- Harrison n'est pas mon frère, mais celui des jumelles, c'est un peu comme un fils d'adoption... un neveu en fait, ouais ce serait comme un neveu. Moi, je fais flipper tout le monde avec mon boulot. J'étais professeur de psychologie à l''université de Tacoma. On est loin de l'affaire fermière familiale à San Angelo hein.

Eh oui, elle a fait un sacré chemin entre l'époque où elle faisait les corvées de la ferme et sa vie de maman parfaite, parce que c'était ça hein, ni plus ni moins. Elle en est à la fois fière et honteuse. Fière parce qu'elle avait rediriger le destin, et avait pu choisir sa vie et vivre ses rêves, honteuse parce qu'elle avait une vie plan plan, un peu rébarbative, c'était pas non plus une vie idéale quand on avait de grands rêves, mais elle s'en était contenté, et finalement, ça lui manque à présent. Les temps simples, où la plus grande inquiétude était le repas du soir ou à la rigueur la préparation d'une réunion de parents d'élèves.

Elle regarde le plafond à son tour, comme si il pouvait lui apporter des réponses, ou une sorte de chaleur au fond d'elle. Elle ne serait pas partie depuis si longtemps du Texas, elle aurait pu le croiser dans un supermarché d'une grande ville comme Dallas avec ses parents. Tout ça semble si loin en fait, c'est irréel.

Comme par instinct, habitude, appelez ça comme vous voulez, elle commence à ranger le bazar que l'autre enflure à mis, comme pour effacer son passage. Elle s'affère en des mouvements gracieux et fluides pour ne pas faire bouger le van. Ce ne serait pas le moment que les putréfiés s'intéresse au véhicule silencieux. Et d'une façon un peu distraite, elle reprend d'une voix douce et discrète:

- Le texas, ça a beau être un trou paumé, San Angelo me manquerait presque, mais je n'irai pas là-bas, je n'ai plus rien à y faire, et ces gamines ont besoin d'aide. Enfin... en espérant qu'il ne soit pas trop tard... mais ouais t'as raison, on se raccroche à ce qu'on peut, et je sais pas, j'ai un présentiment, je suis sûre qu'elles sont vivantes... j'espère juste que la vie n'est pas trop dure avec elles.

En repensant à l'autre dégueulasse, une espèce de nausée la prend, et si elles avaient croisé son chemin. L'idée lui est insoutenable, elle fronce les sourcils et continue de nettoyer comme elle peut malgré le manque de place. Dehors ça se calme bien, le départ s'annonce un peu plus.

Jake la regardait et l'écoutait avec attention. Il enregistrait plus ou moins ses dires tout en regardant le plafond et pensant au Texas. Il y avait laissé toute sa famille avant que les choses tournent mal, il y avait rencontré Melisande aussi. Elle lui manquait et la dernière vision d'elle ne correspondait pas à celle qu'il avait connu durant plusieurs années. D'ailleurs, et si elle n'était pas morte, si elle avait accouché, à quoi ressemblerait son gamin, serait-ce une fille ou un garçon ? Et le prénom ? Il n'en savait rien, ne le saurait jamais non plus. Alors écoutant Mary lui parler, il se sentait mal, ressasser tout cela, c'était étrange. Et puis c'était bien lui qui avait lancé le sujet par curiosité. Peut-être aurait-il mieux fait de se taire. Là encore il n'en savait strictement rien. Un soupire filtrat entre ses lèvres piercées. Jake regarda la femme bouger, lentement, avec souplesse, rangeant la camionnette. C'était une manie ? Une façon de faire en sorte de se dire que rien n'était arrivé ? C'était étrange la capacité humaine à réagir envers certains événements troublants et choquant de la vie. Il pouvait se comparer à elle, comme à bien d 'autres. Lui avait enfermé sa copine dans un garage, avait tout abandonné en se jurant de ne plus tomber amoureux, de ne plus jamais avoir de relations. Au moins ca ferait une bouche en moins à nourrir dans ce monde pourri. Mais il n'avait pas pour autant perdu son enthousiasme face à la chance d'être encore en vie et en bonne santé.

Inspirant, il ne sait pas trop quoi faire mis à part la regarder ranger, il ne connaît pas le lieu, ne peut donc pas proposer son aide, cependant il peut regarder au dehors, surveiller les alentours. Il fat toujours nuit, mais les rôdeurs changent de cible, allant ailleurs. Tant mieux, ca leur permettra de se barrer de là plus vite. Il avait une commande à livrer en temps et en heure pour demain. Et sa récompense était plus qu'intéressante. Il aurait de la bouffe pour la semaine, mais en filerait sûrement à la femme pour la remercier, Jake n'était pas un connard égoïste, il pouvait parfaitement être altruiste. "C'est bien alors si tu l'espères et le sens comme ca." Le gamin lui adresse un mince sourire et se redresse pour s'étirer. "On va pouvoir bouger s' tu veux, c'est calme dehors." Nouveau petit sourire il regarde autour de lui et enjambe le bazar avant de passer sur les sièges avant du van et s'installer côté passager. Il pourrait lui proposer de conduire, mais la voyant ranger de façon maniaque il se disait que le mieux à faire serait de lui laisser le volant. Jake regardait autour d'eux. C'est à environ trente p'tain d'minutes d'ici, vers l'sud de la ville." Il adresse un simple sourire.

Jake n'a pas l'air des plus à l'aise et Mary peut le comprendre. Il est bloqué là, dans le véhicule d'une inconnue à qui il est venu en aide instinctivement parce qu'elle vient de se faire violer, il y a plus simple comme situation pour faire connaissance. La pseudo bagarre a dérangé le van, et Mary a pris ses habitudes. L'Homme se cache les choses en cachant les traces visibles, mais sur ce coup, Mary doute que ça ne soit suffisant. Elle en a encore la nausée. Elle qui est assez timide des autres hommes, elle n'est pas prête à s'ouvrir à quelqu'un!

Le jeune propose un départ imminent et grimpe sur le siège avant. Mary acquiesce en rangeant un dernier rouleau de papier toilette et elle se dirige vers le siège conducteur en sortant ses clés de sa poche de jean. La lune est claire, on voit plutôt bien dehors, elle met le contact et démarre en marche arrière pour faire demi-tour. Quand elle enclenche la marche avant, elle allume ses feux, c'est plus prudent. C'est parti pour la recherche de pneu. Les rôdeurs se sont éparpillés, il y en a un peu dans les rues, mais la professeure arrive à les éviter. Elle se tourne vers le jeune homme:

- Alors tu vas chercher des pneus, on t'a envoyé le faire, y peuvent pas se débrouiller? Vu la distance j'espère que tu y gagnes suffisamment! En attendant, si t'a faim, sert toi, dans la boîte à gant j'ai chopé quelques barres de céréales au miel. C'est colle-au-ventre mais au moins pas besoin d'en manger cinquante pour être rassasié.

Se déplacer à pied, ou du moins sans voiture, c'est dangereux. Mary est bien contente d'avoir son van, elle se sent en sécurité, enfin c'était le cas jusqu'à maintenant. Il est fort probable que les prochaines nuits soient un peu moins reposantes, mais Mary y réfléchira en temps voulu.

La route est plus fluide après deux ou trois rues, malheureusement ça ne veut pas dire que tout est sécurisé, ça n'existe plus la sécurité. Trente minutes? Si elle réfléchit, il y a moins que ça en voiture:

- Bon, je crois que c'est dans le coin non? Je te laisse me diriger?