Je ne me souviens plus comment je suis arrivé jusqu'à ma chambre. Mes derniers souvenirs sont le visage de Hayden et l'odeur de poudre, de sang et les cris de combattant dans un étroit couloir. Après ça c'est le néant. Malgré le confort de la chambre la douleur m'a cloué au lit plusieurs jours d'affilés. M'extirper de sous ma couette pour simplement aller pisser était si difficile que je devais m'y prendre plusieurs minutes à l'avance pour faire quelques mètres, en me tenant pour ne pas tomber et en gémissant à chaque pas. Je pensais que le pire était passé, mais la convalescence avait été une épreuve que je continuais de traverser en serrant les dents. Je n'osais me regarder dans le miroir. Croiser le regard d'elephant man et comprendre que j'observais mon propre reflet avait quelque chose d'horrible, comme l'angoisse que je reste à jamais coincée sous cette forme grotesque. Quand je ne me voyais pas, ce que je préférais en fin de compte, j'avais l'impression que mon visage avait triplé de volume. Mais les douleurs irradiaient dans tout mon corps, et particulièrement dans mes articulations. Mes genoux principalement, que j'aurais volontiers arraché avec mes propres mains juste pour pouvoir faire un pas sans avoir l'impression qu'on me glissait des tisons chauffés à blanc dans les articulations. Seulement mes mains me faisait trop souffrir pour que je puisse arracher quoi que ce soit. Quelques ongles arrachés, mes poignets écorchés et un pouce démis et remis tout aussi brutalement faisait que j'avais du mal à tenir un verre d'eau, fut-il a moitié plein. Vivre était devenu un chemin de croix, calvaire que je traversais seule pendant un temps, me mouvant dans la maison comme si j'avais quatre vingt quinze ans, indolente, grabataire, et incontinente. Mes nuits étaient courtes, peuplées de cauchemars ou je croyais m’éveiller sur la plateforme, comme si le retour à Crescent était un rêve. Parfois je voyais Ulrich, un bout de chocolat dans la main. Je me réveillais toutes les nuits en pleurant. Entre deux et quatre heure du matin je restais à observer le plafond sans pouvoir bouger, coincée dans cette vierge de fer qu'était devenue mon corps. Le pire n'était ni dans la douleur, ni dans l'insomnie, mais dans la culpabilité. Je m'en voulais d'avoir laissé faire. Je ressassais toutes les solutions, toutes les fois ou j'aurais pu faire d'autres choix, toutes les fois ou j'aurais pu me défendre et je me mettais en colère contre moi. Bien souvent cela déclenchais un nouvelle crise de larmes. Après tout, vue la gueule que je me payais, et les visites que je recevais, je pouvais bien chialer tout mon saoul, je ne serais pas plus vilaine à voir que ça.
Il m'avait fallut plus d'une semaine avant de pouvoir trouver le courage de faire quelques pas dehors. Je ne sais pas qui m'avais laissé une canne à l'entrée, mais je le remerciais en silence, ange gardien bienfaiteur. Et je dois dire que je n'aurais pas osé sortir sans un large paire de lunette de soleil pour cacher ma gueule cassée. J'avais eue hâte d'essayer mes nouveaux vêtements, ceux que j'avais ramené de l'expédition pour trouver des affaires pour les femmes enceintes, et les jeunes nourrissons. Des talons, des collants, et des tenus légères et agréables. Ce ne serait pas pour tout de suite, vue l'état de mon corps. L'une des robes était dos nue, et celle-là je pouvais tout aussi bien la jeter. Je sortais après avoir enfilé un large jogging gris qui me donnais l'apparence d'une junkie ou d'un sac de patates, un boxeur prêt pour son footing dans le meilleur des cas. Un boxeur nain, et incapable de faire un pas sans grimacer, mais l'humiliation, Ulrich m'avait aidé à dépasser ce stade il y'a bien longtemps maintenant.
Alors que je déambulais dans le village en soulignant les changements qui avaient eue lieu pendant ma captivité je remarquais que certains membres d'autres communautés étaient toujours là, et je souriais presque en voyant Reese assise sur un tronc d'arbre renversé. Une personne que je ne connaissais pas la quittait et j'en profitais pour m'approcher. Je fus surprise d'entendre ma voix, elle était plus grave que dans mon souvenir et les mots passaient difficilement la barrière de mes lèvres. Il faut dire que les seules sons que j'avais émis ces derniers jours c'étaient limités à des grognements dans l'effort et des gémissements. Je m'installais difficilement à côté d'elle en la saluant et je tirais un paquet de cigarettes de ma poche. J'avais arrêté pendant des années, et j'avais repris doucement mais surement. La première avait été empruntée à Axelle, puis sur la plateforme Génésis j'avais repris pour m'aider à tenir le coup. Je ne suis pas certaine que c'était une bonne idée, mais je m'en moquais maintenant.
