Anton déposa son sac et ses armes sur le lit. Putain que ça faisait du bien de se poser, de troquer tout son équipement militaire. Il regarda sa main bandé, gonflée et douloureuse, une infection… Heureusement ils avaient de quoi la combattre mais Anton était vraiment saoulé de devoir piocher dans le stock de médicaments. Mais il devrait être en forme pour le retour de Lex, la brune n’avait toujours pas daigné revenir ici, au grand damne d’Anton. Il s’adressa ensuite au jeune asiatique derrière lui :

«C’est pas grand-chose mais c’est chez nous. » Pas grand-chose, pour un mec qui vivait comme un clodo et un voyageur depuis un moment, ça devait être un putain de palais en vrai. Mais Anton n’allait pas porter de jugement, à haute voix du moins. Puis il quitta la chambre, le grand asiatique sur ses arrières : « On va te trouver un coin où dormir mon gars. » Il emmena le jeune homme jusqu’au salon, il y avait un canapé qui pourrait bien l’attendre quelques temps. Le temps de lui trouver une chambre ou quelque chose de plus… intimes. Mais bon, sachant qu’Orion était venu seul, il n’aurait pas besoin de s’isoler.

« Pour commencer, pour ce soir, après on verra avec le boss si on peut te trouver autre chose. » Mais ça attendrait, pour le moment, Orion et Anton étaient vivants, Anton était d’une humeur presque bonne et surtout, il avait pas mal de chose à se dire avec Orion. Le petit gars semblait encore porté par un grand idéalisme si tant est qu’il avait pu en juger lors de leur dernier combat.

Et pour les discussions, il n’y avait rien de mieux qu’une bonne bouteille. L’ancien flic sorti une bouteille de Rhum et deux verres, il s’installa confortablement dans le canapé et servit deux généreuses doses du meilleur des poisons : « Bon, comment tu te sens Orion ? ça fait quoi d’avoir un vrai toit et de pas risquer de se faire agresser par une blonde ? » Johanna lui avait laissé un sacré souvenir dans le bras et sur le corps. Elle avait bien changé la petite.

Il l'avait suivi, c'était peut-être le mieux à faire, Anton lui avait proposé de l'aider à mieux se défendre, mieux attaquer, peut-être qu'il aurait la possibilité d'apprendre à tirer aussi. Orion n'avait pas envie de rentrer à Lake Shore, pas tout de suite du moins, la mâchoire encore serrée de honte de s'être fait mettre à plate couture par Johanna est présente, la colère aussi qu'elle ne parvienne pas à se focaliser sur ses mots, celle contre Isha qui se pointe en Dieu tout puissant de ses couilles flétries ! Bordel ça l'agace. La morsure sur son bras faite par la blonde aussi ça l'agace, ça le lance, ça pique. Puis le stress de cette journée infernale est comme la cerise sur le gâteau. Orion est juste épuisé.

Son sac encore sur le dos, il suit le barbu, observe les lieux, hoche la tête, il peut parfaitement comprendre se soupire las et soulagé à la fois. Ca doit faire du bien de se retrouver chez soi, si tant est qu'on en a véritablement un. "C'est largement suffisant je pense, t'as un toit sur la tête." Finit-il par dire avant de lui emboîter le pas à nouveau vers le salon, plutôt cosy. Comme à Lake Shore, là bas aussi c'est cosy, y'a de la vie, une cheminée, mais il n'a vraiment pas le coeur à y retourner. Là, il veut juste "grandir". Il a bien compris aujourd'hui, le pacifisme est en voie d'extinction. Lui qui ne veut se battre que pour se défendre ou gagner quand il se sent en compétition, aujourd'hui il a pris une grosse claque. Ca doit faire bizarre à Anton, non ? De voir un gamin comme lui croire encore au bon sens de l'humanité. Mais il n'y peut rien, malgré les angoisses, le besoin parfois d'être seul, il a toujours ce mince espoir qu'un jour ça ira mieux.

