Le souvenir. Souvenir d'une main brûlante dans la sienne. Souvenir d'une voix douce et réconfortante. Souvenir de voix multiples qui martelaient son esprit. Elle avait froid, très froid. Mais les épines gelées qui parcouraient son corps frigorifié n'étaient qu'un millième de la douleur qu'elle ressentait vraiment, au plus profond d'elle-même. C'était ça, elle n'y avait pas assez cru, elle avait douté, de trop, malgré les murmures délicats de sa voix pour encourager son amie à ouvrir les yeux. En descendant du camion dans les derniers, elle n'en était pas encore à réellement réaliser qu'elle n'était plus. Elle avait bien vu, cet homme, le visage sombre et triste, accepter cette lourde tâche.

La blonde baissait un court moment les yeux vers la barre énergétique que venait de lui glisser Tam avec quelques mots de soulagement. Elle n'était pas seule, pas tout à fait, qu'elle aurait bien pu se dire. Mais elle ne s'était jamais sentie aussi seule et démunie. L'impression que tout était perdu, que si June mourrait, tout le monde partirait d'une façon ou d'une autre. Elle se voyait encore lui caresser lentement les cheveux alors que certains s'étaient endormis autour d'elle. D'autres les observaient du coin de l'oeil.

C'était ce qu'avait prévu le destin depuis le début pour sa copine . Elle n'avait même pas pu lui dire au revoir au final. Kassandra resta debout, planté comme un piquet alors qu'elle écoutait sans vraiment écouter ce qui l'entourait. Une dispute éclatait, loin, très loin, et elle décidait de forcer ses jambes à se mouvoir jusqu'au camion pour s'approcher de la discussion sans y prendre part. Elle observait, pour se laver l'esprit, tenter de chasser le bruit de ce coup de feu et le visage percé de son amie. Elle avait imaginé, monté cette image de toutes pièces, puisqu'elle n'avait rien voulut voir. Arthur qu'elle avait entendu siffler entre deux conversations, ce n'était comme ça que s'appeler l'homme qui avait empêché June de se réveiller. C'était une bonne chose. Au moins elle ne souffrait pas, elle ne reviendrait pas. Oui c'était bien ça, tu as bien entendu, elle est morte. Les larmes s'étaient remises à couler alors qu'elle s'éclipsait un peu plus loin, dépassant les camions pour marcher sur le parking. Marcher, respirer, souffler, effacer.

Tout était détruit. Tu le crois ça ? Ils étaient morts, bientôt ils seraient comme June, laissé sur la route. Amputés, décomposés, les paupières closes. Elle s'était rapprochée d'un véhicule qu'elle contournait pour aller s'y adosser. Le pare-chocs dans le dos, elle reposait son visage entre ses genoux. Où aller ? Elle y avait vraiment cru au stade, elle avait tellement voulu espérer, tellement. June aussi. C'était clair qu'elles s'y étaient tous les deux sentis en sécurité. Alors pourquoi était-elle partie aussi vite ? Ses mains étaient poisseuses de son sang, son corps entier continuait de geler alors qu'elle continuait de s'enfoncer dans ce cauchemar. demain, ça ira mieux. Elle était déjà entrée en deuil. Pour son grand-père, pour le petit ami d'une amie, pour un ancien voisin de palier, pour une star. Elle en avait fait des centaines, mais jamais d'aussi douloureuse que celle-ci.

« T'avais pas le droit de me lâcher comme ça... » Elle perdait des repères, les plus essentielles sans doute. Et même si elle avait eu une pensée pour Tam et Dante qui faisait de leur mieux pour l'aider à reprendre sa respiration, elle n'arrivait pas encore à les faire entrer dans son esprit. Là tout de suite, elle n'avait que June. La voix étouffée elle continuait de murmurer sans tenir compte de ce qui pouvait se produire plus loin. Elle avait besoin de temps, pour comprendre et pour essayer de se redresser même avec un clou dans le pied. C'était fatiguant de devoir réfléchir à tout ce qu'elle avait pu faire de mal depuis que l'homme à la hache avait coupé le bras de son amie, depuis qu'Edwin avait aidé June à embarquer, et depuis que la poitrine de June ne s'était plus soulevée. Elle s'entendait encore murmurer, la secouer lentement puis plus violemment. On la regardait, on la jugeait. Non. Elle est encore en vie.
Elle n'avait pas dormi. Pas du tout. Depuis longtemps. Depuis une éternité. Elle n'était plus sur. Mais les larmes qu'elle avait versé lui brûlaient les yeux et elle avait envi de s'effondrer. Mais on est pas en sécurité, on ne l'est plus. Elle n'était plus armée, elle avait tout laissé dans le camion. « Si tu t'endors, tu meurs. » Elle devait rester éveiller. Frénétiquement, elle venait de frotter ses yeux, puis ses habits, ses vêtements souillés par tout ce mal, elle avait mal et elle grattait, partout où elle pouvait. Pour enlever tout ce sang, elle frottait, mais rien ne partait. Le sang de June restait collé à ses vêtements.

