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Help me save myself from me

Lun 5 Déc 2016 - 20:14

5 décembre 2016



L’hiver arrivait. Selene avait beau s’être équipée d’un pull, de son manteau simili cuir en intérieur laine et d’une épaisse écharpe, le froid venait quand même cisailler sa peau d’opale. Chacune de ses expirations exhalaient une volute de fumée blanchâtre qui tourbillonnait jusqu’à disparaître. Au moins, la prison était toujours sûre : encerclé par les hautes grilles, le groupe n’avait pas eu à fuir ou à craindre les rôdeurs égarés qui passaient dans le secteur. Tout n’était pas parfait, la section voisine n’avait toujours pas été explorée, mais ça viendrait. Elle était confiante sur l’avenir de cet endroit, bien qu'ils manquaient encore de trop de choses. Médicaments, essence, munitions… certes, ils avaient le plus important : de quoi manger à leur faim et boire raisonnablement, mais ça ne suffirait pas. Ainsi, ils étaient vulnérables, fragiles, mais… dans quel ordre se reconstruire ?

Ce matin là, elle s’était autorisée à dormir plus tard que les autres. Abigail était partie en ravitaillement avec Hernando et Mike, tandis que Gabriel assurait son tour de sécurité avec Duncan. La musicienne était sortie seule de leur bâtiment de résidence, alla lentement d’un de leurs grands bidons d’eau à l’autre pour en inspecter l’état. Ils les avaient installés là pour recueillir l’eau de pluie, le temps de voir si le château était exploitable ; mais depuis que les températures avaient encore chuté, l’étudiante craignait qu’elle ne gèle. Tiens, ils ne pourraient pas mettre du sel dedans pour endiguer le phénomène ? … elle ne savait pas, elle demanderait à William.

Suivant brièvement des yeux son petit-ami qui faisait sa ronde, Selene traversa finalement la cour en friche pour entrer dans l’une des anciennes bâtisses réservées aux détenues. Le « H » du milieu et ses box aux lits simples, sans aucune intimité. Au moins, il n’y avait pas de barreaux. Souvent, quand elle ne savait pas comment commencer sa journée, elle revenait fouiller ici. Peut-être avaient-ils oublié quelque chose ? Peut-être avaient-ils besoin de quelque chose qui ne les avait pas intéressés auparavant ? La jeune femme ne savait pas trop ce qu’elle cherchait quand elle retournait les matelas pour la énième fois, mais c’était presque devenu un rituel.

Sans doute aussi faisait-elle ça pour s’isoler ? Depuis ce qui s’était passé sur la route, elle se sentait mal à l’aise avec les autres ; encore plus, du moins. Et puis il y avait eu d’autres absences, comme celle du jour où elle avait revu Axel. Est-ce qu’elle était folle ? La pianiste refusait d’y croire, mais ne savait pas quoi en penser. Chaque fois qu’elle essayait, ses réflexions finissaient par se distordre et créer des nœuds inextricables. Une chose était sûre : loin de ses compagnes, elle n’était pas un danger. De toute façon, elle y songeait depuis un moment ; depuis la discussion initiée par Breann au phare : peut-être était-il temps qu’elle passe le relais…

Inspection finie. Résultat des courses ? Elle avait déniché un sachet de poudre blanche, astucieusement glissé dans la doublure d’un drap, mais rien de plus. Est-ce la drogue avait toujours de la valeur désormais ? Certainement que non… les dépendants devaient être morts depuis longtemps. Balançant négligemment sa trouvaille, Selene ôta manteau et écharpe pour s’allonger sur le lit qu’elle venait d’inspecter. Sur le dos, une jambe tendue, l’autre pliée, une main posée sur son front, sa chevelure en auréole.