Posant enfin son sac sur le sol, il observe une dernière fois la pièce. "Le canapé c'est bien, ça ira pour ce soir et les prochains si besoin." Au moins il ne veut pas prendre trop de place, rester juste le gars qui squatte le canapé parce qu'il est nul à chier en baston; et qu'il est là pour un stage. Voyant ensuite Anton sortir une bouteille de rhum, il sourit doucement, un peu d'alcool, parfois ça peut faire du bien, ça réchauffe comme on dit. Le cadet s'assoit alors dans le fauteuil face au canapé, et observe le verre plein, il le saisit et à la suite des interrogations d'Anton, il inspire, boit cul-sec le verre comme pour se donner du courage. Il a laissé Johanna là bas, à Gig Harbor, parce qu'il n'avait pas envie de lui parler, pas envie d'essayer de la raisonner, pas envie de se faire encore frapper. Il a seulement laissé son petit porte-clé, cadeau de son père, à Mary pour qu'elle le donne à la blonde en signe qu'il reviendra un jour. Il a aussi envie de pouffer de rire. A Lake Shore aussi il a un toit même si on lui prête la chambre contre de l'aide. "Comment je me sens ? Est-ce que ça a un réel intérêt ?" Il ne sait pas s'il peut dire de but en blanc que non ça ne va pas. Qu'il a tué un humain pour la première fois de sa vie, qu en y repensant il a juste envie de vomir tripes et boyaux. Qu'il ne cesse de se dire que peut-être ce type avait une famille, des amis. Que des gens attendent son retour. Parce que malgré tout, malgré le fait qu'il soit perché niveau religion ça reste un humain. Il lâche un nouveau soupire et tend son verre vers Anton pour lui intimer de le servir à nouveau. Ça fait bien longtemps qu il n'a pas bu d'alcool. Puis le rhum, ça passe tout seul. "C'était pas elle. Johanna est pas comme ça, enfin... pas comme elle l'était dans les bois, à la clairière. Elle est... elle est pas violente normalement, enfin pas autant." Même s'il lui en veut de ne pas avoir écouté, Orion cherche encore à l'excuser, même si elle l'a blessé, qu'il en a assez de se faire frapper alors qu il veut seulement la protéger, il cherche à se dire que c'est "normal" quand elle est comme ça. Regardant Anton il fronce un peu les sourcils. "Tu la connais Johanna ? Enfin... comment tu la connais ?" Oui, il a bien vu qu'elle semblait le connaître vu les signaux échangés, il n'est pas jaloux, juste curieux. Lui ne connaît quasiment personne après tout. C'était comme s'il venait de sortir de l'œuf.

Anton eut un rictus à la réponse d’Orion, il voulait jouer au dur le jeune ? Mais Anton allait se montrer sympa, il l’avait accueilli ici, ce n’était pas pour avoir un labrador : « Si je te pose la question, c’est que ça en a pour moi. » Il s’inquiétait vraiment de voir un grand gaillard comme lui manquer aussi sérieusement de caractère. Et ça allait commencer par une petite discussion sur Johanna, il y avait visiblement une divergence de vision sur ce qui s’était passé ce soir-là : « Ce n’est pas Johanna ? » A quel moment ? Et même si c’était comme ça qu’il voulait voir les choses :

« Ce n’est pas elle… ce n’est pas une excuse ni une réalité. Ce que t’as vu cette nuit-là, c’est une Johanna qui perd pied avec la réalité, qui se laisse bouffer par ses émotions et la haine. » Anton connaissait bien ces moments, il les avait déjà vécu, c’est pour ça qu’il pouvait tout à fait comprendre ce par quoi elle était passée. Mais ça n’allait rien excuser : « Plus aucun jugement, plus de capacité de distinction, une folie furieuse. Je veux bien croire qu’elle est pas comme ça en temps normal. Mais si tu comptes la fréquenter, il va falloir composer avec ça. Imagine ce qui se passe si tu la met en colère et qu’elle décide de t’attaquer de nouveau."

Il finit quand même par lâcher quelques informations sur les circonstances dans lesquelles il avait rencontré Johanna : « Je l’ai rencontré il y a deux ans à peine. Elle était beaucoup plus innocente, mais à croire que la perte du motel l’a rendu à moitié folle. Comment vous vous êtes rencontré ? » Anton n’allait pas s’étendre sur certains sujets.

En fait, il était même plutôt curieux d’apprendre ce qui était advenue de Johanna depuis la chute du motel. Il était aussi curieux de savoir comment ce gamin pouvait être encore aussi innocent alors qu’on était à plus de sept ans de chaos dans un monde aussi sauvage maintenant.

De l'importance pour lui ? Pour quoi ? Pour finalement se moquer de lui parce qu'il n'est pas courageux ? Il n'en sait rien, mais avale cul-sec son verre. Parler de lui auprès des inconnus, ça n'est pas forcément sa tasse de thé. Il joue doucement avec son verre entre ses doigts tatoués, observe Anton un peu plus, le fixe, tente de percevoir ce qui peut bien se cacher derrière son regard sombre. Il continue de faire tourner son verre vide, un peu stressé, tendu. Il ne sait pas à quoi s'attendre. Alors lorsque la discussion se dirige vers Johanna c'est presque un soulagement, même si l'avoir vu ainsi lui fend le coeur, le met aussi fortement en colère, contre lui-même.

