Désolée, fit-elle en baissant le regard sur sa préparation. La piqure de rappel n’était donc pas la bienvenue, et Olivia pouvait parfaitement comprendre ça. Elle hâta juste son mouvement pour sortir à Erika un plat digne de ce nom. L’écoutant en silence, lui répondant au mieux, elle revint vers l’aide-soignante avec un sourire presque satisfait : Tiens, tu me diras ce que tu en penses, fit-elle en glissant sous le nez de la jeune femme son assiette, avec des couverts pour l’y aider.

Haussant les épaules, elle s’accouda contre le plan de travail en scrutant la brune en face d’elle. Dans sa douceur, Erika pouvait se montrer brusque. Mais sa remarque sur ce qu’elle pensait être juste lui arracha un rire à la fois amusé et troublé. Comme si Liv avait envie d’y croire, et de ne pas y croire en même temps :

Alors s’il en pince vraiment pour moi, ça veut dire qu’il s’est entiché de la pire personne pour se faire aimer. C’était en tout cas ce qu’elle pensait sérieusement. Il mérite mieux, en voilà, une autre certitude.

Elle n’eut pas besoin de trop développer son point de vue. Elle avait abandonné son fils unique, perdu son mari, elle se lovait dans le travail pour ne pas y penser ; Finalement, son deuil n’existait pas vraiment, elle était dans un déni puissant qui l’empêchait d’avancer. Et Ludwig était venu remettre ça en question de sa simple présence. Alors, tout ça pour quoi ?
L’attitude d’Erika lui arracha au moins un autre rire. Elle semblait prendre avec plus de philosophie – sans se défaire totalement de son amertume – sa propre situation.

J’imagine que l’évitement fait partie de ta manière de ne pas… t’effondrer. C’était plus simple avant quand on pouvait bloquer la personne, ne plus fréquenter les endroits qu’on fréquentait avant, tout ça… Commenta la brune. Le camp pouvait s’avérer effroyablement petit quand on se retrouvait à vouloir être seule. N’oublie pas que ce campement, c’est aussi le tien, Erika. Fit-elle en plantant son regard dans celui de la brune en face d’elle : Finalement, s’il y a une personne qui devrait éviter l’autre, ça n’est pas toi.

Même s’il était plus simple de se faire petite pour ne pas se faire du mal, elle trouvait ça injuste au fond. Injuste que lui ait encore ce pouvoir sur elle après lui avoir menti. Finan ne figurait pas vraiment dans son cœur – il volait trop, autant la nourriture que l’alcool – mais là, elle ne comptait pas se montrer plus sympathique à son égard.

Bien sûr… fit-elle à la question de la brune. Celle-ci la scotcha. Et en silence, Olivia se permit de prendre le temps de la réflexion. Ça dura un petit moment, peut-être… Trois véritables minutes. Probablement un peu des deux. Parce que, peu importe ce qu’on pourrait se dire, s’il se confiait sur le fait qu’il s’est entiché de moi, je trouverais ça tragique. Et s’il me disait au contraire qu’il ne veut rien avoir à faire avec moi, alors ça serait aussi pire. Fit-elle après réflexion : Alors, fuir, s’éviter, c’est la seule chose que j’ai trouvé de cohérente à faire en attendant d’avoir une meilleure idée. Ou à défaut, un peu de courage.