Est-ce qu’elle était malade ? Si elle ne l’était pas encore, c’était cette question qui allait la rendre folle. Pourtant, elle n’avait pas la sensation d’aller mal. Pas vraiment. Ses petits épisodes de confusion devaient être dus au surmenage, à la fatigue et au traumatisme de vivre chaque jour dans un monde dominé par les cadavres. Ouai, c’était ça…. Un bruit la tira soudainement de son auto-consultation, mais elle ne fit pas un geste pour révéler sa présence. Ça devait être Gabriel qui la cherchait, mais pour l’instant, elle voulait être seule.
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Re: Help me save myself from me

Lun 12 Déc 2016 - 18:27

L'ambulancier avait traîné une partie de l'avant-midi dans ses quartiers. Il mourrait d'envie d'explorer le reste de la prison, surtout dans l'espoir d'y trouver une bibliothèque. Il n'était pas rare que les détenus soient bien équipés cotés livres, s'était une technique de réinsertion sociale plutôt efficace puisqu'elle permettait aux incarcérés de sortir avec une nouvelle scolarisation, mais aussi avec une regard nouveau sur le monde. Ce n'était pas une méthode parfaite, mais dans plusieurs cas, il semblait que ça faisait ses preuves. Malheureusement, la bibliothèque, s'il y en avait une et qu'elle était toujours en état, devait se trouver dans une partie de la prison qui n'avait pas été nettoyée, et bien que l'idée hantât un peu William, la raison était suffisante pour le retenir d'aller se suicider dans des quartiers où la population de rôdeurs pourraient le surprendre.

Au lieu de ça, lorsqu'il sortait de son lit, il avait entrepris de ramasser plusieurs matériaux pour fabriquer des cibles d'entraînement qui lui permettrait, à lui et à qui le voudrait, à s’entraîner au tir. Le but premier serait de s’entraîner à l'arbalète, mais il chérissait secrètement le rêve de ramasser un arc et de passer ses journées à s'y pratiquer. Il serait surement totalement nul au début, mais bon, certaines journées pouvaient être longue depuis que la télévision, les jeux vidéos et Facebook n'existaient plus.

Aujourd'hui par contre, quelque chose le tracassait. Il avait eu ses doutes au début, sur l'état de Selene. Visiblement, elle était troublée par des éléments de son passé, et même si le tout n'était pas surprenant, son état se répercutait sur ses actions, sur des états d'absence et pire, sur des visions. Du moins, c'était ce qu'avait avancé Hernando lorsqu'il était venu le voir. Il lui avait soumis ses inquiétudes sur la musicienne, elle lui avait paru étrange et semblait discuter avec des apparitions. Il n'y avait pas lieu à sauter aux conclusions tout de suite, le cerveau étant une créature plutôt difficile à comprendre, la jeune femme était peut-être seulement en état de choc, ou peut-être cachait-elle d'autres symptômes plus importants.

Enfilant son manteau, puis sortant à l'extérieur, Will put apercevoir la chef qui entrait dans le bâtiment en "H". Main dans les poches, il la traversa la cour dans l'espoir de la rejoindre. Les autres étant partis ou occupés à d'autres tâches, le bâtiment séparé de la partie qui les hébergeait permettrait aux deux adultes d'avoir une discussion en toute intimité. Poussant la porte et n'ayant pas pris la peine de mettre des gants, il réchauffa ses mains à l'aide de son haleine puis s'avança dans le couloir à la recherche de la jeune femme. Traversant le bâtiment, il inspectait du regard chacun des box jusqu'à ce qu'il aperçoive la pianiste étendue sur un lit. Il n'osait pas pour l'instant troubler la paix et cherchait plutôt une façon d'engager une simple conversation. Entrant dans la petite pièce, s'appuya contre le mur près de l'entrée.

- Comment tu trouves ça ici ? Ça fait du bien d'être au chaud et en sécurité, je dois dire.

Il prit un ton de voix calme, évitant de se jeter sur la musicienne comme sur un morceau de viande. Si l'ambulancier était trop violent dans sa façon de faire, elle s'enfermerait sur elle-même, il le savait bien. Il avait gagné sa confiance auparavant, mais il n'était pas aussi proche d'elle que pouvait être Gabriel ou Abigail, il le savait. Et il n'avait nullement envie de les confronter eux sur la condition de l'étudiante. Ça ne la concernait qu'elle.

