Merde, il est où déjà ce foutu terrain de golf ? J’aurais p’têt dû jeter un oeil à la carte de la ville avant de partir. J’crois me souvenir que c’est par là… mais les panneaux couchés sur la route aident pas. Aux pressions nerveuses de mon pied, le moteur répond par un doux vrombissement. Je commence à perdre patience et à regretter d’avoir fichu le camp tout seul. C’est que ça fait un bail que j’n’ai plus foulé Seattle sans compagnie. Ça fout la frousse. Un peu. Et puis, comme un petit miracle, l’indication du golf apparaît au tournant derrière une rangée de bâtiments.

Je me gare devant les grilles du parc et décide de poursuivre à pieds faute de pouvoir passer. Je m’y faufile silencieusement, referme derrière moi. Il y a un bâtiment principal qui semble faire office de restaurant et coin terrasse délabré. Chaises et tables renversées, soudées dans le sol par le temps et la mousse. Tout autour, la nature a repris le pas sur le gazon et les buissons jadis bien taillés. Ça a des airs de grand jardin protégé. Je glisse la main à mon pistolet - au cas où je n’sois pas le seul à y traîner - et m’aventure dans cette presque-jungle.

L’enjeu est énorme. J’ai l’impression de sentir la présence de la russe tout autour de moi. Qu’elle est en train de jouer à me souffler des “chaud” ou “froid”. L’espoir est vile, il ne cesse de se donner des raisons de mourir. Peut-être bien que Selene s’est trompée, ou qu’ils ont déjà bougé, qu’ils se sont fait chassés. Peut-être que j’arrive là trop tard et que le mal est déjà fait. Que les instants passés à se prendre le bec avec Selene ont été ceux de trop, aussi ridicule le délai fut-il.

Non. Je secoue la tête. Remets toi les idées droit, Ducon. En suivant une allée de terre diffuse, je m’enfonce un peu dans le parc. Pas de rôdeurs en vue pour le moment, et il me reste plusieurs heures avant la tombée du soir. Je reste simplement attentif aux crissements des branches.

La voilà. La caravane. Je m’y précipite sans précautions. Et quand la verdure lève son voile, je distingue deux silhouettes découpées dans le ciel, debout sur le toit. Je ralentis le pas, le menton levé vers elles, la bouche bêtement ouverte de stupéfaction. Comme face à une vision divine. J'ai le coeur au bord des lèvres, il tambourine à la mort. Elle m'a vu, je crois. Oui, les cheveux courts soulevés par le vent, l'allure mince et guerrière, le club de golf relevé sur l'épaule. C'est bien elle, "Roza ?"

Abandonnés sur ce terrain de golf, le ménage étant vite fait, le duo s'empressa de tuer le temps, ou tout du moins d'essayer. Roza étant une vraie pile électrique, fouiller le peu de bâtiments présents ne suffit pas à la fatiguer maintenant que son impatience était titillée au plus haut point. Heureusement, Connor ne manquait pas de ressources comme d'idées et invita la russe à s'équiper du plus de balles possibles ainsi que d'un club de golf adapté à sa gaucherie. Très bonne idée ! Joyeuse, elle s'arma d'un sac de richou pour y glisser une bonne trentaine de petites balles avant d'escalader l'échelle à toute vitesse pour rejoindre son sportif sur le toit de leur camping-car. Depuis leur hauteur, les shoots allaient devenir amusant sans compter qu'une cible de choix s'avançait vers leur habitacle de fortune. Après vérification, la victime étant animée d'une démarche lourde et lente à souhait, il fut aisé d'en conclure qu'elle n'avait rien à voir avec son Eli, Les jeux étaient donc ouvert !

"On vise le glouton là bas !" Dit-elle avec un engouement certain en pointant l'énergumène au loin de l'index.

Plus facile à dire, qu'à faire. La russe n'était vraiment pas douée pour le golf, mais qu'importe, l'amusement était là ! Entre deux tirs et un regard en coin pour son co-pilote, elle se permise de remettre le sujet délicat sur la table.
"Désolée pour Selene. Sa parrrano est vachement attaquée." Elle n'y était pour rien, certes, mais cette idée étant la sienne, il lui semblait important de s'exprimer sur ce point. "Ils sont une dizaine. C'est un petit nombrrre, j'sais, mais ils ont déjà croisés la bande connarrrds en subissant un morrt. Mine de rrrien, et ça me tue de le dirre... c'est plutôt une bonne chose. Ainsi, ils sont suffisamment rrremontés pour devenirrr des alliés de choix." La russe aurait préféré qu'il ne s'agisse pas d'Alma, mais ainsi était la vie, la mort avait tendance à préférer les proches de la slave. Une chance qu'elle ignorait ce qu'il en était de son amie London... À la longue, elle finirait par s'y faire. "Et tu vas voirrr ! Eli est génial !" Et la voilà qui remettait encore son mexicain sur le tapis, le pauvre Connor ne cessait d'entendre parler de lui depuis que la russe avait quitté le véhicule de la pianiste.