De plus les mots qu'emploie l'homme en face de lui, ne lui plaise pas réellement. Elle n'est pas folle, elle est... Différente. Elle n'y peut rien, ce n'est pas de sa faute. Il reste néanmoins silencieux, serre doucement sa mâchoire. Il le laisse pourtant parler, sans interrompre. C'est toujours mieux, plus poli même. Elle était en colère, il le sait, avait envie de se venger aussi, il le sait. Il sait tout cela, mais il y tient, ce n'était pas elle, ce n'était pas la Johanna qu'il connait et côtoie à Lake Shore, ni la Johanna qu'il a étreint la nuit avant ce soir. C'était une autre Johanna. Vengeresse, ivre de colère, mais il l'a vu, il a vu son regard avant qu'elle ne quitte la planque du port. "Y'a pas que la haine et les émotions... Elle n'est pas folle." Finit-il par dire avec un certain aplomb qui le surprend lui-même. Il ne s'attend pas à être ainsi, il cligne des yeux, se râcle la gorge, puis soupire. Bien sûr, il sait qu'elle n'est pas toujours stable, il sait bien qu'il doit composer avec cela. La dernière fois il avait eu le dessus en lui éclatant le crâne contre un mur à l'en faire saigner. C'était par colère. "Je sais ça." Dit-il presque sur un ton boudeur, c'est vrai, elle a facilement le dessus sur lui, parce qu'il ne veut pas lui refaire mal, la sonner comme l'autre fois. Il ne veut pas la blesser, il n'est pas comme ça. Il n'est pas violent. Il peut être brute, mais dans ses mots, pas dans ses gestes. Est-ce une tare dans ce monde ?!

Il dévie une nouvelle fois la conversation, mais plus par curiosité. La réponse ne tarde pas. Il hoche la tête. Alors il la connaît depuis un certain temps, le temps du motel s'il pige bien. Un frisson le parcours. Est-ce qu'il lui a fait du mal ? Est-ce qu'il a abusé d'elle ? Est-ce qu'il la respecte ? Des questions, pas de réponses, des espoirs mince de ce respect, du fait qu'il ne lui ait pas fait mal. Il serre un peu le verre entre ses doigts, et pour passer la pilule, il reprend la bouteille de rhum. Troisième shot.

Cul-sec, il pose le verre sur la table, relève ses yeux vers l'homme. "En février ou mars je crois. Je cherchais du matériel d'hygiène. On s'est croisé, puis par le hasard en rencontrant Isha, je l'ai revu." C'était tout, juste le jeu du hasard. Comme si en fin de compte, croiser Joe, rester avec elle était son destin, ou du moins cela en faisait parti. "Pourquoi tu veux m'aider ? Si c’est parce que j'ai l'air nul, je veux bien te croire, je sais que me défendre." Au moins Orion est honnête, il ne sait faire que ça, se défendre et chasser pour se nourrir. Ses bases en survie sont certes pauvres, mais il n'est pas idiot. Il sait se débrouiller.

Si elle avait passé autant de temps avec Isha, alors Anton comprenait beaucoup mieux les sauts de colère de Johanna. Isha n’avait pas la lumière à tous les étages et quand elle était présente, elle n’était pas blanche : « Isha… ça explique beaucoup de chose alors. » Mais bon, il n’avait pas s’étendre sur le sujet. Orion lui affirmait qu’il n’était pas faible : « Tu sais te défendre ? » Un regard pour voir Orion… physiquement il y avait un truc, mais mentalement… Anton n’allait pas lui sauter à la gorge pour voir s’il avait la volonté de se défendre :

« Je veux bien te croire, t’es grand t’es relativement costaud. Mais ça suffit pas.» ça ne suffira jamais, il faut la colère, la haine, la volonté et l’entrainement pour se battre. Au mieux Orion pourrait encore se défendre face à un homme seul, mais il faut aussi pouvoir le massacrer, lui tenir tête et surtout être capable de tenir tête à plusieurs personnes en même temps. Ça demandait une force de caractère qui se forgeait dans l’adversité : « Tu sais pourquoi Johanna nous a battus ? Car elle avait la haine comme tu dis si bien. »

« Et si je t’aides, c’est juste que j’ai l’impression de me voir quand j’avais 16-17 ans. Bon tu es plus vieux, mais l’idée est là. » Ouais, il y avait un sale transfert, Anton en était bien conscient, mais il s’en fichait. Aider Orion le soulageait un peu et ça changeait des relations qu’il avait l’habitude d’avoir :