- Je peux m'asseoir ou tu préfères être seule ? Il désignait une chaise à portée, installé sous un petit bureau qui devait servir d'espace pour lire, écrire ou se divertir.
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Re: Help me save myself from me

Mar 13 Déc 2016 - 18:41

En entendant les pas approcher, elle avait fermé ses yeux bleus, espérant sans doute qu’on la croit endormie. Ce n’était pas Gabriel : depuis le temps, elle savait reconnaître sa démarche à l’oreille. Selene essayait de sombrer ; dans un rêve, dans sa propre tête, dans ce matelas inconfortable. Mais la réalité resta campée autour d’elle avec une fermeté cruelle et bientôt, une présence introduisit le box. La musicienne attendit quelques instants avant d’ouvrir les paupières. En fait, elle attendit qu’il parle, même si elle avait déjà deviné de qui il s’agissait.

Elle ne répondit pas tout de suite, le dévisageant avec son air d’enfant à demi-sauvage, celui d’une jeune femme qu’il était désormais nécessaire d’apprivoiser pour approcher. C’était William. Monsieur le « réparateur des âmes » comme elle le surnommait parfois mentalement ; et malgré ses efforts pour paraître détaché, elle se doutait qu’il ne venait pas simplement lui parler du quotidien à la prison. Elle le connaissait un peu maintenant, on cernait rapidement les gens quand on passait de longues journées à survivre ensemble. La pianiste fut tenter d’honnêtement lui dire qu’elle s’attendait à ne pas être dérangée, mais une part d’elle-même devait attendre qu’il vienne la voir, parce qu’elle autorisa :

- Installe-toi, vas-y.

Sur ces mots, elle se redressa elle aussi, s’asseyant en tailleur sur le lit, le dos contre le muret délavé qui la séparait du box voisin. Le sourire faible et poli qui se dessina sur ses lèvres pâles ne parvint pas à égayer son visage décoloré par la fatigue et l’angoisse latente. Ses cheveux l’enveloppait, indisciplinés et mal coiffés, ajoutant à l’air maladif de sa silhouette frêle. Songeant enfin à ne pas laisser en plan la question de son aîné, elle lui dit tandis qu’il s’installait :

- On est pas mal, oui. Je regrette l’eau courante et la vue sur la mer, mais… on a les grillages ici. La sécurité avant tout.

Cette dernière phrase, Selene l’avait prononcée comme un slogan, un peu déprimé. Comme elle l’était ? Peut-être. Au fond, elle n’avait jamais été taillée pour diriger un groupe, elle le savait. Les résultats avaient beau être là pour lui prouver qu’elle savait s’y prendre, l’ombre de la saison passée la poursuivait encore. Ça, la discussion qu’elle avait eu avec Breann et Abigail, et leurs pertes récentes. Même si Bobby et Harold n’était pas mort, les savoir partis de leur plein gré était presque pire. Alors peut-être qu’elle attendait William, effectivement, comme on attendait d’un spécialiste qu’il nous aide à absorber nos soucis.

La musicienne ne savait pas comment l’expliquer, mais il était sans doute le mieux placé pour l’entendre. Parce que Gabriel et l’irlandaise étaient trop proches pour être objectifs ; parce qu’elle ne voulait pas décevoir Duncan et la journaliste ; parce que ce n’était pas le genre de terrain sur lequel elle solliciterait Mike et Hernando. Encore fallait-il que les mots acceptent de sortir. Elle oscilla doucement, pencha légèrement la tête sur le côté, pour finalement demander un peu timidement :

- Tu voulais me voir pour quelque chose de particulier ? Ou tu venais juste… enfin…

Selene se tut, faute de mieux. Elle n’avait jamais été très douée socialement, mais avait-elle toujours été si nulle que ça ? A aucun moment, la pianiste n’avait songé que l’ambulancier puisse venir lui tenir compagnie par simple courtoisie. Il y avait des tas de choses bêtes de la vie qu’elle oubliait avec ce qui se passait…
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Re: Help me save myself from me

