J O Ͱ ... Ses vêtements rembrayés, John regarda les lettres dorées laissées dans la couche neigeuse avant de s’éloigner de quelques pas, songeant un instant que c’était dommage de n’avoir pas pu finir à tracer son prénom. Le brun prit une profonde inspiration avant de plonger les mains dans l’eau cristallisé et de les frotter, plus par acquis de conscience que par une réelle nécessité de les nettoyer. Lâchant un juron à voix basse, il essuya rapidement ses mains, rougies par le froid, sur les poches arrières de son pantalon et les fourra rapidement dans son épais manteau noir. Capuche sur la tête afin de couvrir ses oreilles, tête fourrée entre ses épaules, le militaire s’était aventuré dans les sous-bois entourant leur nouveau camp, seul comme souvent. Il n’avait rien dit à personne et n’avait demandé aucune aide. De toute façon, il n’en avait pas besoin pour faire ce qu’il était venu faire. Mais non pas se soulager voyons ! Callaghan était là pour faire un tour du périmètre. Bien que certains aient déjà pris le premier tour de garde et surveillaient les environs, l’ingénieur de combat voulait voir de ses propres yeux le travail qui les attendrait, au moins lui et Samuel, dans les jours à venir. Si la palissade entourant le quartier privé était endommagée à certains endroits, il préférait le savoir tout de suite plutôt que de se retrouver dans la même situation qu’au chalet quelques jours avant leur départ.

Progressant sans trop de difficultés, ses bottes remuant la neige à mesure qu’il avançait, John s’arrêta un instant en entendant un craquement. Par automatisme, sa main se porta immédiatement au manche de son couteau qu’il avait gardé à la ceinture. Le combat engineer scruta les environs. Un autre craquement et un petit tas de neige tomba d’un branchage, s’écrasant au sol dans un nuage blanc. Ce n’était rien finalement. Choisissant un endroit complètement au hasard, Callaghan s’approcha de la palissade et appuya dessus, faiblement dans un premier temps puis un peu plus fort. Aucun jeu, elle semblait bien fixée au sol. Restait plus qu’à espérer que ça soit toujours le cas une fois la neige fondue et la terre devenue beaucoup plus meuble. Soufflant un bon coup comme si expulser l’air froid de ses poumons pouvait le réchauffer, John reprit son petit tour et répéta l’opération à divers intervalles. Vu le temps qu’il lui faudrait pour s’installer, il n’avait pas vraiment besoin de se hâter. John n’avait emporté qu’un sac, le paquetage qu’il l’avait suivi depuis le début de l’épidémie, et ses armes. Ça serait vite réglé. Le brun n’était même pas sûr de prendre un tiroir. Ses vêtements pouvaient bien rester dans son sac, ce ne serait pas très gênant. Et puis, il n’était de toute façon pas très pressé de retourner s’installer. Étant donné qui il se coltinait, c’était compréhensible. Se retrouver dans la même chambre que Jefferson, passe encore. Mais avec l’autre abruti de David... Le sergent de première classe se demanda pendant une seconde combien de temps il lui faudrait avant de devoir le démolir une seconde fois. Pas très longtemps, certainement. Restait plus qu’à savoir où il allait bien pouvoir crécher avant de commettre un meurtre. Il soupira, un énième nuage de vapeur s'échappant de ses lèvres. Baaaah... Au pire, il pourrait s’aménager un coin dans l’une des maisons qui n’était pas en état.

Lentement mais sûrement, ses pas le ramenèrent vers les maisons.

Les quelques mots d'Alan poussèrent Blake à inspirer un grand coup. En guise de réponse, elle lui offrit un simple hochement de tête entendu. Elle en prenait bien note même si elle n'était pas certaine de les solliciter un jour. Ses problèmes, la blonde préférait les garder pour elle. Le groupe était déjà spectateur de l'échec qu'était son mariage, c'était largement suffisant. Cependant, elle était convaincue qu'Alan et Christina étaient des gens bien et quelque part, elle souhaitait vraiment se rapprocher d'eux. Se reconstruire un entourage solide comme elle avait autrefois. Eux aussi avait perdu un enfant après tout. Ils seraient les plus disposés à comprendre certains de ses états d'âme. Mais Blake n'était pas prête. Pas encore.