« Un boxeur m’a pris sous son aile et il m’a entraîné. Pas uniquement avec les poings ; mais aussi avec la tête. » Il faut savoir frapper, retenir ses coups, encaisser, anticiper et cracher du sang avant de revenir à la charge, jusqu’à ce que son adversaire tombe au sol. « J’vais te montrer un truc. » Anton releva ses manches, juste ça, pour montrer la grande quantité de cicatrices qui s’y trouvaient : « C’est surtout ça que je veux t’expliquer, faut pas se laisser paralyser ou choquer quand tu vois un truc qui te déplait. »

Orion observe à nouveau Anton, Ouais Isha, lui aussi semble avoir un avis plutôt bien tranché concernant le brun. Orion, lui, ne sait pas vraiment comment s'aventurer sur ce terrain, Isha l'a déjà mis à terre, il s'en souvient, il en a honte. Mais de base Orion n'est pas violent, s'il devient brutal c'est plus quand on le pousse à bout, qu'on touche un point sensible, quelque chose qui le fait sortir de ses gonds. Il inspire, pose ses yeux sombre sur le barbu. "Oui, on m'a appris." Hanz lui avait appris, ce connard l'avait manipulé. Il avait la rage, même encore aujourd'hui. Alors il préfère seulement répondre par cette phrase des plus courte, mais qui prouve bien qu'il est droit dans ce qu'il dit. Il ne va pas s'inventer des compétences qu'il n'a pas.

Il est grand oui, costaud, sûrement, il aime bien le sport, s'entretenir, ça lui semble essentiel aussi. Se muscler, mais aussi continuer quand il le peut à s'entraîner à se défendre et boxer. Hanz le lui a appris, il essaye de continuer, mais seul c'est toujours plus complexe. Il inspire donc à fond et lève ses yeux sur Anton, puis, lui remplis son verre et le sien une nouvelle fois. Il ne veut pas être le seul à picoler. Il continue d'écouter les propos de l'homme plus âgé et retient un soupire d'agacement quand au fait de parler de Johanna et de sa rage, sa haine, sa colère. Si on veut oui, il y avait de cela mais pas que. Lui ne voyait pas que ça, il ne la voyait pas folle non plus, alors c'était peut-être lui le dingue dans l'affaire. Il ne dit donc rien, et se contente de hausser vaguement les épaules; histoire de simplement montrer qu'il a entendu.

La discussion continuant, il se sent un peu vexé aux propos suivant, oui il n'a clairement pas 17 ans, il en a 25, bientôt 26 d'ailleurs. Il ne se sent pas plus adulte que cela, juste totalement paumé. Mais même s'il est un peu vexé, il comprends rapidement ce que veux dire Anton, et malgré la manière maladroite dont il dit les choses, il y a une sorte de bienveillance. "Je comprends, oui. J'suis paumé, c'est vrai." Admet le brun en détournant un peu le regard, honteux. D'autres ont mûrit plus vite que lui. Lui a été protégé plus ou moins, ou bien il a simplement fait fit que ça n'allait pas l'atteindre.

Ecoutant Anton, il sourit, ne pouvant s'en empêcher quand il parle que lui aussi a eu un entraînement de boxe. Il se sent moins seul, ça lui même presque du baume au coeur. Alors il ne put s'empêcher de se faire la réfléxion qu'il aimerait bien s'y remettre plus sérieusement. Observant ensuite les gestes du brun barbu il pose son regard sur les cicatrices. Tout le monde a été marqué au final, de manières différentes, pour différentes raisons aussi. Alors, l'alcool ingurgité aidant il inspire, reste à regarder ses cicatrices et souffle. "J'en ai aussi... Pas sur les bras. Mon dos." En parler le fait frissonner, il déteste cette sensation. Même lorsqu'il avait fait l'amour avec Joe, quand elle avait voulu toucher son dos il l'en avait empêché, ne supportant pas cette idée. Cette sensation douloureuse qui le renvoie chaque fois à ce jour là. Il le sait, en fait, il en prend conscience soudainement grâce aux mots du plus âgé. Alors il tremble un peu, sent ses yeux soudainement devenir humide, une larme descend le long de sa joue, il l'essuie rapidement, il n'est pas faible, juste traumatisé. Son vis-à-vis a raison, il est paralysé et en état de choc car craignant que cela ne se reproduise encore et encore et que cette fois-ci il en meurt. Il baisse donc la tête, tentant de cacher son visage avec ses cheveux tombant devant ses yeux à ce geste. "Pardon... J'dois pas pleurer j'sais..." Murmure t'il finalement pour s'excuser de sa faiblesse flagrante. Orion se sent alors encore plus démuni et nul.