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Family mourning.

Mar 20 Juin 2017 - 14:27

Le crayon reste suspendu à quelques centimètres au dessus du journal qu'elle tient ouvert sur ses cuisses, sans que la mine ne vienne jamais s'effriter sur le papier. Joy est reclue sur son lit, adossée au mur et les jambes repliées ; ses yeux sont encore rouges, n'ont pas dégonflé depuis hier. Hier, quand elle s'est acharné sur un corps déjà mené à mi-chemin vers la mort. Quand la petite-amie de son frère est morte, que le drame s'est abattu, impitoyable et brutal, sur le foyer Blackmore - enfin, sur ce qu'il en reste.

Elle le sait, Swann traîne quelque part, comme un fantôme lui aussi, entre ces murs. Enfermé dans sa chambre ou végétant sur le canapé du salon. Leur mère ne tenterait pas de les rassurer, cette fois, dans toute sa maladresse souvent trop sèche - comme quand, tout en voulant s'adresser à ses enfants, elle leur adressait le même ton qu'à ses collègues qu'elle cotoyait bien plus fréquemment. Non, les deux jeunes se retrouvaient seuls face à ce que la vie a de plus tranchant : sa fin, qu'on la donne ou qu'on la subisse dans l'impuissance.

Il faut pourtant bien songer à se lever, se bouger. L'estomac de la blonde est noué, elle n'avalerait rien, mais trouverait peut-être la force de préparer quelque chose pour son cadet. Le glas sonne une trêve forcée entre les deux gosses qui ne peuvent plus compter que l'un sur l'autre dans ce monde fou. Joy abandonne les écrits qui ne viendraient jamais, referme son carnet et le glisse sous son oreiller. D'un pas discret, comme s'il fallait absolument respecter le silence morbide qui noie cette maison, elle passe devant la chambre ouverte de son frère, constate qu'il n'y est pas, et descend d'un étage pour rejoindre la pièce principale.

Le séjour est grand, la décoration moderne, travaillée bien qu'un peu dénuée de personnalité. Ils s'y entassent davantage de meubles de grands créateurs que des souvenirs plus modestes qui cimentent les familles ordinaires. Dans l'angle de l'imposant canapé, le garçon se fait écraser par le poids du deuil qui lui presse sur les épaules. Joy reste un instant dans l'encadrement de la porte avant d'oser entrer, se faire remarquer. Elle se racle la gorge, replace l'une de ses mèches blondes autour de son chignon négligé, et croise les bras sous sa poitrine.

"Swann, redescends sur Terre." C'est sifflé comme un ordre, mais elle peine à garder les yeux plantés sur son frère. Il lui revient pourtant à elle de le réveiller, pour qu'à son tour il puisse la tirer vers le haut, même s'il faut qu'il en soit inconscient. Elle a terriblement besoin qu'il aille mieux, puisse encaisser ses piques, ses remarques viles. Là, il n'est qu'une pauvre petite chose qu'elle ne pourrait se résoudre à blesser davantage. Joy s'avance, d'un pas qu'elle veut décidé, et vient s'asseoir à l'autre bout du sofa, trouver appui sur l'accoudoir. "Tu veux manger ? ou... J'sais pas, jouer aux échecs ? Arrêter de regarder le vide et de broyer du noir ?" Joy grince déjà des dents. Ce petit con a tout intérêt à y mettre du sien.
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Re: Family mourning.

Mar 20 Juin 2017 - 18:29


Dans la version factice du monde qu’il essayait d’entretenir, quelque chose s’était brisé. Les couches de doublure dorée s’étaient effritées, la noirceur du présent ressortait, plus hideuse que jamais. Apple était morte. La veille, dans ses bras. La morsure avait touché une artère, la rouquine s’était vidée de son sang avant que quiconque ne parvienne à la soigner. Heureusement, l’étudiant n’avait pas eu à la voir « après », observer s’ouvrir ses paupières sur ses yeux blancs. Les militaires avaient emporté son corps, en même temps que le cadavre qui trônait dans le salon.

