Le salut vint bel et bien de l'intervention de Caleb. Eileen ne comprit pas tout de suite ce qui se passait, ne voyant que tardivement un de ses bourreaux s'écrouler avec des flots de sang qui giclaient de sa gorge largement ouverte. Le coup de feu fut bien plus décisif et l'aida à comprendre ce qui se passait. Sur les quatre hommes, l'un d'eux était mort et le second mortellement touché. Il n'en restait plus que deux encore capables de représenter un danger. Ils devraient cependant se méfier des mourants, qui pourraient se relever en tant que rôdeurs si on ne s'occupait pas d'eux comme il se devait.
Ayant réalisé ce qui se passait, la brune profita de la confusion pour se dégager et se remettre sur ses pieds. Elle n'avait aucune arme à portée de main et c'était bien là son regret car elle était animée d'une rage farouche. Ces imbéciles n'avaient pas pensé à aller vérifier si elle était seule lorsqu'ils lui étaient tombés dessus, et c'était tant mieux. S'ils avaient trouvé le sénateur endormi, ils auraient facilement pu lui faire la peau. En entendant la voix de son mari, elle crut que sa poitrine allait littéralement exploser de bonheur. Elle en profita pour repousser un des deux types survivants pour mieux filer rejoindre son compagnon... mais elle sentit une poigne de fer se refermer sur son poignet et la tirer en arrière. L'autre s'était ressaisi.

« Pas si vite ! T'es qui toi bordel ?

La jeune femme se retrouva plaquée contre un torse solide comme un tronc d'arbre, mais qu'elle n'aurait pour rien au monde voulu toucher. Tout son être se révulsa dans un sentiment de rébellion. Elle chercha à se dégager mais le contact du fil d'une lame sur sa gorge la contraignit à l'immobilité. Son regard se posa sur Caleb, tandis que sa poitrine se levait et s'abaissait rapidement sous l'effet d'un souffle court. Le type s'était adressé au sénateur et lui faisait face avec l'aide de son camarade qui avait repris ses esprits et pointait à présent une arme à feu sur celui-ci. C'était du deux contre un. Eileen enrageait d'être pour le moment un poids inutile, mais dans la confusion et l'obscurité elle n'avait pu agir comme elle le voulait. Elle tâcha de trouver un solution, d'essayer de se défaire de la prise de son ennemi. Celui-ci ne fit que la serrer d'avantage tout en la plaquant rudement contre lui.

- Putain, c'est vous les deux connards après qui on courait, hein ? On va la faire simple. Tu poses ton arme ou je la saigne comme un porc !

La seule chose qui troublait encore le silence était la respiration faible, sifflante et gargouillante de l'homme agonisant que Caleb avait touché avec son arme à feu. Celui qu'il avait égorgé avait achevé de se vider de son sang sur le sol. Il leur fallait être prudents. Ces deux-là finiraient par revenir, et les conditions n'étaient pas idéales pour leur faire face. La brune était en train de faire de rapides calculs. Si son mari tirait sur celui qui la maintenait, l'autre risquait de tirer à son tour et de le blesser. Si au contraire il visait celui qui avait une arme à feu, elle risquait fort de ne pas aimer la rencontre de la lame du couteau avec sa gorge. Pour autant, elle n'était pas totalement impuissante. Elle pouvait agir, essayer de l'aider et de lui donner un avantage. Elle n'avait pas dit son dernier mot. Il n'était de toute façon pas envisageable de céder à un tel chantage. Si le sénateur se rendait, que se passerait-il ? Ces types le tueraient sans doute, voire le tortureraient avant. Quant à elle, elle subirait sans doute le sort qu'ils lui réservaient initialement, avant qu'ils ne la tuent aussi. Il y avait même fort à parier qu'ils obligeraient son mari à regarder avant de l'abattre. Ils devaient se sortir de là par leurs propres moyens, sans céder à de telles exigences. Raison pour laquelle elle s'adressa à son compagnon d'une voix ferme et qui ne tremblait pas.

