Prehistoric man | Printemps 2021

Dim 14 Jan 2024 - 18:03

Prehistoric Man
First, I saw the sun...


    2021 - Mount Rainer

Les cheveux et la barbe hirsutes, les ongles noirs, les sourcils broussailleux... Cet homme des cavernes léchait l'eau à même la roche. Alan détestait quand il pleuvait mais il fallait avouer que la soif l'avait emporté sur le reste. Cela faisait désormais plusieurs mois qu'il avait quitté Castle Rock. Les nuits n'étaient jamais bien longues et Alan jamais vraiment seul : les cauchemars et la vue des cadavres de ses seuls camarades du clan de la décharge. Un nom pourrit pour une atmosphère tout aussi lugubre et pestilentielle. Alan avait survécu grâce à sa force, à son passé de sportif et son intellect' qui avait enclenché le fameux mode survie. Celui qu'on ne soupçonne jamais vraiment et qui à l'époque donnait lieu à des faits divers, comme ces mamans capables de soulever une voiture pour sauver leurs enfants ou ces personnes séquestrées capables de survivre aux privations par simple instinct de survie.

Alan revoyait encore ses mains pleines de sang, les cadavres jonchant sur le sol. Il repensait à ce fluide gluant et rougeâtre dont il feignait éprouver du dégoût tandis qu'il se remettait les cheveux en arrière, s'en imprégnant physiquement. Il se souvenait des gens suppliants pour leur vie et des coups de masse qu'il infligeait sur leur crâne sans état d'âme. Tout ça, simplement pour survivre, pour être respecté au sein du clande la décharge et surtout, pour ne pas se faire suriner dans le dos le soir. S'il imposait le respect de ses pairs, il n'était plus que l'ombre de lui-même. Le gentil grand chercheur au sourire charmant était loin, loin derrière lui.

Et depuis que tout ça s'était arrêté, il espérait au fond de lui, le retrouver. Mais dans ce présent si funeste, Alan avait apprit une leçon : la nature, qui s'était présentée comme une nouvelle ennemie féroce était devenue une alliée. Alan avait réussi à l'amadouer, à suivre son cours et à ne jamais chercher à aller à son encontre. Se servant de ses connaissances en anthropologie, paléoanthropologie, il réussit à s'adapter à son milieu et à survivre avec presque rien. Il savait chasser, pêcher, trouver des fruits et plantes comestibles. Jamais en trop grande quantité pour être pleinement heureux mais cet ermitage lui avait été désignée comme une véritable rédemption. Il avait hurlé à la Lune l'un des premiers soirs en pleine nature, et avait ensuite très vite regretté son geste en entendant quelques rôdeurs répondant à l'appel.

Les semaines et les mois passant, il avait appris à se faire silencieux, discret voir invisible. Terré dans un trou comme un ours en pleine hibernation, il attendait. Le gibier passerait certainement devant se renfoncement, qui menait tout droit à un cours d'eau naturel creusé dans la roche : un endroit où les bêtes venaient s'abreuver pour pouvoir poursuivre leur besogne de migrateurs. Une lance fabriquée de ses mains à la main, son marteau de chantier laissé dans un coin avec le reste de ses affaires qui tenait largement dans un sac à dos, Alan flairait l'opportunité d'attaquer la bête.

Il y eut un bruit dans les fourrées, une lance projetée au loin et des pas beaucoup moins assurés qu'au début : la bête avait été touchée et s'enfuyait vers une mort certaine. Il suffisait d'être patient et de la pister pour la retrouver. Alan eut un rictus pour lui-même, se frotta la barbe et se mit alors en chemin. Il portait une peau par dessus des habits de civils : un pull en maille serrés beiges et un pantalon avec de grandes poches sur les côtés. Ses chaussures avaient connues des jours meilleures mais l'accompagnaient encore dans ses longues heures de marche sans broncher.

Alors il marcha quelques minutes en s'arrêtant pour observer les traces de pas sur le sol, les glissades dans les pentes qui montraient que l'animal perdait de l'assurance mais se dirigeait vers son tombeau près du cours d'eau. Puis, longeant des paroies rocheuses, Alan se profila et observa la bête qui agonisait lentement : la lance plantée encore dans l'aine, il y eut des souffles rauques, une respiration encore un peu sifflante. Puis, au bout de quelques instants : plus rien.

