Les muscles tirent, brûlent, s’échauffent, à mesure que le grec s’active. Après sa convalescence, il a peu à peu repris une activité normale, retrouvant un peu de sa force d’antan. Il lui arrive encore de devoir s’asseoir un instant quand il a trop tiré sur la corde, mais ces moments de malaise sont passagers et ne durent jamais très longtemps. Ce matin, au moins, Matthias ne sent pas le froid. Il faut dire que cela fait déjà quelques heures qu’ils travaillent de concert à la construction de cette barricade, destinée à protéger la nouvelle planque des Exilés. Il n’a pas tout compris, mais il sait qu’ils occupaient avant un autre refuge, aujourd’hui disparu, et qu’ils ne sont arrivés que récemment dans la distillerie d’Olympia. Ce bâtiment, Matthias a souvenir de l’avoir longé une paire de fois avec ses parents en voiture, en roulant sur l’interstate 5, puis plus tard, en tant qu’adulte. Il n’était jamais entré dedans et s’il peine à imaginer l’effervescence qui devait y régner au moment de son exploitation, il devine que la distillerie a été un point économique important en son temps.

Les coups répétitifs de pioche, de pelle et de masse lui laissent tout le loisir de réfléchir, et Matthias sent son esprit dériver vers une autre construction, une autre barricade. Celle qui protégeait Hungerford Point leur avait pris plusieurs années d’efforts, mais ceux-ci avaient finis par payer. Elle les avaient protégés aussi bien contre les morts que contre les vivants, et aurait continué à le faire si elle n’avait pas flambé avec le reste. En retournant à la maison, avant de rencontrer Rico et Cara, le grec avait pu se rendre compte qu’une part importante de la barricade était toujours en place. Ce simple fait l’avait rassuré quant à l’utilité de l’ouvrage, même si ça n’avait pas pu totalement oblitérer la triste réalité : sa famille n’avait pas survécu, barrière ou pas.

En voyant Emilie se rapprocher, les mains chargées, le quarantenaire s’arrête pour lui sourire. Tu viens nous aider ? la charrie-t-il gentiment, alors qu’elle lui présente son plateau, où il pioche une tasse fumante et des biscuits. Puis le petit groupe se rassemble, assis sur des troncs qui serviront ensuite à la barricade. Intéressé, l’homme attend la réponse d’Abel. Le brun ne lui dit rien et Matthias suppose que celui-ci est arrivé après que lui-même et les siens aient rencontré les gens de Nisqually – Gig Harbor désormais, comme il doit se le rappeler. Les choses ont tellement changées pendant son absence. Curieux, il se tourne vers Emilie quand elle évoque y avoir vécu : Ah oui ? Tu en es partie quand ? J’ai accueilli une gosse de chez vous, Selene, pendant un temps… Il n’a aucune idée de ce qui a bien pu arriver à la jeune femme et à sa copine, Juliet, mais espère que les choses se sont apaisées pour elles.

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