J'ai fait mon apparition le 10 septembre 1969, alors que les feuilles commençaient à peine à changer de couleur, dans la petite ville de Coalfield, tout près de Seattle. Mon père, John, était un peu l'homme à tout faire du village et ma mère, Mary, s'occupait de la maison. Ils étaient tous les deux nés là et allaient probablement mourir là, considérant la vie simple de campagne qu'ils appréciaient. Ils me nommèrent, en l'honneur de mes deux grand-pères, Clint Northstone et Markus Hamlin, Clint Mark Hamlin, mais j'ai jamais vraiment utilisé mon second prénom. D'ailleurs, Clint c'est pas le diminutif de Clinton alors ce serait bien d'arrêter de me poser la question.

J'ai eu une jeunesse plutôt banale. Mes parents s'aimaient et ils m'aimaient. Le fait d'être enfant unique leur a permis de m'offrir à peu près tout ce que j'avais besoin, sans me couvrir d'or ou de cadeaux, ils n'en auraient pas eu les moyens. De toute façon, j'ai grandi dans les années 70, alors on s'amusait avec pas-grand-chose à l'époque. À l'école, j'étais plutôt sous la moyenne, mais ça ne m'a pas empêché de faire mon chemin et ça ne m'empêche pas d'être assez intelligent. C'est juste que moi, les règles du participe passé, et comment les États-Unis ont gagnés la deuxième guerre mondiale, j'en ai toujours eu un peu rien à foutre. J'avais de bons résultats en maths et en sports, mais c'est à peu près tout. Heureusement, mon père m'encourageait en me montrant un peu les trucs qu'il faisait pour le travail. Coalfield c'était vraiment un petit village, où à peu près tout le monde se connaissait, alors tout ce qui ce trouvait dans le village, de la petite boîte aux lettres à l'extension de la mairie, c'était mon père qui s'en occupait. C'est sûrement à cette époque que j'ai développé une certaine passion pour les outils, le bois, le travail avec mes mains. J'étais encore trop jeune pour réaliser que je pourrais en faire un métier, mais ça me permettait de passer du temps avec mon père.

De la première journée d'école jusqu'à la dernière, je crois que j'ai toujours eu les mêmes amis. Trois autres garçons avec qui je faisais les quatre cent coups. On jouait au Hockey dans la rue, ou au Baseball au parc. On a bu de l'alcool en cachette, embrassé des filles dans le sous-sol, passé la nuit dehors... Bref des trucs que des enfants et des adolescents pleins d'hormones font. D'ailleurs, niveau hormone, j'avais du succès avec les filles dans ma jeunesse, mais j'ai jamais été du type "mauvais garçon". J'ai bien eu quelques amourettes, mais rien de bien sérieux avant d'être adulte.

À 18 ans, après l'école secondaire, je ne savais pas trop ce que je voulais faire, mais je ne me voyais pas faire de grandes études. Travailler avec mon père ça me plaisait, et j'ai pensé que travailler avec le bois ça me parait aussi. J'ai déménagé à Seattle, dans un petit appartement et je travaillais comme portier pendant que je faisais un cours ébénisterie. Je suis resté portier un bon deux ans avant que je réalise que le marché était peut-être trop saturé et que j'ai décidé de faire d'autres études en plomberie. Ça a d'ailleurs été une excellente décision, car on m'a embauché directement à ma sortie de l'école dans un grand groupe de construction général, Venture General Contracting.

Cinq ans plus tard, vers l'âge de 25 ans, j'ai fait la rencontre d'une jolie infirmière dans un café où je passais tous les matins. Au départ, je lui ai fait quelques sourires, puis après une rencontre ou deux, j'ai décidé de l'inviter. Autant dire que je suis vite devenu fou amoureux de Rebecca, et je me plais à penser que c'était la même chose pour elle. On s'est installé ensemble après à peine un an, puis un an plus tard on était déjà marié. On a jamais essayé d'avoir d'enfant, mais on était plutôt épanouis alors je m'en foutais un peu. Je me concentrais plutôt sur le travail, et je faisais mes preuves rapidement auprès de la direction. L'avantage, c'est qu'au fil du temps, j'ai touché à plus que seulement la plomberie et j'apprenais comme une éponge. J'obtenais de plus en plus de responsabilité avec les années, et au bout de douze ans d'expérience et de loyaux services, j'ai été promu chef de chantier.

