Victoria ne tenait pas en place. Depuis qu’elle avait eu l’aval de Zack pour explorer la région, elle passait énormément de temps sur les routes. C’était le bon plan. L’avantage d’un pied-à-terre mais elle pouvait se soustraire aux sales gueules de son groupe. Quelle que soit la météo. Qu’il neige, qu’il pleuve, qu’il vente, ça restait une plaie de voyager désormais. Alors autant ne pas faire la fine bouche et se bouger le cul avant que quelqu’un ne rafle ce qu’elle pouvait potentiellement trouver.

Pour cette fois, elle avait embarqué Neil avec elle. Parce que… et bien parce que ouai, elle l’aimait bien. Vraiment bien, mais elle lui dirait pas. Le temps passerait certainement plus vite en sa compagnie aussi car soyons honnête : la plupart du temps, elle se faisait chier. A tout ces petits cons qui avaient un jour songé que la fin du monde serait palpitante et pleine d’aventure, la pigiste leur riait au nez. Une fois habitué à toute la merde qui pouvait leur tomber dessus, c’était une routine comme une autre.

Pour changer de la métropole et des grosses agglomérations, Victoria voulait tenter sa chance à la campagne. Moins de résidences mais potentiellement moins de survivants et plus de greniers. Éventuellement des groupes de planqués faciles à piller aussi. Tout benef’. Sur le papier, ils devaient rejoindre la route 18, faire quelques haltes pour remplir le coffre et déboucher à Upper Preston. Dans les faits, ils galérèrent pour grappiller quelques millilitres de carburant, trouvèrent une unique conserve après des heures de routes et durent bifurquer au milieu des bois parce que l’axe principale était coupé par un arbre tombé. Trop large pour qu’ils puissent le déplacer.

A la tombée de la nuit, ils sillonnaient encore des chemins étroits au milieu d’une forêt déshabillée par l’hiver. La trentenaire était toute courbaturée d’une demi-journée au volant et refusait d’admettre qu’ils étaient perdus. La plupart des panneaux étaient absents ou effacés et quand ils reprenaient enfin une direction convenable, la route s’avérait impraticable ou obstruée. Les yeux de la pigiste suivaient la jauge de carburant qui n’était plus très loin du seuil critique mais malgré tout, alors qu’elle roula sur la tête d’un rôdeur gelé étalé au milieu de sa trajectoire, elle se mit à chantonner un vieux refrain de rap qui lui revenait en mémoire.

- Move bitch, get out da way ! Get out da way bitch, get out da way ! Move bi-merde, elle se tourna vers Neil en faisant une bulle nonchalante avec son chewing gum, réserve. Si ton talent caché c’est d’pisser du fuel, c’est l’moment d’me le dire.