The Golden rule

Je frissonne alors que l’on se retrouve à nouveau à l’ombre des arbres. Le soleil de printemps est encore timide, mais le simple fait de se retrouver privé de ses rayons fait et la température devient beaucoup moins agréable. On ne doit pas être à plus de 10 degrés ces derniers jours, mais ça reste tout de même plus que la bienvenue.

Je prends doucement la direction de The Store. J’ai fait un peu de camping improviser ces derniers jours en partant de Gig Harbor et je pense que ce serait plus sache de me reposer dans un endroit sécurisé avant de retourner à la prison. C’est que dans le coin, il y a de sacrés tarés qui trainent. J’aurai sans doute pas la chance de voir débarquer Frances ou Jennifael cette fois, alors je suis sur mes gardes comme jamais. Perchée sur le dos de Noche, je me débrouille pour ne pas nous faire traverser de zone trop… ouverte. Il vaut mieux rester à couvert. J’ai Pepa aussi qui trottine à nos côtés et qui de temps à autre hume l’air, à l’affût.

On approche d’un embranchement et malgré les feuillages tout neufs printaniers, je n’arrive pas à voir au travers de la végétation comme je le voudrais, afin de m’assurer que personne ne nous attend sur l’autre route que l’on croise.

- Mierda… Que je marmonne pour moi-même.

Pepa s’arrête d’un coup, toute droit et les oreilles dressées. Mon cœur fait une sacrée embardée, tandis que j’imagine déjà le pire. Je mets ma jument à l’arrête et cherche du regard ce qui aurait pu alerter ma pitbull. Cette dernière se met d’ailleurs à grogner et sans plus attendre, j’attrape ma carabine qui jusque là reposer paresseusement dans mon dos.

- Chhht, chtt… aux pieds. C’est chuchoté, mais Pepa écoute. De son mieux.

Elle ne grogne plus, mais a du mal à rester en place, piétinant le sol, prête à fondre sur la menace. Je suis encore à plusieurs mètres de l’intersection, mais c’est là que je vois un peu de mouvement. Une silhouette, seule… espérons-le.

The Golden rule

Lawrence avait traversé tant d'états, tant d'histoires parsemées de bonnes et surtout de mauvaises expériences au cours des huit dernières années depuis qu'il avait quitté le Texas. Arrivé non loin d'Olympia, dans l'état de Washington, depuis quelques semaines à peine, il avait brièvement fait connaissance avec quelques survivants d'un groupe nommé The Store. Malgré cela, il gardait une certaine distance avec eux, par peur de s'attacher à nouveau dans ce monde où les liens se rompent plus vite qu'ils ne se créent.

Vagabondant, comme à son habitude, dans ces vêtements usés, un sac sur le dos chargé de quelques affaires, strict nécessaire pour quelques jours loin de ce dit point de chute. Après tant d'année, trouver certains choses devenait difficile, mais ce n'était pas dans les projets du blondinet d'abandonné.

Alors que Lawrence parcourait les environs, à la recherche de pièces de mécanique pour le groupe de survivants de The Store, il était toujours sur ses gardes, hanté par les mauvaises rencontres du passé. Ses années d'errance à travers les États lui avaient appris à se méfier de tout et de tous.

Le clapotis de sabots de cheval brisa le silence, faisant frémir Lawrence. Son instinct de survie lui dicta de se cacher, de se fondre dans les ombres des arbres et autres arbustes, mais une curiosité mêlée à une prudence calculée le poussa à observer la scène.

À travers les feuillages, il distingua une silhouette montée sur un cheval, se déplaçant avec une assurance tranquille, du moins un temps. Méfiant, tout comme lui, Lawrence se tint immobile, évaluant la situation. Est-ce une voyageuse solitaire ou une membre d'un groupe hostile ? Était-il trop prudent ?