Alan se précipita alors à découvert vers la bête et la toisa de toute sa hauteur : un jeune cerf à queue noire, plutôt répendu dans la région de la chaîne des Cascades. Se munissant de son cran d'arrêt, Alan se pencha vers la bête qui le fixait de son oeil vitreux, déjà bien loin de la réalité cruelle de cette vie. Un coup de chance ou une performance primitive ? Peu importe. Ce qu'il savait, c'est que l'intérieur de l'estomac était très nutritif et qu'il fallait consommer chaud. Ce n'était pas vraiment ragoutant, mais depuis tous ces mois de survie à l'état naturel, Alan avait décider qu'il le fallait. Voilà tout.

Il planta son couteau dans la bête et, penché sur elle, l'ouvrit assez pour atteindre l'estomac : certains prédateurs le faisait également et il était également une source de réconfort aussi étonnant que peu ragoutant. Penché sur la bête après ce met plus que discutable, Alan se mit à découper les parties qu'il emporterait en premier non loin d'ici, dans un campement improvisé. Concentré sur sa besogne, il ne se rendit pas compte qu'il y avait de la vie derrière lui.
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Re: Prehistoric man | Printemps 2021

Lun 15 Jan 2024 - 22:47

Ils n’ont pas eu besoin de se concerter pour se déployer autour de la bête et suivre sa trace sonore à travers les fourrés. Remo essuie les gouttes de bruine sur ses lunettes mais cela n’y change pas grand-chose : la bête reste invisible à leurs yeux. Seule une ombre parfois se distingue entre les troncs. Le bruit de sa course, toutefois, l’a trahie : en entendant le bruissement et le craquement des branches, les rangers, partis à l’aube à la recherche de gibier, se sont immédiatement mis sur sa piste. Ils ont assez d’expérience pour se rendre compte au bout de quelques instants que le pas de la bête n’est pas sain. Quelque chose – ou quelqu’un – l’a blessée. Si c’est un rôdeur, la viande sera bonne à jeter. L’occasion est trop belle toutefois. Cela fait plusieurs heures qu’ils marchent sans un indice de vie, dans ces bois où le redoux tarde et où l’hiver a décimé la réserve de petits animaux. Depuis leur départ d’Olympia, il leur est de plus en plus difficile de trouver de quoi nourrir les quinze personnes, enfants compris, qui constituent leur groupe. Ils ont quitté la ville, se sachant plus aptes à survivre en pleine nature. Le printemps amènera bourgeons et baies, lapins, écureuils, mais les températures sont encore fraîches en journée et glaciale la nuit. Il faut encore tenir. Il faut que suffisent aussi les rares balles de leurs fusils de chasse, qu’ils ont à cœur de ne pas gaspiller – à ce titre, Remo accompagne ces expéditions bien plus pour aider à surveiller les environs et à secourir ses compagnons en cas de besoin, qu’à manier une arme dont il n’est pas familier. Par chance, les munitions de leurs pistolets sont elles encore bien garnies : ils n’ont pas fait tant de mauvaises rencontres. Ils ne les ont pas cherchées, non plus.

En approchant de la bête, toutefois, Remo dégaine son SIG Sauer, l’œil vif scrutant l’écran de pluie. Il perçoit que ses compagnons font de même. Car tous les quatre viennent de voir la lance plantée dans la croupe du cerf, se balançant comme une antenne au rythme de sa course. L’animal s’approche d’une clairière où coule un ruisseau, tout à fait à découvert maintenant. Il n’en a plus pour longtemps. Ses pattes se ploient déjà sous le poids de sa douleur. Les rangers se font discret, ne quittant pas le couvert de la forêt. Alors surgit l’homme.