Swann se souvenait avoir fait le ménage comme un automate. Frotter, récurer, pour essayer d’effacer les traces de sang sur le carrelage immaculé des parents. Mais même si le rouge était parti après plusieurs heures d’acharnement et des litres d’eau de javel, les images restaient gravées dans son subconscient. Crues. Violentes. Il n’était pas prêt à ça… pas prêt du tout. Est-ce qu’il avait dormi ou est-ce qu’il s’était assis sur son lit comme un zombie ? C’était flou. Tout était flou. Cette maison qu’il ne reconnaissait plus, les voisins qui passaient s’assurer que tout allait bien, cette grande sœur qu’il évitait.

Mince. Comment en étaient-ils arrivés là ? Lui, les Blackmore. Ils étaient des gens aisés, non ? Leurs parents avaient réussi dans la vie, il prenait le même chemin, alors pourquoi ? Les gens plus riches n’avaient pas toujours de belles échappatoires ? Des passages secrets dérobés ? Apparemment non. Sinon les Chambers ne seraient pas ici, son père seraient revenu, leur mère ne serait pas morte… ou plutôt : ils étaient déjà dans le paradis construit sur l’illusion et l’ignorance. Tout venait simplement de voler en éclat. Voilà où l’humain était arrivé : aux charognes qui tuaient les innocents.

L’ordre de Joy lui fit l’effet d’un claquement de fouet. Un peu comme se réveiller d’un rêve, le cadet avait déjà occulté qu’il se trouvait dans le salon. S’il avait su, il se serait réfugié quelque part où la blonde ne serait pas venue le trouver. Il avait tout sauf envie de se confronter aux piques de son aînée. Celle-ci s’approcha, s’assit à l’opposé du canapé, tandis qu’il regardait volontairement dans la direction opposée. C’était plus fort que lui. Chaque fois qu’il voyait les traits de sa sœur, il revoyait le sang qui maculait ses mains.

- Manger ? répéta-t-il d’une voix absente, et… on cuisine avec quoi ? J’suis sûr qu’il y a encore du sang sur la poêle.

Le pire, c’était qu’il ne cherchait pas à blesser Joy. Il y avait d’autres poêles, tout comme ils ne manquaient pas de couteaux et qu’il avait bien compris que la femme responsable de la mort d’Apple était déjà morte. La blonde n’avait fait que neutraliser un cadavre. Mais c’était trop pour lui de lui demander d’entrer dans la cuisine pour l’instant. Pâle comme un linge, les yeux encore rougis et cernés, Swann tourna enfin la tête vers son aînée. Il voulut faire une moue désolée mais ne réussit qu’à grimacer.

- Pardon, comme c’était bizarre de s’excuser devant elle, tu m’as… tu m’as sauvé hier. Merci.

Et sur ces mots laconiques, son regard se reporta tout simplement dans le vide, sans accorder aucune réponse aux propositions de l’ancienne épicière, et encore moins à celle d’arrêter de broyer du noir. Apparemment, il n'y mettait pas du sien.
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Re: Family mourning.