-"Comment tu vas Reese?" Demandais-je en allumant ma cigarette et en fixant les falaises qui nous faisaient face. "Tu me raconte la fin de l'histoire? Je crois que j'ai loupé des épisodes!"
Sujet: Re: Le jour d'après. Ven 28 Avr 2023 - 21:37
Je retourne dans la chambre, m'annonce doucement Daphne en pinçant les lèvres. Elle s'attend sans doute que je la suive, mais je la laisse aller. Tu viens pas voir si elle dort ? Insiste-t-elle au sujet de la petite. Il est probable qu'Emilie soit déjà sur le coup à s'occuper d'elle. Je lui offre un bref sourire : Plus tard. Laisse-la se reposer, fais pas de bruit en rentrant, surtout si ça peut franchement m'éviter de m'en occuper. C'est pas plus mal. Un soupir m'échappe, je me raidis, c'est bizarre de plus porter le poids de cette enfant.
Et en même temps, c'est tout comme. Maintenant que je peux marcher convenablement, presque courir, je la fuis un peu. C'est difficile de la reconnaitre après tout ça, de me faire à l'idée qu'elle est là. Et je suis pas franchement la seule à galérer visiblement. J'entends une voix, je lève le regard vers Kaitlyn. Et un bref sourire m'échappe : Il est mort, que je lui annonce en la laissant profiter de sa clope. Elle l'a mérité, visiblement. Jack, que je précise rapidement.
Mais il parait qu'Ulrich a eu droit au même traitement de faveur, j'en suis pas mécontente. Une fille l'a poursuivi à travers la plateforme quand il s'est enfui, il a voulu que je parte avec lui pour qu'il puisse évacuer, que je lui explique : J'ai refusé, donc il m'a frappé, et elle est arrivée peu après ça pour l'abattre, je lui désigne la cicatrice que j'ai sur la joue depuis peu de temps, qu'elle a pas vu avant. Je vais en garder la trace quoi, super l'ambiance.
Je pose le regard sur elle, j'ai l'impression qu'la dernière fois qu'on s'est croisées, ça remonte déjà à une autre vie, très lointaine. C'est stupide, non ? Ca faisait longtemps qu'on s'était pas vu, que je lui souffle tout bas en la bousculant doucement de mon épaule. Tu vas mieux ? Que je lui demande, avec une petite grimace de circonstances. Je veux dire... Être libre, c'est bien... Non ? Qu'est-ce qu'ils t'ont fait ? Et pourquoi ? J'ai loupé trop de chapitres à cette histoire moi aussi, plusieurs semaines confinées au même endroit, ça change un peu la donne...
Sujet: Re: Le jour d'après. Sam 29 Avr 2023 - 9:06
Je souris quand elle me montre sa cicatrice, comme si elle pouvait lui enlever le moindre charme. L'estafilade à même tendance à lui donnait encore plus de charisme, comme une guerrière ou même un Walkyrie. Elle est belle, elle est grande, elle est fine et avec un esprit vif. J'imagine que j'aurais aimé être comme elle si j'avais pu choisir. Ses cheveux longs, comme un voile ténébreux, son visage fin, ses yeux brillants, empreint d'une intelligence visible, ses lèvres pleines et son expression un peu triste. Reese était une femme magnifique de celle dont on jalouse le physique avant de se rendre compte qu'elle est aussi plus intelligente que vous. C'était étrange de la voir sans son ventre rebondis. Je n'avais pas encore vue la petite, même si les rumeurs avaient été portés par les vents jusqu'à moi pour me faire savoir que c'était une fille. J'étais heureuse pour elle, et en même temps j'aurais préféré que ce soit un garçon. Le monde d'après la fin du monde était beaucoup plus rude pour nous, plus dangereux, plus violent. Bien qu'on aient la chance de tomber sur des gens bien comme Anton, Hayden, Cez ou Valérian, il y avait aussi des tonnes d'ordures que les pulsions avaient rabaissé au rang d'animaux sans conscience. Que Dieu déverse le déluge pour nettoyer ce monde!