L’apparition surprend Remo. Non pas qu’il ne se soit pas attendu à voir jaillir un humain – les rôdeurs n’ont heureusement pas encore l’usage des outils – mais cet homme… paraît surgi d’un autre temps. Même à cette distance, Remo le devine d’une carrure colossale. Une peau recouvre ses épaules, la barbe et les cheveux le reste de son visage. Seules se démarquent sur la carcasse du cerf la peau claire de ses mains, qui dépècent maintenant l’animal d’un geste marqué par l’habitude. Les rangers se consultent du regard. L’homme paraît seul. Ils ne lui voient pas de fusil, ou de revolver, mais certaines armes se cachent facilement. Ils ont tous faim, c’est sûr, ils pensent surtout à leurs proches, les plus faibles d’entre eux économisant leurs forces au camp dans l’attente d’un déjeuner providentiel. Les phalanges de Micah blanchissent sur son arme. Sa fille est d’une triste maigreur – par chance, elle a passé l’hiver. Aline, elle, n'a jamais eu l'habitude de faire des folies en 20 ans de carrière. Elle n’agira pas sans le signal de Denzel, qui semble réfléchir à la façon de prendre le problème.

Abattre un homme d’une balle dans le dos pour lui voler son butin ? Certes, d’autres ne se gêneraient pas, mais eux, ils n’en sont pas arrivés à de telles extrémités. Le visage de Remo est encore vierge de la cicatrice que lui laisseront ses trois tortionnaires, deux ans plus tard, dans un poste de la milice de Walla Walla. Sa peau est lisse, juvénile, comme ignorant les atrocités de ce nouveau monde. Il a déjà tué, pourtant. Plusieurs fois. Jamais avec plaisir, jamais de sang-froid, toujours pour se défendre ou défendre les autres. Mais un peu trop souvent avec une violence revancharde, recrachant dans ces moments de sauvagerie toute la haine reçue au fil des ans. Il a cessé de se poser des questions. Il n’aime pas regarder à l’intérieur de lui la marque de ces meurtres dont il ne sait si on peut les appeler des crimes.

Mouvement de la main de Denzel. Ils le suivent en silence, les genoux pliés et concentrés sur leur arme, comme un groupe de policiers – ils en sont presque. Ils sortent du fourré lorsque Remo attrape l’épaule de Denzel et lui fait signe, toujours sans mot, de baisser son arme. Le cinquantenaire, la peau sombre et la carrure imposante, regarde avec un sourcil haussé le benjamin de leur équipée. Le vétéran des rangers est un homme mesuré, qui ne rechigne pas non plus à se salir les mains, et il sait aussi entendre raison lorsque son autorité est contestée. Approche pacifiste ? Soit. De toute façon, l’homme verra bien le métal de leurs flingues et saura considérer ses options.  

C’est donc à une dizaine de mètres qu’ils révèlent leur présence à l’homme en peau de bête : suffisant pour agir s’il lui prenait l’envie de les empaler de sa lance. Aline et Remo ont gardé leur pistolet à la main, sans toutefois mettre l’inconnu en joue. L’individu se retourne. Remo ne peut empêcher de se braquer, le cœur battant à vive allure dans sa poitrine. Le sang de l’animal barbouille le visage de l’homme, comme une peinture de guerre primitive. Ses yeux se perdent entre ses mèches vagabondent et le buisson hirsute de sa barbe. Depuis combien de temps n’a-t-il pas vu un être humain ? « Belle prise, » commente Denzel d’une voix posée, comme s'il ne faisait aucun cas de l'allure pour le moins singulière de l'homme devant eux. Il pose ses mains sur les hanches, attentif aux mouvements de l’individu. « C’est une sacrée bête. Tu nous en partagerais un morceau ? »




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Re: Prehistoric man | Printemps 2021

Lun 15 Jan 2024 - 23:28

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Il y eut des bruits et au bout d'un moment, Alan se figea sur place, dans cette position batracienne, penché sur sa bête. Puis, il sentit qu'il ne s'agissait pas de rôdeurs mais bien de personnes. Il y eut une notion de civilisation : comment se présenter quand on ressemble à un homme des cavernes depuis des mois ? Est-ce qu'on sera prit au sérieux ? Ensuite, il y eut une notion plus primitive, celle de la survie : comment s'en sortir, s'enfuir, disparaître au plus vite ? Ou alors les tuer ? Non... Alan le savait, il se livrerait à un combat perdu d'avance.