- Ne l'écoute pas, Caleb ! Fais ce que tu dois faire ! »

Eileen sentit la lame mordre la peau délicate de sa gorge, cette fois. Elle laissa échapper un très léger hoquet de surprise et de douleur. Ce n'était rien de méchant, mais la sensation était cuisante et elle sentait un mince filet chaud couler le long de son épiderme. Un peu de sang. C'était un rappel à l'ordre, un avertissement. Pour autant, la jeune femme était en train de sérieusement songer à lui écrabouiller le pied au moment opportun pour offrir une ouverture à son mari. Ils n'avaient pas d'autre choix que de combattre pour s'en sortir. Ils n'étaient pas des moutons qu'on pouvait aisément sacrifier.

L’homme était confiant en ses capacités de tireur, peut-être même un peu trop, mais il avait envie de croire que les choses pouvaient aller en leur avantage. Il était évident qu’il était dans une impasse à l’heure actuelle. Il aurait dû essayer d’en tuer un autre discrètement avant de sortir son arme à feu. Il avait définitivement les mains salies par le sang qu’il avait fait couler aujourd’hui, mais cela n’avait guère d’importance. Son regard se posa sur sa femme puis sur l’homme qui la maintenait contre lui, il était toujours en train de le pointer avec son arme à feu et n’était décidément pas décidé à baisser son arme. Il devrait sans doute, pour s’assurer de la sécurité de sa femme, mais il savait très bien qu’il ne pouvait pas baisser les armes, il n’avait pas le choix.

- Qu’est-ce que ça change de savoir qui je suis ?

Il avait déjà vendu la mèche concernant le fait qu’il avait tué leurs amis. Il portait d’ailleurs une paire de lunettes qui ne pouvait que le prouver même s’ils ne le remarquaient sans doute pas parce qu’ils n’avaient pas l’air très intelligents quand on y regardait d’un peu plus près. L’homme était en train de chercher une solution alors qu’Eileen lui disait de ne pas les écouter, d’agir. C’était ce qu’il était en train de faire et pour le coup, il essayait de trouver la meilleure situation pour qu’il s’en sorte sans trop de difficulté, principalement sa femme parce que c’était elle qui comptez le plus à ses yeux. Il marqua une pause dans ses réflexions, visant un peu mieux l’homme qui tenait sa femme beaucoup trop proche de lui. Ce serait sa victime, il se jetterait en avant l’instant d’après espérant éviter une balle de l’autre, c’était une bonne idée.

L’espace d’un instant, il fit mine de se rendre pour endormir un peu la vigilance de l’homme qui le pointait de son arme à feu avant de finalement changer d’idée, tirer sur celui qui tenait Eileen et de se jeter en avant. Il ne savait pas trop où il l’avait touché, mais vu le cri de douleur, il était évident que c’était suffisant pour qu’il lâche sa femme. Dans son bon en avant l’autre homme tira tout de même et il sentait une douleur cuisante au niveau de son bras gauche. Il s’était sans doute fait toucher, mais cela ne semblait qu’un détail en comparaison de ce qu’il avait fait à l’autre. Heureusement, il arriva à la hauteur de sa femme et lui mit son coteau entre les mains. Si ça pouvait l’armée et faire la différence, il n’allait pas s’en plaindre. Il était à présent à nouveau deux contre deux s’il prenait en compte l’homme qui était en train de se rouler au sol dans la douleur un peu plus loin. Caleb aurait menti en disant qu’il n’était pas heureux de cette situation. C’était largement préférable de voir qu’un homme qui avait voulu avoir des gestes déplacés avec sa femme en train de se vider de son sang un peu plus loin.

- Dit moi que ça va, qu’il ne t-on rien ne fait.