En parlant de basané, une silhouette fit son apparition sur son flanc ouest, et celle-ci progressait à bon rythme, rien à voir avec un acharné de la molaire. "Oh !" La russe cessa ses tirs et cala le club sur ses épaules dans une pose pleine de classe alors qu'elle se tournait vers ce qui pouvait s’apparenter à un mirage. Son regard dans le vide et son esprit perdu dans ses pensées, le fantôme se dessinait peu à peu et malgré cette longue chevelure, l'illusion ne fut que de courte durée pour arpenter enfin les traits de la réalité. C'était bien son Eli en contre bas qui soufflait son prénom, aucune duperie là dedans, si ce n'est cet air de gonzesse.

"Bah brrrravo tovarrritch* ! Je te laisse cinq minutes et voila que tu te tourrrnes verrrrs le trrrransforrrrmisme !"

Elle y avait glissé une pointe de russe dans son timbre enjoué, un mot que ses deux bro devaient maintenant connaitre à force de l'entendre rabâcher ce terme à longueur de temps. Quant à sa mâchoire, elle se crispa tandis que les larmes lui montaient aux yeux. Larmes qu'elle s'empressa de refouler en refusant de les laisser couler, un regard brillant ferait amplement l'affaire. Après un doux frisson et un coup de pied au cul imaginaire, elle retrouva l'usage de ses gambettes pour se laisser glisser le long de l'échelle, tel un pompier des temps moderne bien pressé d'y éteindre le feu qui lui titillait les entrailles. Arrivée à sa hauteur, elle prit sa taille dans ses bras soudainement puissants pour lui offrir sa plus belle étreinte, laissant alors place à un sentiment si intense que le monde autour d'elle s'effaça en un instant. Le pauvre Connor n'était plus, le rôdeur au loin et le camping-car non plus, il n'y avait que Lui et Elle. Le visage enfoui dans son cou, elle laissa aller sa joie, son bonheur et sa peine couler le long de ses joues dans un murmure. "Pauv' con. Tu m'as manqué..."

La scène de nos retrouvailles a eu tout le temps d'être jouée des dizaines de fois depuis l’aveu de Selene. Et pourtant, elle conserve un sentiment d'irréel. Sa pique sur mes cheveux et sa descente précipitée depuis le toit m'arrache un sourire un peu brusque, nerveux, qui fond aussitôt qu'elle se jette dans mes bras. Doucement, je referme les miens dans son dos, colle la joue à ses cheveux et ferme les yeux. J'en tremble un peu.

L'impression d'avoir couru des milliers de kilomètres et d'avoir enfin atteint l'arrivée. Ça laisse con et essoufflé. Je la sens pleurer. J'me dis qu'il a fallu attendre de se croire perdus pour qu'elle ne rechigne plus à me montrer cette facette d'elle. Celle qui dissout l'accent russe factice dans l'émotion. Ses épaules se crispent, je le sens sous mes mains, à lutter contre les sanglots. Ça me fait monter les larmes, à moi aussi.

Et il y a un an à peine, je me serais simplement écroulé. J'aurais chialé plus d'eau que j'n'en ai. Aujourd'hui, j'ai juste le regard humide et épuisé. "J'suis vraiment désolé..." En la serrant un peu plus fort. Pas la peine d'entrer dans le détail. Je l'ai laissée pour morte, et la voilà bien en vie. "J'aurais dû m'douter que tu t'en étais sortie." Et je ressens une grande appréhension à affronter son regard, son jugement, la culpabilité qu'elle me renverrait en pleine face. Pour un instant encore, je préfère me contenter de respirer son odeur - elle n'a pas tellement changé - et de la sentir avec moi. Le coeur battant, loin d'un de ces rôdeurs qui se traînent sans aucun doute au delà des feuillages. "J'ai un tas de choses à t'raconter." La façon dont j'ai retrouvé Selene, le bébé, la rencontre avec ces pilleurs du lycée, la mort d'Alma, les embrouilles, les galères, "je n'sais pas par où commencer et..." J'souffle, essaie de réduire la boule qui me bloque la gorge. "je crois que j'vais te laisser commencer, en fait." Bref rire nerveux, je renifle mes émotions. Ça s'ra plus simple, sûrement.