Il sentit qu'on s'approchait de lui, alors, en ignorant ses premières pensées, Alan fit volte-face. Un homme dans la fleur de l'âge et une jeune femme. Armés. Alan arqua un sourcil et se redressa lentement, s'appuyant sur sa lance sans la brandir vers eux. Il se passa une main sur le visage pour chasser le sang et les fluides de la bête qui avait barbouillé sa barbe avant de lever un bras. Non pas pour les attaquer ou se montrer agressif mais pour retirer d'un seul geste la peau d'animal qui lui recouvrait les épaules. Il dévoilait une allure tout aussi impressionnante mais un peu moins primitive, un gros pull de mailles lui couvrant les épaules, une écharpe quelconque au tour du coup. Il dégagea une mèche de ses cheveux dévoilants un regard brousailleux et noir qu'il adressa au jeune homme qui prit la parole.

Une belle prise ? C'était bien vrai. Mais Alan n'avait pas vraiment pour aspiration au partage. Mais d'un autre côté, que faire ? Comment se comporter devant un groupe aussi imposant comparé à sa seule présence ? Il ne pouvait même pas contester s'ils en venaient à lui prendre la prise en le menaçant de leurs armes. En voyant le canon dans les mains de l'un d'entre eux, Alan eut une grimace de méfiance : les armes à feu, même du temps de Castle Rock et du clan de la décharge, il n'avait jamais aimé ça. "Vous comptez la prendre ?" Demanda-t-il d'une voix caverneuse. Il n'avait pas parlé depuis combien de temps ? Des jours ? Des semaines ? Il se râcla la gorge, se redressa un peu plus en portant la peau de bête sous son bras de libre et reposa la question d'une voix tout aussi rauque qui semblait nettement plus claire : "Vous comptez prendre la prise que je viens de tuer ?"

Il arqua un nouveau sourcil à l'adresse de la femme aux côtés du jeune homme et baissa les yeux vers la proie éventrée, morte, à ses pieds. "Je l'ai pistée et tuée. Mais je ne peux pas m'opposer à vous. Pas cette fois." Une vérité sortie d'un seul coup, sans prendre en compte du public qui le toisait ou l'écoutait ni ce qu'ils pourraient penser. Alan ne voyait qu'à la place de leurs visages, des faces en décomposition, des futurs morts, pour ainsi dire. En tout cas, rien qui ne vaille la peine de voir de la lumière au bout du tunnel.

"Qu'est-ce que vous envisagez ?" Demanda-t-il alors très directement au jeune homme qui s'était adressé à lui, en faisant un pas vers eux, toujours en s'appuyant sur la lance pour masquer sa crampe au mollet - à être resté trop longtemps penché sur la bête - la peau de bête sous son autre bras de libre. Après tout, pensait-il, il était préférable qu'on lui annonce la couleur ? De toutes façons, contre tous ces gens, c'était perdu d'avance.

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Re: Prehistoric man | Printemps 2021

Mar 16 Jan 2024 - 16:15

Lorsque l’homme se relève et dévoile sous sa peau de bête des habits plus conventionnels, ils campent leur position. Pas de geste brusque de sa part, pas d’attitude marquant la crainte non plus. Si la vue des armes à feu semble froisser ses sourcils, il n’a pas l’air particulièrement inquiet. Est-il encore sain d’esprit, ou a-t-il vu tant de choses que la menace potentielle de quatre personnes armées ne l’émeut plus ? Sa voix s’extirpe de sa gorge laborieusement, comme un ours sort de sa tanière après l’hibernation. Les mots lui viennent difficilement, mais pour autant, ses phrases sont articulées, compréhensibles. Cruelles dans leur vérité : oui, ils sont là pour lui prendre une partie de son butin. Il y a des groupes qui se constituent uniquement pour cela : profiter de la force du nombre pour forcer les solitaires et les duos à leur remettre leurs richesses. Ce n’est pas le genre de Remo et de ses camarades, qui préfèrent largement mener leur vie dans leur coin, mais ils ne sont pas étrangers aux mesures drastiques qu’impose l’approche de la mort sur leurs semblables.

