Lorsqu’il avait accepté de suivre Armand, et en même temps trahir l’Adonaï, Benjamin s'était imaginé que tout ce passerait sans le moindre heurt. Il pensait aussi que certaines nouvelles lois, qui seraient bientôt mises en place, ne pourraient que leur être bénéfiques. Et il pensait également qu’il vivrait ensuite des jours heureux aux côtés de sa femme et de ses enfants. Mais celui-ci n’avait absolument pas prévu que certains miliciens ne veuillent pas suivre le mouvement. Il n’avait pas prévu, non plus, qu’ils ouvrent le feu sur eux ainsi que sur les nombreux civils présents. Et il avait encore moins imaginé que l’intégralité des disgraciés et autre rebus de la société, qui vivaient à l’écart des honnêtes citoyens, ne finissent par se joindre à eux.

En même temps il était difficilement imaginable qu’ils réussissent à faire sauter le mur qui les séparait de la populace lambda. Et pourtant ils l’avaient fait. Face à cette suite d’événements Benjamin était donc en colère. Et il ne tarda pas à l’être encore plus lorsque sa femme, qui ne lui parlait quasiment plus depuis des mois maintenant, lui annonça ensuite qu’elle souhaitait accueillir l’une de ces réfugiées, une rebelle, chez eux. Et puis un drame le frappa directement, en l’occurrence la mort de sa fille de deux mois d’une bronchiolite. Un décès qui détériora encore plus sa relation, qui n’était désormais plus bien solide, avec Hailey. La suite des événements, à savoir le divorce, était donc prévisible. Aujourd’hui lorsqu’il ne s’entraînait pas avec ses frères d’armes le militaire passait donc le plus clair de son temps à étudier des dossier, à l’intérieur de son bureau, concernant leurs futurs projets.

Quant à son temps libre il le passait souvent à l’église à prier pour ses deux enfants disparus ou alors il allait se recueillir sur leurs tombes. Mais il lui arrivait aussi d’aller se balader en plein cœur de la ville. Aujourd’hui le Marines s’y trouvait justement. Il était assis sur un muret à regarder des couples discuter, des gens, des inconnus, passer devant lui jusqu’à ce qu’il n’aperçoive quelqu’un qu’il connaissait bien et qu’il appréciait énormément. - « Hey ! » Déclara-t-il alors en direction de cette personne. - « Jordane ! » Le Marines se leva alors de son siège improvisé. Il agita ensuite sa main droite pour faire signe à la jeune femme qu'il appelait avant de finalement lui demander lorsqu'elle se rapprocha de lui : - « Comment vas tu depuis tout ce temps ? » Parce que cela faisait un petit moment maintenant qu’ils ne s’étaient pas vu tous les deux.

- « Je le suis également » Ravi de pouvoir la rencontrer. Et il était heureux aussi d’apprendre qu’elle allait bien. - « Moi ? Me balader ? » Lui demanda-t-il ensuite instinctivement. Avec hésitation il rajouta alors : - « Euh … oui et non » Oui parce qu’il avait passé une bonne partie de la journée à flâner ici et là et surtout à s’ennuyer. Et non parce que depuis quellques minutes maintenant il était assis sur ce muret et n’arrêtait pas de penser à tout ce qu’il avait perdu en seulement quelques jours. - « Je suis de repos aujourd’hui … » S’empressa-t-il alors de répondre à son amie. - « … du coup je me suis dit que ça ne me ferais pas de mal de me mêler à la populace » En réalité venir ici n’avait sans doute fait qu’empirer les choses. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’en voyant toutes ces familles heureuses se balader et voir tous ces couples se balader la main dans la main ça n’avait fait que lui rappeler tout ce qu’il avait perdu.

Mais heureusement Jordane avait croisé son chemin. Sans doute que le Seigneur avait entendu ses appels à l’aide et qu’il avait décidé de la guider vers lui pour lui faire temporairement oublier ses problèmes personnels ? La jeune femme était en tout cas souriante, lumineuse … quant à son sourire il inspirait la confiance. En fait Jordane attirait tout simplement la sympathie et la bonne humeur. La présence de la jeune femme à ses côtés était donc la bienvenue pour lui changer les idées. Curieux le jeune homme demanda alors à son amie : - « Est-ce que tu as quelque chose de prévu … là maintenant ? » Avant de rajouter l’instant d’après : - « Parce que si t’as un peu de temps je me disais qu’on pourrait peut-être marcher un peu tous les deux. Ça nous permettrait de discuter … » Ils pourraient également parler de Dieu aussi puisqu’ils étaient tous les deux très croyants.