Lui avait mal, c’était certain, mais ce n’était qu’un détail, cela ne l’empêche pas de retourner se coucher pour finir sa nuit ou de rentrer au ranch. Il savait que dans quelques jours ce ne serait plus qu’un mauvais souvenir et qu’en attendant et bien il devrait souffrir un peu, mais c’était aussi ça la vie, un cumule de souffrance et de truc comme ça. Il souriait à la brune alors que le dernier homme armé commençait à se faire un peu plus menaçant en leur direction. Caleb n’hésita donc pas plus longtemps avant de le mettre en joue.

- Je ne suis pas un tueur, mais c’est vrai, j’ai déjà tué tous tes compagnons, à toi de voir si tu veux être le dernier ou si tu préfères partir.

Extérieurement, on pouvait avoir l’impression qu’il était en train de lui offrir miséricorde, mais dans le fond, Caleb était surtout un chat qui jouait avec un sourire, il attendait simplement qu’il se retourne pour l’abattre comme un chien. Lui faire croire qu’il avait l’espoir de vivre et le tuer juste derrière de façon à ce qu’il réalise que ce n’était qu’un mensonge. Il était sadique dans le fond, surtout après ce que les hommes avaient fait, il ne pouvait pas leur offrir le pardon.

Eileen ne craignait pas pour sa vie en cet instant. Le regard qu'elle vrillait sur son mari le lui disait clairement. Que Caleb tire ou non, elle risquait gros. Il était donc logique qu'elle veuille qu'il essaie de tirer coûte que coûte. Céder ne les avancerait en rien, et au vu des meurtres qu'ils avaient déjà perpétrés pour s'en sortir on ne les laisserait pas simplement filer. Comme c'était souvent le cas depuis le début de l'épidémie, il s'agissait d'un affrontement qui était une question de vie ou de mort. La jeune femme vit la résolution dans les yeux de son compagnon, et elle se tint prête.
L'action se déroula très vite. Le sénateur effectua une feinte qui leurra leurs ennemis sur celui qu'il prenait pour cible. Au lieu de quoi il se rua en avant sur celui qui tenait sa femme prisonnière. À l'effet de surprise et au coup de feu se rajouta le violent coup de pied de la brune qui écrabouilla celui de son ravisseur. Avec les deux hommes précédemment mis hors de combat, cela réduisait désormais leurs assaillants à un seul. Eileen récupéra le couteau que son mari lui donna, et tous deux firent face à leur ennemi. Sa voix claire entreprit de rassurer son compagnon.

« Ca va... Ils ne m'ont rien fait. Pas ce que tu penses en tout cas.

Elle grimaça légèrement avant de se masser prudemment la gorge. Le sang coagulait lentement à la coupure dont elle avait écopé. La sensation était cuisante, brûlante, mais il n'y avait rien de grave. Elle se sentait un peu sonnée et endolorie en raison des coups qu'elle avait reçus, mais elle s'en remettrait. Son regard alla aux hommes à terre. Elle ne souhaitait pas qu'ils soient pris à revers d'une façon ou d'une autre, qu'il s'agisse d'un blessé qui se remettait ou d'un mort-vivant fraîchement transformé. Muette, elle écouta les paroles que le sénateur adressait au survivant. De la haine brûlait dans le regard de celui-ci, et on aurait pu croire que toute trace d'humanité l'avait depuis longtemps déserté. Il faisait sans doute partie de ces brutes qui avaient trouvé leur compte dans l'effondrement du monde moderne.
Sachant que Caleb avait les choses en main, la jeune femme fit le tour des hommes mis hors d'état de nuire. Le premier était mort, et elle utilisa le couteau pour lui transpercer la tempe et éviter d'avoir un rôdeur sur le dos. Le second respirait encore à peine, touché à une artère et le regard déjà voilé. Il connut un sort similaire. Quant au dernier... La balle l'avait touché à l'abdomen et l'avait salement amoché, sans toutefois le tuer. Elle s'empressa d'y remédier, avec une froideur et une détermination induites par la situation. Ayant pour de bon détruit le cerveau des trois hommes, elle récupéra leurs armes tout en se redressant pour regarder le dernier qui faisait toujours face à son mari, comme hésitant.