Ven 16 Déc 2016 - 18:07

Il attendit l'approbation de la guerrière, tournant alors la tête vers la petite chaise qui s'annonçait loin d'être d'un gros luxe. Il la tira doucement, ce qui fit grincer les petites pattes sur le plancher, comme ce magnifique bruit que l'on pouvait entendre résonner si souvent dans les couloirs d'école. Cette situation lui rappela le petit moment passé en sa compagnie dans l'école primaire. Heureusement, aujourd'hui, personne ne les attendait et aucun rôdeur ne pouvait sortir de nuls parts, il pourrait discuter en toute quiétude. Enfin, c'est ce qu'il croyait, la prison n'était pas totalement nettoyée après tout, une brèche était toujours possible, mais Gabriel et Duncan s'en occuperaient probablement si c'était le cas.

Il avait tourné la chaise sur le côté, s'asseyant perpendiculaire au dossier de la chaise, il fit basculer les pattes du devant dans le vide, son bras gauche sur le dossier, et son dos appuyer contre le bureau derrière. Voilà qui était des plus confortable, plus que petit dossier de bois en tout cas. Il laissait alors la musicienne parler, acquiesçant simplement à ses paroles. C'est vrai qu'entre un fort au bord de l'eau et une prison, il y avait eu quelques pertes de paysage et une commodité intéressante. Éventuellement, peut-être pourraient-ils trouver l'eau courante, s'ils arrivaient à faire marcher le château d'eau. Celui-ci semblait malheureusement endommagé, il leur faudrait quelqu'un avec du talent en plomberie. Peut-être avait-il des préjugés, mais William supposait que c'était le type de talent que Duncan devait avoir. Il ressemblait à un ouvrier de la construction, il n'avait aucun mal à l'imaginer pencher sous un évier à réparer la plomberie d'une « petite madame ».

Il sentait la timidité de la jeune femme. Visiblement, elle se doutait qu'il n'était pas là « que » pour lui tenir compagnie. Bien qu'en fait William aurait aimé que ce soit le cas, qu'ils n'aient rien de mieux à faire que de discuter simplement du beau temps, de leur musique préféré ou des sports qu'ils pratiquaient. La musique manquait d'ailleurs énormément à William, un jour, il devrait demander à l'étudiante de réchauffer l'atmosphère en lui montrant ses talents. Mais pour l'instant, comme elle l'indiquait déjà, il était venu pour autre chose. Il tourna tout de même autour du pot avant de s'y rendre.

- En fait, je suis venu pour discuter... Il prit une pause, cherchant les mots juste pour ne pas mentir à la jeune adulte. Ça ne servait à rien de faire semblant, de prétendre qu'il était là pour quelque chose alors qu'en réalité, il avait un but bien précis. Il utilisa tout de même un ton de voix plutôt protecteur, calme. Il cherchait les meilleurs mots pour éviter de la brusquer.

- Mais il y a bien un truc que j'ai envie de parler avec toi alors je vais pas te faire languir. Je veux juste que tu saches que... Si tu n'as pas envie d'en parler, ou si tu sens le besoin de tout nier pour te protéger, je vais te croire sur parole, et je ne vais pas te harceler avec ça. L'aîné soupira doucement, et inspira pour prendre une nouvelle pause. Il lui semblait déjà qu'il faisait un monologue alors que c'était-il qu'il voulait entendre. Il jouait quelque peu avec ses doigts, les croisant sous son menton en signe de nervosité. Bien qu'il vécût avec elle depuis quelques mois déjà, il ne la connaissait pas suffisamment pour connaitre toutes ses réactions.