Elle m'apprenait que Jack était mort, et cette nouvelle dessinait un second sourire sur mon visage, plus triste, mais profondément satisfaisant tout de même. Le fait que le sort d'Ulrich ne fût pas certain provoquait, en moi, des émotions divergentes. D'un côté j'étais soulagée de savoir que j'avais une chance de pouvoir lui rendre la politesse dont il avait fait preuve avec moi, d'une autre je redoutais qu'il soit libre, en vie et qu'il puisse se glisser chez moi, une nuit, comme dans mes cauchemars.
Elle a l'air contente de me revoir, et même si elle me bouscule doucement dans un signe amical, visiblement satisfaite que je sois venue la voir, je fais un effort pour ne pas gémir au contact. Mes côtes brisés, mes articulations en feu, mes bleus et mes hématomes, aucune partie de mon corps ne supporte plus qu'un souffle ou la brise des vents. Je souris, satisfaite que mes lunettes de soleil m'aide à soutenir mon bluff.
-"Ça me semble être hier, à moi. Mais il faut dire que j'ai énormément dormi ces derniers jours. J'avais peur que tu ne sois partie avant que je ne puisse te revoir... Et te remercier aussi. Je crois que sans ton soutien, la nuit ou nous étions ensemble, j'aurais peut-être sauté." Je baisse les yeux, jouant avec la canne qui m'aide à marcher à creuser un sillon dans la terre meuble."Je me remet doucement." Je lui parlais de mon corps qui se réparait à force de repos, mais j'oubliais volontairement de lui parler de mon esprit, de mes nuits sans sommeil ou les ombres me terrifiais comme si j'avais de nouveaux quatre ans. Je passais aussi sous silence cette sensation d'être la fautive plus que la victime, de me sentir continuellement sale, à jamais corrompue par les sévices, les humiliations et les services rendus. Je pouvais être prise de nausée à la simple odeur du chocolat, même celui que l'on préparait le matin pour les enfants. Inutile de l'inquiéter avec ça. Je savais qu'elle allait bientôt repartir, et je voulais qu'elle le fasse en toute sérénité. Je me reprenais, me forçait à tenir son regard en souriant et à lui répondre avec désinvolture comme le ferait une Sam ou une Thaïs.
-"La séance de torture? Il voulait me faire dire ou j'avais piéger leurs navires et saboté la plateforme. Mais ne t'en fais pas, j'ai connus des massages plus difficile à encaisser quand j'étais dans l'armée. On avait même un stage pour résister à ce genre d’interrogatoire, alors...." Mon cul! Rien ne prépare à ça! J'en pleure encore le matin, j'en rêve encore, mais je donne le change devant Reese. Je l'admire, elle est belle, elle est forte, elle est courageuse, et elle a supporté tout ça en portant un enfant dans son ventre qu'elle a même réussi à sauver.
-"Parle moi plutôt de la petite! Elle va bien? Elle est en forme? Si elle a ton visage elle sera magnifique. Tu as déjà décidé d'un prénom? Tu lui met déjà du Rhum dans son biberon? Au fait, tu sais que nous avons des choses ici pour les bébés et les femmes enceintes, je te l'avais dit. Nous avions monté une expédition pour Yulia, je suis certaine que je dois pouvoir te trouver des affaires, j'irais te les chercher tout à l'heure." Je la bombardais de question espérant changer de sujet rapidement. D'abords parce que parler de notre aventure sur la plateforme avait tendance à me faire pleurer sans que je ne suis puisse rien contrôler, mais aussi parce que je préférais aborder les choses joyeuses que notre avenir pouvait nous réserver, comme cette enfant et sa mère. "Tu vas rester?" Demandais-je en fin compte tout en sachant que la réponse n'allait ni me plaire, ni me soulager. Reese avait-été un pilier sur la plateforme, et je la considérais comme ma seule véritable amie. Je regrettais cette question aussitôt après l'avoir posée. Si elle restait j'en serais heureuse, mais la date de son départ pouvait me faire fondre en larmes tout aussi surement que l'annonce d'un décès. Tant pis, je donnais le change en souriant avant de reprendre à creuser mon sillon du bout de ma canne, tout en écoutant ses réponses. Ma cigarette se consumait entre mes doigts mais je fumais clope sur clope depuis mon retour ici, ce n'étais pas si grave.
