Remembrances

J’aime toujours autant venir ici, même après tout ce temps, après tous ces cauchemars éveillés. Si l’habitation et le quartier ont changé, le cœur du foyer lui est resté le même. La famille que forme Mason et Anjali me réchauffe de l’intérieur, nourris cet espoir de vie meilleure qui, au fond, ne m’a jamais quitté. J’aimerais un jour avoir moi-même une si grande famille.

La journée a été longue. Je recommence à pouvoir lire un petit peu sans avoir de migraine, mais j’ai peut-être un peu trop forcé. La fièvre des derniers jours est tombée fort heureusement. On m’a dit que ça venait avec la malnutrition… Ça me surprend, puisque je suis ici depuis… un mois déjà ? Mais il est vrai que je mange à peine, comparativement à avant.

Enfin bref, c’est Charlie que je croise à l’extérieur qui me fait entrer, avant de filer, je suppose, avec des amis ?

- Mason ? Anjali ? J’appelle sans pour autant oser quitter le tapis de l’entrée.

« Tu sais, ze crois que ze veux bien que tu recommences à me raconter des histoires. » Le museau relevé, Keneka me fixe un instant, se dandinant d’un pied sur l’autre, alors que j’essaie de garder une mine aussi impassible que possible. « Mmmh… je vois. Les histoires que je raconte aux autres ou tu veux les tiennes spécifiquement ? » Elle semble hésiter et se tapote le nez. « Les deux. Ze crois que z’est nécessaire. » Elle hoche la tête pour ponctuer ses propos avant de filer, marmonnant quelque chose à propos de Tommy, Cara et une coquille d’escargot.

Et j’ai un profond soupir, grimaçant alors que je range sans y toucher mon énième repas de la journée. Anjali et Neela sont partis avec les bébés, Sally s’occupe de ses frères et sœurs et j’ai juste à me… reposer. Encore. Je suis de toute façon incapable de faire quoi que ce soit d’autres ces derniers jours Et je me pince l’arête du nez, relevant à peine la tête quand on frappe à la porte. « J’y vaaaais ! » Charlie déboule dans les escaliers et se plante devant la porte. « Salut ! J’dois filer ! A plus Mason ! Il est dans la cuisine ! » Sauf que personne ne vient. Alors je me relève, sans vraiment réaliser la dégaine que je dois avoir avec mon jeans trop grand et ce t-shirt à manches longues sur lequel je tire à longueur de journée, dans un réflexe nerveux dont je suis incapable de me défaire pour le moment. « Oh Elliot. Salut. » Un sourire illumine mon visage alors que je lui fais signe de rentrer. « Je suis content de te voir. » Ca fait quelques jours qu’on ne s’est pas croisés, mais on a pris l’habitude de se balader un peu, régulièrement, sans vraiment parler de trucs importants ou graves. Juste un peu de présence. « Ca va ? Tu m’as l’air un peu pâlotte. » Même rentrés de Colville, je continue de m’inquiéter pour elle. Ca, je crois que ça ne changera plus.