J'imagine que j'aurais pu y terminer ma vie, mais j'ai toujours aspiré à plus. Comme mon père travaillait seul, j'avais l'impression que je pouvais aussi être mon propre patron un jour. C'est à l'âge de quarante ans que j'ai fait le grand saut avec Matt et Alex, deux hommes en qui j'avais extrêmement confiance et avec qui je travaillais depuis longtemps. On a décidé de s'installer à la campagne, à Newcastle. Il s'agissait de la ville natale de Matt et c'est pas plus mal, car ça m'a rapproché des parents qui commençaient à ce faire vieux. En plus, c'était à bonne distance de Seattle, mais aussi des villes environnantes alors c'était parfait pour nos affaires. Ça plaisait un peu moins à Rebecca au début, mais je pense qu'elle a fini par s'y plaire quand elle a quitté l’hôpital pour travailler plus à contrat.

Il y a eu de l'ajustement à faire dans la première année, mais les affaires allaient bien. Rénovation, agrandissement et construction de maisons. On faisait tout de A à Z, et même si je m'occupais un peu plus de l'administratif, j'étais toujours sur les chantiers pour mettre la main à la pâte ou pour former les jeunes. Je me rappelle encore de notre premier pick-up lettré... On était sacrément fier.

Novembre 2015 - Newcastle

J'aurais vraiment dû écouter Rebecca. Je doutais d'elle, et je le regrette vraiment amèrement. Pourtant, je me croyais plus malin en général, je croyais que je savais bien analyser les situations et mettre en valeur les bons moyens pour survivre à une situation, mais la vérité, c'est que j'aurais vraiment dû mieux me préparer. Heureusement, nous sommes encore à l'abri à l'intérieur d'un petit camp de civils, mais j'ai bien failli y passer en octobre. J'avais rendez-vous avec cet architecte sur un chantier, pas très loin du bureau. Personne arrivait, alors j'ai décidé de vérifier si la porte était déverrouillée et je suis entré. C'est con, car habituellement, je ne traîne pas ma ceinture d'outil pour des rencontres de ce genre, mais là, j'avais besoin de mon ruban à mesuré et possiblement d'un marteau, alors je l'ai gardé sur moi. J'ai entendu des bruits à l'étage alors, j'y suis allé directement en me demandant pourquoi personne n'ouvrait ou ne me répondait. C'est là que je l'ai vu, le bras ensanglanté et une démarche chancelante, mais pas assez pour ralentir sa course dans ma direction. J'ai figé sur place au début sauf que j'aie eu le bon réflexe d'attraper le marteau à ma ceinture comme moyen de défense. J'étais sûr d'avoir tué quelqu'un alors je me suis rué à la maison entre la panique et la confusion. Sur le chemin du retour, je repensais à ce que Rebecca m'avait dit et j'ai bien réalisé qu'elle avait raison. Je croyais vraiment qu'on était à l'abri à Newcastle.

Mars 2016- Newcastle

Rebecca et moi, on est resté à la maison pendant quelques semaines au tout début. Quand l’électricité a commencé à manqué, puis ensuite les vivres, nous avons cherché un endroit pour nous mettre en sécurité. Heureusement, plusieurs citoyens de Newcastle avaient décidé de se regrouper dans la vieille marie, et je dois dire que sur le coup, j'étais bien heureux qu'on soit réuni, mais ça m'inquiète un peu parce que personne n'a vraiment de connaissances particulières en survie. J'ai l'impression qu'on aurait besoin de l'aide de l'armée ou de quelque chose du genre, et cette aide se trouve plus à Seattle. Pour l'instant, on écoute ce que j'ai à dire, mais on ne fait que repousser l'inévitable.