- Ca aurait presque été tentant de les laisser se transformer...

La brune n'ajouta rien de plus. Leur ennemi semblait lutter avec l'envie de les tuer tous les deux, et ce sans prendre en compte les conséquences. Une sorte d'effet berserker, si l'on pouvait dire. Pourtant, il finit par renoncer et lâcher son arme sous la menace de celle de Caleb. Pensait-il vraiment qu'il allait s'en sortir ? Eileen connaissait assez son mari pour savoir qu'il ne prendrait pas ce risque. Si cet homme partait, il reviendrait avec des renforts et risquait bien d'avoir leur peau cette fois-ci. Lorsque le type tourna les talons, la jeune femme croisa le regard de son compagnon. Celui-ci s'éclipsa le temps de suivre leur ennemi hors de la pièce. Il n'y eut que quelques secondes avant que le bruit d'un coup de feu ne retentisse, suivi par le son d'un corps qui s'effondre. Eileen sentit toute la tension refluer d'un coup, et se sentit prise de tremblements. Ils en avaient vu de dures, depuis le début de toute cela. Et pourtant, cela ne signifiait pas que l'adrénaline ou la peur n'avaient plus d'effets sur elle. Lorsque Caleb revint, elle dut se retenir pour ne pas se jeter dans ses bras. Elle chercha au moins le contact, tremblante et confuse le temps de reprendre ses esprits.

- Je... Sans toi... C'est ma faute, je me suis endormie... Ton bras... ? »

Elle s'était rendu compte qu'il saignait, et elle sentait sa culpabilité augmenter d'autant. Elle en était même submergée. Ils auraient pu mourir cette nuit-là, et même être torturés avant cela, pour la simple raison qu'elle s'était assoupie. C'était à son mari qu'ils devaient leur salut, ainsi qu'à la chance qui avait rendu ces hommes trop imprudents et pas assez rigoureux. S'ils avaient trouvé le sénateur avant son épouse, les choses auraient été bien différentes. La brune avait les doigts humides du sang de Caleb, et il fallait à présent jeter un œil à cette blessure. Pour le reste, ils pourraient sans doute terminer cette nuit et utiliser la voiture de leurs ennemis pour rentrer le lendemain. Personne ne savait où ils se trouvaient, désormais, et cela leur offrait une sécurité relative.

Il y avait eu un éclat mauvais dans le regard de Caleb quand il avait tiré sur l’homme, sa femme lui avait peut-être dit qu’ils ne lui avaient rien fait, la tension et l’adrénaline avaient été tout de même présentes, il avait ressenti le besoin de faire souffrir. Alors il l’avait tué comme s’il c’était agi d’un animal, il n’y avait éprouvé aucun remord, seulement du soulagement, il avait presque été heureux que sa femme ne soit pas là pour voir le sourire mauvais qui avait été sur son visage à ce moment présent. Il avait marqué une pause avant de rentrer, le temps de s’assurer que son ennemie était bel et bien en train de se vider de son sang et de lui offrir quelques commentaires déplacer. Ensuite, enfin, il avait pu rentrer et retrouver sa femme. Il n’avait qu’une envie c’était de pouvoir la serrer contre lui.

Caleb n’était peut-être pas l’homme le plus chaleureux au premier abord, mais avec Eileen, c’était bien différent. Il aimait sa femme, il avait besoin d’elle, il avait évidemment rangé son arme et il avait pu constater la blessure qu’il avait au bras, mais tout ça n’était que des détails sans importance. Il voulait simplement s’assurer qu’elle allait bien, mais il avait aussi besoin de se rassurer en même temps. C’était sans vraiment réfléchir qu’il l’attrapa de son bras valide et la serra contre lui.