- « … on pourrait peut-être même aller manger un morceau si tu veux. C’est moi qui invite » Boire un verre en terrasse ne pourrait pas leur faire grand mal. - « Mais avant je dois passer chez le fleuriste … » Pour commander des fleurs qu’il déposerait ensuite sur les tombes de ses proches. - « Est-ce que tu veux … m’accompagner ? » Si sa réponse était positive Benjamin demanderait très certainement à Jordane de l’aider à choisir les fleurs qu’il devrait choisir pour composer son bouquet. - « Enfin si t’es disponible bien entendu » Et si elle le souhaitait aussi parce qu’elle avait peut-être d’autres choses de prévues à faire de bien plus importante que d’aller flâner chez un fleuriste avec lui.

Est-ce que Benjamin s’ennuyait ? Oui il s’ennuyait effectivement à mourir. - « On m’a attribué un nouveau poste qui me permettra de quitter Walla Walla beaucoup plus souvent que précédemment » Pour aller principalement explorer les villes alentours, tisser des liens avec diverses communautés ou encore sauver d’autres survivants en difficultés. - « Mais pour l’instant je dois me contenter de passer mes journées à l’intérieur de mon bureau » A étudier des cartes et également à planifier le nombre d’hommes, d’armes, de provisions, de carburant et de véhicules dont il aurait besoin pour ses prochaines expéditions. - « L’inactivité ne mène à rien en effet. Je n’arrête pas de le répéter à certaines de mes jeunes recrues » Qui étaient actuellement bien trop flemmardes à son goût. - « Mais avec le temps elles comprendront qu’elles ne doivent pas s’endormir sur leurs lauriers » Enfin elles comprendraient surtout lorsqu’elles auraient un peu plus d’expérience.

Le militaire esquissa ensuite un sourire à la jeune femme lorsqu’elle évoqua Victor et Isa parce qu’il voyait bien que Jordane avait trouvé ce que tout le monde recherchait, c’est-à-dire l’amour et une famille. Aimablement il continua : - « Vous avez l’air d’être heureux tous les deux » Enfin tous les trois. - « Vous formez un très beau couple en tout cas. Je suis vraiment content pour vous » Et c’était véridique, le Marines était heureux que Jordane et Victor se soient trouvés. - « Oh bah c’est super ! » Lui déclara ensuite le soldat lorsque la jeune femme accepta son invitation. Quant à l’église il rajouta : - « Je devais également passer à l’église. Si tu veux après être passé chez le fleuriste je pourrais t’y accompagner » Ce serait sans doute bien pour eux deux. Enfin surtout pour lui qui avait désormais tendance à broyer du noir. A ce propos il continua : - « Ces fleurs sont destinées à mettre sur les tombes de ma première femme et de mes enfants »

Le brun fixa ensuite l’horizon tout en semblant réfléchir. - « Effectivement … j’ai l’impression qu’en quelques jours toute ma vie à basculée » Il avait tout perdu en une seule fraction de secondes. - « Je suis entièrement d’accord avec toi. Les plans et les projets de Dieu peuvent parfois nous sembler être incompréhensibles » Et ils l’étaient en effet car Benjamin avait toujours défendu les valeurs de Dieu et n’en avait jamais été récompensé. C’était sans doute parce qu’il devait encore faire ses preuves ? Ou alors c’était tout simplement parce qu’il avait commis quelques pêchés. Souriant il continua : - « Je pense que tous les malheurs qui peuvent nous arriver sont destinés à tester notre foi en lui » En fait il n’en savait rien du tout et il ne le saurait sans doute jamais mais il préférait imaginer cela à autre chose. Curieux il demanda finalement à Jordane : - « Accepterais-tu de m’accompagner jusqu’aux tombes de mes proches … » Parce qu’il avait énormément de mal à s’y  rendre tout seul.