Gig Harbor. Et bien, si l'endroit n'est pas spécialement beau ou accueillant, il a au moins l'avantage d'être fonctionnel. J'imagine que c'est toujours mieux que rien, et de toute manière ça ne peut certainement pas être pire que cette plateforme sur laquelle j'ai passé les derniers mois.

En apprenant l'existence d'une douche en état de marche dans cette fameuse prison accueillant ceux qui veulent bien s'y perdre, je n'ai pas vraiment perdu de temps avant d'en prendre la direction. J'en ai grandement besoin. Récupérant tout ce dont je peux avoir besoin, je me rends donc sur place et me déleste bien vite de mes habits ainsi que de ma prothèse avant de me diriger vers les douches à proprement parler. Communes, évidemment. Enfin, ça ne me dérange pas. Je sais que beaucoup apprécieront certainement de pouvoir me regarder, et moi je ne vais pas me faire prier pour faire la même chose. D'ailleurs, en parlant de ça, difficile de ne pas remarquer la brune qui est déjà là.

Sauf qu'au moment où elle se tourne vers moi, mes yeux qui d'abord étaient évidemment en train de remonter sur cette poitrine que j'allais découvrir se posent finalement sur une marque que je ne connais que trop bien et qui me fait perdre tout enthousiasme. Je serre les dents, déglutis difficilement comme si ma plaie venait de se rouvrir, et finis par relever complètement le regard sur le visage de la jeune femme. Désolée, je voulais pas te dévisager. J'ai juste... vu, quand tu t'es tournée. Alors t'étais là-bas, toi aussi ? Sûrement pas en même temps que moi, sinon j'imagine que je l'aurais vue. Quoi que. Elle faisait partie des « sacs à foutre », vu cette lettre gravée sur sa peau, contrairement à moi. Alors si ça se trouve, elle m'a vue et pas moi. Allez savoir.

Tu sais très bien de quoi je parle, dis-je simplement en penchant légèrement la tête sur le côté. Si mon regard n'est plus posé sur cette cicatrice sur son plexus – bien qu'en profiter pour observer sa poitrine ne me dérange en rien – je me doute que ça ne doit pas être pour autant agréable pour elle. Je soupire légèrement et hoche la tête, avant d'être bien incapable de retenir un rire sans joie à sa remarque sur la « chance ».

Oh, effectivement, j'ai pas fait partie de celles à qui ce sort était réservé. La marque qu'ils m'ont mise était différente. Je dégage mes cheveux d'une main, pour révéler le soleil tatoué dans mon cou. Mettant malgré moi en évidence également l'hideuse et large cicatrice résultant de la lame de Ulrich ayant lacéré ma gorge de part en part. Reese, Gin, Kaitlyn et moi avons écopé de ce tatouage à la place. Et je dirais pas forcément que c'était une chance, vu la cicatrice que je me coltine grâce à ce connard. Toi au moins, habillée, tu peux la cacher. Moi je ne peux pas porter éternellement une écharpe.

Allant me glisser sous la douche, je dois dire que je n'ai pourtant pas spécialement envie de finir cette discussion tout de suite. Mais j'ai besoin de me laver et je suis là pour ça après tout. T'as pas l'air squelettique toi, donc j'imagine que ça date pas d'aujourd'hui ? Et je me souviens pas de t'avoir vue là-bas.

Aux dernières nouvelles, elle va bien, oui. Je dois dire que je ne m'attarde pas davantage sur le sujet simplement parce que... Et bien, ce n'est pas à moi de raconter la vie de Reese, encore moins concernant ce qui a pu se passer sur cette maudite plateforme. On ne dirait peut-être pas comme ça, mais j'ai tout de même une certaine notion de respect. Tout dépend pour quoi et avec qui, certes, mais ça ne change rien.

Profitant de l'eau qui coule sur mon corps, frémissant malgré tout de la fraîcheur de celle-ci – au moins je ne passerai pas des heures sous la douche – je reporte mon attention sur la brune en face de moi qui ne peut plus vraiment fuir le sujet des pirates. Bien sûr, je me doute que certaines ont du mal à en parler, mais personnellement je m'y suis faite à une vitesse déconcertante. Soit on fuit le passé, soit on s'en fait une force. Et celui qui arrivera à me mettre à terre n'est pas encore né.

Je hausse un sourcil à la question qu'elle me pose. Leur bateau ? Ma belle, ça fait plusieurs mois que j'étais prisonnière sur leur plateforme au milieu de l'eau. Un bateau, ça me donne des rêves de croisière à côté. Si elle n'a pas été jusque là-bas, tant mieux pour elle. Terminant rapidement de me laver pour aller m'enrouler dans la serviette que j'avais ramené, je reporte ensuite mon attention sur l'ancienne prisonnière. Tu sais, si t'as du mal à vivre avec ça, tu devrais aller voir ma sœur. Billie Dean, des Bastards. Elle est psy. Parce que si après je ne sais combien de mois elle a encore du mal... Va falloir penser à consulter hein.