La mine concentrée sur mon filet, j’fais pas vraiment gaffe à c’qui se passe autour d’moi alors que je le rafistole tant bien que mal. « Mouais… » A force, va vraiment falloir que j’les remplace, le bricolage, ça va deux minutes quoi. J’note dans un coin de ma tête d’en parler au patron dès qu’on aura deux minutes et j’continue mon rafistolage en sifflotant, totalement perdu dans mes pensées.

D’un coup j’sens une ombre passer par la fenêtre du cottage. Un bateau ? C’était prévu ça ? Mon cœur a un raté, alors que j’repense à ce que m’disait Yu. Qu’on sera jamais totalement sereins, même si ces connards sont morts. Qu’on aura toujours cette peur viscérale que l’un d’eux débarque de nulle part et nous pourrisse la vie un peu plus.

Alors je me redresse, chopant mon couteau et essayant d’me faire plus courageux que j’le suis réellement. « Okay, okay, pas de raison de paniquer. » J’prends une grande respiration et j’sors, jetant un regard aux gens qui s’agitent sur le pont avant d’me figer totalement quand j’reconnais une des silhouettes. Bon j’en reconnais plusieurs, mais y en a surtout une qui attire mon attention. J’sens le couteau m’échapper des mains et tomber au sol, alors que l’regard de Lex se tourne dans ma direction.

Merde, pourquoi j’ai envie de pleurer là de suite ? J’me rapproche, avec précaution presque, alors que j’continue de la fixer sans rien dire. Et j’finis juste par ouvrir les bras dans sa direction, un sourire incertain sur les lèvres.

C'était étrange, de revenir ici. Avisant la plage qui un temps, avait été son sanctuaire quand elle avait besoin de faire le vide, qui désormais lui apparaissait comme un souvenir issu d'un autre temps. Comme si plus rien ne serait pareil, depuis qu'elle avait du fuir Crescent par l'aube de Novembre. Esquissant néanmoins une ombre de sourire à Yann, lui rendant son accolade avant que le barbu ne lui fasse un bref hochement de tête qui l'incite à darder le regard ailleurs, lui donnant la sensation que le temps se fige. Il était là. Et de reconnaître sa silhouette la laisse coite une seconde, alors qu'elle s'avance d'un pas, presque par automatisme. En laissant même tomber son sac de voyage au sol, main résolument ancrée au pommeau de son nouveau sabre par pur réflexe, alors que son sourire naît en même temps que celui d'Echo. Ne lui laissant pas le temps de terminer son geste qu'elle vient se jeter sur lui, enserrant son cou avec force quand l'émotion manque de la submerger.

T'es là... parvient-elle à articuler dans son cou, fermant les yeux pour qu'il ne voit jamais les larmes affluer sous ses paupières, resserrant son étreinte. S'interdisant de repenser à leur séparation forcée des mois plus tôt, sans pouvoir se transmettre la moindre nouvelle. Qu'est-ce que tu m'as manqué. L'aveu sort, franc et net. Un rire nerveux lui échappant alors qu'elle se serre un peu plus contre lui, pour s'assurer qu'elle est bien revenue, que l'eau qui imbibe ses jambes est bien réelle, alors qu'ils sont encore pieds dans la mer, à défaut d'avoir rejoint la terre ferme. Tu m'as manqué. Atrocement. Tous les jours. Ne rompant l'étreinte que pour venir croiser son regard, mains fermement ancrées sur ses épaules pour ne plus le lâcher.

Vous connaissez toutes ces conneries là ? De temps qui semble comme suspendu quand on r’trouve quelqu’un d’important, des secondes qui s’égrènent super lentement et tout. Bah ouais, je confirme que tout ça, c’est du vent. Parce qu’on a à peine le temps d’un souffle, d’un battement de cils, que tout s’enchaine directement.

Et là, c’est une Lex sauvage qui se jette dans mes bras avant même que j’ai le temps de dire quoi que ce soit. Bordel, j’pensais pas que ça pourrait m’faire autant de bien de la savoir bien là, d’pouvoir la garder contre moi. Et j’reste sans rien dire, les pieds dans l’eau, alors que j’ai pas la moindre intention de la relâcher. C’était long, beaucoup trop long sans elle bordel. Je sens ma gorge se serrer quand elle souffle ces quelques mots et je la serre un peu plus fort contre moi, avant de souffler, dans un murmure. « Evidemment que j’suis là. Tu croyais que j’serais où ? » Et j’ajoute, perdant mon sourire. « Tu t’es sacrément fait attendre soeurette. Beaucoup trop. » Parce que c’est ça au final, bien plus qu’une amie, c’est un vrai lien fraternel qui a fini par s’tisser entre nous. Et j’ai terriblement peur de perdre ma sœur maintenant. « Me refais jamais ce coup-là. Steuplé. » Hé, j’ai presque pas la voix qui tremble, j’suis fier de moi. Ouais, ouais, tout est dans le presque je sais.

J’finis par inspirer et par la regarder bas en haut. « Toi, t’as des tucs à me raconter. Mais avant… » Je la ramène d’nouveau contre moi, claquant un baiser bien sonore sur le sommet de son crâne. « Bon, il vient d’où ce sabre Muldoon ? » Je sais, va falloir que j’la relâche tôt ou tard. Mais j’ai pas envie