrenés depuis leur dernier échange, et les deux avaient eu du temps, suffisamment pour au moins y penser. Elena y avait pensé. Beaucoup. Comme pour s'insuffler du courage, elle inspira profondément l'air chauffé par l'enfermement, et entre deux bruits de gorge semblables à des marmonnements, la jeune femme s'était enfin redressée au prix d'un effort titanesque. L'impression d'être oppressée sous cette chaleur de plomb n'aidait pas. La pièce ressemblait à un vivarium adapté pour une espèce écailleuse friande d'une vie aride au milieu d'une terre stérile et rude. La grecque n'avait pourtant rien d'un reptile ou d'un charognard ; elle était née louve solitaire parmi les aigles. Sans doute eut-elle voulu se le rappeler quand son corps s'activait pour retrouver le monde extérieur. Elle ne lutta pas. Docile, trop faible aussi pour laisser sa fierté et sa conscience entrer dans un énième conflit intérieur, elle avait ramassé ses vêtements, la bouteille d'eau qui l'attendait depuis une demi heure déjà, et un miracle l'emmena jusque dans la salle d'eau voisine de sa chambre.

Une dizaine de minutes s'étaient écoulées quand la grecque, rafraîchie, retrouva le couloir du deuxième étage déserté. Tant mieux pensa-t-elle. Elle n'aurait pas à subir le regard pesant d'interrogations de ses camarades lorsqu'ils découvriraient son visage contusionné. Elle n'aurait pas à se livrer dans des explications superflues, si tant est qu'elle décidait de ne pas les ignorer tout simplement. Après tout, pourquoi leur devrait-elle une justification ? Il n'y avait bien que Carmen pour prétendre y avoir un droit tout légitime compte tenu de son rôle dans le camp. Et peut-être aussi celui qui n'avait eu de cesse de démontrer son inquiétude à son égard, qui lui avait déjà vigoureusement déconseillé de sortir seule, et vers lequel, naturellement, elle se dirigeait d'un pas traînant. Si elle avait eu le loisir de ressasser leur discussion passée, elle n'avait pas pris la peine de préparer quoique ce soit. Les mots viendraient, trouveraient leur chemin dans le dédale sinueux de son esprit ravagé.

Elena souleva le bras pour avertir le locataire de sa présence avant de se raviser, réalisant qu'il serait peu judicieux d'infliger davantage de meurtrissure à ses phalanges blessées. La main gauche ferait l'affaire. Trois petits coups conventionnels pour obtenir la faveur d'un grognement. Prenant l'attitude bougonne pour ce qu'elle était -normale- la brune s'invita dans la chambre de Nolan. Les politesses d'usage oubliées depuis longtemps furent une nouvelle fois négligées, et la grecque se retrouva droite face à une silhouette qui ne daignait même pas quitter sa position initiale. Deux minutes lui étaient accordées. L'ombre d'un sourire se profila sur le coin bleuté de ses lèvres.

« Les excuses dans mon état n'auront pas grand crédit à tes yeux, j'en ai conscience. Aussi, je préfère t'épargner un phrasé médiocre que je ne saurais même pas maîtriser. »

Les excuses n'étaient pas le fort de l'impérieuse grecque, tout serait bien plus simple sinon. Des excuses distinguées pour balayer d'un gant de soie un désaccord avec toute la noblesse d'âme des plus grands. Mettre de côté sa dignité pour réparer celle souillée. C'était suffisant bien sûr la plupart du temps, mais dans le cas plus pointilleux des deux amis, il faudrait davantage que de triviales formules pour réparer les torts. Elena avait encore toute sa lucidité pour le savoir.

« Croire que je pouvais te décourager en me couvrant de déshonneur et de perfidie c'était mal te connaître. » poursuivit-elle, risquant quelques pas dans la pièce. « C'est d'autant plus dur de réaliser que tu es toujours la personne à qui j'ai accordé ma confiance quand moi je... Je n'en offre plus qu'une vague apparence. »

Là près du lit que l'homme n'avait pas quitté, Elena se positionna, toujours debout, ses iris cherchant à accrocher les siens.

« Je ne peux sans doute pas imaginer l'envergure de ta déception à mon égard. Je ne peux pas te dire que nous retrouverons la complicité qui nous a uni à Tacoma. » Ce n'était pas de son seul ressort malheureusement. Ses yeux se firent alors plus sûrs, une étincelle jusqu'à lors éteinte se ranima, quand elle affirma, déterminée : « Mais je peux te dire que je vais me reprendre. Sans doute pas demain, peut-être pas dans un mois, ni dans deux, mais je vais me reprendre Nolan. Aussi sûrement que le soleil se lèvera de nouveau demain, je trouverai la force de me redresser. »

Sa volonté si elle avait été ébranlée ne fléchirait jamais. Parce qu'il y avait cette fureur de vaincre, cette envie de sa battre pour ceux qui restaient, et si pour l'instant ses fantômes n'avaient pas fini de l'obséder, une certitude ancrée au plus profond de sa chair lui soufflait que rien n'était terminé. Pas encore.
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