Sujet: Re: Le jour d'après. Sam 29 Avr 2023 - 20:26
J'étais pas forcément en état de partir, et il faut se remettre d'un accouchement il parait, même si c'est frustrant, que je lui souffle en haussant les épaules. J'avise qu'elle non plus est pas forcément en état de partir courir n'importe où, je peux tout juste aviser de sa douleur en fait, et m'excuse d'une grimace de l'avoir bousculer, même si c'était pas violent, quand on est juste brisé de partout, ça importe pas, y'a pas de différence. Un soupir m'échappe : J'espère que tu as réussi à en faire sauter deux ou trois quand même, l'initiative aurait dû payer, que j'ajoute simplement dans la foulée.
A sa place, pas sûre que j'aurais tenu un interrogatoire musclé, j'suis déjà contente d'avoir pu simplement sortir d'cette piaule où il m'a enfermé pendant plusieurs semaines pour me broyer psychologiquement et physiquement. Kaitlyn a pour sa part envie d'se concentrer sur le positif, et comme beaucoup d'gens, elle voit Sasha comme "le positif" justement. Mon avis est tout de suite plus mitigé : Oh la petite, je pince les lèvres : Elle s'appelle Sasha et elle est minuscule, c'est c'qui en ressort en tout cas. C'est pas une naine ou quoi mais apparemment, y'a déjà eu des enfants en meilleur santé.
Faut dire qu'avec les privations et tout ça, c'est pas totalement anormal apparemment, que j'ajoute pour me justifier, comme s'il fallait faire passer la pilule et pas m'en tenir responsable entièrement. J'aimerais qu'il en soit autrement mais bon, c'est pas à moi de le décider. Mais je vais me débrouiller pour les affaires, t'en fais pas trop pour ça, que je souffle. C'est gentil d'sa part en tout cas, j'dirais pas le contraire, seulement que... Je sais pas si j'en aurais vraiment l'utilité. C'est sans doute pour ça qu'sa question me fait l'effet d'une douche froide.
Je secoue la tête fermement : Je comptais partir, d'ici deux ou trois jours, maximum. J'en ai besoin, c't'endroit donne l'impression d'être maudit, sous tellement d'aspect. Les miens sont à Gig Harbor, je pense que je vais les rejoindre, et puis y'a trop de trucs à penser pour eux justement alors, je me vois pas vraiment les abandonner. J'ai besoin de retrouver celle que j'étais avant les pirates : Je... Je sais pas encore si j'embarque Sasha avec moi, ou Daphne. Je me dis que peut-être que Valérian a plus de quoi s'en occuper, et puis qu'elle sera mieux qu'avec moi quoi.
Sujet: Re: Le jour d'après. Dim 30 Avr 2023 - 11:45
J'étais pas forcément en état de partir, et il faut se remettre d'un accouchement il parait, même si c'est frustrant, dit-elle en haussant les épaules. J'espère que tu as réussi à en faire sauter deux ou trois quand même, l'initiative aurait dû payer, Je souris, en vérité je n'ai aucune idée de ce que mes petits cadeaux ont pu provoquer comme dégâts. J'espère seulement qu'ils ont compris que cela venait de moi avant de crever ou de se faire prendre par nos amis.
-"Aucune idée!" Je lui répondais en affichant un sourire sincère, le premier depuis que j'étais sortis de ma maison pour retrouver la chaleur du soleil et les odeurs salés de la côte. J'avoue que j'étais curieuse de savoir ce que ça avait pu donner, mais je ne le saurais peut-être jamais.
Oh la petite, siffle-t-elle entre ses lèvres. Je comprends que ce n'est pas ce que j'espérais. je la dévisage pour essayer de mieux comprendre pourquoi elle est si froide en parlant d'elle. Elle s'appelle Sasha et elle est minuscule, Le mot minuscule n'est pas prononcé comme une chose positive, dans le genre petit bébounet minuscule et trop mignonne. Le mot sonne plutôt comme maladive. Sasha, j'aime bien le prénom, mais je reste silencieuse et écoute la suite. J'aimerais comprendre la position de Reese qui accueille cette naissance avec autant de joie que si elle avait pondu un œuf. Faut dire qu'avec les privations et tout ça, c'est pas totalement anormal apparemment,
Je baisse les yeux et arrête de gratter la terre avec ma canne. Ma clope c'est entièrement consumée, alors j'en tire une nouvelle, la glisse entre mes lèvres et l'allume avec un briquet. Je tire dessus en exhalant la fumée vers le ciel. Dans ce monde même la naissance peut-être mortelle. Et pire encore, on a déjà vue des nourrisson se transformer. Ce n'est déjà pas évident de perdre un enfant, mais c'est horrible de penser qu'il faudra lui planter un couteau dans la tempe pour éviter qu'il ne devienne une chose souffrante pour l'éternité. Elle a beau me le cacher, je devine aisément pourquoi elle est ici plutôt qu'au chevet de la petite, mais je reste silencieuse, inutile de l'accablée avec ce qu'on lui a surement déjà dit! Mais je vais me débrouiller pour les affaires, t'en fais pas trop pour ça,.