Enfin, j'me sépare d'elle, garde les mains sur ses épaules pour la tenir face à moi. "Et tu peux parler, tu ressembles encore plus à un dude qu'avant." J'décroche une main pour me frotter les cernes, puis lève les yeux vers l'inconnu qui se tient à distance. Plus bas, je demande à la russe, "C'est lui, Connor ?" Pas suspicieux pour un sou, vraiment.  Si la russe lui fait confiance, alors je lui accorderai volontiers la mienne - dans les limites ridicules que m'a imposé Selene. Je baisse à nouveau les yeux vers la jeune femme et lui agite la tignasse d'une main. Grand sourire ému. J'ai pas envie d'penser au moment où j'devrai décider s'il faut repartir à la prison ou rester. "Tu m'fais entrer ?" Mais je crois que j'en ai déjà une petite idée.

Ces larmes ne tiraient leur source d'aucune tristesse, simplement d'une grande joie qui allait de paire avec un sentiment paix capable de taire momentanément la colère comme la peine qui rongeaient la russe. Il était alors déjà tout excusée et aussi incroyable soit-il, jamais l'encrée n'avait éprouvé le moindre dégoût face à l'abandon subit. L'ignorance ainsi que la certitude de sa mort l'avait trompé, le pardon ne pouvait alors qu'en être conséquent et à juste titre, elle aussi le croyait mort. Penser cependant qu'elle puisse mourir aussi facilement, ça, c'était un affront de taille ! Mais l'heure n'était pas aux reproches, pas maintenant là où la maigre et pâle figure de la slave était élargie par un rire chaleureux. "Oh mais ça, on s'en bat graaave les ovaires !" Ils étaient de nouveau réunis, gâcher l'instant avec des regrets, c'était vraiment un plan foireux.

Forçant sur ses paupières, elle s'essaya à arrêter ses larmes comme pour les éponger pour de bon dans un claquement de mâchoire. "Mais aussi j'ai plein d'trucs à te dire ! C'était mouvementé !" Et même plutôt bien engagé, ou presque. Une pensée en amenant une autre, celle du foutu jour où elle n'avait pas accompagné Mark à la pêche par flemmardise remonta bien vite à la surface. Contractant dans un pincement ses lèvres, elle s'empressa de rebondir pour ne pas qu'il ne comprenne pas son hésitation, tout du moins, pas tout de suite. " T'sais, qu'on a retrouvé du monde à George Town !" Autant parler des vivants dans un premier temps.

Suivant alors son regard de sa caboche soudainement hérissée et bordélique, elle retrouva un franc sourire en désignant à la suite le sportif de l'index. "C'est bien lui ! Mon Bro next gen' ! Et lui au moins ne tire pas des vagins en pleine ovulation ! Il est plus que fiable." Et paf, petite pique taquine suivit d'un coup de coude en plein dans le bras et d'un rire gras conséquent. Elle était bien au courant de sa précédente connerie et comptait sans nul doute y revenir plus tard, il n'allait pas échapper bien longtemps aux sermons. "M'bien sûr, rentre donc !" Le camping car était ouvert, la banquette repliée et surtout libre d'accès avec une table en son centre qui n'attendait plus que lui. La petite caisse en bois qui siégeait sous celle-ci fut déplacée juste à côté, laissant à portée de mains quelques munitions petits calibres, des couteaux, une grande paire de ciseaux ainsi qu'une épaisse corde et deux lampes torches. Dans le fond, à côté d'une glacière sans glaces, deux gros sacs à dos étaient rangés par dessus une couche de draps et de couettes. Chaque coin possédait du matériel, allant de la pelle à la canne à pèche, aux jerrycans d'essences etc... C'était tout un bazar organisé !

"Tu t'occupes de lui et tu nous rejoins ?" Demanda t-elle à Connor en désignant le rôdeur non loin du menton. Libre à lui de se joindre au duo après, la slave n'avait rien de pudique et craignait simplement qu'il ne s'emmerde avec leurs récits, d'où le ton interrogatif soulevé.