Il avait raison, la pauvre June n’avait pas survécu, il avait raison… Ils s’étaient arrêtés quelques minutes pour mettre un terme à son existence avant qu’elle ne se réveille à nouveau. Tout comme Golden Boy : le blondinet qui se prenait pour un superhéros depuis le début des évènements, il resta en retrait quand la plupart des proches de la défunte s’étaient réunis pour lui faire leurs adieux. Kurtis pouvait lui-même sentir le regard pesant de Golden Boy sans même le regarder, comme un avertissement qu’il lui lançait s’il tentait quoique ce soit. Kurtis esquissa un léger sourire en guise de réponse. Une fois les hommages terminés tous retournèrent dans les camions et reprirent la route vers l’inconnu.

Quelques heures plus tard, le camion s’arrêta une fois de plus pour que tous fassent une pause et mangent quelque chose. Alors qu’il venait de croquer dans la barre chocolatée qu’on lui avait donné Kurtis remarqua que l’atmosphère n’avait pas vraiment changé depuis la mort de June, tous semblaient la regretter, tous sauf lui ? Il n’était pas sans cœur non plus, juste qu’il n’allait pas faire comme si cela l’affectait alors qu’il était le premier à proposer de la finir quelques heures plus tôt. Tout ce qu’il espérait c’est que sa mort leur ouvrirait les yeux, qu’ils se rendraient enfin compte du monde dans lequel ils devaient s’adapter pour survivre.
Puis soudainement certains sortirent enfin de leur torpeur pour parler de l’instant présent, où aller ? Ils venaient de quitter Seattle pour s’enfoncer dans l’Ouest des Etats-Unis mais n’était-ce pas une mauvaise idée ? Finalement il se lança, ne craignant pas de représailles de qui que ce soit :

« On devrait continuer vers la côte, on aurait de quoi pêcher, l’océan formerait une barrière qui nous empêcherait d’être encerclés comme ce qui s’est passé au stade… En plus de ça l’eau doit sûrement les ralentir ce qui nous donnerait un avantage considérable et pour finir peut-être qu’on trouvera un bateau qui sait…

Laissant les autres méditer à la question il se retira, sa barre chocolatée dans le bec et fixa son attention sur la jeune femme qui s’était elle aussi mise à l’écart. Il la reconnaissant maintenant, la blonde au béret, il lui avait déjà parlé un soir au stade avant le drame.
Elle était une des seuls en qui il pouvait avoir ne serait-ce qu’une légère confiance mais n’avait-il pas perdu tout espoir de se faire une alliée vu son entrée fracassante de tout à l’heure ? Une seule façon de le savoir. Tout en s’approchant d’elle il sortit à nouveau son paquet de cigarettes et tout en cherchant le briquet dans une des poches de sa veste.

Ça ne te dérange pas si j’en fume une ? dit-il en lui tendant le paquet.

Tout en sachant pertinemment qu’elle ne fumait pas c’était pour lui comme une formule de politesse. Il fallait avouer qu’elle le fascinait, elle l’intellectuelle qui semblait faite pour tout sauf le travail manuel et encore moins la survie s’était pourtant bien salie les mains aujourd’hui. Peut-être avait-elle entamé un virage complet de ce qu’’elle était avant tout ça ? Il n’aurait pas la prétention de le confirmer. Néanmoins, il sentait qu’elle aussi était capable de franchir toutes les limites pour rester en vie. Sans réfléchir il lâcha alors :

Et toi alors ? Aurais-tu été capable de la mettre hors d’état de nuire… … aussi ? »

Kurtis s’était fixé une règle : ne s’allier qu’aux personnes capables de tout comme il en était capable. Il savait qu’en posant cette question il se trahirait lui-même car beaucoup ici avaient déjà ôté la vie d’infectés revenus à la vie mais peu s’étaient exercés à l’exercice avec des innocents…
Au même moment il jeta discrètement un œil au piquet de tente accroché à sa ceinture, une teinte rougeâtre tâchait le bout de la pointe du morceau de métal… et ça n’était pas le sang d’un infecté…

Personne n’osait vraiment parler, sauf le mec au katana, je l’observais avec attention pour essayer de comprendre. Il attendait quoi de nous, qu’on le félicite et offre un sucre ? Ce n’est pas que je le détestais, mais je pouvais comprendre que ses remarques tapaient sur le système des autres. Il battait en retraite pour un certain temps, c’était une bonne chose au moins, il arrêterait d’attiser l’atmosphère déjà bien lourde. Alors que Justin était encore en train de s’enfoncer pour une raison qui m’était obscure je reportais mon attention sur les autres. Je ne comprends pas la manie qu’avait certain de donner leurs avis puis de se barrer comme si le débat était déjà clôt.