Son cœur battait la chamade alors que l'inconnu venait de dégêner un fusil, semblant au passage marmonner à un chien qui la suivait elle et son cheval. L'animal l'avait sans aucun doute senti, mais rien ne laissait à croire qu'elle ne lui ferait rien. Il n'avait clairement pas les moyens de rivaliser avec sa puissance de feu, pas aujourd'hui du moins.

Gardant ses positions, espérant que celle-ci reprennent sa route, il garda son calme en attendit, un œil attentif sur cette cavalière.

La silhouette ne bouge plus, probablement en se disant que je ne l’avais pas remarqué ou je ne sais pas quoi. Je serre les mâchoires, un peu frustrée par cette situation foireuse qui se joue là. Soit je vais tomber dans une embuscade, soit on est deux voyageurs paranos. Je pourrais toujours rebrousser chemin ou tirer dans sa direction, je pourrai aussi avoir un peu confiance tout en conservant ma méfiance… Hmm, c’est pas trop moi ça. Sauf que plus j’attends sans bouger, plus le temps tourne et pas à mon avantage.

- Je vous vois. Vous êtes seul ? Il a une chance de me dire la vérité, sinon…

Dans tous les cas, il vaut mieux que je rejoigne le Store et pour ça, il faut continuer ma route tout droit. Derrière ? Il y a de la merde, de la grosse merde. Même si je les ai semés, les rôdeurs ont une endurance hors du commun et une ouïe à en faire jalouser plusieurs. Je ne veux pas rester ici pour voir combien de temps ça leur prendra pour me retrouver.

- Je ne vous recommande pas d’aller vers l’ouest, d’où je viens donc, il y a quelques groupes de rôdeurs. Je joue peut-être les filles sympas, mais c’est surtout pour cacher le fait que je suis entrain d’examiner au maximum ce qui m’entoure.

Je tends l’oreille, tout en fouillant la végétation du regard. On ne me surprendra pas aujourd’hui, hors de question ! Faudra juste que je dise à Pepa de sauter sur Noche, pour que je l’attrape par son harnais et la hisse sur la selle avec moi. Là, je pourrai partir au galop. On s’est bien entrainé depuis le temps, mais ça m’angoisse toujours quand on doit le faire.

Mon cœur bat à tout rompre tambourinant jusque dans mes oreilles. Je suis prête à réagir au quart de tour. Le canon de ma carabine dans sa direction approximative, je ne prends pas la silhouette en joug pour autant, mais si c’est nécessaire, il me faudra peu de temps pour viser et appuyer sur la gâchette. Ce serait bien pour une fois que j’ai affaire à quelqu’un de normal, c’est pas donné de nos jours cependant.

Lawrence sentit le poids du regard de la cavalière se poser sur lui alors qu'elle s'approchait à dos de cheval. Elle lui demanda d'une voix empreinte de méfiance s'il était seul. Un frisson parcourut l'échine de Lawrence, tiquant à l'idée d'avoir été débusqué. Il leva alors lentement les mains en signe de soumission, prêt à réagir en fonction de la réaction de la cavalière.

Elle poursuivit en lui recommandant de ne pas se diriger vers l'Ouest, là d'où elle venait, arguant que des morts rôdaient en nombre dans cette direction. Perplexe face à l'attitude de la femme, oscillant entre danger et bienveillance, Lawrence humidifia alors ces lèvres sèches,
avalant sa salive après coup. Inspirant un bon coup, il lui répondit simplement : "  J'suis bien seul et j'cherche pas d'ennuis. Et soit dit en passant, merci pour l'info. "

Cherchant à savoir s'il pouvait baisser sa garde sans pour autant jouer avec le feu, son regard reflétait sa perplexité. Son visage était légèrement taché de graisse mécanique noire, preuve de ses manipulations dans les moteurs de certains véhicules. Rassemblant son courage, il poursuivit la conversation, les mains toujours au dessus de ses épaules :  " Serait-il possible d'éviter de ramener les rôdeurs trop près de Store ? Je fais parti de ceux qui aimeraient passer une nuit calme, si possible. "