Une fois la réponse obtenue, elle se hissa dans le mastodonte tout en laissant la porte ouverte derrière elle. "Et ça, c'est not' maison ambulante, encore plus équipée que le car scolaire !" Elle s'installa à ses côtés, ne serait-ce que pour ne pas perdre sa proximité et pas - que - pour lui refiler des coups de coude.  "Fiou.. Alors ! On revenait du pont après avoir passé deux jours dans ses alentours et on a pris la direction de Georgetown pour revenir à la planque. De là... London, Trey, Finn, Valeria, David et Bateson s'y étaient installés, on les a loupé d'peu à la base, en fait !" Si le départ pour Tacoma s'était joué quelques jours plus tard, les deux groupes auraient pu être réunis et ainsi tout changer. Leur destin se jouait à bien peu de chose finalement. "On te croyait mort aussi, du coup, comme tu étais pas là..." Elle aussi détourna son regard rien qu'à l'idée, le penchant vers ses doigts qu'elles trituraient nerveusement alors qu'elle n'avait toujours osé soulever le nom de Mark.  "Alors.. tu t'souviens de cette gonzesse que j'avais tapé et qui m'avait refilé quelques patates en retour ?" Évidement qu'il s'en souvenait, il avait suffisamment engueulé l'encrée d'être sortie seule ce jour là pour l'oublier si vite. "L'indication du camp qu'elle m'avait donné... j'ai décidé de la suivre et d'y amener les autres. Il fallait que je tente ... que j'fasse quelque chose d'bien, enfin, que j'essaye de mettre tout le monde en sécurité sans me foirer cette fois quoi, tu vois." La chute du lycée, la perte de Eli et de son groupe, que des torts qu'elle continuait de porter. "Et ça a marché... On a pu les trouver, et ils sont tous vivants au ranch, chez Connor et les siens." Pas Mark, non, mais ça ne voulait toujours pas sortir. London ? N'en parlons pas, la russe ignorait encore cette horrible vérité : la vie est vraiment une pute.

J'ai le regard qui se balade dans la caravane, impressionné par la quantité de matériel qu'ils parviennent à transporter dans un espace si etriqué. Quand elle s'adresse à Connor, je tourne le menton vers lui sans rien ajouter, le remerciant tacitement de nous laisser un moment en tête à tête. C'est que les infos comment à pleuvoir dès que je pose le cul sur la banquette et qu'elle m'y rejoint. Je pose mon propre sac à mes pieds, et essaie de mettre la confusion de côté pour l'écouter. La liste des survivants d'Emerald m'arrache un petit sourire plein d'espoir. Le groupe a certes éclaté, mais ses membres subsistent partout dans la ville. Ça me rassure. Mais elle n'évoque pas Mark.

J'aurais dû faire demi-tour pour les rejoindre à Georgetown. C'était affreusement égoïste de ma part de continuer d'un trait jusqu'à Gig Harbor... Quand j'y repense, ouais, je n'suis pas certain d'avoir pris la bonne décision.

"Hm ?" quand elle évoque Elena. Puis j'articule plus doucement, les yeux plantés dans les siens, "T'as bien fait." De rameuter tout ce petit monde dans un camp sécurisé. Quitte à y aller à l'aveugle. C'est pas comme s'il y avait trente-six options. "Tu les as probablement même sauvés." Léger coup de coude affectueux, petit rire nerveux. "Je n'sais pas si j'pourrai les revoir, sûrement pas bientôt, mais..." j'souffle, "c'est déjà cool de les savoir en lieu sûr." Et je reprends, sans attendre, "Quand on a été séparés, on s'est remis en route pour le camp de Selene avec Lisandro et ma mère." La voix flanche légèrement sur l'évocation de celle-ci. Mais je me ressaisis rapidement en m'éclaircissant la voix. "On a fini par les trouver. J'ai interdiction de te dire où pour le moment - c'est stupide, je sais - mais c'est pas loin d'ici. On a retrouvé Selene, Andrea, et toute leur clique. Et comme tu l'sais," j'aurais aimé qu'elle l'apprenne par moi, m'enfin, "je suis papa, maintenant." Impossible de contenir vraiment le rictus plein de fierté. "Elle s'appelle Elizabeth Rose. On s'est dit que ce serait bien de te rendre honneur d'une façon ou d'une autre, alors..." J'ai l'regard encore brillant, "j'espère que ça n'te dérange pas." J'relève le menton vers la russe, "Elle est adorable. Et toute petite. Paraît qu'elle a mes yeux, puis les cheveux bouclés comme sa mère. Et elle a définitivement pris le teint mexicain aussi. Et..." je crois que j'en parle trop, "Depuis qu'elle s'est remise de la naissance, Selene part beaucoup vadrouiller, donc j'me retrouve un peu coincé au camp avec le bébé. J'veux pas la laisser seule, tu vois ?" Court soupir, "Mais tu vas bientôt la rencontrer, de toutes manières." Passage obligé pour la russe. Elle fera un excellent modèle pour Effy, quoi qu'en dise sa mère. J'ai envie de la voir devenir aussi forte, débrouillarde et déterminée. Qu'elle me remette en place quand elle sera grande.