Juillet 2016 - Sur les routes

Je ne comprends vraiment pas comment j'ai pu en arriver là. J'ai tué un homme aujourd'hui à vrai dire ça me fait rien. Je l'ai fait parce que je voulais protéger Matt qui traîne avec nous et quelques autres. Le camp de civil n'a pas tenu très longtemps. Le froid avait emporté quelques personnes plus fragile durant l'hiver et on ne s'attendait vraiment pas à ce qu'un rôdeur s'attaque à nous de l'intérieur. Ça nous a tous déchirés, et plusieurs têtes fortes, comme la mienne, se sont engueulés. On avait tous notre petite idée sur ce qu'il fallait faire, et sur le coup moi, je pensais que ce serait mieux de se diriger vers Seattle et d'y trouver un camp plus militarisé. Alors que Matt et moi faisions une halte dans un commerce grande surface, il a été pris par surprise par un homme qui semblait vouloir savoir ce qu'on avait et d'où on venait. Il ne m'avait pas vu encore, je l'ai surpris à son propre jeu et je l'ai plaqué au sol. Une fois sur lui, je n'ai pas pu m'arrêter de le frapper. Je crois que même Matt m'a dit d'arrêter, mais je l'ai frappé jusqu'à ce que mes jointures soient en sang et jusqu'à ce qu'il ne bouge plus. Je me sentais vraiment pas mal, et j'ai l'impression que mon associé respectait cela beaucoup plus qu'il le démontrait. Il s'est empressé de le raconter aux autres, et tout le monde a commencé à penser que je savais quoi faire en cas de problème. Que j'étais en mesure de prendre les décisions difficiles. C'est un énorme poids sur les épaules, mais je l'assume comme je peux.

Janvier 2017 - Aero Motel (Van Asselt)

Merde! J'aurais vraiment jamais dû leur faire confiance! Le groupe a un peu changé depuis quelque temps. Certains sont morts, dont Matt, et dernièrement deux hommes nous, on rejoint qui nous donner l'impression d'être plutôt content d'être avec nous. J'ai eu des doutes sur eux, vu la façon qu'ils regardaient nos femmes, mais j'ai laissé taire mes soupçons parce qu'ils étaient utiles et que tout le monde avait l'air d'être plutôt heureux d'avoir de nouvelles têtes. Nous nous étions installés dans le motel Aero et nous nous préparions pour l'hiver. Le froid de l'état de Washington n'est pas si intense, mais vaut mieux se trouver dans un droit stable et chaud. J'étais de sortie avec l'un des hommes du camp, et à notre retour on a tout de suite entendu des hurlements. Les deux nouveaux avaient profité qu'on se soit séparé en plusieurs petits groupes pour revenir et s'occuper des femmes plus vulnérables. Bien qu'utile au groupe, Rebecca faisait partie des femmes qui restaient plutôt à l'abri, utilisant ses talents pour rafistoler les blessés. L'un des deux hommes avait dû d'ailleurs utiliser son incalculable générosité pour s'approcher d'elle, car il se tenait au-dessus de son cadavre souillé lorsque je suis entré dans la pièce. Il ne m'a pas vu venir, et j'ignore comme l'autre a été maîtrisé, mais je l'ai tellement rué de coup qu'il était méconnaissable ensuite. Même si j'ai l'impression que j'avais toutes les bonnes raisons du monde de me venger ainsi, les autres n'ont pas apprécié ce qu'ils ont vu et ont commencé à se méfier de moi. Je dois dire que ça n'a eu que l'effet de me mettre de plus en plus en colère et il m'arrivait assez régulièrement de leur hurler ma façon de penser. Au bout d'un temps, ils se sont regroupés et ont décidé de me montrer la porte. Sans Rebecca, j'en ai absolument rien à faire d'être avec eux de toute façon. J'ai l'impression d'avoir perdu une partie de moi-même.

Novembre 2017 - Issaquah Ranch

J'ai erré un moment dans Seattle et je suis tombé sur une vieille station de police. Je me suis servi dans ce qui restait, c'est-à-dire sur quelques cadavres qui ne pouvaient pas me croquer. Ça m'a permis de m'équiper d'un pistolet et d'un bouclier anti-émeute, ce qui est assez utile pour se protéger contre les morts. Je ne sais pas vraiment tirer, mais j'imagine qu'avec un peu de pratique et beaucoup de volonté, j'arriverai à toucher quelque chose qui me veut du mal. J'ai bien rencontré quelques solitaires durant mes mois d'errances, mais personne en qui j'avais vraiment confiance. On croise vraiment des types louches dans les rues de Seattle, et la plus part ont une tête à vouloir vous piller ou vous violer, ou même les deux en même temps. J'ai dû apprendre vite à survivre seul, alors je restais jamais au même endroit bien longtemps. C'est alors que le froid commençait lentement à s'installer que je suis tombé sur un duo qui m'a raconté faire parti d'un groupe dans le coin d'Issaquah. Sur le coup, ça m'a semblé être trop beau pour être vrai. Je n'avais pas vraiment croisé de groupe depuis longtemps, et même s'ils inspiraient plus confiance que la majorité des gens que j'avais rencontré jusque-là, j'étais hésitant. J'avais quand même pas très envie de passer l'hiver dehors, et considérant que je n'avais plus grand chose à perdre, je les ai suivi.