Et si le « Pas cette fois » leur donne une désagréable impression, comme une menace ou une promesse de vengeance, Remo ne peut s’empêcher de sentir un pincement au cœur face à cet homme visiblement esseulé, ayant tant reculé dans ses retranchements qu’il a aussi remonté le temps pour revenir aux plus primitives formes de vie. Que ressentirait-il d’autre que de la colère et de la frustration, lui, Remo, si après de longues heures de traque, quatre inconnus se pointaient sur ses talons pour réclamer leur part de l’animal ? S’ils venaient dévorer sans vergogne le fruit de son dur travail ? Et ce travail, sans doute possible, est impressionnant : l’homme a tué d’une simple lance. Il a su trouver le trop rare gibier de ces terres et l’abattre d’une simple lance. Où a-t-il appris cela ?

Denzel a perçu cette curiosité, quand Remo lui a proposé de baisser son arme. Certes, le gamin a le cœur tendre et n’aime pas la violence injuste, mais il y avait autre chose, une forme de curiosité opportune. Cet étrange homme devant eux sait chasser sans fusil. Peut-être aurait-il autre chose à leur apporter que la pauvre dépouille d’un cerf famélique ? Alors que l’homme fait un pas vers eux, Denzel reste immobile, son corps bien bâti solide sur la pente menant aux fourrés. Sa voix est calme, toujours, mais son expression neutre, et il lui répond : « Nous ne comptons pas te la voler. Mais c’est une sacrée carcasse pour un homme seul, et avec ce temps la viande va vite se gâter. » De fait, ils ne savent pas si l’homme est seul ; ils s’en doutent, mais ne souhaitent pas se confier totalement à cette intuition. Il ajoute : « Peut-être que nous avons des choses qui t’intéressent. Dis-nous ce dont tu as besoin et nous pourrons peut-être trouver un terrain d’entente. »

Le troc : l’homme en est-il familier ? Depuis combien de temps est-il dans ces montagnes ? Peut-être leur répondra-t-il qu’il n’a besoin de rien, juste qu’ils le laissent tranquilles… alors, peut-être, devront-ils être plus insistants, devront-ils utiliser des méthodes plus…  « Comment tu as fait ? » Remo s’est avancé au-devant de Denzel pour poser sa question directement à l’inconnu. Il conserve une bonne distance, sept mètres peut-être, mais il le regarde droit dans les yeux avec une authentique étincelle de curiosité. « Pour l’attraper. Avec une lance, » il précise. Comme souvent lorsqu’il rencontre un inconnu, et plus encore lorsqu’il perçoit derrière un visage l’accumulation de souffrances passées, un sourire engageant lui vient. « Je m’appelle Remo. Voici Aline, Denzel, Micah, » fait-il en montrant du geste chacun de ses camarades. « C’est quoi ton nom ? »




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Re: Prehistoric man | Printemps 2021

Mar 16 Jan 2024 - 20:23

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L'un des hommes semblait être leur chef. Plus âgé, plus dur peut-être, plus expérimenté. Quel était le vice de ce groupe ? Alan cherchait à les analyser rien qu'en les observant, comme il avait l'habitude de faire lors de ces études par le passé. L'ancien anthropologue était toujours curieux de comprendre les habitudes et agissements de chacun, mais le problème, c'était que son coeur était si sombre qu'il voyait le mal partout. Pillaient-ils des groupes, pistaient-ils les personnes esseulées, comme Alan ou comme ce pauvre cerf à pointe noire. En tout cas, le cinquantenaire se méfiait mais la réponse du chef, qui avait coupé la parole au jeune homme à qui Alan s'était adressé. Alan releva les yeux vers lui et haussa les sourcils : Des choses qui l'intéressait lui ? Pourquoi l'aiderait-il ? Pour échanger leurs ressources ou leur savoir contre un peu de ce cerf ?

Alan jeta un nouveau coup d'oeil à la bête abattue à ses pieds et jaugea la situation d'un soupire. "Je sais. Généralement je vise des bêtes plus petites ou plus jeunes. Mais la situation s'est présentée, alors je l'ai saisie." Le phrasé d'Alan dénaturait vraiment de sa stature d'homme des cavernes du dimanche. Il semblait réfléchi, comme si toutes ses actions étaient calculées, même celles de prendre en chasse une bête de cette taille et de saisir une opportunité. Alan observa le groupe de nouveau en dévisageant chacunes des personnes de leur groupe. Certains évitaient son regard, certains serraient leurs armes dans leurs mains, certains tentaient des sourires maladroits. Ces personnes semblaient surtout en accord entre eux pour une chose : survivre et se protéger les uns des autres. Une nouveauté pour Alan qui n'avait connu que la trahison, les erreurs et les crimes divers.