Elle répond à ma question sur son départ et je comprends qu'elle a déjà planifié beaucoup de choses. Je comptais partir, d'ici deux ou trois jours, Les miens sont à Gig Harbor, je pense que je vais les rejoindre. Je... Je sais pas encore si j'embarque Sasha avec moi. Je me dis que peut-être que Valérian a plus de quoi s'en occuper,
-"Ce n'est pas ta faute!" Je prononce la phrase sans grande conviction. En vérité c'est tellement difficile à accepter. Comment convaincre une personne quand soit même on se sent coupable. Je cherche un peu de force en moi, un peu de conviction. Je repense aux premiers jours, quand je venais leur donner à manger et à boire, ce jour ou j'ai posé mon oreille contre son ventre pour vérifier que l'enfant était toujours en vie avant de lui poser mon pull sur les épaules. Sur les trois femmes qui étaient maintenus au pilori j'avais privilégié Reese, parce qu'elle était enceinte. Nous avions fait ce que nous pouvions, et cette idée me donne un peu plus de force lorsque je répétais. "Ce n'est PAS TA FAUTE. Tu n'as pas à t'en vouloir, tu n'es pas obligée de l'aimer, tu n'es pas obligée de la garder, tu n'as pas a t'en vouloir pour quoi que ce soit. C'est ce monde qui broie les gens, et tu n'y es pour rien." Je la regarde à travers mes lunettes de soleil, j'aimerais qu'elle puisse voir, dans mon regard, à quel point je crois en ce que je dis. "Tu es toi, et rien n'y changera. Ni le lieu, ni l'amour que tu décide de donner ou de garder. Tu veux laisser ça derrière toi, très bien, je m'occuperais de Sasha, j'aiderais Valérian, et lorsque tu seras rétablie, tu viendras voir ta fille. Tu la trouveras belle, intelligente, et forte, parce que c'est ton héritage, et tu seras fiers. A ce moment là peut-être que tu comprendra que ce que tu as fais à demandé beaucoup de courage et d'abnégation et que tu peux, toi même, être fiers de toi. A ce moment là tu pourras aimer, en comprenant que tu n'a à avoir honte de rien, mais au contraire que tu as beaucoup donné. Si elle a ton visage, ton courage, ta force ET le caractère de son père, c'est elle qui va dompter ce monde." Je n'ai aucun doute sur ses facultés d'être une bonne mère, mais on est plus dans la civilisation d'avant. Je comprends parfaitement qu'on puisse avoir peur. Moi, mieux que personne, je me sens bien placé pour comprendre ça. "Quoi que tu décides tu peux aller en toute sérénité, ta fille sera parfaitement en sécurité, ici ou avec toi. Tu es quelqu'un de bien, tu es quelqu'un que j'admire!" Je jette ma clope à peine entamé et je la prend dans mes bras. Je sais que certaines personnes ne sont pas tactiles, mais je veux lui offrir un peu de chaleur, un peu de cette énergie vibrante que j'essais de lui communiquer et que les mots ne suffisent pas à exprimer. "Tu m'a sauvée, tu as sauvé ta fille, tu es la personne parfaite et ça quelque soit tes choix." lui murmurais-je à l'oreille sans la lâcher. Je ne me détacherais d'elle lorsqu'elle n'aurait plus besoin de ce geste d'affection sincère, une main balayant ses cheveux, l'autre autour de sa taille, en remerciement, en affection, en réconfort pour qu'elle sache qu'elle ne serais pas jugée par moi, mais qu'elle avait le droit... simplement le droit, d'être qui elle voulait.
Sujet: Re: Le jour d'après. Dim 30 Avr 2023 - 13:52
Ce n'est pas ta faute. J'ai un temps d'arrêt : Quoi ? Je tourne le regard vers Kaitlyn sans bien comprendre ce qu'il lui prend. Peut-être le fait que je me sens étrangement vulnérable. Qu'à avoir porté une vie pendant neuf mois, dont une partie sans m'en rendre compte, j'ai aussi un peu laissé de côté qui j'étais et j'ai du mal à la retrouver. Y'avait une armure pour me protéger, un truc qui s'est focalisé un bon moment sur ma grossesse et qui a fini par se fendiller. Que j'ai beau m'acharner à laisser croire que rien me touche, Jack a fait une brèche de la taille d'un monde dans toutes mes défenses.