- Viens là…

Il n’avait rien dit de plus, en même temps, rien d’autre n’avait d’importance. Il était peut-être debout au milieu de trois morts en chaussette, mais il s’en fichait. Tout ce qui comptait c’était qu’elle allait bien et il pouvait la serrer contre lui encore longtemps. Il était soulagé de voir que la situation était entre leurs mains à présent, il n’y aurait sans doute personne pour les retrouver ici, ils auraient même un véhicule pour repartir. Caleb était définitivement heureux, la chance était définitivement en train de tourner et il était rassuré de voir qu’Eileen était toujours avec lui. Peut-être qu’ils devraient reparler de tout ça, mais en tout cas, il n’avait pas spécialement envie de le faire à présent. Il voulait simplement garder la chaleur de sa femme contre lui dans cette étreinte qu’il n’avait pas envie de lâcher. Elle lui parlait tout de même de son bras, mais il savait que ce n’était pas grand-chose et n’était pas vraiment inquiet pour ça. Il savait que ça passerait plutôt bien.

- Ce n’est rien, qu’un peu de sang, la balle m’a légèrement effleuré le bras un simple pansement et tout ira mieux.

Il passa sa main gauche dans le dos d’Eileen lui assurant par la même occasion que malgré la blessure il pouvait bouger son bras sans trop de difficulté alors qu’il passa sa main droite sur le front de sa femme et sur sa tête pour remettre en place quelques cheveux qui étaient en train de faire n’importe quoi. Il avait un sourire bienveillant quand ses yeux étaient posés sur sa femme. Il n’était plus question d’être inquiet. Ils pouvaient prendre le temps nécessaire pour le rafistoler avant de retourner se coucher. Personne ne viendrait les attaquer à nouveau. Caleb savait de toute façon qu’il ne pourrait pas dormir tout de suite après les émotions qu’il avait subies.

- Écoute, si tu veux, on peut prendre leur voiture déménagée, se trouver un autre endroit ou passer la nuit et rentrer demain matin. Enfin si le véhicule à assez d’essence.

Il savait que ce ne serait pas spécialement facile de dormir ici, la peur de se faire de nouveau attaquer était vraiment trop importante même s’il n’y avait pas de raison que ce soit le cas. Il savait aussi que les coups de feu avaient possiblement pu attirer les rôdeurs du coin et que rester ici n’était peut-être pas la meilleure des solutions en y réfléchissant un peu. En tout cas, il finit par se détacher de sa femme à contrecœur alors qu’il retirait doucement son haut pour montrer à Eileen sa blessure au bras et par la même occasion que ce n’était vraiment pas grand-chose, simplement impressionnant, et rien de plus. Il savait qu’il ne faudrait pas longtemps pour lui confectionner un bandage digne de ce nom. Il faudrait simplement choisir quoi faire à présent et autant dire que rester ici ne l’emballait pas vraiment.

Eileen resta à trembler quelques instants contre le corps de Caleb lorsqu'il l'avait prise dans ses bras, le temps que les émotions passent. La survie les avait endurcis tous deux, mais ce n'était pas pour autant qu'ils étaient incapables de ressentir de la peur. La jeune femme l'avait nettement sentie cette fois-ci, et elle avait cru qu'ils ne s'en sortiraient pas. Ils avaient eu de la chance, et c'était tout ce qui avait permis de parvenir à un tel dénouement. Lorsqu'elle sentit que sa gorge était moins nouée par la culpabilité, elle se détacha doucement de son mari pour observer son bras.
Il avait assuré qu'il ne s'agissait que d'une égratignure, et pour le montrer était en train de retirer son haut. Afin d'y voir plus clair, la brune alla attraper sa lampe-torche afin de la braquer sur la blessure. La balle avait dessiné une estafilade sanglante mais heureusement peu profonde sur le bras de son compagnon. Cela saignait, mais le phénomène s'atténuait déjà. En revanche, la chaleur du projectile avait causé une légère brûlure sur les pourtours de la plaie. Heureusement, ce n'était rien de bien grave, effectivement. En revanche, le sénateur allait sans doute avoir mal pendant un certain temps avant que cela ne soit totalement remis.