Son regard scrutant les environs, comme s'il évaluait la menace potentielle d'une horde qui pourrait arrivé à tout moment, finalement, il vint à reposer son regard en direction de la cavalière. Toujours dans sa posture de reddition, attendant qu'on lui donne l'autorisation de baisser les bras, il détourna quelques instant son regard sur les animaux que montait et accompagné la femme. Loin d'être un expert, sa monture semblait plus que correct, lui rappelant l'une des montures qu'il avait eut quelques années plus tôt lors de son voyage. Pour le chien, même s'il était du genre à les aimer plus que les chats, ce n'étaient pas des félins qu'il avait du éliminer par le passé, qu'ils soient redevenus sauvages ou au service de connards les utilisant comme outils de combat.

Quoi qu'il en soit, au delà d'un possible instant de silence, le vent soufflant doucement à travers les arbres, créant une ambiance presque paisible malgré le chaos qui régnait dans le monde.

Seul, ne cherche pas d’ennui, j’ai bien dû entendre ça cent fois déjà. Pour autant, moi-même je l’ai déjà sortie et avec sincérité. Mes doutes persistent donc, mais chaque visage – inconnus et parfois connus – peut cacher des menaces indescriptibles. Quelque peu dramatique peut-être, mais l’enjeu est trop grand pour ne pas se méfier.

Pour autant, je baisse finalement mon canon. C’est peut-être l’ombre d’un sourire qui passe sur mon visage quand il demande s’il serait possible de ne pas ramener une horde à The Store, histoire d’avoir une nuit tranquille. Peut-être…

- Il vaut mieux bouger alors. Une simple pression sur les cotes de ma jument et celle-ci se remet en marche passivement, pas le moins du monde inquiétée par l’inconnu.

Pepa elle a du mal à se contenir, pour autant ce n’est pas pour aller faire des léchouilles à ce type comme elle le ferait pour Evan par exemple. Alerte, ma chienne est prête à m’écouter.

- Reste. Le ton est ferme et je ne lâche pas l’étranger du regard, mais je m’adresse bien à ma pitbull qui reste auprès de ma monture et moi. Camila. Que je me présence pour être un peu plus… polie.

Je ne suis pas certaine de ce à quoi ça me servira face à un possible pillard, Oblivions ou gros fils de pute, mais je me force à ne pas choisir pour lui dans quelle catégorie il tombe. C’est que… peut-être que je prie un peu pour avoir affaire à quelqu’un de normal pour une fois. Jusqu’ici ça m’en a tout l’air, même si les indices sont maigres.

Un silence s’installe de nouveau. Pas lourd ou inconfortable, juste… un silence. Les oiseaux ne sont pas le moins du monde importunés par notre présence et ça me prouve que les rôdeurs ne sont pas encore arrivés à me rattraper. Du moins, pour l’instant.

- On devrait être à The Store dans une heure tout au plus. S’il me suit. J’ai beau penser qu’à ma sécurité et celle de mes animaux, cet homme en fait peut-être tout autant pour lui-même. Je lui conseillerais du moins. Si vous préférez voyager seul… Autrement dit, qu’il n’hésite pas s’il est un peu loup solitaire comme moi. Il faut croire que Faith m’a bien retourné la cervelle pour que je sois aussi « sympa » cette fois.

Spoiler:

Alors que la cavalière s'éloignait, Lawrence sentit une tension se relâcher en lui. Il avait écouté ses paroles avec attention, baissant lui aussi sa garde en espérant qu'elle ne se jouait pas de lui. Observant la cavalière s'éloigner, il ne put enfin reprendre son sac laissé à côté, contenant quelques pièces de mécanique. Se penchant pour le ramasser,, se préparant mentalement à ce que ce voyage puisse être le sien aussi.