Jeu 22 Juin 2017 - 10:00

Les mains de Joy se lient et se délient. Penchée sur ses genoux, elle se tortille les doigts aux ongles rongés dans un nœud toujours trop facile à défaire. Cette situation l'angoisse, la présence de son cadet l'angoisse ; elle se sent propulsée dans un rôle qui ne lui correspond absolument pas : celle de la grande sœur qui devra faire preuve de compassion, devra trouver les mots justes pour le ramener dans le vrai monde plutôt que celui de son marasme pesant. Et lorsque Swann trouve l'audace de lui répondre, elle pince nerveusement la chair de son pouce. Ces quelques mots lui ferment le clapet, lui font serrer les dents. Les yeux tournés vers le brun, elle le dévisage d'une intense amertume. L'attaque est vile, prématurée. Elle n'était pas prête à l'encaisser. "Non... Je l'ai..." jetée, quand l'armée est venue récupérer les corps. "... P'tit con." Elle ne trouve pas à correctement l'envoyer chier, se rétracte sur son coin de canapé. Si Swann cherche à la provoquer, Joy se sent simplement submergée, à nouveau, par cette lourde culpabilité, ce dégoût solidement accroché à chaque fibre souillée de ses mains, de ses bras. Elle ressent encore avec une effroyable précision la moiteur du sang qui lui collait à la peau la veille. C'est comme si c'était encore là. Sur elle, partout, cette matière visqueuse, à moitié séchée, noire et puante. Pourtant, il n'y a vraiment plus que les quelques traces rougeâtres de l'éponge avec laquelle elle s'est presque arraché le derme. Déjà, elle regrette d'être sortie de son refuge pour s'essayer à la conversation. De toute évidence, ça n'a jamais été leur fort.

Pourtant, le garçon finit par ravaler ses sales habitudes et s'excuser. Elle détourne les yeux, toujours aussi loin que le canapé leur permettrait, et soupire, pour évacuer un peu de cette tension. Elle l'aurait sauvé ? Probablement, des crocs de cette abomination. C'est étrange, de l'entendre employer ces mots, ce ton. C'est dérangeant même, troublant. C'est bien ce drame qui les y force, et pas leur propre volonté.

"Ouais, peut-être..." Elle peine à conserver la stabilité de sa voix, qui s'éraille un peu plus qu'à l'habitude. "J'aurais voulu sauver ta copine aussi, elle n'était pas si mal. Et puis il faudra un miracle pour qu'une autre nana de l'île veuille de toi." Elle s'exprime sèchement, stressée, espère le faire rire, ou à défaut, lui arracher n'importe quelle bribe de réaction. Mais tout ça manque d'entrain, manque de tout ; les voix sont souffreuteuses, les gorges creusées jusqu'au coeur. Rien qui ne porte assez pour une si grande maison. "Et n't'excuse pas, c'est... bizarre." Elle souffle encore, plus bruyamment, se redresse contre le dossier qui lui semble bien trop dur, quelle que soit la position qu'elle prend.

"J'ai... pas réfléchi sur le coup, tu sais. Elle essayait de me... mordre, me bouffer, je n'sais pas. Et elle ne voulait pas crever, c'était..." Son regard s'attache au hasard sur le coin de la table basse en verre, droit devant elle. "... je sais pas ce que j'ai fait, Swann. Mais j'ai la sale sensation que c'est juste le début des emmerdes." Elle se mord les lèvres, ose enfin glisser les yeux vers lui. "Tu aurais fait pareil, non ?" Les traits crispés, elle cherche égoïstement à se rassurer. Qu'elle ne soit pas la folle de l'histoire.
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Re: Family mourning.

Jeu 22 Juin 2017 - 14:20

Swann grimaça. Le fait que sa sœur « aurait voulu » sauver la rouquine renvoyait à sa cruelle absence. Elle, si timide, si calme, qui parvenait pourtant à colorer l’atmosphère de sa personnalité rayonnante. Pour une fille de « nobles », elle avait trop de qualités pour passer assez de défaut. Maintenant qu’elle était partie, les murs du pavillon Blackmore semblaient sans âme, trop grands, trop hauts, imprégnés d’une odeur ferreuse qui ne partirait jamais. Aucune répartie ne franchit les lèvres du cadet, il avait la nausée et se contenta de hausser les épaules. Il n’avait pas envie d’une autre fille sur le camp, il voulait Apple. Quand Joy lui demanda de ne plus s’excuser, ses lèvres se tordirent à nouveau dans une moue étrange qui devait vouloir être un sourire.

- T’as raison, concéda-t-il.

