Le soleil était au zénith quand Jon arriva sur la place centrale. Monsieur s'était levé aux aurores pour bosser aux côtés de Camila à l'entretient des vignes. Un boulot prenant, mais plutôt agréable quand on est organisé. Jon a toujours été méticuleux dans son travail et dans tout ce qu'il entreprend dans son quotidien, discipliné, il suit les recommandations à la lettre et généralement, il se trouve être un bon élément. C'est après des heures de labeur que Jon avait rejoint son dortoir pour faire un brin de toilette, histoire de rester présentable. Puis, il se rejoint le cœur de la ville afin de trouver de quoi se restaurer. De ce qu'il avait constaté, cette place était souvent animée, il était sûr d'y croiser du monde et surtout de trouver de quoi se remplir le ventre.

Elle en a assez de ce ventre trop rond, mais ne peut pas s'en défaire comme ça. Tori a un soupir de circonstances, tentant comme elle peut de bouger. Mais c'est difficile, elle fatigue trop vite et aimerait vraiment en être à la fin. Même si la perspective d'un accouchement animé n'est pas pour la rendre totalement joyeuse, surtout pour peu que ça ne devienne pas un rituel que ça soit toujours au milieu d'une situation compliquée. Un soupir lui échappe, elle suit Mitsuki qui est toujours trop rapide pour elle.

Jooon ! Elle se précipite dans les jambes du voyageurs, sans s'effaroucher. Mitsuki a toujours le contact facile avec les autres, mais il faut dire que Jonathan a droit à un traitement particulier. Même Tori, qui est plutôt du genre chaton craintif, n'a pas l'impression que Jon soit d'une quelconque menace pour les autres, tout au contraire. Elle signe quelques mots : Elle demande qu'est-ce que tu fais ce matin ? Traduit rapidement Mitsuki, en s'emparant de la main de Jonathan. Elle en est sûre, la petite a un crush sur son aîné. C'est plus mignon que dérangeant, les enfants sont souvent comme ça.

Dès le départ, Jon avait fortement apprécié cette petite place centrale, entourée de construction à l'ancienne lui donnant un charme typique et chaleureux. Il avait l'impression d'être dans un village qu'auraient construit les Gaulois, il y a plus de deux mille ans. Il aimait beaucoup le style que les personnes qu'il venait de rencontrer avaient donné à ce lieu, ça lui ressemblait et pour l'instant, il s'y sentait bien. Avisant du regard les personnes présentes et les installations mises en place, il sentit un mini boulet de canon arriver par-derrière, dans ses jambes. Il reconnut la voix de Mitsuki, une petite fille qui l'avait approché à de nombreuses reprises déjà depuis son arrivé dans le groupe. Il observa alors la petite fille en souriant avant de s'agenouiller devant elle. "Comment tu vas aujourd'hui ?" lui dit-il avec une extrême bienveillance. Alors que Jon se relevait, une seconde voix se fit entendre. Après avoir entendu la traduction de sa mini acolyte, Jon posa les yeux sur Tori. "Je suis venu manger..." dit-il, tout en mimant rapidement pour qu'elle comprenne. "Est-ce que tu as besoin que je t'accompagne quelque part ?" ajoutait-il compte tenu de son état, tenant toujours la main de la petite fille qui traduit ses paroles.

Ca va ! S'enthousiasme Mitsuki avec un sourire, les joues un peu rougies par l'émotion. Elle est si heureuse qu'il se soucie d'elle, ça ne manque pas d'arracher à Tori une risette de circonstances. Les émois d'enfant ont cette saveur particulière. Mais la petite asiatique en est à rire devant la surprise de la japonaise : Elle est muette, pas sourde, tu peux parler normalement ! Assure l'enfant avec aplomb, elle ne se laisse pas démonter, jamais. Et sans doute qu'elle se moque un peu.

Mais la méprise est courante. Beaucoup pensent que ne pas parler implique de ne pas entendre. Il y a une part de logique parce qu'on envisage rarement le mutisme comme traumatique. Qu'est-ce que tu aimerais manger, Jonathan ? Demande-t-elle, traduit rapidement par Mitsuki. On peut aller récolter ça dans le potager et le préparer, en tout cas, si c'est là. La jeune fille hoche vigoureusement la tête : Tori cuisine trop bien, tu sais ? Et elle fait de super jus ! Elle m'a dit que chez elle, ils en font même avec des plantes qui ont pas l'air de se manger !

Quoi de plus réconfortant, l'innocence et la joie de vivre d'une enfant, ignorant ou faisant abstraction de toute la misère de ce monde, souriant et réchauffant le cœur des siens, et même ceux de parfaits inconnus. Jon aimait voir la petite fille gambader dans le camp, elle riait, chantait, et donnait un souffle d'air frais à ceux qui n'avaient plus d'espoirs. Il aimait aussi son petit caractère bien trempé du haut de son jeune âge, et ce dernier se manifesta encore aujourd'hui, apprenant sans détours à Jon que Tori était muette et non sourde. Depuis son arrivé, Jon avait peu souvent échangé avec la jeune femme, il ignorait donc qui elle était vraiment. La seule chose dont il était sûr, c'est qu'elle était d'une extrême douceur, gentillesse et bienveillance. Il fit un petit signe de tête à son attention pour s'excuser de cette maladresse. Ce qu'il aimerait manger ? "N'importe quoi. Ça fait longtemps que j'ai arrêté de faire la fine bouche." dit-il avec un léger sourire. "On m'en a parlé oui... La prochaine fois on ira découvrir tout ça ensemble, si Tori et toi êtes d'accord." dit-il à la petite fille, ajoutant à l'attention de la plus grande : "Plus les jours passent et plus je me dis que j'ai de la chance d'être arrivés ici..." Avec Camila qui fabriquait un vin presque divin, et Tori qui ravissait les papilles des habitants, que demander de mieux ? Marchant aux côtés des filles dans la direction choisit par Tori, Jon reprit la parole à l'attention de la petite fille. "Alors, comment vont tes lapins ?"