Il entendit la cavalière ordonner à son chien de se contenir, sentant une certaine excitation dans l'air. Elle fit avancer sa monture et exposa la temporalité du voyage menant à The Store. Lawrence savait pertinemment qu'il fallait une bonne heure, peut-être un peu plus à pied qu'à cheval. N'ayant pas de monture sous la main, il décida de suivre la cavalière, cherchant à rattraper son rythme afin de ne pas être vu comme une menace derrière elle, tout en évitant également de la dépasser et de la mettre mal à l'aise.

Parcourant une certaine distance à travers les épaves de certaines voitures, sur une route partiellement reprise par la nature après la chute de la civilisation, Lawrence chercha à briser le silence pesant de la conversation. Il prit alors son courage à deux mains et demanda à la cavalière ce qu'elle avait à faire à The Store.

- " Et donc ? Vous souhaitez faire quoi au Store ? " Lança-t-il comme ça avant de reprendre. " Et je m'appel Lawrence au passage. "

Ne la fixant pas vraiment alors qu'il s'adressait à elle, préférant garder un œil sur les fourrés bordants la route, par crainte d'y voir débouler une carcasse ambulante ou que savait-il, il avait momentanément relâcher sa garde auprès de la femme, voulant donner du crédit à celle-ci, elle qui avait choisi de prendre la même direction que lui.

Bien. Jusqu’ici, on semble se méfier l’un de l’autre, mais personne ne tente rien. J’ai vraiment peut-être simplement affaire à un voyageur et c’est l’équivalent d’une bouffée d’air frais. Réellement. Je sais ce qui rôde par ici et une peu trop bien. J’entends ses pas aussi, qui se rapprochent, qui nous rattrapent, mais qui ne nous dépassent pas. Ça m’aide un peu à renforcir cette idée qu’il n’est pas un fils de pute qui va tenter de me dépouiller ou pire.

- C’est un endroit plus sécuritaire pour passer une nuit, contrairement à une planque improvisée. Vous y êtes déjà allé ? J’ai pas envie de jouer les guides touristiques, mais en même temps, j’aurai bien aimé qu’on me file quelques tuyaux du genre à une époque.

Où dormir en sécurité, où trouver de la nourriture ou d’autres ressources. Bien sûr que je vais lui expliquer tout ça s’il ne le sait pas déjà, il faut croire que je suis pas complètement sauvage au final.

- Enchantée Lawrence. Si c’est son vrai nom.

Je louche un peu sur l’homme à proximité. Je ne suis pas douée pour deviner l’âge des gens, certains ont de bons gènes, d’autres moins… Il n’a pas l’air trop jeune ou trop vieux. Début vingtaine peut-être ou tout milieu sinon ? Bon, j’en sais rien. Ce que je remarque par contre c’est qui observe bien les alentours. Pas trop confiant. Donc vraiment seul que je suppose. Ça me rassure un peu je dois bien l’avouer. Quand on est en groupe, on se fit à nos alliés pour surveiller nos arrières, là il a l’air aussi nerveux que moi.

- Vous voyagez beaucoup ? Oui, je tente de faire un peu la conversation. Bien sûr mon attention est essentiellement portée sur tout ce qui nous entoure, histoire de ne pas être surprise, mais j’ai bien vu qu’il a aussi fait l’effort de son côté.

Pepa ne tient plus d’ailleurs et têtue comme elle l’est, elle s’approche de Lawrence en toute « subtilité » pour essayer de le renifler pendant qu’on est en marche.

- Pepa… Elle m’ignore. J’ai pas envie d’hausser le ton sans savoir ce qui nous entoure. Elle n’est pas méchante. J’ai pas envie qu’il prenne peur et qu'il réagisse mal.

Je pense bien sûr d’abord et avant tout au bien être de ma chienne, j’ai peu d’empathie pour l’inconnu qui partage la route avec moi.

- On peut passer au tutoiement si vous préférez d’ailleurs. Je propose comme ça, déjà parce que c’est plus simple, mais aussi parce que ça fait moins de « distance » entre nous. Que ça le fera peut-être juste un peu hésiter à tenter de me la faire à l’envers.

Je rêve sans doute en couleur oui.