« Je vais d'abord te faire un bandage. Ensuite... on ira voir dans une autre maison pour finir la nuit. On devrait cacher leur voiture pas loin de là où on ira, pour qu'elle soit invisible de la route. Juste au cas où. Comme ça, personne ne pourra nous retrouver, on en sera absolument sûrs.

Se mettant sur la pointe des pieds pour déposer un baiser sur les lèvres de Caleb, elle alla jusqu'à son sac dans lequel elle fouilla un instant. Elle revint avec une bouteille d'eau, un flacon d'eau oxygénée, un autre d'antiseptique ainsi que quelques compresses et un bandage. Avant de toucher à la plaie, elle utilisa un peu de savon hydroalcoolique trouvé lors d'une fouille récente, puis elle s'attaqua aux soins. Elle fit d'abord ruisseler de l'eau sur la blessure afin d'atténuer la légère brûlure. Après quoi, elle mit un peu d'eau oxygénée sur une compresse pour nettoyer la plaie. Elle fit vite, car elle avait lu dans un livre médical que ce type de produit avait tendance à endommager les nouvelles cellules. Cependant, c'était très efficace contre les bactéries les plus violentes notamment celle du tétanos. Cette application finie, elle acheva de nettoyer la plaie avec une compresse sèche, puis elle appliqua un antiseptique plus doux avant de refermer avec une compresse et le bandage. Ses soins n'avaient sans doute rien de très orthodoxes, mais au moins son mari ne risquait pas une vilaine infection.

- Maintenant, on peut partir. Ton bras ne te fait pas trop mal ? Ah, n'oublie pas de mettre des chaussures...

Eileen adressa un petit sourire au sénateur, ayant remarqué ce détail en baissant les yeux avec une pointe de culpabilité dans la voix. Au moins, cela détendait l'atmosphère. Sans rien ajouter, elle alla promptement rassembler ses affaires. Il ne leur fallut guère de temps pour être prêts et pour sortir prudemment dans la rue. Il n'y avait encore nul ennemi pour leur faire du mal. Même d'éventuels rôdeurs attirés par les coups de feu n'étaient pas encore arrivés. C'était leur chance. Le couple alla jusqu'à la voiture abandonnée par leurs agresseurs, et monta dedans après une brève inspection de l'intérieur. Ils la conduisirent jusqu'à une maison assez éloignée de la leur, où ils la garèrent à l'écart de la route sous un arbre dont les branches tombaient très bas. Cela ferait office de camouflage jusqu'à leur départ. La jeune femme fut la première à aller jeter un œil à la maison et à y pénétrer. Tout était calme, et personne ne semblait s'y trouver. Cela ne les dispensa pas de l'habituel tour d'inspection, qui se déroula sans encombres. Ils étaient seuls.

- Ici, on devrait être bien. Mieux vaut se barricader pour qu'on puisse dormir tous les deux. J'ai envie de dormir blottie contre mon héros. Sans toi, je ne sais pas où je serais ce soir... »

La brune adressa un regard reconnaissant à son mari. Sa gorge s'était nouée momentanément sous le coup de l'émotion. En attendant, elle alla jusqu'au salon pour commencer à pousser le canapé jusqu'à la porte d'entrée. Elle comptait bien mettre de la vaisselle quelque part pour que l'ensemble provoque du bruit à la moindre tentative d'intrusion. Une pile bien placée faisait office d'alarme improvisée. Et si elle trouvait des éléments en métal et des couverts à attacher à un fil pour le tendre au bon endroit... ce serait encore mieux et leur permettrait de se dispenser de tour de garde. Avec leur état de fatigue et même si l'adrénaline les tenait bien réveillés en cet instant, ils finiraient par sombrer de toute façon et risquaient de connaître une nouvelle déconvenue comme celle qu'ils venaient d'affronter.