Par la fenêtre du camping-car, on aperçoit la silhouette de Connor dans le parc. Je l'observe un petit instant, avant de trouver le courage de mettre les pieds dans un autre plat, bouillant cette fois, "... où est Mark, au fait ?"

Ce que ça faisait du bien que d'entendre de la bouche d'un autre que pour une fois elle avait fait quelque chose d'utile. La révélation lui ôta immédiatement un poids conséquent dans un fin soupir salvateur.

Engagé comme ça l'était, la rencontre de sommet à venir devrait pouvoir unifier ces deux communautés et qui sait, possiblement même les unir dans un même lieu. Ce serait un bel idéal, le ranch étant autonome en ressource et la bande de Selene relativement formée au combat comme aux armes, le mixte pourrait en faire un camp parfait.

Elle venait d'ouvrir ses lèvres pour lui exposer son utopie passagère mais fut aussitôt coupée par son Brogole qui s'empressa de lui raconter son avancé au sein du camp de la musicienne. Le bébé, la petite erreur qu'elle représentait ne lui était en effet pas inconnu, de même pour le choix du deuxième prénom qui avait su déstabiliser la slave devant la pianiste. Puis, disons le, ça aidait la russe à ne pas tarter son ami pour avoir merdé à ce point là. Avoir un enfant en bas âge alors qu'une bande de meurtriers entraînés et pillards avérés traînaient encore dans le coin, c'était vraiment un plan foireux.

La chose étant faite, lui râler sur la tronche et l'étrangler n'était plus vraiment d'actualité, et puis, c'était tellement touchant ce foutu prénom... De quoi la faire sourire et accepter la chose. "Bien sûr que non ça me dérange pas, au contraire, c'est trop la classe !" Même si l'origine du prénom semblait plutôt être un hommage qu'autre chose, c'était suffisant pour redonner un peu de lumière à cette âme en peine et obnubilée par ses échecs. "Mais compte pas sur moi pour te féliciter !" La petite touche d'humour était là, mais la russe n'en restait pas moins sérieuse.

Qu'il était mignon ce jeune papa, on ne pouvait maintenant plus l'arrêter ! Finalement, ce n'était peut-être pas une si mauvaise chose, elle avait le mérite de le remplir de fierté et devait bien avoir son rôle à jouer pour le bien-être quotidien de papa. "T'en fais pas, je comprends. C'est important que tu restes proche d'elle." Un mal pour un bien, la russe repartirait donc seule une fois la rencontre de sommet lancée. Au moins, ça lui assurait qu'elle ne remettrait pas une autre vie en danger dans sa quête de vendetta, et ça, c'était le bon côté de la chose.

Mark. Elle l'avait déjà oublié avec la parenthèse Baby Boom, rien que l'évocation de son prénom suffit à faire taire son sourire. Se penchant pour attraper la paire de ciseaux qui traînait dans la petite caisse en bois, elle marmonna dans le même temps et d'une voix peu assurée : "Il est plus là." Encore une mort qu'elle aurait pu éviter, cette vérité étant bien trop dur à formuler, elle n'en dit pas plus et agita sa nouvelle arme juste sous son nez. "Je te refais une gueule ? Tu as vraiment l'air d'une gonzesse et ça titille mes hormones, c'pas bon du tout ça !" Pour sûr, ce serait vachement moins bien réalisé que si Shawna s'y mettait, mais ça lui tenait à cœur !

"Ça fait déjà trois mois qu'on vadrouille pour rechercher ces fils de putes avec Connor" Bah quoi ? Fallait bien qu'elle rebondisse sur un tout autre sujet. "Prochaine direction, le Nord de Seattle. Le Sud est à exclure selon Selene, l'Ouest aussi et de notre côté on confirme que l'Est est clean et idem pour Seattle." Elle avait pourtant plein d'autre chose à lui raconter mais l’instinct l'en empêchait, son obsession était bien trop forte pour qu'elle puisse lutter. Aussi triste à dire soit-il, il n'y avait plus que leur traque qui animait la nouvelle Roza.