J’avais entendu le leader du groupe dont j’ignorais toujours le prénom. Je ne savais pas s’il s’était présenté et que je n’avais simplement pas entendu ou s’il n’avait simplement rien dit. En tout cas, il avait besoin d’une carte et j’en avais trouvé une dans le vide-poche du camion pendant que je cherchais les clés. Il me semble qu’elle n’était pas toute jeune, mais elle pourrait certainement faire l’affaire. Je m’éclipsais quelques secondes pour aller chercher l’objet précieux. Enfin d’aller lui remettre en main propre tant qu’à faire.

- J’ai trouvé ça dans le camion, j’ai cru entendre que ça pourrait être utile. S’il y a besoin de moi je peux filer un coup de main sans aucun problème.

Je prenais bien soin de ne pas regarder l’homme dans les yeux, c’est bête, mais pour une fois je m’écrasais parce que j’avais presque peur. Je tendais la carte devant moi attendant que quelqu’un la prenne avant de tourner les talons et aller voir les autres rescapés. Certains étaient vraiment à bout de nerf et d’énergie pendant que je faisais de mon mieux pour paraitre en forme comme à mon habitude. Intérieurement, mon cœur avait envie de hurler.

Je remarquais que Kassandra était en train de se parler toute seule avec les yeux mit clôt. Elle tombait littéralement de fatigue. Elle devait aller se reposer, même si j’étais au courant que ses rêves seraient remplis de June et qu’ils viraient certainement au cauchemar. Ses vêtements étaient plein du sang de sa meilleure amie ce qui ne devait en rien l’aider à aller mieux. J’avais mal au cœur pour elle. Je savais qu’elle fonctionnait uniquement au radar pour le moment. Je n’avais perdu pour le moment personne qui comptait autant pour elle que June, je pouvais uniquement faire de mon mieux pour l’aider.

- Si tu as besoin de dormir, retourne dans le camion. Personne ne t’oblige à rester là, tu sais.

Si Kass retournait se reposer et essayait de se remettre de ses émotions, personne ne lui en tiendrait rigueur. Elle venait de perdre un être cher et tout le monde était au courant puisqu’ils avaient assisté à son abandon sur le chemin. Je ne pouvais pas l’aider, je pouvais uniquement lui transmettre mon amour du mieux que je pouvais pour lui faire comprendre qu’elle pouvait compter sur moi.

Certaines langues se déliaient et les premières propositions fusèrent. S’éloigner de la ville était une bonne idée en soit. Il suffisait de regarder autour d’eux. La menace paraissait déjà moindre ici, à Kent, comparé au centre de Seattle. Il ne faisait aucun doute qu’en s’éloignant encore davantage de la civilisation, les conditions de sécurité seraient encore meilleures ! Christina pensa une nouvelle fois à la cabine qu’Alan avait bâti de ses mains. C’était ce genre d’endroits qu’il fallait viser ! Hélas, cette dernière était bien trop petite pour accueillir tous ces gens…

En même temps que les discussions s’entamaient, certains esprits s’échauffaient. Les conditions étaient particulières : ils étaient tous stressés, fatigués voire carrément dévastés. Ainsi le pauvre Justin se fit remettre à sa place d’une manière particulièrement antipathique. Giulia avait raison quand elle répondit à ce Joey, et elle eut l’intelligence de s’éloigner avec son jeune compagnon pour éviter que le ton ne monte davantage. Lara aussi essaya de calmer les esprits. Christy appréciait ces deux femmes. Il fallait en effet se montrer constructif, et ce fut ce qu’essaya de faire Gary – leur chef de fil désigné volontaire – en réclamant une carte de la région. Tamara s'en chargea.