Serait-il un jour capable de refaire confiance et de pouvoir se familiariser avec une communauté de survivants ? Il l'ignorait pour le moment mais gardait en tête la proposition du chef. Alan hésita et fit la moue, prit de court et ne sachant quoi répondre. Mais avant qu'il ne puisse formuler quoi que ce soit, un jeune homme s'avança à la hauteur de son supérieur et demanda à Alan comment avait-il fait pour chasser la bête. Alan ouvrit la bouche mais ne dit rien, eut un mouvement de recul, et esquissa ce qui ressemblait le plus à un sourire. Il cacha son rire jaune qui lui grattait la gorge et fut de nouveau prit de court lorsqu'il se présenta naturellement à lui en présentant également ses camarades. Ces âmes avaient désormais un nom.

"Alan." Répondit le cinquantenaire quasiment immédiatement. Cela faisait énormément de temps qu'il n'avait pas eu à avoir une identité aux yeux de quelqu'un. Il se renfrogna, avança d'un pas et relâcha son appuie de la lance, une fois son mollet reposé et répéta, plus calmement "Alan. Powell. Avec cette lance. Il suffit de la lancer ou la planter. Pour le cerf, je l'ai lancé. On peut appeler ça de la chance." Alan jeta un coup d'oeil nonchallant à la bête avant de hausser les épaules comme si c'était quelque chose de banal. Ca l'était devenu pour lui.

"Il va pleuvoir cette nuit. Je ne peux pas rester dans l'abris que je me suis trouvé ce matin, il est trop exposé par rapport au sens du vent. Hormis ça, je n'ai besoin de rien pour aujourd'hui, je me débrouille." Alan jaugea du regard le chef, ce prénommé Denzel mais dirigea ses yeux rapidement vers ce fameux Remo, qui avait osé s'avancer vers lui et de prendre la parole. "Vous êtes nombreux et il est vrai que je ne pourrais pas emporter cette bête seule. Si vous m'aidez à la transporter, nous pouvons aller la découper ensemble. Il n'y a que vous ?" Car ces personnes en groupe cachaient peut-être un groupe plus important. Si tel était le cas, s'il serait trop élevé, Alan envisageait la fuite : émotionnellement, il ne se sentait pas prêt. Qu'est ce qui lui assurait de ne pas tuer quelqu'un dans la nuit ou chercher à se battre absolument, comme les fous du clan de la décharge en avaient l'habitude ?

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Re: Prehistoric man | Printemps 2021

Mar 16 Jan 2024 - 22:28

La rencontre n’a pas encore duré cinq minutes, et déjà une aura de mystère entoure cet inconnu. Les rangers s’étaient peut-être attendus à ce que celui qui a tout de l’homme des cavernes en présente également les manières ; qu’il essaie de les attaquer, ou qu’il ne réponde à leur proposition que par des grognements inintelligibles. Mais l’homme les observe, les scrute même, avec un œil incisif d’où perce l’intelligence. Son phrasé détone avec sa carrure ; en fermant les yeux, on pourrait même imaginer sa voix grave et ses phrases élégante dans la bouche d’un chroniquer de quelque radio ou podcast culturel. Il semble en tous cas peser chacun de ses mots avant de répondre, n’ignorant pas qu’il se trouve dans une situation délicate. Aussi l’élan spontané de Remo semble le surprendre. Il est habituel, pour le californien, de décliner rapidement son identité. S’il avait été familier des ouvrages de psychologie, on aurait pu l’accuser de manipulation en utilisant le prénom d’autrui. Mais Remo ignore ce type de stratagème et c’est naturellement qu’il souhaite connaître le nom de son interlocuteur. Sous la barbe d’Alan, il est difficile de distinguer si son rictus est une grimace ou un sourire, mais l’interaction semble lui délier la langue quelque peu.  