Tout aller mieux maintenant, Caleb reprenait doucement ses esprits alors qu’il serait sa femme contre lui. Tout semblait aller mieux maintenant d’un coup, il n’avait plus envie de se prendre la tête avec tout ça, mais il n’avait pas vraiment le choix. S’il restait immobile ici pendant trop longtemps, il ne pourrait pas repartir, il le savait. Il avait envie de se poser contre sa femme et dormir, mais pour le coup, il fallait d’abord s’occuper d’autre chose. Il regarda sa blessure d’un air dubitatif alors qu’Eileen était déjà en train de sortir tout ce qu’il fallait pour le soigner. Il se laissait faire sans rien dire, oui, ça faisait un peu mal, mais l’adrénaline était encore en train de l’aider à supporter cette douleur. La remarque concernant ses chaussures lui tira un petit sourire en coin. C’est vrai qu’il était toujours pied nu et il l’avait oublié. Sans vraiment y réfléchir plus que ça, il passait sa main valide sur la joue de sa femme avant de lui dire simplement.

- C’était pour faire trop de bruit et puis tu aurais préféré que je prenne le temps de mettre des chaussures et que je me fasse repérer parce que je faisais trop de bruit ?

S’il n’était pas intervenu à temps, les choses auraient mal fini, il en avait conscience et sans doute qu’elle aussi. Il préférait donc rester silencieux et ne rien dire de plus. Oui, ce n’était pas si facile que ça, mais il n’y avait pas de raison que les choses se passent si mal. Enfin, Eileen finissait son travail et il était temps de passer à autre chose, elle était déjà au petit soin pour lui à savoir comment ça allait se passer. Il lui offrait un sourire avant de lui répondre simplement pour la mettre en confiance et la rassurer.

- T’en fais pas pour mon bras, on va pouvoir y aller.

Pour Caleb à présent, plus rien n’avait vraiment d’importance à part le fait qu’Eileen allait bien. Il ne leur fallut pas bien longtemps pour rassembler leurs affaires, récupérer ce qu’il pouvait sur les corps et prendre d’assaut la voiture qu’ils avaient laissée un peu plus loin. Caleb était toujours derrière le volant, sa blessure ne l’empêchait finalement pas tant que ça d’agir, ce n’était pas grand-chose. Il conduisait un petit peu, suffisamment pour être tranquille et ne pas avoir peur pour la fin de la nuit. C’est Eileen qui trouva la maison où ils allaient finir leur nuit et le tour fut rapidement fait.

- Aide-moi à déplacer le meuble et on sera tranquille vu qu’il n’y a qu’une entrée.

C’était une petite maison, mais ça irait très bien pour seulement une nuit. Avec leurs forces combinées, il ne fallut pas longtemps pour parvenir à leurs fins et enfin, il était temps de se reposer. Caleb était content de trouver un nouveau grand lit pour pouvoir s’y installer avec sa femme, la maison était vide et c’était une bonne nouvelle, il ne se serait pas vu s’en prendre à un groupe de mort dans l’état dans lequel il était. C’était le sommeil qui l’appelait. Il était bien content de pouvoir serrer sa femme contre lui et de poser des bisous contre ses lèvres et son cou. Il était temps de dormir plutôt que de faire des folies, mais au moins, il était rassuré de voir qu’il allait pouvoir dormir à présent avant de rentrer demain au camp. Il devrait sans doute raconter leurs aventures à certain membre du ranch, mais c’était un détail et il avait déjà plus ou moins l’habitude de le faire donc il n’était plus à ça prêt. En tout cas, cette nuit avec Eileen avait été d’une certaine façon la plus longue depuis longtemps, mais malheureusement pour lui, pas pour les bonnes raisons.

