Stan jeta un regard mauvais vers Merl qui s’activait à planter un troisième rôdeur à ses côtés, puis il avisa les quatre autres qui se dessinaient un peu plus loin. Déjà Joann venait s’occuper d’eux. Le militaire fit un mouvement à Swann pour qu’il accompagne la donzelle au-devant des deux autres. Ils étaient suffisamment distants les uns des autres pour ne présenter quasi aucun danger pour ses compagnons. Il en profita pour tirer sur le bras du moustachu et le faire reculer de quelques pas. Avant toute chose, il devait remettre deux ou trois trucs au clair.

- Rogers, siffla-t-il tout bas à l’adresse de ce dernier. Rappel d’une règle élémentaire : t’es pas tout seul. Fais pas semblant d’avoir jamais bossé en équipe avant. Alors on se concerte un minimum avant d’jouer au super-héros. Son regard était sévère, son ton sans appel. Visiblement le texan n’avait pas grand-chose à faire de l’autorité, surtout provenant d’un jeunot comme lui. Peut-être, mais Stanley empêcherait que ce gland vienne foutre en l’air sa mission. Tu l’croiras peut-être pas, mais j’ai bien l’intention de te ramener vivant. Et eux aussi. Il haussa un sourcil, espérant avoir été assez clair.

Entre temps, la femme et le plus jeune avaient achevé les quatre autres rôdeurs. Stan les rejoignit et les força à tous se figer, d’un mouvement de la main. Pour prendre le temps de réellement observer leur environnement. Pour détecter aussi le bruit d’une quelconque menace. Son regard se posa attentivement sur les tentes un peu plus loin et les quelques voitures. La zone paraissait relativement claire maintenant, mais ils n’étaient pas à l’abri que de nouveaux macchabées leur tombent dessus. Franchement, ils n’avaient pas le temps de s’amuser à fouiller le parking de fond en comble ou de faire un ménage radical du quartier. Leur cible, c’était le bâtiment qui se dressait face à eux. A la fois lumineux et terriblement lugubre.

- On traine pas dans les parages, conseilla-t-il, en faisant un mouvement du menton vers l’hôpital. Ça voulait dire : on avance. Il n’était pas nécessaire de préciser qu’ils devaient toutefois rester vigilants.

J’avais signalé les rodeurs devant moi, mais ce n’est pas pour autant que j’avais été plus loin. Je sentais qu’il y avait encore un truc qui clochait. Je ne savais pourtant pas quoi pour autant? Rapidement, j’eus la réponse alors que Stan donna l’ordre à Swann de rejoindre Joann, à deux, il était largement assez pour gérer ça. Mon regard se posa sur l’homme devant moi qu’est qui se passait, qu’est qu’il allait me sortir encore ? Je savais avec certitude qu’il allait me souler d’avance.

Putain ça n’avait pas manqué, voilà que monsieur faisait son petit chef et en train de me sortir que je me la jouais solo. Sérieusement ? Je venais tout de même d’annoncer la présence de quatre rodeurs un peu plus loin alors que j’aurais pu simplement choisir de me la fermer et foncer dans le tas. Il me prenait pour quoi ? Un con ? Sans doute. Je le dévisageais un instant, donnant sans doute l’impression qu’il me fallait un certain temps pour digérer l’information. Ce qui était un peu le cas tout de même je devais bien l’avouer.

- Écoute mon gars. Je comprends que tu t’inquiètes pour cette mission, que tu me prends pour un débile, mais si tu crois que mon but est de tout faire foirer tu te plantes. Regarde, je viens de signaler qu’y avaient quatre rodeurs, je n’ai pas couru dessus pour les éventrer.

J’aurais pu le faire, c’était clairement ce que j’avais eu envie de faire, mais je n’y avais pas été simplement parce que Joann était déjà partie et que j’étais sans doute le plus lent du groupe, mais je n’en avais absolument pas honte. J’ajoutais alors en regardant l’homme devant moi.

- Tout ça parce que tu veux jouer au chef, c’est beau la jeunesse. Tu sais, je n’ai pas l’intention de mourir, j’ai un frère à retrouver.

Je savais parfaitement que mon frère deviendrait invivable si je ne m’en sortais pas en vie. Je n’osais même pas imaginer comment il serait capable de devenir. Sans doute totalement suicidaire et complètement fous. Je deviendrais pareil si mon frère devait m’être arraché. Enfin, la conversation s’arrêta ici puisque les deux autres avaient fini de tuer les rôdeurs présents dans le parking. C’est donc en retrait que je suivais les autres alors qu’on se rapprochait du bâtiment. J’étais à la fois excité à l’idée de ce qui pouvait arriver et à la fois déprimé par ce groupe qui me fatiguait déjà.