La douleur se rappelle à moi à chaque fois que j'y pense, et les mots de Kaitlyn sont autant un baume apaisant qu'une poignée de sel balancée sur des plaies encore vives. Je sais pas si je dois hurler et la repousser, ou fermer pour une fois ma grande gueule et l'écouter. Mais pour la première fois en trente ans, je crois que j'entends ce que j'ai toujours rêvé d'entendre : C'est pas ma faute. C'est pas à cause de moi, si on m'a pas aimé et si on a pas voulu de moi. C'est pas à cause de moi si je suis détraquée, c'est parce que les autres m'ont monté à l'envers.
Que c'est à chier de devoir se démerder avec un socle bancal qui prend la flotte en plus de ça, mais putain j'ai trente ans, et j'ai survécu par moi même pendant tout ce temps, et c'est pas ma faute, j'ai juste fait comme j'ai pu. La fin du monde, c'est qu'une étape de plus sur une route déjà bien merdique, on peut pas me reprocher ça quand même ? Alors, c'est mon cœur qui se serre et mon ventre qui se tord. Kaitlyn me prend dans ses bras et me répète ces mots qui me font un bien fou.
Je... Je sais pas quoi dire. Je referme l'étreinte dans son dos doucement, en essayant de pas lui faire mal. Et puis je fais comme je peux pour retenir toutes les larmes qui menacent de déborder. Je vais pas pleurer. Pas pour ça. J'ai pas versé une putain d'larmes sur cette plateforme alors que, merde, j'en ai eu envie et j'avais de bonnes raisons de chialer. C'est pas maintenant que ça va me prendre, bordel ! Je suis désolée... Que j'articule d'une voix enrouée, en retenant un sanglot avec ça. Merci... D'avoir dit ce que j'avais besoin d'entendre.
Désolée de quoi? Je me recule en affichant un sourire avant de retourner mon attention vers le sillon que j'étais en train de creuser.
-"Tu as fait tout ce que tu pouvais, de ton mieux. Et je dois dire que je suis admirative." Prête à reprendre mon oeuvre, mais non sans une cigarette, je pose ma canne sur ma cuisse pour m'allumer une troisième cigarette. Dire qu'à une époque cela coûtait si chers de se détruire la santé, alors qu'aujourd'hui il suffit d'aller dans la réserve. Trouver des clopes est presque plus facile que de dénicher de la nourriture. Je l'allume et inspire la fumée. "Tu as montrer de la force, de la persévérance, tu as été un exemple pour nous tous. Tout autant les filles que Roman. Tu m'a sauvé la vie, et tu as réussis à préserver celle de ta fille. Elle a un maman dont elle peut-être fiers. Je suis sur qu'elle t'aimerait tellement si elle avait la chance de grandir avec toi." J'étais curieuse, et plutôt que de reprendre mon oeuvre je me relevais, grinçante, gémissante et grimaçante. Je me permettait même de prendre appuis sur l'épaule de mon amie, geste qui, symboliquement, exprimait ma confiance en elle tout autant qu'un contact amical. Une fois redressée j'inspirait l'air. L'odeur des résineux, du sable chaud, et de la mer que l'on entendait chanter au loin. Je tournais mon regard vers la maison ou la jeune femme qui avait quitté Reese avant que je ne la rejoigne était entrée.
-"Sasha, hein?" Je tends la main vers elle, l'invitant à me suivre bien qu'elle soit mon guide en réalité. "En fin de compte j'espère qu'elle aura tout pris de toi, même le caractère, parce que son père est une vraie tête de mule." Lui dis-je en plaisantant. "Je serais ravis de la voir, si tu veux bien me la présenter."
Je tentais une nouvelle approche, satisfaite d'avoir vue juste et d'avoir trouver les mots qu'il fallait, j'espérais réconcilier Reese avec son petit miracle maintenant. Et je dois bien reconnaitre que j'étais curieuse de voir la petite. Un bébé, il n'y a rien de plus beau, rien qui ne puisse vous réchauffer le coeur et mettre un peu d'espoir dans le néant qui s'ouvre devant nous. Ce monde n'était pas fait pour les vivants. Il n'y a rien au bout du chemin. Mais une nouvelle vie, cela pouvait permettre d'espérer, sans vraiment savoir pourquoi, mais quand même, un signe que la vie continue.