Un frémissement chatouilla ses entrailles. Comme si le fait qu’ils soient d’accord sur ce point, pourtant symbole de leur discorde, venait de connecter quelque chose. Une réalité crue que le jeune homme n’avait pas encore avalé : plus que jamais désormais, ils étaient livrés à eux-mêmes. C’était ce sentiment qui le poussa à ne pas se détourner, à regarder son aînée se dépatouiller dans ses justifications. Elle n’allait pas bien et cette fois, il n’en profiterait pas pour l’enfoncer. Ce serait injuste. Se chamailler était une chose ; se détruire une autre, bien différente.

- Elle était déjà morte, rétorqua-t-elle d’une voix encore un peu absente, c’est ce qu’ils ont dit, non ? Ça se voyait de toute façon, avec le recul, c’était évident, elle était morte, mais elle bougeait encore…

Un cauchemar. Et ils savaient. « Eux », les militaires, les politiques, l’élite qui était venu se terrer sur leur ile. C’était la raison de leur présence, c’était là que tout avait commencé ! Alors qu’on ne leur lâchait que des bribes d’informations, qu’on les entretenait dans une illusion que le monde était devenu difficile mais qu’ils pourraient continuer leurs vies ainsi… ce mensonge était tellement énorme qu’il en avait le vertige. Swann se redressa, étira son dos en s’appuyant sur ses genoux.

- Tu n’avais pas le choix, admit-il sans toutefois confirmer qu’il aurait fait la même chose, elle n’écoutait rien, j'ai vu ce qu'elle a fait à Apple…, oh non, il n’allait pas dire que la voir mourir l’aurait attristé, mais n’empêche… ce n’est pas que le début des emmerdes…, enfin : Joy avait ouvert les vannes, il pouvait cracher tout ce qu’il avait sur le cœur, elles ont commencé l’année dernière les emmerdes… tu as vu quand les militaires sont venus ? Ils n’avaient pas l’air surpris, c’était juste une mission comme une autre. Ils savaient, depuis le début. C’est pour ça qu’ils ont réhabilité le fort et que la famille Chambers est ici, c’est pour ça que papa n’a pas pu revenir, c’est pour ça que les gens dehors sont devenus dingues…

Ça l’écœurait encore plus de voir cette vérité en face. Un an qu’ils vivaient leurs vies tranquillement, comme si de rien était. Loin de lui l’idée de s’en aller ou de s’insurger, mais s’ils avaient su, ils auraient été préparés ; et s’ils avaient été préparés, Apple serait peut-être encore parmi eux. Ça ne l’emmerdait pas d’être en sécurité ici, dans un paradis plaqué or, mais simplement de ne pas avoir été mis au courant avant. Sa petite-amie aurait pu, avec lui, réaliser l’importance de leur communauté et de son autarcie.

- Tu ne crois pas ? Demanda-t-il soudainement, comment ils ont pu nous cacher un truc pareil ?!
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Re: Family mourning.

Lun 26 Juin 2017 - 21:31

"Elle" était déjà morte, oui, il paraîtrait. Pourtant Joy avait bien senti ses mains la pousser, ses bras se débattre, ses muscles se serrer. Elle avait pu l'entendre grogner, et subir l'haleine fétide digne d'un chien gangréneux, s'était retrouvée pleine de son sang sur les mains. Elle lui avait semblé malade, folle, dangereuse, mais bien en vie. Il fallait pourtant se faire une raison. Les explications des militaires étaient les seules qu'ils auraient, et de fait, les seules à être recevables. Pour une fois, elle n'avait pas cherché à débattre. Ça lui retirait une énorme épine du pied, ça la confortait dans ce qu'ils penseraient tous être un choix. Elle n'a pas vraiment tué, non, le travail était déjà fait. Elle s'était juste... protégée. Elle souffle, fatiguée, "C'est complètement tordu." Cauchemardesque, impossible. Mais elle ne se réveille pas, éternellement prise au piège au beau milieu de cet horrible manège.

