Elle se retrouve ici parce que l'idée de pouvoir ramener un cadeau d'anniversaire au fils de Symea lui a effleuré l'esprit. Au final ? Son sac s'est étrangement rempli de jouets pour garçons et de peluches en tout genre, dont les trois quarts ne suivront probablement pas le reste du voyage. Seattle n'est pas à côté, le Canada encore moins, mais Ana-Lucia a bon espoir que ça occupe une partie du voyage et des très longues soirées qu'ils passent dans des abris abandonnés. Ce n'est pas grand chose évidemment. Pas grand chose que Symea encourage mais elle, est persuadée que c'est nécessaire pour son fils. Que pour être un enfant presque normal, il a besoin d'un développement intellectuel ordinaire. Et lui offrir ce cadre lui parait souvent laborieux.

Cabròn ! L'injure lui échappe alors qu'elle retire vivement ses doigts de sous un carton. Là, elle a failli se coincer, mais un de ses ongles s'est cassés jusqu'au sang. D'autres insultes lui échappent en plusieurs murmures, jusqu'aux bruits de pas plus loin qui lui parviennent. Ana-Lucia porte la main immédiatement à son arme, prête à agir et se défendre. Mais dans le cadre de la porte, elle ne trouve qu'une personne approchant.

Bien. Si ce n'est que ça, alors elle peut gérer. Elle s'écarte, retire la sécurité de son arme, attend patiemment. Sur la table la plus proche, elle pose son Glock pour le rendre autant visible qu'accessible, jusqu'à ce que la femme rentre en effet dans la pièce et l'avise. La voix s'élève avec ça, et l'hispanique esquisse un bref sourire moqueur :

Plus longtemps que toi, certifie-t-elle d'une voix suave, les lettres roulant sur sa langue. Tu n'es pas ce qu'on appelle exactement une personne discrète, Nephthys et au cas où tu te poserais la question, je ne suis pas désarmée, et elle ne le ferait évidemment pas.

Ses yeux avisent longuement la nouvelle venue. Si Ana-Lucia n'a pas l'air menaçante, ses yeux sombres et perçant n'évoquent rien de très bon à l'adresse de quiconque la croise.

Et je ne suis pas ce qu'on appelle une bonne rencontre, pour ma part, précise-t-elle dans la foulée, sur le même ton. Son sourire s’élargit, dévoilant des dents d'un blanc immaculé sous ce rouge-à-lèvres profond : Si tu as des ressources avec toi, je te conseillerais de me les donner gentiment, et rapidement.

Pas de ressources. Ana-Lucia esquisse un vague sourire, plissant le regard en fixant sa vis-à-vis. Pourquoi avait-elle la sale impression qu'on la prenait pour une idiote ? La fabuleuse histoire de cette Nephthys, à la recherche de quoi manger dans un vieux entrepôt ne contenant que des jouets. Elle qui a été mère sait ce que la firme fabrique, et s'étonne de l'inculture crasse de certaine personne. Son expression reste étroite, fermée, son œillade ne la lâche pas, comme un serpent sur son objectif, ses pupilles se rétractent alors qu'elle a sa proie en visu.

Et elle encaisse le blabla ambiant sans interrompre sans vis-à-vis, quand bien même une pointe d'agacement monte dans son ventre l'espace d'une seconde. Isolée, apparemment débrouillarde mais trop gentille, elle imagine déjà sans mal comment elle pourra la plier pour obtenir ce qu'elle veut. Gatito mérite bien une barre de chocolat avec sa nouvelle peluche, non ? Ou en tout cas, de quoi se remplir un peu mieux l'estomac que ce qu'elles ont à lui proposer avec Symea.

D'un geste de la main vif, elle invite sa vis-à-vis à se taire.

Cariña, ne te fatigue pas à me sortir le violon de la pauvre petite naïve à la recherche d'un peu de compassion, articule-t-elle alors en fronçant les sourcils. Des comédies comme celle-ci, elle en a vu jouer d'autres. Et Ana-Lucia est impitoyable. Je ne suis pas cliente, plus depuis longtemps.

On pourrait croire que son ancienne profession a tôt fait de la faire se montrer généreuse et avenante, bienveillante surtout. Mais les rouages de l'administration, de cette société qui broie les plus démunis, ne sont plus les mêmes aujourd'hui. Tuer ou être tuer. Ana-Lucia a compris depuis longtemps le message de Symea à ce sujet, il n'est plus question d'avoir pitié, d'autant plus si sa propre survie est en jeu.

Mon exigence reste la même : tes affaires, reprend-elle d'une voix glaçante. Rápidamente, appuie-t-elle enfin.