- Même si principalement le job d'ambulancier, c'est d'amener des gens à l’hôpital, c'est pas rare qu'on a à traiter avec des gens qui vient toute sorte de choses tu sais. Par exemple, y a des gens qui prennent des drogues et qui ont des épisodes psychotiques, on apprend à gérer ça. William n'avait absolument rien préparé. Il était venu ici avec son cœur, et il réalisait qu'elle pourrait mal interpréter ses paroles. Il espérait qu'elle n'assumerait pas qu'il prétend qu'elle prend des drogues, il cherchait simplement à mettre la table. Il attendit donc sa réaction avant de poursuivre.
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Re: Help me save myself from me

Ven 16 Déc 2016 - 19:00

Pour discuter ? Son sourire s’étira doucement vers l’une des extrémités de ses lèvres, dans une moue d’enfant. La musicienne aurait adoré que ce soit vrai, mais l’hésitation de l’ambulancier – et même sa posture – parlait pour lui. Instinctivement, elle ramena ses jambes contre elle, appuyant son menton sur ses genoux. Un geste de protection, pudique, comme si elle avait soudainement la sensation que William était capable de la mettre à nu. Elle redoutait ses élans humanistes, parce qu’il y avait trop de chose enfouis dans ses souvenirs. Des morts, dont ni Gabriel, ni Abigail étaient au courant et qui, pour une obscure raison, pesait plus que les autres sur sa conscience.

A la partie sur « si elle ne voulait pas en parler, elle pouvait le dire », Selene ferma les yeux. Les fourmis grouillaient sous sa peau, elle se sentait engourdie, mal à l’aise. Une partie d’elle voulait déjà lui dire d’arrêter, de ne pas aller plus loin, mais une autre devait vouloir suivre sa démarche, parce qu’elle resta paralysée. Immobile, recroquevillée, ses bras fins enroulés autour de ses jambes. La pianiste l’écouta attentivement, son esprit étonnamment clair comparé à certains jours précédents, et… n’était pas certaine de voir où il voulait en venir. Oh mince, est-ce que…

- J’ai déjà trouvé plusieurs dose de came ici, admit-elle brusquement, mais j’en ai jamais pris ! C’est pas pour ça que je fouille les blocs.

A voir l’expression de son ainée, ce n’était pas non plus pour ça qu’il l’abordait apparemment, mais au moins, si le doute planait, c’était dit. Ça n’avait pas de rapport, mais ça fit réaliser à la jeune femme que peut-être, d’autres personnes du groupe consommaient des stupéfiants ? Quelqu’un qui, du coup, avait des délires ? L’ambulancier voulait lui en parler parce qu’elle était « la cheffe » ? Ses sourcils se froncèrent légèrement alors qu’elle demanda à mi-voix :

- C’est Abigail ?

Une fois encore, William lui assura qu’elle faisait fausse route. Tant mieux, même si du coup, Selene culpabilisa d’avoir soupçonné sa meilleure amie. Elle avait toujours une confiance aveugle en ses capacités mais en même temps, n’arrivait pas à oublier ses penchants autodestructeurs. Alors quoi ? Elle se retint de proposer machinalement « Breann » en voyant la nervosité de son interlocuteur. Ce n’était pas de quelqu’un d’autre qu’il venait lui parler, c’était d’elle.

- Oh…

Son étreinte autour de ses jambes se serra, alors qu’elle enfouit son menton jusqu’à son nez dans l’espace entre ses genoux. Est-ce qu’il venait lui parler de « ça » ? De ses absences ? Est-ce qu’elle en avait eu devant lui ? Elle perdait tellement le fil ces derniers mois…. La musicienne avala difficilement sa salive, sans savoir vraiment quoi ajouter. Le poids des secrets sur ses épaules graciles était beaucoup trop lourd, mais elle ne savait pas vivre autrement. Seul Gabriel devait savoir, et elle savait qu’il n’avait pas vendu la mèche. Jamais il ne serait confié à l’ambulancier. Peut-être qu’elle se trompait ? Oui, elle devait se monter la tête. Il n’y avait aucune raison qu’il y ait un lien direct entre les drogués psychotiques dont il s’occupait avant et elle. Essayant d’adopter un ton léger, la pianiste dégagea sa bouche pour dire :

- Je ne vois pas où tu veux en venir désolée…
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Re: Help me save myself from me

Ven 30 Déc 2016 - 17:56

Il avait touché une corde sensible, il n'avait pas parlé encore, mais il sentait qu'il l'avait affecté. Déjà, elle se recroquevillait sur elle-même, cherchant à se protéger comme le ferait un bernard-l'ermite avec sa carapace. Elle cherchait à se défiler, d'abord esquivant la drogue comme s'il s'agissait réellement de la discussion, puis ensuite renvoyant la question vers Abigail. C'était habile, après tout, elle était la chef, il était de mise que si une situation pareille se déroulait avec quelqu'un d'autre, il faudrait lui en parler avant, mais là... Elle était dans cette situation et personne d'être. William ne fit que secouer la tête négativement lorsqu'elle nomma son amie afin d'écarter son nom de la discussion.

