MORNING ROUTINE
Juin 2024 – Gig Harbor

En ce mois de juin, le soleil ne se fait jamais trop tardif. Sans doute sera-t-il plus difficile de se lever, de s’arracher à la chaleur de leur chambre et la douceur des bras de Phoebe pour sortir sous la bruine de Novembre. Mais Remo ne s’en donne pas vraiment le choix : s’il veut être prêt pour éliminer les Skinwalkers ou toute autre menace planant sur les siens, son entraînement ne doit pâtir d’aucune trêve. Et si depuis le début de l’apocalypse, il n’a jamais été fainéant, il brûle aujourd’hui d’une nouvelle motivation. Une motivation alimentée par son sentiment d’échec, cette nuit-là, alors que leurs ennemis les ont pris par surprise et dépossédés de leurs armes et uniformes. Hors de question que cela puisse se reproduire. Il doit s’entraîner, et qui de mieux qu’un ancien policier et membre de The Hallows pour cela ?

Remo ne garde pas de bons souvenirs du centre de formation de la police de Géorgie, c’est le moins qu’on puisse dire, mais Adam lui fait bonne impression. Quoique taciturne, l’homme lui semble droit dans ses bottes, et Remo a le sentiment que l’ancien profiler est un homme de valeurs. Quelqu’un qui a tenu a resté avec eux, aussi, malgré l’adversité et son lien relativement ténu avec Gig Harbor - autre preuve que c’est une personne tenace et qui ne recule pas devant la difficulté. En bref - Remo a hâte de mieux le connaître, et il se prend à penser que le mutisme d’Adam ne sera pas un obstacle. Après tout, Jarod était plus avare de mots encore, et il a réussi à s’en faire un ami proche.

Trottinant sous le regard des sentinelles de garde ce matin-là, Remo traverse donc la cour de la prison jusqu’à l’endroit où Adam lui a donné rendez-vous, à l’aube. Ils n’ont pas le luxe d’avoir des réveils, à la prison, pour interrompre leur soleil, mais l’ancien ranger est matinal et il ne pense pas être en retard. « Salut ! » lance-t-il à son coéquipier dès qu’il le voit, jetant un coup d’œil autour de lui. « On est que deux à nous être motivés ce matin ? » A vrai dire, cela ne le dérange pas - il sait que tous ne sont pas aussi matinaux, mais tant qu’il n’a pas à s’entraîner seul, il est satisfait.

Comme chaque matin depuis des années, l’ancien agent s’oblige à la même routine. Levé avant l’aube, il a commencé par quelques étirements avant de récupérer les vêtements qu’il a soigneusement préparé la veille. Direction la douche, froide évidemment. Une fois prêt, il enchaîne généralement avec un temps de lecture ou de méditation. La première option étant plutôt réservé aux journées maussades ou hivernales.

C’est donc par la seconde option qu’il commence sa journée, en extérieur. Assis en tailleur, paupières closes ; il reste assis de longues minutes jusqu’à entendre des bruits de pas s’approcher. A en juger par leur cadence rapide, l’afro-américain suppose qu’il s’agit de son partenaire d’entraînement. Sa déduction se révèle exacte lorsqu’il ouvre finalement les yeux. Prenant le temps de se redresser, il accueille Remo d’un signe de tête cordial.

A la remarque du brun, il se contente de quelques mots. « Je suis souvent le premier debout. » C’est sûrement une habitude à prendre. Cela n’est absolument pas un calvaire pour lui. « J’ai toujours apprécié faire du sport le matin. » C’était même indispensable pour être efficace au travail. Son poste au Département des Sciences du Comportement en tant que profiler, à Quantico était exigent. Suivre une routine identique tous les jours lui facilitait grandement la vie. Après avoir erré durant un moment après la mort de sa femme, il a pu reprendre ses habitudes en retrouvant une vie « normale » au sein de The Hallows. Autant dire qu’il n’a rien changé depuis qu’il a pris la décision de suivre Nick et les siens.

« Je ne sais pas par quoi tu as l’habitude de commencer mais généralement je cours toujours environ une heure quand je m’entraîne seul. Mais on peut se contenter d’un échauffement plus rapide et boxer un peu, si ça te dit ? » Lui qui a l’habitude de s’entraîner seul apprécie d’avoir trouver une partenaire, ça changera un peu. A vrai dire, Adam n’est pas forcément attaché à son footing quotidien. Quand il court, c’est surtout quand il s’entraîne seul. Pouvoir faire un peu de boxe sera certainement plus motivant.

Adam ne passe pas pour l’être le plus social de la prison ; Remo en a pourtant une bonne impression. Visiblement loyal, économe en mots mais pas en action, l’homme lui paraît une personne fiable et de bonne composition. Certes, il ne risque pas de développer de crampes aux zygomatiques, mais cette figure morose vaut bien mieux qu’un sourire faux. Après tout, lui aussi a du traversé autant d’épreuves qui lui ont retiré son enthousiasme et son innocence, et c’est de son courage qu’il doit tirer la motivation pour continuer.

« Bonne habitude, » commente Remo, lui-même matinal. « Et puis ça vaut le coup, de voir le soleil se lever. » Il pourrait sourire, en repensant à tous ces matins où il a tiré une Joyce ronchonnante du lit, à l’aube, pour finalement la voir rayonnante, une heure plus tard, à la vue du soleil levant. Trotinant un peu sur place, Remo ne cache pas son entrain. Il ne lui faut pas très longtemps pour démarrer le matin ; il n’osera pas l’avouer, mais c’est au réveil que son anxiété est souvent la plus fort, et la manière la plus efficace de s’en débarrasser, selon lui, est de bouger son corps.

« Ça me dit ! On est deux, autant en profiter pour s’entraîner au combat. J’espère qu’on en aura pas besoin tout de suite, mais autant se préparer dès maintenant. » Ils entament, en guise d’échauffement, un footing plus court que l’exercice habituel de l’ex-profiler. Leurs rythmes se calent rapidement. Remo retient son habituel bavardage, quoique difficilement : il n’aimerait pas gonfler son camarade d’entraînement et le dissuader de remettre le couvert le lendemain.

Quelques tours de pistes et la fraîcheur de l’aube ne fait plus effet sur eux. Le ciel blanchit déjà, alors qu’à cette période de l’année le soleil se lève encore relativement tôt. Quelques flexions, pompes, squats et les voilà prêts pour la suite. « Tu étais boxeur aussi ou tu disais ça pour la forme ? J’ai bien appris quelques techniques de défense mais j’ai jamais fait de sport de combat, avant tout ça. Ma sœur, ouais. Elle était douée en boxe. Mais j’ai jamais vraiment appris, mon truc c’était plutôt de grimper en montagne… » Oups, tu parles trop Remo. Au travail. « J’te promets pas de bien m’débrouiller, mais j’suis prêt à apprendre, » fait-il en se mettant en position.