Un coup de chance. Difficile à croire, pensent à l’unisson les quatre rangers, sans pour autant le relever. Il faut une certaine dextérité pour planter une telle arme dans un animal en mouvement. Alan semble considérer cela comme une banalité. Comme si rien ne l’étonnait plus, ou plus exactement, comme si rien ne lui importait plus. Remo, qui a toujours croqué la vie à pleines dents, même dans les plus durs temps de l’apocalypse, a toutefois connu ce sentiment, un peu plus d’un an auparavant. Cette funeste nuit où l’accouchement a tué Joyce, la prunelle de ses yeux, celle qui aurait pu être sa femme si le mariage avait toujours du sens dans ce monde en pièces. Elle, et quelques jours plus tard, leur petite fille prématurée. Oui, à ce moment-là, les couleurs se sont retirées du monde et Remo a eu l’impression que plus rien n’avait de sens ; qu’il n’y avait devant lui qu’un écran de brouillard insipide et que continuer était absurde. Il a fini par remonter la pente de ce gouffre, sans en sortir tout à fait, trébuchant parfois la nuit pour s’y noyer le temps d’un cauchemar. Il se souvient bien de la lente traversée de ce désert glacial, dont il ne serait peut-être pas ressorti sans le soutien de sa sœur. Cet homme a-t-il traversé une épreuve similaire, ou pire encore ?

Sa proposition est pleine de bon sens mais braque le groupe, à juste titre. L’hébergement contre l’assiette. Ou plus exactement le gîte contre le produit de son travail. Un échange centenaire, millénaire peut-être, mais dont les implications font hésiter les rangers. Ils devraient révéler l’emplacement de leur refuge provisoire, où dorment leurs familles, leurs enfants pour certains. L’homme semble solitaire, mais comment s’en assurer ? Ne reviendrait-il pas la nuit suivante, ayant vendu leur adresse à ses compères ou à des voleurs de passage, qui se feraient un plaisir de déchiqueter leur abri et leurs maigres provisions ? En d’autres temps, ils n’auraient pas pris le risque, mais ils sont aujourd’hui trop affectés par les privations d’un hiver partiellement nomade, pour ne pas considérer la proposition avec sérieux. Micah, en tous cas, semble déterminé. Il a trop peur que sa fille ne survive pas avant l’arrivée de la belle saison. Et ils ne savent pas quand se présentera une nouvelle occasion comme celle-ci. Trouveront-ils du gibier demain, ou dans deux semaines, quand plusieurs d'entre eux auront passé l'arme à gauche ? Remo consulte ses compagnons du regard, avec toutefois l’intuition qu’ils peuvent faire confiance à cet homme. Pas les yeux fermés, bien sûr, mais il lui semble qu’Alan est réellement seul, et ce depuis longtemps. Alan l’a peut-être senti, car il reporte son attention sur lui, là où la logique voudrait qu'il s'adresse plutôt à Denzel. « Alan, » finit par dire Remo comme pour tester la sonorité de son prénom. « Il y a d’autres personnes avec nous, oui. On est un petit groupe. » Il ne voudra pas dire combien, exactement. C’est une information qui peut se révéler parfois stratégique. Cette fois, c’est Denzel qui reprend la parole, ne paraissant pas s’offusquer des interventions de son cadet – il en a l’habitude, et il n’est lui-même pas très à cheval sur la hiérarchie : « Le gîte contre une partie de la viande, ça me paraît honnête. On peut en sécher une partie aussi, ce sera plus pratique pour la conserver. » Un fumoir, ou en tous cas un fumoir improvisé. Toutefois, à quinze, plus leur invité surprise, le cerf ne fera pas de vieux os. « Tu n’as pas de quoi prouver qu’on peut te faire confiance, alors je ne te demanderai pas de le faire. Sache juste qu’on n’hésitera pas à protéger les nôtres, si besoin, » ajoute Denzel sans pour autant rendre son ton menaçant. Il sait l’homme intelligent et n’a pas besoin d’artifices pour lui faire passer le message. Remo descend le sac à dos de son épaule et sort l’une de ses cordes d’alpinisme. « Alors tu viens avec nous, Alan ? On devrait vider le cerf avant de partir. Sinon la viande ne sera plus bonne. On n’est pas à côté. » Il fouille dans son sac pour tirer son GPS, qu’il transfère dans sa poche - c'est toujours lui qui guide sur le chemin du retour, son orientation spatiale le trahissant rarement. Il relève le regard vers Alan avec un sourire enthousiaste, toujours avide d'apprendre : « Tu me montreras, pour la lance ? »