Pendant ce temps, transie par le froid, Christina décida de refouiller aussi dans les caisses en espérant y trouver des couvertures miraculeuses. Après avoir jeté un rapide regard en direction de Sven, qui venait de rejoindre son père, elle passa devant Nara qui serra son bras au passage dans un signe affectif. La femme sourit. Elle était heureuse que la petite brune soit là. Cette fille était agréable, puis la mère devinait l’importance que cette dernière avait pour son garçon. Qui était mieux placé qu’elle pour ressentir ces choses-là ?

- C’est bien que tu sois là, dit-elle simplement. Que tu sois en vie. Aussi. Tu sais s’il y a des couvertures ou des trucs chauds, quelque part ?

Elle pensait à elle et à Alan avec sa simple chemise, mais aussi aux bébés de Brooke, ou aux personnes plus âgées, qui étaient certainement encore plus sensibles aux vilaines températures qu’elle. Mais Nara n’était pas sûre. Christina se hissa dans le second camion, celui dans lequel June avait perdu la vie. Le sol était recouvert de sang et l’hôtesse de l’air eut une seconde de recul quand elle s’en aperçut. Avaient-ils réellement vécu ça, à peine quelques heures plus tôt ? Tout était si irréaliste qu’elle avait du mal à y croire.

Elle ouvrit les caisses, mais ne trouva rien d’utile. Il y avait bien quelques duvets, jetés en vrac, mais ils appartenaient peut-être déjà à du monde… elle ne se permettrait pas de les réquisitionner. Dommage. Ils allaient devoir se contenter de ce qu’ils avaient sur eux.

- Vous cherchez quelque chose ? Lui demanda un type d'une quarantaine d'années, qui grimpait dans le camion pour récupérer des affaires dans le sac qu’il avait réussi à emporter. Christina répondit.

Trois minutes plus tard, elle ressortait du camion avec un sweat-shirt épais, à capuche, dans la main. Il était aux couleurs de l’université de Seattle, rouge et noir. C’était celui du fils de ce bonhomme. Le gars avait hésité, mais l’avait finalement donné à Christy. Son pauvre garçon, resté au stade, n’en aurait a priori plus besoin…

Pendant le trajet Brooke s'était endormi quelques minutes par-ci et par-là mais, ce qui s'était passé dans le stade était encore bien trop présent dans sa tête pour espérer se reposer un peu plus. Heureusement pour elle, sa famille est intacte mise à par la patte du chien de son époux. Tout le monde n’avait pas eu la chance de quitter ce maudit stade avec leurs proches. Au bout de six heures de route le camion termine par s’arrêter pour faire une pause. Les personnes présentes à l’arrière du camion descendirent petit à petit, lorsque ce fut le tour de la famille de Brooke de descendre, elle les laisse passer en premier. Et lorsqu’elle se décide pour descendre, Brooke interpelle sa belle-mère pour prendre le petit Nolan qui dort à point fermer. Une fois à l’extérieur, elle vit les chiens faire la fête à leur maître mais rapidement ils partent avec le père de celle-ci pour faire leurs besoins et se dégourdir un peu. Après avoir prévenu sa famille Ethan prit la direction d’un groupe qui c’était formé. Lorsque le père de Brooke revient avec les chiens, celle-ci se baisse pour se mettre à la hauteur de Strife. Elle lui tendit la main et instinctivement le chien vient poser sa patte blessée sur la main de sa maitresse. Brooke regarda un peu l’état de celle-ci et passe doucement sa main sur la patte de son chien. Puis elle finit par ce relevé pour se tourner vers ses parents qui discutent un peu plus loin.

Brooke finit par entendre des voix s’élever un peu au sujet d’un endroit où les survivants pourraient ce posé. Elle préféra évité de se préoccuper de cette histoire et de rester au plus près de sa famille. Les deux femmes finirent par partir prendre quelques choses à manger avec les enfants. Brooke se tourne alors vers son père :

« Tu crois qu’ils vont finir par se mettre d’accord ? » Demanda Brooke dans un léger murmure.
« Je pense mais, ce n’est une destination dont nous avons besoin. C’est plutôt un endroit où ce mettre à l’abri pour la nuit. Tout le monde est à bout donc faut déjà que l’a cette pose un peu avant de prendre une décision. »
« Je suis d’accord avec toi. »

Le père de Brooke a raison mais, ce n’est pas pour cela que Brooke désire prendre partit dans ce fameux débat. Lorsque la mère de Brooke revient avec Abigail, celle-ci donne une barre énergétique à Brooke et aussi à Spencer. Brooke rangea la barre dans sa poche et prend Owen dans ces bras. Le petit garçon commence à se réveiller, donc Brooke attendra un peu avant de manger. Elle s’éloigna un peu plus en compagnie des chiens pour rendormir son petit garçon.