Donna lui manque, le deuil de son frère pour Apple la lui rappelle fatalement. Elle n'est peut-être pas morte, et peut-être même pas au courant de tout ce qui se trame aux Etats-Unis. Qui sait, l'océan pourrait bien faire barrière, non ? Elle regarderait en continu les chaînes d'informations qui, pour de sombres desseins, ne laisseraient rien filer de la situation à Seattle et ses alentours. Ils sont seuls, enfermés, en tête à tête avec ces nouvelles révélations. Swann a tristement raison : les militaires se sont occupés du corps comme s'il s'agissait d'un incident banal, il n'y a pas eu d'enquête, Joy n'a même pas eu à craindre le moindre procès. Ils savaient, ils leur cachaient, et ça depuis longtemps. Trop longtemps.

Joy renifle brièvement, écoute avec attention Swann qui s'énerve, la bouscule un peu. Elle le regarde, son petit frère qui perd toute son innocence. Ça lui brise le cœur, de voir qu'ils ont osé l'atteindre, qu'il est blessé et en gardera des séquelles. Elle voudrait qu'il reste le même petit con qu'il a toujours été, coincé et loin des difficultés de la vie. Ça, elle se sent à présent incapable de l'en protéger. Et ça la tue, d'une violence qu'elle n'a encore jamais connu.

"Oui..." Elle le croit. Leurs pensées s'accordent sur une même indignation. Ils ont gardé leur père dehors, ils les ont séquestrés sur un bout de terre entre deux étendues d'eau. "Je suppose qu'ils ont voulu éviter un mouvement de panique. Que les petites élites, les Chambers restent bien au chaud. Si on avait sû, depuis le début, on aurait pu mieux se défendre, merde ! On aurait pu... ! Je n'sais pas..." Le champ des possibilités lui a paru énorme, l'espace d'une seconde. Et puis, alors qu'elle y songe vraiment, il se réduit drastiquement. "... juste savoir. Et choisir, de rester ou partir, en connaissance de cause." Un an plus tôt, elle aurait traversé la baie d'Elliott pour partir à la recherche de son père, si elle l'avait su à ce point en danger. Maintenant, c'est trop tard. "C'est une bande de cons... Des politiciens qui font leurs politiciens, qui veulent tirer les cordes avec leurs grands secrets." Elle souffle, douloureusement, la gorge serrée. Ça lui roule une boule de nerfs qui l'empêcherait presque de respirer. Mais elle tient, coûte que coûte, à ne pas lâcher une larme face à son cadet. C'est bien plus qu'une question de fierté. C'est paraître assez solide pour deux, assez fiable pour qu'il se sente, elle l'espère, un peu plus en sécurité.

"Tu crois qu'il va se passer quoi, maintenant ?" Elle se colle un peu moins à son accoudoir, tentée de se rapprocher de lui, mais toujours sur cette infaillible réserve. Quoi qu'il en soit, Swann a toujours été le plus logique, le plus stratégique. Si quelqu'un pouvait anticiper quelque chose à ce chaos, ce devait être lui. Et Joy lui ferait confiance, quoi qu'il dise.
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Re: Family mourning.

Mar 27 Juin 2017 - 8:07

Le regard gris de Swann se posa sur sa sœur. Cette sœur qui s’indignait avec lui, qui lui faisait prendre conscience d’une toute autre dimension de la vie : que leur existence était bien plus profonde, bien plus complexe, que leurs simples habitudes quotidiennes. Pendant des mois, on les avait maintenus dans l’illusion qu’ils pouvaient continuer à se chamailler en profitant de leur grande maison, en souffrant simplement des privations alimentaires ou de confort. Combien de fois l’étudiant avait-il souhaité que Joy ne soit pas là ? Qu’elle ait quitté le cocon familial ou n’importe quoi d’autre ? Aujourd’hui, ça lui ferait mal de l’admettre, mais il était content qu’elle soit à ses côtés. Envers et contre tout : elle était la personne qu’il connaissait depuis le plus longtemps.

