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Stem the tide

Mar 13 Fév 2024 - 0:22


STEM THE TIDE
Février 2022 – Walla Walla

(TW violence)

Les miliciens se concertent, mais Remo n’arrive pas à attraper un traître mot de leur discussion. Gêné par l’angle que lui imposent les menottes sur son bras encore convalescent, il tente de trouver une position plus confortable. Plus loin, Ezra lève la tête du trio du miliciens et lui jette un regard. Plaide-t-il pour sa cause ? Des quelques interactions avec lui, Remo a eu l’impression que c’est un homme honnête, atterri là plus par un concours de circonstances que par réelle ambition. Il ne dirait pas que c’est un ami, mais il pourrait très bien, à l’occasion, prendre un verre avec lui. Remo pressent toutefois que le milicien n’insistera pas trop pour le tirer d’affaires : il a trop à perdre. La décision est prise, le groupe se brise, deux miliciens se dirigent vers Remo et le tirent sans ménagement à l’extérieur du poste, puis à travers les passants de cette matinée bien chargée. Il ne se fait pas trop d’illusions pour ce qu’il attend, mais il est calme. Souvent, les punitions sont publiques. Pour montrer l’exemple. Certains habitants pressent le pas ; ils n’aiment pas voir ce genre de choses. Remo ne souhaite pas se débattre, mais de vieux réflexes refont surface lorsqu’arrivés sur la place, les miliciens ouvrent ses menottes pour lui arracher sa veste, son pull, son tee-shirt. Malgré lui, il tente de se dérober sous les mains inquisitrices. Le milicien perd patience et lui assène un coup de poing sur le visage. Pendant quelques secondes, sa vision se brouille, les sons aussi, il ne reste que ces mains sur son corps et la torsion insupportable sur son bras cassé quelques mois plus tôt. Lorsqu’il récupère quelques bribes de conscience, il est à nouveau menotté, à un poteau cette fois, le torse nu frissonnant sous le vent d'hiver. Alors les coups tombent. Comme de nulle part ; le bourreau est derrière lui. Le bâton tombe avec régularité, matraquant sa chair émaciée. Il se tord par réflexe ; son bras hurle de douleur. Après quelques temps, les coups prennent une sonorité spongieuse, taillant dans la peau ouverte des griffes de sang. Un discours moralisateur lui parvient, lointain, très lointain à travers les gifles de la douleur alors qu’un adorateur de l’Adonaï énonce la gravité de son affront et dissuade les badauds de se laisser prendre au piège. De ses mots de vipère, Remo na capte rien. Tous ses sens sont absorbés comme dans un vortex par la souffrance.

Lorsque c’est terminé, on le détache et on l’abandonne là, lui jetant ses vêtements sur son torse sanglant. Seul, ou presque. La vision un peu trouble malgré ses lunettes, il voit Ezra s’approcher de lui. Par réflexe, il recule devant l’ancien militaire, mais celui-ci l’intime de le suivre, et il sait qu’il n’a guère le choix. Les miliciens ont bien plus de droits que les civils, et encore plus que les civils qui ont osé ouvrir leur gueule. Il a cru toutefois percevoir une note de bienveillance dans le ton de l’homme, qui ne lui tend pas la main pour l’aider à se relever, mais qui l’observe avec… empathie ? « Viens, suis-moi, » lui dit-il doucement, et Remo lui répond avec un rire sarcastique, qui lui jette de secousses douloureuses dans son corps malmené. Il lui obéit, toutefois, grimaçant en enfilant son tee-shirt sur les plaies à vif. Il ose à peine imaginer la douleur d’une flagellation. Il sait, pourtant, que c’est aussi un châtiment courant à Walla Walla.

Sans d’autre mot, apparemment attentif à qui pourrait le voir ou le suivre, Ezra l’emmène à travers les rues de Walla Walla, s’arrêtant avec patience pour l’aider à garder le rythme. Un instant, Remo est pris de doute. Où le mène-t-il ? S’il lui veut du bien, pourquoi n’est-il pas intervenu plus tôt ? N’est-il pas finalement un autre de ces salauds, prêt à tirer profit de ses blessures pour le jeter encore plus à terre ? La peur et la méfiance s’invitent dans ses iris sombres, mais le milicien ne fait aucun geste pour le rassurer – il doit craindre qu’on le surprenne. Jusqu’à ce qu’ils arrivent tous deux devant un pavillon que Remo comprend être la maison d’Ezra. Il se fige. « Qu’- qu’est-ce que tu veux ? » demande-t-il entre ses mâchoires crispées par la douleur. « Je suis désolé pour ce qu'il s'est passé, » répond finalement Ezra à demi-mot, maintenant qu’ils sont seuls. Il ouvre la porte d’entrée. « Entre, tu vas rencontrer ma femme. »




The best lack all conviction, while the worst
are full of passionate intensity.
- W. B. Yeats
Remo Alvarez
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