Puis il y eut ce « Oh...». Elle ne le savait pas encore, mais cette onomatopée voulait tellement parler pour elle. Cela signifiait qu'elle avait non seulement compris pourquoi il était là, mais qu'elle admettait inconsciemment que sa présence était justifiée, qu'il y avait bel et bien quelque chose à discuter. Bien entendu, alors que son inconscient venait de tout déballer, son cerveau et ses paroles voulurent quitter cette situation de malaise à tout prix, allant jusqu'à nier tout ce dont il voulait parler. Elle ne voyait pas où il voulait en venir ? Vraiment ? Ce mécanisme de défense chez l'humain était impressionnant. Pourquoi les gens mentaient pour paraitre fort ?

- Je vais pas tourner autour du pot... Y a des gens qui s'inquiètent pour toi, et je m'inquiète aussi. Cette vie... que l'on vit... C'est assez pour rendre n'importe qui au bord de la dépression.

L'ambulancier marqua une nouvelle pause, comme il le faisait souvent depuis le début de la conversation. Il cherchait les meilleurs mots pour que cette discussion de brusque par la musicienne. À tous moment, elle pourrait ce lever et partir, et il aurait surement perdu toute chance de la faire parler. Il fallait donc employer les mots juste pour qu'elle s'ouvre à lui. Il faudrait tout de même arriver au « croustillant » et vite, sinon elle perdrait patience aussi, et la situation ne serait pas meilleure.

- J'ai cru comprendre que... Tu avais eu des moments d'absences... Des visions... Est ce que tu veux m'en parler?

L'ainé appuyait sa tête dans ses mains, prenant la position parfaite pour l'écouter. Sa voix était douce et chacun de ses mots étaient appuyés. Selene n'était pas en crise, mais la situation pourrait envenimer. Si elle avait réellement des hallucinations, qui sait ce qu'elle lui disait de faire. Sa confrontation envers elle, aussi douce soit-elle, pourrait réveiller un mécanisme de défense en elle imprévisible. Il avait déjà vu des tonnes de cas dans sa carrière, tout le monde réagissait différemment face au bord du gouffre.
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Re: Help me save myself from me

Ven 30 Déc 2016 - 18:57

Les paroles de William lui firent l’effet d’une douche glacée. « Des gens s’inquiétait pour elle » ? Soudainement, elle eut l’impression d’être observée de mille yeux pervers ; qu’en ce moment même, chacun des membres de son groupe qu’elle ne voyait pas était occupé à parler d’elle. Elle ferma les yeux quand l’ambulancier marqua une pause, étrange sensation de chuter dans le vide, mais il n’avait pas fini. Les paupières de Selene ne bougèrent pas. Peut-être que c’était un rêve ? Qu’il ne venait pas d’insinuer qu’elle était malade ? Quelque chose la fit sursauter imperceptiblement : la sensation d’une chose invisible rampant sur sa peau. L’impression qu’une voix qu’elle n’entendait pas était en train de lui parler.

- C’est, hum…, sans déverrouiller les bras autour de ses jambes, elle certifia, c’est gentil de s’inquiéter pour moi. C’est… c’est rien. Juste un peu de surmenage, si on peut appeler ça comme ça.

La musicienne voulut rire, mais son exclamation s’étrangla dans sa gorge. Elle ne put qu’avoir un sourire un peu crispé avant d’opter à nouveau pour le mutisme. Ce n’était pas drôle, mais elle ne voulait pas voir que les choses empiraient. Pourtant… les événements avaient dégénéré si vite quand ils avaient rencontré Axel et Carmen. Et si d’un coup, elle se réveillait, et l’un de ses proches était mort à ses pieds ? De quoi était-elle capable lorsque tout s’embrouillait ?