« Des politiciens qui font les politiciens » … oui. Il essuya une larme, salée par la tristesse mais aussi par la frustration. Ce qui le blessait le plus, au fond, ce n’était même pas tellement d’avoir été tenu dans l’ignorance, mais surtout cette sensation d’avoir été à côté de la plaque. Tous les jours, il avait vu les militaires, il leur avait parlé, comme si de rien était. Ils l’avaient regardé dans les yeux mais pas un seul n’avait songé à l’informer que dehors, c’était à ce point le chaos. Jamais il n’aurait laissé Apple sortir seule s’il avait su, jamais rien de toute ça ne serait arrivé… la blonde avait raison. Être au courant n’aurait rien changé à la catastrophe mais il aurait pu choisir leur destin.

- Ils vont être obligés de lâcher du lest, répondit-il toujours un peu absent, les gens ne les laisseront pas tranquille, ils vont devoir empêcher une révolte… mais ensuite, tout va continuer comme avant. Qu’est-ce qu’on peut faire d’autre ? Ils nous ont protégés, se sont chargés de l’approvisionnement, ont construit un mur…, sa mine s’assombrit encore plus, on est domestiqués. on s’est faits enfermer à notre insu et maintenant… c’est notre seule chance…

Une perfusion invisible planté dans la veine de leur île ; ça faisait un an que ça durait ; ils avaient pu voir ce que les autres « vivants » étaient devenus. Des sauvages, à moitié fous, qui attaquaient les autres pour quelques ressources, comme au Moyen-Âge. Leur civilisation avait été sauvée dans cet écrin doré, avec l’élite, des gens cultivés, le haut du panier qui ne méritait pas de pourrir dans la mélasse populaire. Ce sentiment était écœurant : celui d’avoir été dupé mais en même temps, que ceux qui les avaient manipulés étaient les seuls vers qui il était raisonnable de se tourner. Ils n’avaient plus personne dehors ou du moins, aucun indice valable pour retrouver leur père ou un autre membre de leur famille.

- Je n’aime pas cet idée, précisa-t-il, mais on ne peut pas partir de toute façon. On est… tu sais : comme les animaux élevés en captivité qu'on ne peut pas les renvoyer dans la nature.

Parce qu’ils ne savaient pas se défendre, parce qu’ils ne sauraient pas par où commencer, parce que la vérité amère était qu’ils avaient de la chance d’être ici. Ses yeux se posèrent à nouveau sur Joy. Elle ne pleurait pas mais semblait bouleversée. Pour une fois qu’ils étaient sur la même longueur d’onde, que Swann se découvrait pour elle des sentiments qu’il ne connaissait pas, il se demanda si ce n’était quand même pas mieux avant ? Quand ils se haïssaient puérilement et se méprisaient à leur manière. Ce poids qui tombait sur ses épaules frêles, c’était trop de responsabilité. Ses mains en tremblaient ; de ce qu’il se sentait soudainement capable de faire pour protéger la seule famille qui lui restait.

- Mais on peut… glaner toutes les informations possibles. On les lâchera pas temps qu’on saura pas clairement ce qui se passe dehors, pourquoi, qui, comment…, et apprendre à se battre aussi ? Pour être préparer au pire, est-ce que… tu vas m’aider ?
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Re: Family mourning.