La réponse de Swann l'invita rapidement à considérer leur mentor. Stan quémandait le silence, sans doute pour appréhender les choses sans que d'autres saloperies, possiblement attirées par leurs timbres, trouvent judicieux de se joindre à eux. C'était plus silencieux subitement, plus aucun râle, plus de semelles raclant le bitume du partking, à première vue, aucun autre rôdeur ne désirait les prendre en traitre, du moins, ce n'était qu'une façade fragile et Joe le savait parfaitement. Attentive aux épaves et tentures autour d'elle, la jeune femme fronça les sourcils lorsqu'elle vit Blackmore s'approcher des tentes et le suivit sans pour autant lui coller au train. Il valait mieux être sur ses gardes, dans ce monde, un pas de travers signifiait bien souvent la mort.

Attentive donc, et à pas lents, la brune passa devant les pans de tissus souillés pour observer ce qu'ils dissimulaient. Du matos hors d'usage, sans doute l'endroit avait été pillé bien avant leur passage, elle espérait simplement que ça ne fut pas le cas pour l'hôpital à quelques mètres. Mais à en juger l'état des sas d'ouvertures, ces derniers barricadés à la va vite, il y avait peu de chance pour qu'un paquet d'abrutis, pas aussi bien préparé qu'eux l'étaient, ait eu la judicieuse idée de s'aventurer là où les morts étaient souvent bien plus nombreux. Les yeux évoluant sur cette façade, glauque malgré sa teinte claire, Joann termina son tour d'inspection à quelques pas de la dernière tenture sur laquelle Swann jetait son dévolu d'un air plus sombre. Prête à agir, la lame ayant de nouveau rejoint ses doigts, un rictus fila ses lèvres pleines lorsqu'un chat eut le plaisir d'arracher sursaut et jurons au gamin de la bande. La bestiole passa son chemin, le poil du dos hérissé, entre les chevilles de Stan qu'elle observa en arquant un sourcil.

- On a fort heureusement pas eu droit au cri de pucelle... Déclara-t-elle, un brin sarcastique avant de poser les yeux sur les traits blêmes de Blackmore. Plus d'peur que d'mal, il aurait pu t'sauter à la gueule Swann. Le sourire qu'elle lui offrit fut légèrement plus sincère, après tout, il fallait savoir bichonner sa marionnette. Vous avez trouvé des trucs intéressants ? Reprit-elle à l'intention de Maverick et Rogers.

Stanley n’avait même pas pris la peine de répondre au moustachu. Il était connu pour être un baratineur, et les seules choses sensées qui sortaient de sa bouche - s’il y en avait - étaient des évidences. Merci ! Il venait d’ailleurs de discréditer tout seul son comportement précédent, quand il s’était rué, sans attendre l’avis des autres, pour éventrer ses premiers macchabées. Six, si le garçon n’était pas venu l’aider. Quant à lui, il jouait au chef en effet parce qu’en tant que militaire, il avait en quelque sorte la responsabilité de cette équipe. Rien à battre si ça ne convenait pas à Môssieur. Tant qu’il filait droit.

La petite bande avança alors pour rejoindre le bâtiment principal, tout en faisant attention aux potentiels pièges sur leur chemin. Du coin de l’œil, Stan regardait Swann procéder avec méthode pour vérifier les tentes abandonnées ici et là. Il en faisait de même de son côté. A l’intérieur, tout y avait été saccagé. Il fit un mouvement de tête dans la direction du plus jeune, quand il les invita à s’arrêter, ayant perçu un bruit. Le jeune homme cessa de respirer une seconde, avant que l’étudiant ne révèle finalement un chat qui détala entre leurs jambes. Il grogna, en chassant l’animal d’un coup de pied. Sale bête !

- Y a vraiment rien d’utile ici, répondit-il à son amie, en reprenant la marche et invita les trois autres à le suivre. Il contourna une jeep derrière laquelle le tronc d’un macchabée, sectionné à la taille, essayait de se déplacer vers eux. Il portait un insigne de Capitaine. Il tendait un bras dans leur direction, comme avec désespoir, et Stan lui accorda à peine un regard. Qu’un des autres l’achève si ça les amusait, lui avait d’autres priorités !

Une minute plus tard, ils étaient au pied des marches qui menaient au bâtiment. Ses vitres étaient salies par les longs mois sans entretien, devenues presque opaques à certains endroits, et quelques carreaux semblaient brisés.