Tout comme elle n'était pas encore prête à se mêler au groupe. Après qu'Alan soit parti, Blake s'était remise en marche, les mains au fond des poches de sa veste en cuir. Sans même prendre la peine de se retourner, elle avait appelé Khan qui, à contre cœur, avait abandonné le tas de neige dans lequel il se roulait depuis plusieurs minutes. L'heure de rentrer à la maison avait sonné. Sa maison. Arrêtée devant la bâtisse, le nez relevée pour observer la façade, Blake eut bien du mal à réaliser qu'il s'agissait de son nouveau chez elle. Lentement, elle grimpa les marches et sortit la clé qu'elle avait récupéré après le nettoyage. Assis à côté d'elle, Khan l'observait faire avec la même impatience dont il faisait preuve avant que la fin du monde commence. A peine eut elle ouvert la porte que la malinois s'engouffra dans l'entrée et alla directement faire le tour du salon.

Sans même prendre la peine de s'attarder sur les pièces, Blake sortit la maglite qu'elle avait à la ceinture. Une fois à l'étage, elle ouvrit une première porte. La salle de bain. Ce n'était pas l'endroit où elle voulait se rendre pour le moment mais sa mémoire lui faisait défaut. Avec toutes les maisons qu'elle avait visité aujourd'hui, elle était incapable de se souvenir exactement quelle porte donnait accès à ce qui serait désormais sa chambre. A sa seconde tentative, elle visa juste. La pièce spacieuse était plongée dans le noir malgré les nombreuses fenêtres dont elle disposaient. En quelques pas, la blonde alla poser son imposant sac à dos contre le rebord du lit puis, elle se chargea d'allumer un feu dans la cheminée. En plus de la réchauffer, les flammes lui permettraient d'y voir un peu plus clair. Et encore accroupie à côté des petites flammes qui commençaient à grignoter le bois, elle eut un sourire en voyant sa bête venir s'allonger directement devant, en quête de chaleur. Une caresse plus tard, Blake se redressait pour récupérer quelques affaires dans son sac et se diriger vers la salle de bain.

Sa toilette fut rapide. De toute façon, il n'y avait ni électricité, ni eau courante donc aucun espoir d'avoir le privilège de prendre une douche chaude. Cela pourrait attendre le lendemain, elle n'était plus à une soirée près. Une fois de retour dans la chambre, Blake s'installa sur son lit et amena son sac contre elle. Les premiers vêtements furent balancés sur le sol sans ménagement. Ce qui l'intéressait se trouvait au fond. Lorsque du bout des doigts elle caressa le cuir de son ancien portefeuille, la militaire s'arrêta net. Devait-elle réellement le faire ? Sa tête lui disait que non mais...son cœur lui, en avait besoin. D'un mouvement rapide, elle le récupéra en même temps que la peluche qui était à côté et ce fut une fois allongée que la blonde prit le temps d'ouvrir la pochette et d'en extraire les photos. Depuis qu'elle avait pris Elie dans les bras, les souvenirs de CC ne cessaient de lui occuper l'esprit. Ici, elle aurait pu mettre sa fille à l'abri. Elle aurait eu une vraie chambre. Blake aurait pu l'éloigner des rôdeurs. Elle aurait pu se débrouiller pour que sa fille vive comme si rien de tout cela n'existait à l'extérieur. Si seulement elle avait fait attention, ce jour-là, en fouillant la maison. Si seulement elle ne l'avait pas laissé ouvrir ce placard. Avec délicatesse, elle déposa les photos sur la place vide du lit et s'installa sur le flanc. Ses doigts agrippèrent l'oreiller libre qu'elle vint plaquer contre son visage. Les bras enroulés autour des deux oreillers qui encadraient sa tête, Blake se recroquevilla et laissa aller ses larmes. Aucun endroit sur terre ne serait un nouveau départ pour elle.