Lun 3 Juil 2017 - 22:50

Est-ce que ces gens-là sont obligés de quoi que ce soit ? Après tout, l'armée dispose d'armes que les civils n'ont pas, ou en très petite quantité : et les vieux fusils de chasse, les pistolets de collection ne tiendraient pas longtemps la comparaison face aux mitraillettes automatiques. Ils pourraient contenir la foule, par la peur plutôt que par l'ignorance. Alors, le scénario qu'anticipe Swann a quelque chose de trop optimiste pour Joy, qui se refuse à lui faire part de ce sentiment. Elle ne veut pas lui briser ses derniers espoirs en évoquant le risque d'une rébellion qui mourrait dans l'oeuf. Des gens qui seraient abattus à peine le menton fut-il levé vers leur ennemi commun. Elle acquiesce, simplement. Effectivement, ils ne pourront de toutes façons pas aller plus loin : leur petit confort les a rendu totalement dépendants à ceux qui les dominent. Ce sont les lois infâmes du capitalisme concentrées à l'échelle d'un village. Ils n'avaient rien demandé, on leur a tout de même donné, et maintenant ils ne sauraient plus prendre d'eux-même ce dont ils ont besoin. Ils sont, comme l'exprime si bien son frère, domestiqués.

"Hm, oui." Elle souffle, face à sa nouvelle nature semblable à celle du simple bétail. Ils ne sont que des animaux comme les autres, après tout. Ça n'a rien de nouveau ; c'est juste flagrant, à présent.

Elle baisse les yeux devant elle, sur ses genoux, et se mord l'intérieur de la joue. C'est terrible, cette sensation d'avoir été trompée et enfermée contre son gré dans son propre foyer - enfin, ce qu'il en reste. Sans aucun doute possible, oui, c'était mieux avant. Les disputes sans réelle raison, les problèmes d'adolescents, les coeurs brisés. Elle donnerait tout pour revenir dans le temps et le figer au moment où sa vie n'était qu'une routine que beaucoup auraient détesté, mais que d'une manière elle aimait réellement. L'épicerie, les potes, l'argent lorsqu'il signifiait encore quelque chose. C'était superficiel, mais tellement plus vivable.

"Je..." Swann semble transcendé par son propre discours, son appel à la coopération. Joy observe, du coin de l'oeil, les mains de son cadet qui tremblotent encore avant de se raccrocher à ses opales grises. Bien sûr, qu'il est hors de lui et chercherait à se rassurer derrière quelques réponses. Elle aussi, en aurait grand besoin."Je peux t'aider, ouais. Tirer les vers du nez, ça me connaît." Elle se force un petit sourire, et reprend brusquement un peu de courage en se relevant de ce foutu canapé. C'est qu'ils y prendraient racines, à force de s'y morfondre. Elle se penche vers lui pour lui saisir le bras, et le tirer vers elle, loin de ce marasme, et le plus rapidement possible vers leurs plans. "Qu'est-ce qu'on attend ? Viens, on va trouver un de ces trous du cul." Elle lui tourne le dos sans lâcher sa manche, pour le traîner jusque dans l'entrée. Certainement qu'il ne s'attendait pas à se mettre à la tâche immédiatement, mais Joy ne passerait pas une seconde de plus à procrastiner ce qui leur servirait à faire leur deuil. Elle s'essuie encore, inlassablement, ses cernes humides et rouges, lui fourre son manteau dans les mains et enfile rapidement le sien. La blonde ouvre la porte principale à la volée pour les engouffrer dans la rue, que la fraîcheur de l'automne les fouette en plein visage et les sorte de leur putain de torpeur.

Pour sûr, ils mettraient rapidement la main sur l'un de ces militaires qui rôdent jours et nuits, arme au poing, dans les rues qui ont été, fut un temps, si tranquilles. "Okay," commence-t-elle, expéditive, "On en chope un, on le harcèle. Tu poses les questions et j'fais en sorte qu'il en ait assez marre pour nous conduire à son supérieur ?" Ça n'irait pas loin, elle le sait, bien sûr. Pas besoin d'être une flèche pour comprendre qu'un type de l'armée, même les jeunes et un peu lourdauds, ont tout ce qu'il faut pour ne pas céder aux menaces d'une civile, aussi acharnée soit-elle. Ce n'est pas vraiment le but de la manœuvre. C'est bien davantage de les faire sortir de leur trou qui empeste le sang malgré les dix-huit couches de javel. Les faire coopérer pour échouer ensemble mais au moins essayer quelque chose.
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Re: Family mourning.

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