Une fois le gros meuble mis en place derrière la porte d'entrée, Eileen sentit une curieuse sensation de sécurité l'envahir, un brin trompeuse mais toutefois rassurante. Pourtant, elle savait aussi qu'elle ne pourrait pas être sereine après ce qu'il venait juste de se passer. Ils s'étaient éloignés, ils avaient mis toutes les chances de leur côté, et pourtant... Rien qu'à se remémorer ce qu'ils avaient vécu, à repasser les images dans sa tête, elle sentait un détestable frisson courir le long de sa colonne vertébrale. Elle s'en étonnait presque, même si un tel épisode avait de quoi remuer profondément quelqu'un. Depuis le temps qui s'était écoulé et avec tout ce qu'ils avaient traversé, elle avait pensé être plus forte que cela. Avant de rejoindre son mari, elle prit la peine de mettre en place un système d'alarme des plus rudimentaires. Rien de bien compliqué, seulement des objets métalliques installés derrière les fenêtres et le meuble avec lequel ils avaient obstrué la porte, qui provoqueraient du bruit si quelque chose était déplacé ou qu'on forçait le passage. Il faudrait s'en contenter pour la nuit. La jeune femme espérait que des rôdeurs ne viendraient pas encore compliquer la chose.
Elle retrouva Caleb dans la chambre, sur le grand lit qu'il avait déjà investi. Sans plus attendre, elle vint s'étendre près de lui tout en gardant ses affaires à portée de main. Plus important encore, elle avait son arme tout à côté d'elle, afin de ne pas être désarmée en cas de danger. Blottie contre le sénateur, elle chercha le sommeil pendant de longues minutes. Et en dépit de la fatigue qu'elle sentait la harceler, impossible de s'endormir. Pas tant qu'une pensée désagréable et obsédante lui tournait encore en tête.

« Je n'arrive pas à me sortir de la tête que tout ça c'est arrivé à cause de moi. Parce que je me suis endormie. S'ils t'avaient trouvé le premier... ils auraient pu te tuer dans ton sommeil. Et alors... tu ne serais plus là, par ma faute.

La brune sentit des larmes lui monter aux yeux, et elle se sentit encore plus en colère contre elle-même. Ce n'était pas de l'auto-apitoiement mais plutôt de la honte, ainsi qu'une certaine sévérité à son égard. Elle se sentait responsable, coupable de ce qui avait failli se produire. Sans doute n'avait-elle commis aucun crime, mais elle avait bien trop conscience de la gravité de la situation pour laisser simplement couler. Une boule dans la gorge, elle garda le silence quelques instants. Elle savait que son compagnon voulait dormir, mais elle en serait incapable tant que cet abcès ne serait pas crevé pour de bon. Mettre en danger celui qui comptait le plus pour elle, et qui lui avait fait confiance pour veiller sur lui, lui était totalement insupportable.

- Tu crois que le ranch m'a ramollie ? Que c'est le fait de ne plus être toujours sur les routes ? »

Il fallait bien l'avouer, depuis qu'ils avaient trouvé refuge dans le ranch ils n'avaient plus à se préoccuper de leur sécurité lors des tâches les plus essentielles de leur journée. Ils pouvaient dormir ensemble sereinement lorsqu'ils n'étaient pas de garde, et c'était un important changement dans leur situation. Auparavant, ils avaient besoin de mettre en place une sécurité drastique pour se le permettre, puisque personne d'autre ne serait là pour veiller sur eux. Alors il était tout naturel de voir Eileen se poser ces questions. Sentant une angoisse terrible lui broyer le cœur, ayant besoin d'entendre ce que son mari avait à lui dire, la jeune femme se redressa sur un coude pour le considérer dans la pénombre. Elle ignorait quelle expression elle arborait, mais s'il la distinguait un peu il devait assurément discerner le trouble qu'elle exprimait sur les traits de son visage. Se mordant la lèvre, elle attendit le verdict de Caleb. Maintenant que la tension était retombée, il était normal de voir la peur et le choc remonter à la surface. Et lui ? Qu'avait-il sur le cœur au juste, après avoir vécu cela ?