Le lit à ses côtés s’alourdit brusquement. Presque avec normalité, l’étudiante tourna ses yeux bleus vers la gauche, pour voir la libraire. Elle ne changeait pas, son teint de porcelaine et son éternel air triste. Dès qu’elle souriait néanmoins, Selene avait envie de lui sourire en retour. Irrésistible. Elle ne réalisait même pas que ces expressions animaient son visage d’ivoire, mais William, lui, pourrait voir la benjamine de la communauté s’intéresser soudainement au vide.

- Est-ce… je t’ai déjà parlé de Flann ?

Ses orbes glacier traversèrent l’ambulancier, aussi intense que l’envie de se confier un peu. Maintenant que son apparition serrait sa main, la jeune femme n’avait pas vraiment peur. Quoi de mal à raconter ? La rouquine méritait qu’on se souvienne d’elle, qu’elle survive dans les esprits de chaque survivant. La musicienne eut quelques mimiques d’enfant timide, ses fossettes discrètement creusées dans ses joues, avant qu’elle ne commence son récit :

- Elle a été ma première « amie » après que tout ait commencé… en fait… on s’est retrouvée prises au piège en même temps, chez une bande de pilleurs de la première heure…

Moins organisés, mais pas moins dangereux. De simples bandits ou des raclures humaines qui n’avaient attendu que l’occasion pour se vautrer dans leurs bas instincts, qu’importe. Les yeux désormais incertains, la pianiste revoyait tout : l’air glacial, la neige, l’hôtel miteux, mais aussi le sang chaud qui l’éclabousse et coule sur sa langue. Goût ferreux qui lui donne envie de vomir. Elle s’était battue, mais…

- Ces types l’ont…, trop dur de prononcer ces mots, surtout quand son destin l’avait rattrapée des moins après, ils m’auraient fait la même chose, mais ils n’ont fait que me tabasser, avant que quelqu’un nous sauve… et ils sont tous morts. Ils étaient quoi, ses pupilles étincelèrent alors qu’elle comptait mentalement, cinq ? six ? morts. Pourtant, je n’ai pas pu l’aider… je ne la connaissais pas mais je lui avais promis de l’aider ! Je lui avais dit « laisse-toi faire, le temps que je trouve une solution », et c’est ce qu’elle a fait…

Dieu que c’était dur. Sa gorge lui faisait mal tant elle était serrée, et son amie avait disparu, sans doute chassée par les larmes qui roulaient doucement sur ses joues. Elle était seule, avec ces aveux trop lourds qu’elle ne pouvait plus retenir. Et cette clef… le moment où tout avait basculé ; c’était sans doute à cause de ces moments qu’elle s’en voulait toujours.

- Je ne l’ai pas aidée, répéta Selene, elle a abattu les deux hommes qui l’avaient touchée toute seule… c’était une fille géniale Flann, tu sais ? Elle ne m’en voulait pas. Elle a voulu continuer de chercher sa petite amie après, c’était Aori…, sa salive s’assécha complètement en se remémorant également la vétérinaire ; le couple maudit, elle a réussi, et toutes les deux ont trouvé le chalet que je lui avais indiqué… elle était enceinte ! Lâcha brusquement la pianiste comme si elle changeait de sujet, inutile de préciser pour que William comprenne, et elle a voulu garder le bébé… je ne comprenais pas, parce que je ne n’y voyais que ce qu’on lui avait fait, mais elle était décidée, Aori la soutenait, alors… je lui ai promis d’être toujours là, de la protéger…

Encore. Et la libraire était morte. Parce qu’elle n’avait pas tenue sa promesse ? Oui… combien de fois Selene s’était-elle dit qu’elle aurait dû être sur la trajectoire de la balle ? Tout aurait été si différent si elle était tombée à la place de Flann ce jour là. Tellement, et pour tout le monde.
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