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Re: Prehistoric man | Printemps 2021

Sam 20 Jan 2024 - 18:17

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Le jeune homme qui s'était adressé à lui et d'autres membres de cette petite escouade semblaient hésiter quand Alan proposa simplement cet échange de bons procédés. Intérieurement, Alan riait jaune, à l'extérieur, son visage restait dur et impassible. Il avait fait les pires choses. Tué des gens dans son sommeil, pillé toute les ressources d'un groupe absent, assomé des gens et les jeter en peinture à des rôdeurs... Il était facile de retirer la vie de quelqu'un, c'était la leçon la plus simple qu'il avait tiré du clan de la décharge. Mais dans cette configuration, il n'était pas en position de force, il n'avait plus rien. Il n'était plus dans cette ambiance d'ultra violence. Après avoir pris la vie du chef du clan de la décharge, Alan n'avait plus aucunes raisons de se comporter ainsi. Cela ne lui avait apporté que déception et rancune.

Mais Alan n'eut pas le temps de commenter cette information délivrée par Remo que leur chef, celui qu'il avait présenté comme étant un certain Denzel, acquiesça à sa proposition en le mettant en garde. Ce petit groupe protégerait les siens. Il haussa les sourcils, puis les épaules tandis que le plus jeune s'approche sort son matériel en lui indiquant que leur campement était plus loin dans les étendues du Mount Rainer. Alan s'accroupi de nouveau près de la bête et leur fit vite dos, leur laissant ainsi le loisir d'approcher s'ils le désiraient. Certains marmonnaient des choses, se posaient des questions entre eux, mais le cinquantenaire ne faisait même pas l'effort de relever ce dont il s'agissait. Il ressortait déjà son gros cran d'arrêt et venait continuer d'ouvrir en plus grand la cage toracique de l'animal pour en vider le contenu.

"J'ai mangé l'estomac. Il faut regarder le début de l'intestin mais le reste est bon à jeter. Comme ça." Dit-il alors à l'adresse de Remo en lui donnant l'occasion de regarder par-dessus son épaule. Il sectionna l'intestin et pressa la paroie intestinale. Une pâte verte sortait de ce morceau d'intestin qu'il se cala bien vite au fond de la gorge sans chercher à ce que sa langue entre en contact avec. Le goût était amer et ignoble mais les propriétées végétales de ces choses lui prodigueraient le plus grand bien. Puis, le jeune trentenaire vint lui redemander pour la lance. Alan étala la peau de bête sous son fessier, s'assit à même le sol et écarta les jambes pour caler le haut de la bête contre sa cuisse et commencer à la découper.

"Contre les Hommes, la lance n'est pas l'arme la plus utile. Par contre, elle suffit pour bien des tâches. Elles ne seront jamais aussi parfaites que nos ancêtres mais elles permettent d'économiser bien des ressources. Inspecte bien les empreintes de taille de chaque côté. Ca te donnera un indice du sens de de la taille. Tu comprendras mieux ainsi."

Alan, le didactique. Alan, le professeur. Alan, le chercheur et scientifique. Le langage précis et ce ton surréaliste et calme dénotait de tous les gestes brutaux et secs qu'il opérait pendant la découpe du gibier. Il relevait à peine son regard de l'animal et donnait déjà de précieuses informations à Remo, en se projetant déjà comment lui montrer à bien réussir une belle taille bien propre. Mais presque automatiquement, son esprit lui lança comme une décharge électrique : il ne se projetait pas avec personne. Pas même ce groupe sans défense.

Disons que pour une nuit, Alan saurait faire une entorse à la règle. Il n'avait pas besoin d'interagir avec tout le monde après tout, et ce jeune homme lui facilitait la tâche. "Tiens." Lui dit-il simplement en lui tendant l'une des pattes qu'il avait réussi à détâcher du reste.

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Re: Prehistoric man | Printemps 2021

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