Novembre 2018 - Renton

Je me suis assez intégré chez ce groupe en un an. J'ai appris à apprécié plusieurs d'entres-eux et une certaine confiance s'est établi au fil du temps. Je m'occupe de tout ce qui est lié aux projets de construction et j'aide lors d'expéditions. En échange, j'ai toujours de quoi manger ou presque et j'apprends lentement à tirer. Enfin, ça, c'était avant que la merde arrive. Un groupe est arrivé durant le printemps et a foutu la merde dans le camp. Ça m'a vraiment permis de voir le pire chez l'humain, mais je n'ai pas perdu espoir qu'on pouvait bâtir quelque chose. Je suis resté fidèle envers mes compagnons et lorsque ça a éclaté, j'ai suivi au combat. Allié avec une faction, les Messiah, nous avons combattu à Renton alors qu'ils avaient pris des otages parmi les nôtres. La bataille n'a pas été sans perte, mais au moins nous avons eu une sorte de victoire. La jeune femme à la tête de nos alliés nous a tous pris par surprise en nous annonçant qu'elle nous invitait à les rejoindre dans un fort qu'elle seule connaissait la position. J'ai accueilli la nouvelle avec une certaine perplexité mais considérant l'aide qu'elle nous avait apportés, je n'avais aucune raison de me méfier ou d'être amer vis-à-vis de ses secrets... Après tout, j'aurais sûrement fait la même chose.

Février 2020 - Fort Nisqually

Voilà un tout petit peu plus qu'un an qu'on vit tous dans le Fort Nisqually, dans la région de Tacoma. La vie n'est pas parfaite, mais j'ai l'impression qu'on est un peu plus à l'abri qu'au ranch. Y a bien eu toute sorte d'histoire pour nous garder occupé, comme le message radio du petit génie, l'arrivé d'un groupe majeur. New Eden, sorti de nul part et l'attaque sur un de nos convois de troc avec le No Man's Land. J'ai d'ailleurs participé aux renforts qui ont permis de ramener Daniella, et j'ai supporté le groupe dans l'attaque sur God. C'était un vrai massacre, mais de mon côté, j'ai fait ce que je devais faire pour protéger les miens et je suis prêt à le refaire lorsque l'occasion se représentera. Car Dieu sait qu'elle se représentera. C'est tout ce qui compte.

Mars 2020 - Fort Nisqually

L'opération pour amasser des ressources dans le Keays Medical Group a vraiment mal tourné. Une horde de rôdeurs s'est amassé tout prêt du bâtiment et empêchait plusieurs des membres de l'expédition de sortir du bâtiment. Afin de détourner la horde, Gregory et moi avons chacun pris une voiture, et sous le bruit des klaxons, nous avons dirigés les rôdeurs exactement là où nous le voulions. C'était comme une grosse parade qui nous suivit, et une fois la zone entièrement dégagée, on a roulé pendant des heures avant de rejoindre les autres. J'ai dû rouler sur des vapeurs pendant un certain temps, car la jauge indiquait la panne d'essence lorsque je suis arrivé.

Clint n'a plus vraiment rien à faire pour obtenir la confiance de l'autorité du groupe et il met à profit ses mains, autant en forme de poings qu'avec un tournevis. À l'intérieur du camp, il s'occupe principalement en faisant toute sorte de petit travaux d'ajustement ou de réparation. Il y a toujours quelque chose à renforcer ou à réparer de toute façon, donc il n'a pas particulièrement le temps de chômer. Il est toujours prêt à sortir aussi, pour une expédition ou pour réagir à une situation particulière. L'homme n'est pas là pour obtenir de la protection gratuite et il ne prend quasiment jamais une minute pour se reposer. Dans ses temps plus libres, Serena lui donne des cours pour apprendre à tirer à l'arme de poing. Il se garde en forme autant qu'il le peut en faisant un peu de jogging et les entraînements recommandés par Duncan. Personne ne pourrait réellement dire qu'il est dans la cinquantaine, et c'est une information qu'il se garde de répéter à n'importe qui. Le passage au chiffre 5 lui fait un peu de mal à l'orgueil.